Défense de la "dèsecclésialisation"
Vladimir GOLOVANOW

Défense de la "dèsecclésialisation" (1)
Père Pierre Meschtcherinov (2)

Dans son article "L'Eglise la culture et le nationalisme en Russie" Serge Tchapnine, fait référence à cet intéressant article du père Pierre Meschtcherinov paru en avril dernier sur religo.ru. Après en avoir donné l'essentiel ci-dessous j'en propose un commentaire personnel pour ouvrir le débat.

Émigration intérieure: avec un peu de provocation le père Pierre prend la défense de ceux qui s'isolent de l'Eglise, devenant "des émigrés intérieurs, comme au temps du pouvoir soviétique où c'était une réponse non-violente au mensonge du communisme", mais il le fait en fait pour accuser ceux qui prétendent faire de l'Eglise une "subculture normative".

En effet "la réception dans l'Eglise" (воцерковление) se fait principalement en "coinçant" le catéchumène dans des "règles", "une ecclésiologie purement superficielle": "une piété liturgique rigide, des pratiques de direction spirituelle autoritaires et mystificatrices, une morale et une spiritualité altérées, une pratique ascétique fondée sur le principe «l’homme pour le sabbat» et enfin un activisme politique passéiste et monarchiste" écrivait-il dans un article précédent (ibid note 2).

Défense de la "dèsecclésialisation"
Or, si des principes et règles simples peuvent se justifier au moment de l'apprentissage de la foi, elles ne peuvent donner la véritable "Vie en Jésus Christ" que doit rechercher tout Chrétien. En grandissant dans sa foi, le Chrétien individualise et personnalise sa relation à Dieu dans tout ce que Dieu lui donne concrètement, dans sa vie de tous les jours. Et ce faisant il sort des normes étriquées de la subculture normative, ce qui provoque un phénomène de rejet: "ceux qui parviennent à s’en émanciper sont considérés par la substructure comme des orgueilleux, des libéraux, des modernistes, « des apostats », des destructeurs des statuts de l’Eglise, etc."

"Et pourtant, dit le père Pierre Meschtcherinov , c'est un processus totalement normal et sein où le croyant murit dans sa foi et devient un Chrétien responsable, lui-même Eglise – membre du Corps du Christ, pour qui tout ce que propose l'Eglise devient moyen dont il dispose lui même pour vivre dans le Christ. Pour en garder l'authenticité contre la routine, ces croyants doivent se libérer du courant "ecclésio-subculturel": prendre leur propre mesure des jeunes, offices, préparations à l'Eucharistie, sortir du cadre infantile de la paternité spirituelle, analyser de façon critique telle ou telle formulation des Pères, séparer l'essence de l'Eglises des contingences politico-économico-idéologiques actuelles et même, d'une certaines façon, s'affranchir du poids de l'histoire de l'Eglise pour appréhender l'Eglise de façon personnelle plutôt qu'historique. Ainsi cette démarche est parfaitement légitime pour tous les croyants sincères (qui constituent toujours le "petit troupeau" comme il est écrit dans Luc 12,32).
Une entrée dans l'Eglise erronée entraine immanquablement, chez une personne qui tient à sa foi en Christ et à sa conscience, la volonté de s'élever au dessus de la substructure, après une période de participation, afin de trouver une plus grande plénitude de l'Evangile dans sa vie religieuse. Il y beaucoup d'exemples comme cela et c'est même cale qui doit être la voie standard pour une âme réellement croyante: c'est sur cette route là que se vérifie la parabole du Semeur."


"Une guérison" : "en fait, continue le père Pierre, il s'agit là "d'une guérison" de cette pseudo-spiritualité purement extérieure et idéologique. (…) Ces croyants le font sans bruit, sans tapage, en essayant de faire honnêtement ce qu'ils peuvent en eux-mêmes, dans leur famille, autour d'eux, sans tourner en rond dans la subculture des jeunes, des règles, des guides spirituels et du jargon spécofique, et en échappant aux conséquences néfaste de cette subculture: le nivellement de la moralité humaine. Et c'est là que se construit le Christianisme au quotidien. Ce processus a cela de positif que, le plus souvent, il conduit non pas à une chute dans les pêchers, mais à cette construction de la personnalité chrétienne qui devrait être l'objectif d'un véritable catéchuménat et de la pédagogie ecclésiale."

