L’assemblée générale de la "Conférence interconciliaire de l’Église orthodoxe russe", qui s'est tenue les 29-30 janvier 2015 a décidé de transmettre le document «De la participation des fidèles à l’Eucharistie» (sur la préparation à la Sainte Communion) à la conférence épiscopale qui réunira la majorité des évêques à Moscou les 2-3 février 2015.

Ce document apparaît comme particulièrement utile pour unifier la pratique de la préparation des fidèles à la communion et il a fait l'objet d'un large débat depuis plus d'un an dans les diocèses et sur Internet. En attendant la publication du texte définitif et sa traduction, je propose ci-après les grandes lignes du dernier texte disponible, celui qui a été transmis aux diocèses le 11 septembre 2013 (Les sous titres sont ceux du document, les passages entre "" sont traduits in extenso.)


1. Bref rappel historique

Aux premiers siècles il y eut la tradition de l'Eucharistie hebdomadaire, voire quotidienne pour saint Basile le Grand, mais St Jean Chrysostome notait qu'on pouvait aussi communier plus rarement, jusqu'à une fois tous les deux ans pour les ascètes du désert… Le jeune eucharistique total est fixé dès le IVe siècle (41 canon du Concile de Carthage) mais St Jean Chrysostome condamne ceux qui lient l'Eucharistie au Grand Carême pascal et ne communient qu'une fois l'an.

Au XIIe-XIIIe siècles apparait la tradition d'un jeune de 7 jours précédant la Communion en dehors des 4 carêmes annuels et, devant la difficulté de tenir cette pratique, nombre de fidèles espacent exagérément les Eucharisties. Le "Règlement spirituel" oblige alors tous les chrétiens de l'Empire russe à communier au moins une fois l'an. Avant la révolution les saints comme Théophane le Reclus ou Jean de Kronstadt appellent les fidèles à communier plus souvent et l'exploit des néomartyrs durant l'oppression athée a amené les fidèles à communier souvent.

2. Règle préparatoire ("govénié")

La préparation à la communion, qui fait partie de la tradition de l'Église, est établie par le père spirituel et dépend de la fréquence des communions et de l'état spirituel du Chrétien. Il ne suffit pas de jeûner, il faut aussi mieux participer au Offices Divins, et lire des prières (canons, acathistes, etc) dont la liste peut être modifiée par le père spirituel en fonction des conditions de vie du Chrétien. La participation aux vêpres et matines précédant la Liturgie est une partie importante de la préparation.

"L'important n'est pas l'exécution "extérieure" de conditions formelles mais l'obtention d'un état de repentance de l'âme, le pardon sincère et la réconciliation avec son prochain" précise le document.

3. Semaine Lumineuse

La semaine qui suit Pâques constitue un cas particulier dans la règle de préparation à l'Eucharistie. L'ancienne règle de la Communion générale obligatoire le dimanche a été étendue à tous les jours de la Semaine Lumineuse au VIIe siècle (66e canon du concile in Trullo, 691 à 692) et, "comme il est de règle de ne pratiquer aucun jeune durant cette semaine qui suit les sept semaines de l'exploit du Grand Carême et de la Semaine Sainte, il est bon de reconnaitre comme canonique la pratique de nombreuses paroisses de l'Église russe de limiter la préparation de la Communion au jeune eucharistique pour ceux qui ont respecté le Carême.

4. Jeune eucharistique
Il se distingue de la règle préparatoire et consiste en l'abstinence totale de toute nourriture et boisson depuis minuit précédant la Sainte Communion. Ce jeune est canoniquement obligatoire et ne peut être annulé, mais il ne s'applique pas aux nourrissons, aux personnes gravement malades, pour qui la prise d'aliments et de médicaments est indispensable, et aux mourants.

Pour la liturgie des Dons Présanctifiés, qui a lieu le soir, le début du jeune eucharistique reste fixé à minuit, sauf pour ceux qui ne peuvent physiquement supporter une abstinence aussi longue; ils doivent néanmoins le respecter pendant six heures pleines.

