Archimandrite Cyrille (Hovorun): Le slavon d’église est une langue vivante susceptible de s’adapter
L’archimandrite Cyrille (Hovorun), vice-président du comité de la formation du Saint synode de l’Eglise orthodoxe russe a accordé une interview au site Nakanune.ru

- N.ru: L’Eglise vient de rendre publiques deux propositions : "Le slavon d’église et sa place au XXI siècle" ainsi que le projet d’une édition scientifique de la Triode telle qu’élaborée par la Commission de rédaction des textes liturgiques auprès du Saint Synode (1907-1917). Il s’agit de substituer des notions difficiles à la compréhension appartenant au slavon d’église par d’autres, plus accessibles, également tirés du slavon.
Quelles sont les innovations que cette proposition apporterait à la vie de l’Eglise ?

- L’archimandrite Cyrille (Hovorun): Cette proposition n’a pas vocation bouleverser la pratique ecclésiale. L’Eglise tient simplement à démontrer que le slavon est une langue vivante susceptible de s’adapter à la modernité. Il s’agit de rendre plus simple d’accès la Bonne Nouvelle que l’Eglise annonce au monde. Je parle de tendances qui agissent au sein du slavon.

De nombreux termes sont apparus dans le slavon d’église sans avoir d’équivalence dans le slavon courant. Ce sont des « calques », des mots empruntés au grec et transcrits en caractères cyrilliques. En voici des exemples : potir ou ankira que nous allons remplacer par « patène » et « ancre ».

-N.ru: Quels objectifs se fixe la future réforme du slavon ?

-p.Cyrille: Nous savons que dans les paroisses ainsi que « sur le terrain » le clergé a souvent tendance a modifier à sa guise les textes liturgiques. Il convient d’analyser ces pratiques, de les règlementer et d’en tirer le meilleur parti. Ce n’est pas la première fois dans l’histoire que nous sommes les témoins de telles modifications « spontanées ». Il y a eu la réforme de la langue liturgique appliquée du temps du patriarche Nikon ainsi que les changements très importants survenus sous le règne de l’impératrice Elisabeth.
Il y a, d’autre part, les changements qui surviennent progressivement et d’une manière constante dans la langue des offices, c’est là un processus d’un ordre tout à fait différent.
Il nous faut aujourd’hui étudier à nouveau le patrimoine q laissé par le Concile de 1917-1918 qui a adopté le texte de la Triode traduit par une commission sous la présidence du futur patriarche Serge (Starogorodsky). La révolution n’a pas permis d’appliquer ce nouveau texte dans la pratique liturgique. Nous allons bientôt en faire paraître une édition commentée. Il y aura peut-être certaines communautés qui souhaiteront adopter cette version revisitée de la Triode. Une partie de cette traduction est d’ores et déjà utilisée. Je pense aux textes liturgiques de la Semaine Sainte qui ont été publiés dans les années 90.

-N.ru: Quelles sont les propositions de la Commission visant à rendre plus intelligible le slavon d’église ?

-p.Cyrille: Il est absolument indispensable de rendre plus efficaces les méthodes d’enseignement du slavon et ceci à tous les niveaux : écoles, paroisses et séminaires. C’est une tâche qui, dans une plus ou moins grande mesure, s’impose à l’ensemble des Eglises orthodoxes locales. Nous ne sommes pas les seuls à nous heurter à ce problème. Le Nouveau Testament a été écrit en grec ancien. Le corpus des textes liturgiques qui sont les nôtres a également été élaboré en grec ancien. L’Eglise hellène a fait de son mieux afin de préserver les textes originaux en l’état. Nos contemporains grecs ne comprennent pas la langue ancienne et l’Eglise a dû adapter les textes liturgiques aux réalités du monde moderne. La situation est similaire en Bulgarie, en Serbie ainsi que dans d’autres pays orthodoxes.

-N.ru: Quand peut-on s’attendre à ce que ce document proposé par l’Assemblée Interconciliaire soit approuvé ?

-p.Cyrille: Nous allons collecter les données que nous enverrons les diocèses et suivre de près le débat qui sera organisé sur le net. Après analyse de l’ensemble des réactions les textes seront à nouveau soumis à la Commission sous la présidence du patriarche Cyrille. Ce sera ensuite au Comité de direction de l’Assemblée Interconciliaire de se prononcer. Il incombe à la réunion plénière de cette assemblée de donner son aval à ces propositions. Cela pourrait se produire en février 2012 au plus tôt. La prochaine Assemblée des évêques pourrait se prononcer d’une manière définitive.

Traduction "P.O."