Mon commentaire (VG): deux approches qui doivent se rejoindre.

Cet article jette une lumière crue sur la réalité de l'Orthodoxie en Russie (et pas seulement là!), bien dans la ligne habituelle du père Pierre qui écrivait dans l'article précédemment cité "L’Orthodoxie /doit être/ une tradition évangélique et patristique profonde, un christianisme authentique, dans lequel l’homme trouve la vie en Christ, la joie, la liberté, la sagesse, l’immortalité.

Mais cette Orthodoxie existe dans la tête (…) de quelques centaines, peut-être de quelques milliers d’orthodoxes de Russie /et elle/ n’a presque rien à voir avec la vie ecclésiale réelle. Dans la réalité, l’orthodoxie est autre: une piété liturgique rigide, des pratiques de direction spirituelle autoritaires et mystificatrices, une morale et une spiritualité altérées, une pratique ascétique fondée sur le principe «l’homme pour le sabbat», et enfin un activisme politique passéiste et monarchiste (...). J’évoque cela en dehors de tout jugement de valeur, me contentant d’énoncer un fait.
L’orthodoxie réelle aujourd’hui en Russie est précisément ainsi". Un autre observateur de cette réalité, le père Georges Mitrofanov, écrit "dans la vie paroissiale d’aujourd’hui, on n’éprouve souvent nul besoin du Christ, au lieu de quoi est réclamé «tout un ensemble de mesures de type psychothérapeutique, un catalogue de saints rappelant les listes de spécialistes dans les hôpitaux.» Autrement dit ce qu’on cherche n’est pas le Christ mais une religiosité diluée dans une sentimentalité religieuse, ce qui nous ramène dans une dimension païenne", et il parle ailleurs de "la perte de la dimension liturgique de l’eschatologie, qui est réduite à un «épouvantail pour le peuple»"(3)

Et nous voyons en fait se concrétiser les deux réalités de l'Orthodoxie actuelle qu'avait déjà soulignées le père Alexandre Schmemann:
- d'une part cette subculture normative, conservatrice, cherchant à imposer à tous des règles et des recettes qui ont en fait été développées par et pour les moines; l'accent est mis sur le respect des normes de l'ascèse corporelle pour accéder au Salut et l'attente du Jugement Dernier en craignant la punition des fautes.

- de l'autre une Orthodoxie ouverte, plus libérale, où l'accent est mis sur la recherche personnelle et l'appréhension individuelle des consignes traditionnelles permettant une authenticité de la vie quotidienne en Jésus Christ; ses tenants mettent en avant les réponses que l'Orthodoxie doit apporter aux défis du monde actuel et sur la joie du Chrétien comme témoignage du Règne présent et à venir: "L’eucharistie c’est l’Église qui entre dans la joie de son Maître" écrit le père Alexandre Schmemann (4).

Si, comme l'écrit Serge Tchapnine (ibid), la première orientation est la plus représentée parmi les prêtres de paroisses et leurs fidèles, les principaux responsables de l'Eglise russe penchent plutôt pour la seconde, patriarche Cyrile en tête comme le montrent tant ses écrits quand il était métropolite de Smolensk que les prises de position de ses principaux porte-paroles… Mais faut-il vraiment opposer ces deux approches? L'intransigeance des tenants de la subculture normative, que dénonce l'article du père Pierre est-elle vraiment justifiée? Pour moi il n'en est rien et ces deux approches sont en fait complémentaires: si la première convient bien à certaines personnes, qui préfèrent la sécurité d'un système normatif, la seconde permet aux croyants les plus créatifs de dépasser ces cadres pour vivre une vie chrétienne plus riche et plus naturelle. D'ailleurs ce n'est pas le système normatif en tant que tel que dénoncent le père Pierre et les autres tenants de cette approche, mais uniquement ses excès et sa prétention à l'universalité, car tous reconnaissent bien que ces règles normatives constituent une base et un point de départ incontournables pour qui veut véritablement comprendre et rejoindre l'Orthodoxie.
......................................