Les canons interdisent les relations conjugales pendant le jeune eucharistique et les réponses 5 et 13 de St. Timothée d'Alexandrie prolongent l'abstinence jusqu'à 24 heures.

5. Confession et Communion. Obstacles à la Communion aux Saints Dons

Le repentir sincère et la confession fait intrinsèquement partie de la règle de préparation à l'Eucharistie. Exceptionnellement le père spirituel peut dispenser de la confessions systématique avant chaque Communion ceux qui communient plusieurs fois par semaine, en particulier pendant les Semaines Sainte et Lumineuse.

Ne peuvent pas communier ceux qui sont en colère, qui ont des pêchés graves non confessés, des offenses non pardonnées. Ceux qui osent communier dans un tel état subissent le jugement divin selon la parole de l'apôtre: "car celui qui mange et boit sans discerner le corps du Seigneur, mange et boit un jugement contre lui-même." (Cor 11.29)

Les canons interdisent aussi de communier pendant l'état d'impureté féminine.

6. Communion et vie familiale et aussi morale individuelle

L'Église insiste sur la nécessité du mariage religieux mais ne prive pas de la communion aux Saints Dons ceux qui, mariés civilement et respectant toutes les obligations de cette union, ne l'ont pas consacrée par un mariage religieux. Cette mesure d'économie (cf. Cor. 7.14 et canon 72 du concile in Trullo) vise à faciliter la participation à la vie religieuse de ceux qui se sont mariés civilement avant de participer en toute conscience aux sacrements de l'Église. Elle reconnait la validité de ce mariage (à l'exclusion des cas d'interdiction canonique comme les mariages entre parents proches ou entre personnes du mêmes sexe, admis dans certains pays mais inacceptables pour l'Église) et les distingue de la fornication peccamineuse qui constitue un obstacle canonique à la communion. Toutefois il est du devoir des pasteurs de rappeler aux croyants la nécessité du mariage religieux.

La préparation des enfants à la Sainte Communion est spécifique et se fait sous la responsabilité des parents qui doivent consulter le père spirituel; elle dépend de l'âge, de la santé et du degré d'écclésiation de l'enfant. La réponse 18 de St. Timothée d'Alexandrie indique que la première confession a lieu à 10 ans, mais la tradition de l'Église russe ramène ce début à 7 ans. Le carême eucharistique n'est pas obligatoire avant 3 ans.

7. Conclusion

Le sacrement de l'Eucharistie est le sacrement central de l'Église et la Communion régulière est donc indispensable au salut du croyant. En ce qui concerne la fréquence St. Théophane le reclus préconise de le faire "le plus souvent possible, selon l'autorisation du père spirituel. Mais efforcez-vous à chaque fois d'approcher avec une bonne préparation et, surtout, avec crainte et anxiété, pour que cela ne devienne pas une simple habitude."

V.G.


Rédigé par Vladimir Golovanow le 3 Février 2015 à 19:21 | 12 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Daniel le 04/02/2015 10:15
Texte intéressant et correct sauf pour la confession, encore vue comme par erreur comme faisant partie de la préparation à la communion, et qui devient un simple passeport à la communion. On ne se confesse pas parce qu'on veut communier mais parce qu'on a péché.

Aucune mention des jeûnes de mercredi et vendrei, qui ne servent pas de préparation à la communion mais dont le non-respect interdit la communion et impose la déposition pour les prêtres?

2.Posté par FABRE le 04/02/2015 12:14
il est dit : " Les canons interdisent aussi de communier pendant l'état d'impureté féminine " et je dis : PFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFF ! ce problème de sang voir de sang impur si c'est un problème de sang quid du prêtre ou du fidèle qui saigne des gencives, a une égratignure, une blessure, des hémorroïdes, etc... si sang impur : quel en est la responsabilité de chaque femme....s'il en est une en raison de la chute, son conjoint n'est-il pas alors coresponsable ?! ou tous les autres hommes ?! c'est un reste de tradition hébraïque je pense; bon alors quoi hein ! on continue ?!