Rédigé par l'équipe de rédaction le 27 Juin 2011 à 15:06 | 2 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par l'équipe de rédaction le 27/06/2011 23:32
Selon l'agence russe RIA Novosti, l'Église orthodoxe russe se prépare à une réforme de sa langue liturgique. Un projet de texte sur le rôle du slavon liturgique dans l'Église a été distribué dans les diocèses et peut être consulté sur Internet. ...

"The Russian Orthodox Church is preparing for a reform of its liturgical language, and a draft document on the role of Church Slavonic in modern church life has been circulated among dioceses and is available for discussion on the internet.
"Church Slavonic is a very important means to keep unity and traditions inside the Church. But on the other hand, understanding of liturgical texts written in Church Slavonic may be simplified," a senior Church official, Archimandrite Kirill, said on Monday.
"It is proposed that more complicated words from Church Slavonic be replaced with simpler ones from the same language, and that syntactic constructions be made easier," he said....Suite RIA

2.Posté par "La Croix" le 05/07/2011 09:38
L’Eglise orthodoxe russe envisage de moderniser sa langue liturgique
FRANÇOIS-XAVIER MAIGRE
‣ Le Patriarcat de Moscou serait sur le point de faire évoluer sa langue liturgique, le slavon, pour faciliter la compréhension des 135 millions de fidèles de la première communauté orthodoxe du monde. ‣ Un projet de texte a été distribué dans les diocèses et peut être consulté sur Internet, avant son adoption, sans doute en 2012.
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Pourquoi l’Église russe se penche-t-elle sur cette question ?
Le terme « slavon » (tserkovnoslavianskii iazyk) désigne la langue liturgique en vigueur dans les communautés orthodoxes de Bulgarie, de Serbie, de Slovaquie, de Pologne et de Russie. Or, en Russie, le décalage entre cette langue ancienne et l’évolution du russe courant a peu à peu brouillé la compréhension des textes sacrés chez les dèles. Comme le relève l’historien Antoine Nivière (1), la traduction slavonne des textes liturgiques byzantins par Cyrille et Méthode remonte aux IX et Xe siècles, et, depuis, « ce texte n’a subi que de très légères modi cations, alors que la langue parlée a extrêmement évolué ».
Dès le début du XXe siècle, plusieurs évêques russes s’étaient prononcés en faveur de l’emploi du russe moderne dans la liturgie, et le concile de Moscou (1917-1918) était allé jusqu’à proposer des mesures concrètes, jamais appliquées à cause de la révolution russe. Rien de très nouveau, donc, dans cette ré exion. Il semble toutefois que le dossier progresse, notamment depuis la mise en ligne d’un document (Le Slavon et sa place au XXIe siècle) qui fera l’objet de débats au sein de l’Église, avant l’adoption d’un texte o ciel, sans doute à l’issue de la réunion plénière de l’assemblée interconciliaire en février 2012.

En quoi consistent ces propositions ?
Aucun bouleversement de fond, mais des ajustements : ainsi, le terme slavon zhivot , qui désigne « la vie », mais signi e « ventre » en russe moderne, serait remplacé par le mot russe jizn, plus adéquat. De même, certains termes grecs devraient être « russi és ».
Dans une interview publiée par le site « Parlons d’orthodoxie », le P. Kirill Hovorun, vice-président de la commission chargée de cette étude, rappelle que de nombreux termes slavons sont en réalité de simples « calques », des mots empruntés au grec et transcrits en caractères cyrilliques.
Outre l’actualisation du langage, la commission préconise une meilleure formation au slavon : « Il est indispensable de rendre plus e caces nos méthodes d’enseignement, et ceci à tous les niveaux : écoles, paroisses et séminaires », insiste le P. Hovorun.

Quel serait l’impact de ces évolutions ?

« Ces évolutions liturgiques peuvent être comparées à celles apportées par Vatican II dans l’Église catholique », analyse le dominicain Hyacinthe Destivelle, spécialiste du concile de Moscou. Dans une Russie postsoviétique où la sécularisation est très forte, il s’agit selon lui de « rendre la participation des dèles à la liturgie plus active et plus consciente ».
Pour autant, rappelle le P. Destivelle, « la liturgie reste un sujet extrêmement sensible en Russie ». En e et, le schisme des vieuxcroyants, entraîné par les réformes du patriarche Nikon en 1666, a laissé des cicatrices.
« L’Église avance avec une grande prudence. Ces évolutions ne doivent pas être perçues comme une réforme imposée, mais comme une possibilité ouverte aux paroisses. »

(1) Les orthodoxes russes, éditions Brepols.



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