Notes

(1) Néologisme pour traduire "расцерковление", mot nouveau désignant le processus de rupture avec l'Eglise. Le père Pierre l'utilise dans le cas de fidèles voulant rester Orthodoxes mais perdant confiance dans l'institution ecclésiale

(2) L'higoumène Pierre Meschtcherinov est un écrivain religieux connu en Russie et à l'étranger. Débat sur l'état de l'Église
(3) Un débat au sujet du « Journal » du père Alexandre Schmemann
(4) Pagesorthodoxes


Rédigé par Vladimir GOLOVANOW le 10 Septembre 2011 à 14:13 | 13 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Laurence Guillon le 11/09/2011 01:26
C'est assez vrai. J'ai souvent été choquée par des attitudes rigoristes et pharisiennes qui faisaient fuir les gens normaux, par le besoin infantile d'être tyrannisé par un père spirituel qui ne tenait aucun compte des réalités, par un terrible manque de charité de la part de gens qui confondaient sainteté et héroïsme de komsomol. En revanche, quand j'entendais parler par exemple le patriarche Cyrille, alors métropolite, ou d'autres hiérarques, je pouvais constater qu'ils n'approuvaient pas les délires qui me rebutaient. J'avais une paroisse où de telles dérives ne se produisaient pas. Mais j'ai connu nombre de gens qu'elles avaient découragés. Pour certains prêtres, ce n'était pas grave, seuls les purs capables de supporter une religion de croquemitaine étaient dignes du Royaume des Cieux. En vertu de tout l'amour que je porte à l'orthodoxie et à la Russie, je pense que si on pouvait aller davantage dans le sens de la deuxième tendance, celle de l'orthodoxie ouverte, on verrait en Russie un renouveau spirituel spectaculaire. Beaucoup de Russes ont besoin de la foi, ils n'y sont pas hostiles, comme les Français, par exemple. Mais si on leur met sur le dos un fardeau qu'ils ne peuvent pas porter, en les traitant durement et en les humiliant, eh bien, à moins d'être masochistes, ils partent en courant. Comme s'ils n'étaient pas déjà assez brimés et humiliés à l'extérieur de l'Eglise! J'en avais presque perdu la foi, et l'ai récupérée grâce à un prêtre qui, en confession, m'a répondu à ce sujet: "hélas, tout cela est vrai, que voulez-vous que je vous dise, pardonnez-nous au nom du Christ!"

2.Posté par Daniel le 11/09/2011 09:17
@ Laurence et Vladimir

Peut-être pourriez-vous nous aider à voir plus clair en expliquant ce que sont ces "attitudes rigoristes et pharisiennes qui faisaient fuir les gens normaux, par le besoin infantile d'être tyrannisé par un père spirituel qui ne tenait aucun compte des réalités, par un terrible manque de charité de la part de gens qui confondaient sainteté et héroïsme de komsomol."


3.Posté par Tchetnik le 11/09/2011 11:49
La Russie connait déjà un renouveau spirituel spectaculaire, pas besoin de "religion" complaisante pour cela. Les gens en Russie sont justement attirés par l'absolu et l'exigence que représentent les églises. Cela est à mettre en parallèle avec les églises sympathiques, modernes et faciles de Vatican II...lesquelles sont en France complètement vides alors que celles des Catholiques Traditionnels font le plein tous les dimanches.

Car, même si on doit être bienveillant et discerné dans l'application des règles et idéaux de l'Église, ces derniers n'en existent pas moins et, si on veut accomplir le sens de salut et de sainteté que le Christ donne à notre vie, on ne peut en faire l'économie. Le Christianisme "sympatoche", complaisant et gentillet n'existe pas et n,a jamais existé. Pas plus qu'un Christ, des Prophètes ou des Apôtres "sugar daddy".