3.Posté par Vladimir.G.: Souplesse le 05/02/2015 19:37
Comme je l'ai noté au début de l'article, ce texte a pour but de donner un cadre unifié aux pratiques existantes et fait autant référence à la Tradition de l'Eglise qu'aux canons. Nombre de commentateurs ont en particulier relevé le grand degré d'adaptation laissé au confesseur (j'ai utilisé le terme "père spirituel" dans l'article comme traduction littérale, mais "confesseur", plus habituel en français, me parait aussi convenir pour traduire "duchovnik"). C'est à eux qu'il revient d'admettre ou non à la communion ceux qui confessent ne pas suivre toutes les exigences des canons...

Pour "l'impureté féminine", bien cher Fabre, menstruelle, post-natale ou autre, il s'agit bien d'un rappel des canons (2e règle de St. Denis d'Alexandrie, 7e règle de Timothée d'Alexandrie, 19e et 44e canons du concile de Laodicée, 69e canon du concile quinisexte...) Si l'on oublie ceux-là, pourquoi pas d'autres?

4.Posté par FABRE le 06/02/2015 10:52
ben oouala :
Sang feminin et generation chez les auteurs byzantins
Marie-Helene Congourdeau
To cite this version:
Marie-Helene Congourdeau. Sang feminin et generation chez les auteurs byzantins. Le sang au Moyen ^Age, Les Cahiers du CRISIMA, 1999, 4, pp.19-23.
HAL Id: halshs-00740647
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00740647
1
SANG FÉMININ ET GÉNÉRATION CHEZ LES AUTEURS BYZANTINS
Quand on examine les discours byzantins sur le sang menstruel, on est frappé par leur
ambivalence. A côté de discours théologiques exaltant le sang très pur de Marie, qui fournit la
matière première de l’humanité du Christ, on trouve des discours beaucoup plus négatifs,
donnant comme étiologie de la lèpre l’union conjugale durant l’impureté de la femme.
Matière très pure et bienheureuse dans le cas de l’enfant de Marie, le sang féminin devient
source impure d’une maladie « sacrée », c’est-à-dire taboue, dans le cas de l’enfant des règles.
Comment rendre compte de cette ambivalence ?
Le point de départ des deux discours est commun : il s’agit de l’embryologie
aristotélicienne qui fait du sang menstruel la matière de la génération, le sperme en étant la
forme. De l’action du sperme masculin sur le sang féminin résulte la génération d’un être
vivant1. A partir de là, deux types de discours très différents vont se développer.
I - LE DISCOURS THÉOLOGIQUE : L’ENFANT DE MARIE
Le discours des théologiens est spécifiquement chrétien. Il s’agit de rendre compte de la
réalité de l’incarnation du Verbe. Dans la définition du concile de Chalcédoine (451), en une
seule hypostase, celle du Fils de Dieu, se trouvent unies deux natures : la divinité et
l’humanité. Cette définition est attaquée de deux côtés. Une tendance monophysite tend à
mettre en cause l’intégrité de la nature humaine après son union avec la divinité ; les
nestoriens, de l’autre côté, donnent à cette nature humaine une autonomie préjudiciable à
l’union des deux natures. Préciser le rôle du sang de Marie, comme contribution spécifique de
l’humanité à l’incarnation, permet de réfuter les deux contestations.
La réalité de l’humanité du Christ est en tous points semblable à la nôtre si elle s’origine
dans une conception prenant pour matière la même matière que celle de tout être humain : le
sang féminin. D’un autre côté, cette nature humaine n’a aucune autonomie propre en dehors
de son union au Verbe si ce sang s’unit non à une semence humaine mais au Verbe lui-même.
L’union hypostatique des deux natures sera donc définie comme l’union du Verbe de Dieu
avec le sang de Marie, le Verbe jouant le rôle de la semence masculine qui donne forme et vie
