Interview avec l’archiprêtre Antony Ilin
De nombreux Européens, ont oublié le nom du Christ et l’ont effacé de leur tradition

En mars, à Bruxelles, le Comité des représentants des Églises orthodoxes après de l’Union européenne a débuté ses travaux. La tâche essentielle de cette nouvelle structure sera d’assurer le dialogue entre les communautés politiques de l’Union et les Églises orthodoxes. Le patriarcat de Moscou sera représenté par l’archiprêtre Antony Ilin qui assure l’intérim du représentant de l’Église orthodoxe russe auprès de l’Union européenne.

Interview de l’archiprêtre Antony Ilin par Igor Ilin.

Père Antony, dites-nous quelle est l’origine de ce Comité des représentants des Églises orthodoxe auprès de l’Union européenne?

p. A.- L’initiative de ce comité consultatif revient au métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations extérieures de l’Église orthodoxe russe. Cette suggestion a vivement intéressé le métropolite Emmanuel des Gaules et a été activement discutée au cours de l’an passé par tous les chefs d’États et finalement s’est providentiellement concrétisée alors qu’entre en vigueur le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne qui, dans son article 17, institue un dialogue ouvert, transparent et régulier entre l’Union européenne et les Églises.


Quelle est l’étendue des compétences de ce Comité ?
p. A.- La plus large, pour tout ce qui concerne le témoignage orthodoxe dans l’Europe contemporaine, notamment lorsque nous aurons à donner un avis sur les initiatives législatives ou politiques de la commission, du parlement ou du Conseil de l’Union européenne qui touchent tant à l’identité orthodoxe qu’aux droits et à la dignité de l’homme dans les domaines les plus différents.

Comment va réellement agir le Comité ?
p. A. - Par une concertation inter-orthodoxe en vue d’une prise de position consensuelle. Les représentants des Églises auront d’abord consulté les primats de leurs Églises locales chaque fois que la question abordée concernera l’expression d’une position orthodoxe systématique sur des questions fondamentales. En ce qui concerne l’information, les réactions au sujet des questions socio-politiques abordées, les relations avec les médias, les représentants des Églises pourront s’exprimer au nom du Comité lorsqu’il y aura consensus, et dans tous les cas à titre personnel, comme cela se faisait précédemment.

Quels sont les principaux points du communiqué sur l’importance du dialogue entre les institutions européennes et les Églises orthodoxes ?
p. A. - Très franchement, ce communiqué ne se présente pas comme un programme. C’est plutôt une occasion de rendre visible la présence du Comité, tant pour les hommes politiques qui prennent les décisions, que pour la communauté d’experts et les médias de Bruxelles. Vu le nombre de réactions à ce communiqué, le but recherché a été atteint.

Quelles sont les actions primordiales envisagées par le Comité ?

p. A. - Avant tout, établir une « liste des préoccupations ». Nous devons d’abord comprendre ce qui nous préoccupe dans l’océan des initiatives des documents émanant de l’Union en ce qui concerne les destinées de l’homme, et tout particulièrement de l’homme orthodoxe dans l’Europe unie, et ensuite de comprendre comment nous pouvons répondre à ces attentes.

Qu’est-ce qui fait la valeur d’un tel comité ?
p. A. - La valeur d’un tel comité est évidente : la voix de l’Orthodoxie à Bruxelles est la symphonie des voix des Églises orthodoxes locales. Et l’on peut dire qu’à sa base il n’y a pas un principe vertical, mais un réseau d’actions concertées, une synergie. Et il n’y a de véritable synergie orthodoxe que lorsque triomphe au plan pratique le principe théologique « ni fusionnés, ni séparés », en effet au plan structurel, on ne peut avoir de représentation unique de l’Orthodoxie, et agir séparément est inefficace.
En quoi consiste l’unité des positions des Églises orthodoxes dans le dialogue avec l’Union européenne ?
p. A. On veut croire qu’elle existe sur tous les problèmes importants dont il pourra être discuté, à l’exception, peut-être des spécificités régionales. La question est : en quoi notre Tradition est actualisée au plan social ? Et, pour moi, personnellement, la réponse ne peut être que dans les fondements de la Doctrine sociale de l’Église orthodoxe russe. Et l’on pourrait, par exemple, commencer par les problèmes les plus évidents : ceux de la bioéthique et de la famille.

Est-il prévu qu’aient lieu des réunions du comité ou de toute autre structure avec des représentants d’autres communautés chrétiennes en vue d’adopter une position commune ?
p. A. - En ce qui concerne une collaboration avec d’autres Églises chrétiennes, une collaboration avec l’Église catholique est tout à fait envisageable. Une alliance entre orthodoxes et catholiques dans l’Europe actuelle qui repose sur ce simple fait que les Églises traditionnelles partagent de nombreuses valeurs et considèrent également « le sécularisme combattant » comme le principal danger, n’est pas une utopie, c’est une perspective tout à fait réelle. Aussi, la prochaine étape me semble devoir être la constitution de quelque chose comme un conseil de coordination inter-religieux. D’autant que l’expérience russe nous permet de proposer à l’Europe un modèle unique et effectif.

Qu’est-ce que l’Église orthodoxe peut actuellement proposer à l’Europe contemporaine ?
p.A. - Ce que l’Église a proposé à l’Europe il y a 2 000 ans : le Christ Sauveur, incarnation du Verbe, ce Verbe qui est devenu le sens et la mission de la civilisation européenne, qui l’a conduite aux sommets de la culture intellectuelle et spirituelle. De nombreux Européens ont, hélas, aujourd’hui oublié le nom du Christ et l’ont effacé de leur tradition personnelle, mais il est possible qu’une voie nouvelle et particulière, l’Orthodoxie que confessent aujourd’hui des dizaines de millions d’habitants de l’Union européenne, soit cette possibilité de revenir à ses sources, par le mystère de la rencontre, de se retrouver par l’Autre.

Est-ce que la création de ce Comité auprès de l’Union européenne n’est pas un geste inspiré par une politique de tolérance ?
p. A. - C’est plutôt le Comité des représentants des Églises orthodoxes qui un appel à une politique de tolérance. La création d’une plateforme pan-chrétienne sur la base du « plus petit dénominateur commun » pourrait paraître un tel geste, mais pas l’union des orthodoxes.

Qui aujourd’hui parmi les hommes politiques européens de premier plan peut être considéré comme authentique porteur des valeurs chrétiennes ?
p. A. - Je ne parlerais pas de personnes, mais de partis. La politique européenne est particulièrement dépersonnalisée, et les personnalités qui sont le plus en vue, ne conviennent pas vraiment pour illustrer la Loi divine. Parmi les partis, je retiendrais plutôt le Parti populaire européen, bien que les termes « démocrate-chrétien » aient disparu de sa dénomination. À l’initiative de Sa Sainteté le patriarche Cyrille, nous avons pu réaliser un trilogue où l’Église orthodoxe russe est l’acteur principal et, en tant qu’institution de la société civile russe, rend possible le dialogue entre le Parti populaire européen et le parti Russie unie.

Traduction pour " Parlons d'orthodoxie" Marc F.
Lien russe Pravoslavie. ru

Rédigé par l'équipe de rédaction le 16 Avril 2010 à 09:19 | 11 commentaires | Permalien



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