La sainteté consistant à chasser de soi la nature déchue et remettre en cause les pensées et comportements qu'elle implique, on voit mal comment cela pourrait se faire sans un travail sur soi, un travail de remise en cause et de purification qui ne va pas forcément tout seul et qui nécessite efforts et exigences.

Si le Christianisme n'est pas érservé à une élite intellectuelle ou physique, il demande quand même pas mal d'efforts.

Ets'il faut effectivement être compréhensif et bienveillant à l'égard de la faiblesse (et certains pères spirituels manquent sans aucun doute de cette bienveillance), il convient de ne jamais se montrer complaisant à l'égard de la paresse. Tout comme les Prophètes, les Apôtres, les Pères et même le Christ le montrèrent. Il suffit de relire les Petites Règles de Saint Basile pour s'en convaincre...

Mais une des principales crypto-hérésies du monde moderne consiste souvent à faire croire que Charité et autorité, que bienveillance et exigence seraient forcément opposées. Un père qui aime son fils sera très exigent à son égard, en terme de travail à l'école comme en terme de comportement, et pourra se montrer sévère, s'il le faut. Manque-t-il de charité pour autant?

En revanche, que certains prêtres et évèques fassent preuve d'arbitraire, de manque de discernement, d'intelligence et de charité est une chose. Mais le mauvais usage qu'ils font des exigences de l'Église n'abolit pas ces dernières pour autant.

Prudence: Charité ne veut pas dire complaisance.




4.Posté par vladimir le 11/09/2011 15:15
Bien cher Daniel,
Je veux vous remercier pour votre long commentaire dont nos modérateurs ont fait une fil particulier où je vais répondre plus longuement. Je trouve que les deux pages qui précédent ma conclusion développent assez bien ce que Laurence appelle justement "attitudes rigoristes et pharisiennes qui faisaient fuir les gens normaux..." (votre commentaire 2) et dont parlent les pères Pierre et Georges après Alexandre Schmemann. Je suis heureux que Laurence vienne ainsi apporter ce témoignage vivant sur ce problème qui, pour moi, constitue un des défis majeurs posés à l'Orthodoxie de nos jours, et pas seulement en Russie comme les montrent les débats autour de ceux que l'on appelle habituellement «zélotes», au premier rang desquels se trouvent les «vieux-calendaristes» ou les moines du monastère Esphigmenou, au Mont Athos.

5.Posté par justina le 11/09/2011 18:28
« ces croyants doivent se libérer du courant "ecclésio-subculturel": prendre leur propre mesure des jeunes, offices, préparations à l'Eucharistie, sortir du cadre infantile de la paternité spirituelle, analyser de façon critique telle ou telle formulation des Pères, séparer l'essence de l'Eglises des contingences politico-économico-idéologiques actuelles et même, d'une certaines façon, s'affranchir du poids de l'histoire de l'Eglise pour appréhender l'Eglise de façon personnelle plutôt qu'historique. Ainsi cette démarche est parfaitement légitime pour tous les croyants sincères (qui constituent toujours le "petit troupeau" comme il est écrit dans Luc 12,32) »
Je me demande si l’auteur de ces lignes est orthodoxe. Il semble bien que non. En tout cas, ses arguments temoignent d’une mentalite protestante.

6.Posté par Marie Genko le 11/09/2011 22:33

Ce sujet est un sujet difficile à commenter car il ne supporte pas d'être abordé avec des a prioris d'ordre général.

Le rôle de nos Pères spirituels est de nous appeler à la Sainteté, cela ne fait aucun doute!

Il ne peut être question d'une "Orthodoxie light" comme l'a écrit un jour Daniel sur un fil différent.