au sang menstruel. C’est ce qu’écrit Maxime le Confesseur, champion de la théologie
chalcédonienne au VII
e
siècle : « L’humanité qui est dans le Sauveur n’est pas différente de
la nôtre. Mais elle lui est identique par essence, et totalement semblable, puisqu’il l’a reçue de
notre propre nature, en l’assumant de manière indicible à partir du sang virginal et immaculé
de la Toute Pure et Mère de Dieu. Uni à ce sang comme une semence, le Verbe est devenu
chair sans cesser d’être Dieu par essence. »2
Ce thème sera repris par plusieurs théologiens byzantins, tel Nicétas Stéthatos qui la
développe ainsi au XIe siècle : « Le Verbe de Dieu, consubstantiel au Père, la couvrit de son
1. Cf. Aristote, Génération des animaux, 728 b.
2. Maxime le Confesseur, opuscule 4, trad. Marie-Hélène Congourdeau dans Maxime le
Confesseur. L’agonie du Christ, “Pères dans la foi” 64, 1996, p. 29.
2
ombre, comme une semence divine, et il se constitua à lui-même, du sang très pur et tout à
fait saint de la Vierge, une chair animée par une âme raisonnable et intelligible ... »3
Le sang menstruel de Marie est ainsi le morceau d’humanité auquel le Verbe s’est uni
pour réaliser l’union, en son hypostase, de l’humanité et de la divinité. Ce sang est ce par quoi
l’humanité contribue à l’incarnation du Verbe : il a de par cette fonction une valeur éminente.
II - LE DISCOURS RELIGIEUX : L’ENFANT DES RÈGLES
Nous étions jusqu’ici dans un discours théologique spécifiquement chrétien puisqu’il
traitait de l’Incarnation du Verbe de Dieu. Mais les auteurs byzantins nous ont laissé d’autres
types de discours, dont la spécificité chrétienne est moins évidente. Ici nous rencontrons le
problème des relations conflictuelles entre le christianisme byzantin et son ascendance juive.
On ne peut qu’être frappé par l’importance des problématiques vétéro-testamentaires dans
certains types de discours byzantins4. Nouveau peuple élu, le peuple chrétien recueillait
comme son héritage propre le judaïsme dont le peuple juif — qui existait toujours mais dont
la légitimité se trouvait par là même niée — était écarté. C’est ainsi que des éléments de la
Torah se trouvèrent intégrés dans le droit canon byzantin, alors même que leur raison d’être et
leur logique étaient oubliées : il fallait donc leur donner une nouvelle rationalité.
Dans cet héritage biblique se trouvent deux interdits touchant les règles de la femme. Le
premier est proprement rituel : la femme qui a ses règles est écartée du culte (Lév 15, 19)5. Le
second interdit concerne l’union conjugale durant les règles de la femme. Il est sanctionné soit
par une mise à l’écart rituelle et transitoire (Lv 15, 24 ; 18, 19) soit par une exclusion hors de
la communauté, dont on ne sait si elle est provisoire ou définitive (Lv 20, 18)6.
Le droit canon byzantin reprend l’interdit rituel, en le christianisant : la femme durant
son impureté est écartée de la liturgie eucharistique7, voire également du baptême8. Nous
sommes dans le domaine du rite, qui impose la mise à l’écart du culte mais ne mentionne pas
d’abstinence requise durant ce même temps.
Mais l’interdit de l’union durant les règles, s’il n’est pas explicitement repris dans les
canons, se trouve dans le texte sacré hérité des Hébreux. Il faut donc en rendre compte.
Le Lévitique a toujours posé un problème aux théologiens chrétiens, parce qu’il s’agit
d’un texte sacré mais dont la plus grande partie apparaît périmée dans la nouvelle économie.
3. Nicétas Stéthatos, Du paradis, § 42 ; cf. Contre les juifs, § 6 ; Profession de foi, § 9 :
« Je crois que le Verbe a pris chair du sang pur et sans tache de Marie ». Tous ces
opuscules se trouvent dans Nicétas Stéthatos, Opuscules et lettres, SC 81.
