« Editions des Syrtes » : père Tikhon Chevkounov  «Père Rafaïl et autres saints de tous les jours » ( 2 partie)
«Père Rafaïl et autres saints de tous les jours » 1 partie Extraits traduit du russe par Maria-Luisa Bonaque

Le Père supérieur Alipi

Père A lipi, supérieur du monastère de Pskovo-Petcherski, proclamait haut et fort à son propre sujet : « J e suis un archimandrite soviétique. » Et il le confirmait volontiers par ses actes et par ses paroles. Au début des années 1960, le monastère reçut la visite d’une commission régionale chargée de trouver un prétexte pour le fermer. Ses membres,dans leurs déambulations, aperçurent des pèlerins qui s’occupaient des plates-bandes et des parterres de fleurs. Ils se précipitèrent aussitôt chez le père Alipi : – Sur quelle base ces gens travaillent-ils ici ? L’archimandrite soviétique leur répondit : – C’est le peuple, maître de tous les biens qui travaille sur la terre qui lui appartient !

Cela coupa court aux questions.

En une autre occasion, une commission populaire de contrôle – financier, cette fois – débarqua de Pskov dans les mêmes intentions. Le supérieur demanda par qui les présents étaient mandatés.

« Editions des Syrtes » : père Tikhon Chevkounov  «Père Rafaïl et autres saints de tous les jours » ( 2 partie)
Le père Alipi les interrompit : – Je n’ai qu’un seul supérieur : l’évêque Ioann de Pskov. Allez le voir pour obtenir son autorisation. Sans cela, je ne peux vous laisser accéder aux documents financiers.

Les contrôleurs s’en furent et, quelques heures plus tard, l’évêque de Pskov téléphona au père Alipi et le pria, tout troublé, de permettre à ces
gens-là d’opérer.
– Un coup de fil ne peut constituer une pièce à verser au dossier, père. Envoyez-moi un télégramme, lui répondit le père Alipi.

Peu après, le télégramme arriva. Quand les contrôleurs du peuple réapparurent, le supérieur, message en main, leur demanda : – Dites-moi, vous êtes communistes ?

– Pour la plupart, oui…– Et vous avez reçu la bénédiction de l’évêque ? De l’évêque de Pskov ? Ouais… Je vais envoyer illico ce télégramme au comité régional du parti…Et on n’entendit plus parler de contrôle financier du monastère.

Ivan Mikhaïlovitch Voronov, tel était le nom de l’archimandrite avant sa prise d’habit, avait combattu sur les différents fronts de la Grande Guerre patriotique, et avait parcouru la route menant de Moscou à Berlin. Il avait ensuite défendu pendant treize ans le monastère de Pskovo-Petcherski, le protégeant de l’État pour lequel il avait auparavant versé son sang.

Dans l’une et l’autre de ces guerres, le père Alipi avait dû se battre non à la vie, mais à la mort. Nikita Khrouchtchev, secrétaire du comité central du PCUS de 1953 à 1964, avait alors besoin à tout prix d’une grande victoire.

D’une victoire non moindre que celle de son prédécesseur dont il enviait douloureusement la gloire. Il avait décidé d’associer son futur triomphe au millénaire de l’Église russe et il lui avait déclaré la guerre, promettant solennellement devant le monde entier qu’il montrerait bientôt à la télévision le dernier pope russe et il lui avait déclaré la guerre, promettant solennellement devant le monde entier qu’il montrerait bientôt à la télévision le dernier pope russe.

Aussitôt, des milliers d’églises et de cathédrales furent dynamitées, fermées, transformées en entrepôts et stations de motoculture. La plupart des séminaires furent supprimés. Presque toutes les communautés monastiques furent dissoutes et bon nombre de moines jetés en prison. Il ne resta plus sur tout le territoire de la Russie que deux monastères, dont celui de la Trinité-Saint-Serge, qui fut conservé par les autorités comme réserve religieuse que l’on montrait aux étrangers. Et c’est à ce moment-là que le supérieur entra en action contre le tout-puissant État athée. Et le plus beau, c’est qu’il gagna la bataille !

Dans ces années-là, toute l’Église russe persécutée suivit le déroulement de ce duel inégal. Les nouvelles de Petchory se transmettaient par le bouche à oreille, et plus tard les participants et témoins de ces événements notèrent leur témoignage.

Voici quelques chroniques de ces combats d’une époque qui s’éloigne.

Par une soirée d’hiver, plusieurs hommes en civil firent irruption dans le bureau du père Alipi et lui remirent un papier officiel qui déclarait la
fermeture du monastère de Pskovo-Petcherski. On chargeait le supérieur d’en informer la communauté. Lorsqu’il eut pris connaissance du texte, le père Alipi le jeta devant tous dans le feu de la cheminée. Il expliqua tranquillement à ses visiteurs stupéfaits :

– Je préfère sacrifier ma vie, mais je ne fermerai pas le monastère Précisons que le document brûlé était un décret du gouvernement de l’URSS et qu’il portait la signature de Nikita Khrouchtchev. Cette histoire a été décrite par l’archimandrite Nafanaïl, un élève dévoué du supérieur, qui fut témoin de la scène. Je n’ai pas connu le père Alipi de son vivant, mais on ne saurait parler du monastère de Pskovo-Petcherski sans l’évoquer.

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J’ai eu la chance de connaître de nombreux moines qui l’avaient eu pour supérieur. Et aussi des peintres célèbres, des écrivains, des savants, des restaurateurs de Moscou, Leningrad, Riga qu’il avait reçus dans son hospitalière demeure. Pour eux il resta toujours un exemple de moineguerrier, à la fois spirituel et intrépide, un père idéal, exigeant et aimant.

Malgré son grand pragmatisme, son sens appuyé des réalités, malgré son esprit brillant, souvent très aiguisé, et son imagination stupéfiante, beaucoup de ses contemporains (et parmi eux des moines d’un haut ascétisme) le considéraient comme un saint. L’archimandrite Serafim, qui jouissait d’une incontestable autorité au monastère, manifesta, après la mort du père Alipi, un étonnement sincère face aux moines qui rêvaient de lointains pèlerinages sur les lieux où de grands saints avaient accompli leurs exploits spirituels : « Pourquoi partir si loin ? S’interrogeait-il avec perplexité. Allez dans les grottes, là où se trouvent les reliques du père Alipi. » a SUIVRE

Éditions des Syrtes
74, rue de Sèvres, 75007 Paris
01 56 58 66 66 – edifin@worldonline.fr
www.editions-syrtes.fr

« Editions des Syrtes » : père Tikhon Chevkounov  «Père Rafaïl et autres saints de tous les jours » ( 2 partie)

Rédigé par Éditions des Syrtes le 29 Janvier 2014 à 21:50 | 1 commentaire | Permalien



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