Cependant, je pense que certains prêtres se conduisent sans aucun respect envers les pécheurs et effectivement les écartent de l'Eglise.
Je me souviens d'une scène qui m'avait particulièrement frappée lors d'un séjour en Crimée en 1996
C'était un dimanche et l'église était remplie de monde.
Non loin de moi se tenait un vieil homme, visiblement endimanché, rasé de près et portant même ses décorations. Son attitude était humble, timide presque. Il donnait l'impression de venir pour la première fois de sa vie à l'église et d'avoir particulièrement soigné sa tenue pour cela.
Etant donné l'affluence, deux prêtres se sont mis à confesser les fidèles dans l'église.
Le vieil homme s'approcha lui aussi de l'un de ces prêtres et je pu voir à distance avec quel visage fermé et quelle sévérité ce dernier l'accueillit. C'est avec infiniment de tristesse que ce vieil homme revint à sa place, et j'en eu le coeur serré pour lui.

L'accueil du prêtre ne doit-il pas être celui d'un Père envers son fils prodigue?
Je pense qu'il s'agit de prêtres semblables à celui que je viens de décrire, que d'autres prêtres s'opposent volontiers aujourd'hui.
Mais ce n'est pas à cause de certains ecclésiastiques obtus, que tous les prêtres doivent être remis en question, ni qu'une permissivité inadmissible doive remplacer notre désir de nous améliorer pour
nous rapprocher de ce que le Seigneur attend de nous!
Lorsqu'un prêtre ou un moine est particulièrement ouvert et intelligent, il se met à vouloir changer les règles pour éviter justement les impairs et les maladresses.
Simplement nous pouvons observer que le peuple de Dieu ne veut pas suivre ces changements de règle!
Tchetnik l'explique parfaitement dans son commentaire N° 3 ci-dessus!

Je pense qu'en Russie, où les fidèles ont encore en mémoire le scandale des rénavotionistes au début du XXème siècle, des innovations seront encore bien moins accueillies qu'elles ne pourraient l'être en Occident.

7.Posté par Tchetnik le 12/09/2011 08:30
Le problème étant que les Zélotes, effectivement parfois maladroits, ne constituent qu'une composante parmi d'autres.
Les prendre comme justification pour renier des exigences et enseignements qui furent toujours ceux de l'Église apparait peu justifié.
De plus, lesdites exigences n,ont jamais fait que faire fuir des gens qui dès le départ, étaient réfractaires à toutes règles. Cependant, je vois mal pourquoi l'Église devrait s,aligner sur leurs désidératas.

@Marie

Vous avez très bien décrit la différence qu'il y a entre desapprouver des attitudes effectivements peu charitables et inintelligentes de la part de certains prêtres et le fait, moins légitime de rejeter complètement des règles qui restent nécessaires (indispensables0 au salut humain et qui, de toute manière, ne satisfairont jamais tout le monde.


8.Posté par Théophile le 12/09/2011 19:49
Pourquoi tapez-vous sur la tête de Vladimir, alors qu'il dit substantiellement la même chose que vous:

"...ce n'est pas le système normatif en tant que tel que dénoncent le père Pierre et les autres tenants de cette approche, mais uniquement ses excès et sa prétention à l'universalité, car tous reconnaissent bien que ces règles normatives constituent une base et un point de départ incontournables pour qui veut véritablement comprendre et rejoindre l'Orthodoxie."

Ou alors cela vous dérange-t-il qu'il fasse preuve de modération? Je vous rappelle les paroles du Seigneur : "C'est la miséricorde que je veux, non le sacrifice".

Toute règle est une règle pour avancer sur le chemin de la vie chrétienne. Si cela n'était pas le cas, les Apôtres auraient continué toutes les pratiques juives. Or celles-ci avaient un sens pour préparer la venue du Messie, non pour annoncer le salut à toutes les nations.

Il en est de même pour les ascèses chrétiennes - celle-ci sont au service de la vie en Christ - elle ne sont pas un but en soi, mais un moyen pour atteindre le but: l'acquisition du Saint-Esprit, comme le disait saint Sérafim. La sainteté, la déification comme le vivent les saints de tous les siècles.