4. Cf. l’étude des thèmes vétéro-testamentaires dans l’idéologie impériale byzantine
dans G. Dagron, Empereur et prêtre, Paris, 1995.
5. « Au cas où une femme a un écoulement de sang, son écoulement sera dans son corps, elle
sera 7 jours ds son indisposition; quiconque la touchera sera impur jusqu’au soir. » (Lv 15,
19, traduction de la Bible d’Alexandrie) L’introduction de la traduction du texte grec du
Lévitique (La Bible d’Alexandrie, volume 3) définit l’impureté rituelle comme « un état
transitoire dont un rite, sous la responsabilité du prêtre, peut amener la cessation ».
6. Lv 15, 24 : « Au cas où quelqu’un couche quand même avec elle et où l’impureté se
transmet d’elle à lui, il sera impur 7 jours. » Lv. 18, 19 : « Tu ne t’avanceras pas vers
une femme en isolement de son impureté pour découvrir son indécence. » Lv. 20, 18 :
« Et si un homme couche avec une femme indisposée et découvre son indécence, il a
découvert sa source à elle, et elle a découvert l’épanchement de son propre sang, ils
seront retranchés tous deux de leur lignée. »
7. Canon 2 de Denys d’Alexandrie (IIIe s.), RP IV, p. 7.
8. Réponses 6 et 7 de Timothée d’Alexandrie (IVe s.), RP IV, p. 334 s.
3
Origène au III
e
siècle s’excusait de commenter ce livre9. Les plaidoyers en faveur de la Loi
juive, dont on doit chercher l’origine dans la lutte contre les marcionites, qui rejetaient en bloc
l’Ancien Testament, sont un point focal de la façon dont les Byzantins se situent par rapport
au judaïsme.
Dans leur apologie de la Loi, les chrétiens vont appeler à la barre deux types de discours
hérités des Grecs : la médecine savante et la médecine populaire.
La médecine savante, tout d’abord : Hippocrate, Aristote et Soranos d’Ephèse
s’accordent à présenter le temps des règles comme stérile. En effet, l’abondance et la fluidité
du sang féminin durant cette période empêchent toute coagulation de la semence. Clément
d’Alexandrie, au IIIe s., reprenant le juif Philon, expliquera ainsi qu’il n’est « pas du tout
raisonnable » de noyer « l’essence féconde du sperme » dans « le flux trouble et impur de la
matière » qui va l’entraîner au dehors10.
La médecine populaire, ensuite. Elle intervient à partir du Ve s. et change totalement les
données du problème : l’union n’est pas stérile, elle est dangereuse, et c’est même pour cette
raison que les anciens ont qualifié la femme indisposée d’« impure ». Théodoret de Cyr est le
plus explicite, dans son commentaire sur le Lévitique : « Si la femme est appelée impure, c’est
afin que personne ne s’unisse à elle. On dit en effet (expression quasi-technique pour
introduire une maxime de la médecine populaire) que d’une telle union est engendrée une
blessure et une lèpre, car ce sang superflu abîme les corps ainsi façonnés. Voilà pourquoi
celui qui s’unit à elle est dit impur. »11 De l’idée de stérilité, donc d’inutilité, on passe à celle
de danger, donc de responsabilité. Ce danger vient du caractère superflu du sang menstruel
(idée reprise d’Aristote), et c’est parce qu’elle est dangereuse que, comme un signal
« danger », on qualifie d’impure la femme indisposée12. L’empereur Léon VI, au X
e
s.,
développe encore cette idée, en en donnant l’interprétation la plus complète : « Je pense aussi
que l’ancienne Loi interdisait cela et que cette tradition s’est transmise, non pas tant à cause
de cette impureté de la femme que pour d’autres raisons cachées dans le fond de la Loi. (...)
C’est un règlement de la Providence pour protéger les nouveau-nés de la lèpre. Car puisque
tout ce qui est superflu dans la nature est nocif et inutile, et que ce sang est superflu, la Loi
recommande que celles qui endurent ce flux passent ce temps dans l’impureté, de sorte que
par ce seul mot, la convoitise déréglée soit modérée, et qu’ainsi le vivant ne reçoive pas sa
composition d’une matière impure et corrompue. »13 On aura remarqué que l’opinion
9. Origène, Homélies sur le Lévitique, VII, 1, cité par P. Harlé et D. Pralon, Introduction
de La Bible d’Alexandrie, 3: Le Lévitique, 1988, p. 13.
10. Clément d’Alexandrie, Le Pédagogue, II, 10.92.1. Cf. Philon, Lois spéciales III, 32-
33.
11. Théodoret de Cyr, In Lv, qu. 21, PG 80, 325-328.
12. Cf. aussi Isidore de Péluse, Lettres, II, 81, PG 78, 524 ; Miracles de Cyr et Jean,
miracle 15, PG 87, 3468.
13. Léon VI, Novelle 17, éd. Noailles-Dain, Les novelles de Léon VI le Sage, Paris,
1944, p; 67.
4
populaire selon laquelle l’enfant des règles naît lépreux a complètement évincé l’affirmation
médicale sur la stérilité du temps des règles. La science (en l’occurence Aristote) n’est
convoquée ici que pour rendre compte d’une affirmation populaire, et non pour la réfuter.
Cette affirmation est elle-même à l’origine d’une excroissance de la Loi juive. Plusieurs
auteurs byzantins (Enée de Gaza, le pseudo-Jean le Jeûneur) affirment que la Loi de Moïse
ordonnait la mise à mort du père du lépreux, car il n’avait pas respecté le temps d’impureté de
sa femme14. Absente de l’Ancien Testament, mais peut-être empruntée au Talmud15, cette
assertion a probablement contribué à transformer une attitude prudentielle (il est dangereux de
s’unir durant les règles) en interdit culpabilisant (le père du lépreux est responsable de l’état
de son fils).
Cette réflexion sur le sang féminin — positif quand il est retenu, servant alors à la
génération (dont celle du Fils de Dieu), négatif quand il s’écoule, inutile et dangereux —
permet de voir comment un héritage multiple (médecine savante et populaire, tradition
biblique) est peu à peu intégré à la réflexion théologique. Le discours proprement
théologique, spécifiquement chrétien puisqu’il s’attache à rendre compte du mystère du
Christ, est conduit à valoriser le sang menstruel comme contribution de l’humanité à
l’incarnation. L’essai est moins heureux quand il s’agit de rendre compte d’éléments non
spécifiquement chrétiens, comprenant une pratique religieuse considérée comme périmée
(voir la suspicion en laquelle est tenu le Lévitique) et des opinions populaires. L’esprit
rationnel des Grecs essaiera d’expliquer l’un (l’interdit, non repris officiellement par le droit
de l’Eglise) par l’autre (la dangerosité de l’union). Le résultat ne fut pas toujours à la hauteur
des espérances, la mentalité populaire byzantine ayant surtout retenu la responsabilité des
parents dans les maladies congénitales. Quoi qu’il en soit, cette ambivalence des discours met
en lumière la complexité d’un christianisme byzantin qui hérite à la fois du jeu, propre à
l’esprit grec, entre rationalité et mentalité populaire, et d’un texte biblique qu’il veut assumer
en sa totalité, y compris dans les aspects que lui-même juge périmés.
Marie-Hélène Congourdeau (CNRS, Paris)
14. Enée de Gaza, Théophraste, éd. Colonna, p. 19-20. Pseudo-Jean le Jeûneur,
Kanonikon, RP 4, p. 441.
15. La mention du père du lépreux se trouve dans le Midrash Tanhuma, Parashat Metzora (1
ou 3 selon les éditions). Rabbi Tanhuma bar Abba enseignait à la fin du IVe s mais le
Midrash Tanhuma (compilation d’homélies sur le Pentateuque) ne fut composé que vers le
IXe siècle, en Palestine. Ce qui ouvre des perspectives intéressantes sur les rapports entre les
communautés dans cette région au temps d’Enée de Gaza. Je remercie Etienne Lepicard et le
professeur Samuel Kottek (Université Hébraïque de Jérusalem)