L'attachement du peuple à telle ou telle pratique n'est pas un argument. Si l'on se base là-dessus, alors, il faut aussi justifier la lapidation - que le peuple hébreux pratiquait et que le Christ a remis à sa juste place - une loi humaine, rien de plus. De notre temps, on pourrait alors justifier la peine de mort (que malheureusement certains chrétiens ont l'audace de plébisciter). Or justement, la théologie orthodoxe nous enseigne des chemins qui dépassent ce genre d'approche. La théologie, c'est d'abord l'expérience et la vie des saints: si l'on pense un seul instant à ce qu'aurait enseigné ou fait le Christ dans telle ou telle situation, on se ferait un peu plus humble et doux vis-à-vis des pratiques de telle ou telle personne !!! ("Des protestants!" - sans doute est-ce ainsi que les Pharisiens auraient désignés les bienheureux Apôtres...).

9.Posté par Marie Genko le 13/09/2011 09:23
Cher Théophile,

Vous avez parfaitement raison dans votre message N°8.

Cependant relisez le message N°5, celui de Justina, et vous comprendrez, que certaines paroles prononcées par un théologien, comme le Père Pierre Mestcherinoff, peuvent, sorties de leur contexte, paraître pour le moins surprenantes!

J'ai eu la chance de pouvoir écouter le Père Pierre Mestcherinoff, lors d'un de ses passages en France, et je peux assurer que tout en lui respire l'Orthodoxie.

Enfin il n'est pas question de taper sur la tête de Vladimir, auquel nous sommes tous redevables pour les les articles passionnnants, qu'il veut bien se donner la peine de publier sur ce site.

Simplement, au sein de l'archevêché, nous sommes assez bien placés pour nous rendre compte des changements vers une occidentalisation de certaines de nos paroisses, (absence d'iconostase à Nantes par exemple et autres détails mille fois évoqués ici) et je pense ne pas me tromper en disant que rester fidèles à notre identité patriarcale russe, apparamment chère à notre archevêque Gabriel, consiste aussi à perpétuer les rites et les traditions que nous ont enseigné nos prédécesseurs.

Par ailleurs, si la cathédrale de la rue Daru se mettait à officier en langue française, ou supprimait son iconostase, elle se vidrait immédiatement de tous les fidèles Moldaves qui remplissent l'église chaque dimanche....

je veux enfin terminer en disant que votre exemple concernant l'attachement du peuple à la pratique de la lapidation ne me semble pas une bonne image.

Certaines pratiques populaires sont cruelles et contraires à la Parole du Christ!

Mais la Tradition de l'Eglise, ne s'est-elle pas construite justement sur l'expérience de ce qui convient aux fidèles pour leur faciliter une mise en condition de prières et les aider à gravir les échelons qui les conduiront surement à se rapprocher du Christ?

Ou bien pensez-vous que les besoins de l'âme humaine évoluent dans le temps?
Et que c'est à nous tous, et à notre foi orthodoxe de s'adapter à l'époque contemporaine?


10.Posté par Tchetnik le 13/09/2011 09:31
Quand on regarde la vie des Saints, on constate justement, comme dans leurs écrits, que l'exigence l,emporte largement sur la complaisance.

Les exigences et règles de l'Église ne sauraient être considérées comme de simples "lois humaines", de plus. Elles datent de l'ère du Salut, pas de la période vétérotestamentaire. Elles sevrnet à la sanctification tant spirituelle que corporelle, et si tout n'est certainement pas à mettre au même niveau, elles conservent néanmoins leur importance.

Au sujet de l'intelligence des situations, du discernement des forces et des faiblesses comme de la bienveillance, ces thèmes ont déjà été mentionnés. Ils modulent certainement l,application de ces règles sans pour autant les annuler.

Enfin, soyez très prudent sur:

-l'utilisation abusive de l'appelation "pharisien". En effet, on peut parfaitement être pharisien du libéralisme et de ses critères personnels,

-le fait de prétendre révéler ce que telle ou telle personne aurait pu dire ou faire dans l'Histoire vis à vis de telle ou telle autre, car vous n'en savez rien. EN l'occurence, si vous lisez attentivement les Épitres, vous verrez que Saint Paul, qui a le plus remis en cause les pratiques vétérotestamentaires, a été aussi le plus grand défenseur de ces exigences, que l'Église n'a fait que reprendre, en les adaptant ensuite.