5.Posté par Vladimir.G.: Désolé mais cela me semble hors sujet le 06/02/2015 19:38
Je vous parle de canons précis et vous citez des élucubrations "les discours byzantins", Aristote, le Lévitique... tout ce qu'on veut sauf les canons!

Merci pour "cette ambivalence des discours met en lumière la complexité d’un christianisme byzantin qui hérite à la fois du jeu, propre à l’esprit grec, entre rationalité et mentalité populaire, et d’un texte biblique qu’il veut assumer en sa totalité, y compris dans les aspects que lui-même juge périmés." Mais je dois vous avouer que peu me chaut!

6.Posté par FABRE le 07/02/2015 08:58
môssieur Vladimir, vos canons précis ne sont déjà pas tous précis, certain parlent de tous les laïcs et pas seulement des femmes et non que pour la communion mais pour l’Accès au sanctuaire; d'autre part, ce texte exprime au mois la raison pour laquelle je disais comme vous avez si habituellement bien lu que ce pouvait être une survivance des Hébreux....
et enfin j'ai un questionnement : on reconnait que les décisions des conciles sont émanation du très Saint Esprit ! et aussi que pour qu'un concile soit valable il doit être accepté par toute l’Église, le peuple. il en est au moins un qui ne fut pas validé parce que pas reçu par le peuple .....beaucoup beaucoup d'années plus tard....donc quoi du très Saint Esprit ?! Il se serait alors trompé ?! ou aurait varié ,! je suis orthodoxe et cela m'est une vraie et sérieuse question comme celle tout autant que si des patriarches hérétiques ont ordonne des Évêques qui ont ordonnés des prêtres et que par la suite un concile les déclare hérétique qu'en était-il des Évêques et prêtre précédemment ordonnés à cette déclaration ??!! quand c'était le même homme déjà... vraie question pour l’orthodoxe peu instruit que je suis réellement. mais comme peu vous chaut !

7.Posté par Vladimir.G.: l''''Esprit Saint agit par le Peuple de Dieu (laos) le 07/02/2015 13:02
Bien cher Fabre,

Les discussion byzantines avaient bien lieu entre Orthodoxes... mais les siècles ont passé et nous ne sommes pas obligés d'y revenir. Bien peu instruit en Orthodoxie, je me contente de chercher les réponses dans les textes des Pères, les saints canons et les explications des théologiens érudits...

Et je ne comprends donc pas comme vous l'action du Saint Esprit: Comme le déclare si bien l’encyclique des patriarches orientaux en 1848 : " Chez nous, des innovations n’ont pu être introduites ni par les patriarches, ni par les Conciles : car chez nous, la sauvegarde de la religion réside dans le corps entier de l’Église, c’est-à-dire dans le Peuple lui-même qui veut conserver intacte sa foi." Ainsi l'Esprit Saint agit par le Peuple de Dieu (laos): le Concile promulgue des définitions doctrinales mais c'est la "réception" par l'Église toute entière qui permet de distinguer la vérité de l’erreur. Le meilleur exemple en est le concile de Florence-Ferrare qui avait promulgué une union qui n'a pas été "reçue" par l'Église.