11.Posté par Théophile le 13/09/2011 21:00
Quelques anciens allèrent chez abba Poemen et lui demandèrent : "A ton avis, quand nous voyons les frères s'assoupir à l'office, faut-il les secouer pour qu'ils soient éveillés durant les vigiles?" Il leur dit: "Quand je vois un frère s'assoupir, je mets sa tête sur mes genoux, et je le fais reposer".

Cher Tchetnik, dans la vie des saints, l'exigence l'emporte assurément concernant leur propre vie, mais la miséricorde l'emporte dès qu'il s'agit de leur prochain.

12.Posté par Tchetnik le 14/09/2011 07:01
Saint Basile écrit:

""Par contre, si quelqu'un montre dans la place qu'il occupe l'ardeur de son zèle conformément à
l'avertissement de l'Apôtre : "Ne ménagez pas votre zèle" (Rm 12, 11), il recevra la louange que
mérite la bonne volonté ; tandis qu'au négligent sera sûrement réservé comme un triste lot cet
anathème de l'Ecriture : "Maudit celui qui accomplit avec négligence les oeuvres du Seigneur". (Jr
48, 10)""

omplèté par ceci:

""Et si l'aiguillon de la mort est le péché, non tel ou tel péché, mais, évidemment, tout
péché sans distinction, c'est en se taisant que l'on est cruel et non pas en faisant des reproches,
comme on le serait en enfermant le venin d'une morsure dans la plaie plutôt qu'en l'en retirant.
C'est ainsi également qu'on manquerait à la charité, car il est écrit : "Celui qui ménage le bâton
hait son fils, et celui qui aime châtie au contraire avec soin" (Pr 13,24).""

Il est bon de lire les Pères, mais encore faut-il le faire jusqu,au bout, et non hors contexte.

Car dans leur écrits, jamais "misericorde" n'a aboli les exigences, ni signifié "complaisance". Une hérésie moderniste consistant à confondre ces deux termes.


13.Posté par vladimir le 17/09/2011 15:54
Les Orthodoxes vivant en occident ont du mal à saisir l'acuité du problème soulevé par les penseurs orthodoxes que je cite pour deux raisons principales:

1/ Les représentants de la subculture traditionaliste (intégriste?) dont il est question sont très minoritaires ici: on ne le trouve guère que dans les "débris"(1) de l'Eglise Hors Frontière qui ont refusé la réunification de 2007 et les "Vétéro-calendaristes" (2). Par contre ils sont très nombreux au sein des Eglises d'Europe de l'est, en particulier l'Eglise russe, et c'est leur prétention à vouloir être TOUTE L'EGLISE qui apparait comme un danger aux théologiens que je cite. Coller l'étiquette "protestant" est aussi une façon de "désécclaisialiser" qui les caractérise…

2/ D'un autre côté, il nous manque un père Pierre pour analyser la subculture qui s'affiche sur le devant de la scène chez nous: je pense aux "modernistes" dont parle Marie (commentaire 9). Tout comme les traditionalistes ils prétendent représenter l'Eglise ou, à tout le moins, ils prétendent porter la Vérité de l'Eglise et, tout comme eux, ils rejettent tous ceux qui pensent différemment dans leur dèsecclésialisation spécifique: "l'obscurantisme", "l'idolâtrie", "la superstition", etc.

Je pense que la partie modérée de ces deux courants est non seulement utile, mais même nécessaire à la vie de l'Orthodoxie mais que les excès, et surtout l'intolérance, de leurs courants extrémistes sont nuisibles. Et c'est bien de cela que traitent les publications que je cite.

Références:
(1) Cf. http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Un-point-de-vue-interessant_a1057.html
(2) http://fr.wikipedia.org/wiki/Orthodoxes_vieux-calendaristes

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