8.Posté par Vladimir.G.: précisions complémentaires le 07/02/2015 13:27

Le texte final approuvé par la Commission épiscopale comprend des précisions complémentaires au projet publié précédemment dont je propose un résumé:

• À la fin du rappel historique il dit que beaucoup d'Orthodoxes communient actuellement plus souvent que dans la Russie prérévolutionnaire mais la pratique de la communion fréquente ne peut être étendue automatiquement à tous les croyants sans exception car elle dépend de la situation spirituelle et morale de chaque personne…"

• Il précise que le père spirituel est le prêtre qui confesse régulièrement. En cas de nécessité il est possible de s'adresser à un autre prêtre et, en l'absence de confesseur attitré, il faut s'adresser au prêtre de l'église où l'on souhaite se confesser.

Le confesseur doit garder en mémoire qu'une sévérité excessive, comme une exigence insuffisante sont des obstacles susceptible d'empêcher l'union de l'homme avec le Christ Sauveur et de lui nuire au plan spirituel.

• Le tabac est proscrit durant le jeune eucharistique.

• Le confesseur doit prendre en considération les raisons qui peuvent explique l'absence aux offices précédents la Liturgie ou la lecture incomplète du canon préparatoire. Pendant la Liturgie il il y a lieu de suivre l'Office et non "rattraper" le canon préparatoire.

• En cas de péchés particulièrement graves, le prêtre ne peut interdire la communion pour une durée supérieure à un mois sans l'accord de l'évêque titulaire

• Des exceptions à l'interdiction pour impureté féminine peuvent intervenir en cas de danger de mort ou en cas de maladie hémorragique chronique ou aigue.

• Une longue cohabitation sans mariage civil ni religieux est considérée comme un pêché empêchant la communion. Toutefois si l'une des parties n'est pas coupable de la situation, la communion peut lui être accordée. L'adultère de l'une des parties est une circonstance aggravante qui empêche toute communion.

• Ils est souhaitable que les parents fassent souvent communier les enfants et communient avec eux. Les parrains et marraines doivent participer au temps que possible à l'éducation religieuse des enfants qu'ils ont baptisés.


9.Posté par FABRE le 07/02/2015 16:23
merci grandement Vladimir, je suis heureux d'en apprendre mieux et plus, car j'ai toujours malheureusement trop de questions, très trs loin de l'apathéia... amicalement et fraternellement en christ :Daniel Fabre

10.Posté par Nicodème le 07/02/2015 18:42
Merci à Fabre . Tous ces canons , basés sur des connaissances , je dirais plutôt des croyances erronées , devraient être considérés comme caduques . Depuis au moins deux siècles , on connaît le mécanisme de la fécondation chez les animaux , notamment les mammifères supérieurs que nous sommes (nonobstant l'existence de notre esprit et de notre âme ) . On devrait donc corriger toutes ces règles en fonction de la connaissance que nous avons . Mais, bon , les "canons" , on les applique toujours à géométrie variable . Incvoqués comme s'il s'agissait de la Parole de Dieu , quand ça arrange les hiérarques et les théologiens , et négligés quand ça les arrange aussi (exemple , le désordre actuel (et je reste poli) ds l'"archevêché " de la rue Daru) .

11.Posté par Vladimir.G.: texte complet du document le 12/02/2015 19:44
L’eucharistie est le mystère central de l’Église. La communion régulière est nécessaire à l’homme pour son salut, conformément aux paroles de notre Seigneur Jésus-Christ : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez son sang, vous n’avez point la vie en vous-mêmes. Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle; et je le ressusciterai au dernier jour » (Jn. 6, 53-54).

Le texte complet du document adopté par la conférence épiscopale est disponible sur: http://orthodoxie.com/?s=eucharistie

12.Posté par Vladimir. G: Staretz Arsenie (Arsène) [Papacioc]: Sur l'Eucharistie le 30/07/2015 15:42
Staretz Arsenie (Arsène) [Papacioc]: Sur l'Eucharistie

L'Eucharistie vous perfectionne; elle ne pardonnera pas vos péchés.
L'homme qui se prépare peut communier souvent, mais il doit se donner un temps pour la repentance d'abord. Car en effet, qui est préparé pour une telle merveille?

Certains négligent le mystère de la confession et l'utilisent comme un prétexte pour communier.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Pravoslovie.ru

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