V. Golovanow

"Le fait que, avec d’autres, nous avons identifié de sérieux manques dans quelques-uns des documents proposés à l’examen du futur Concile, ne doit provoquer ni crainte, ni anxiété."

Communiqué du synode de l’Église orthodoxe russe à l'étranger (l'EORHF ).

Deux documents importants ont été publiés par l'Église russe à propos de la préparation du Concile panorthodoxe et des projets de documents qui ont été rendus publique après la synaxe des 21 - 28 Janvier 2016:
- Un communiqué du synode de l’Église orthodoxe russe à l'étranger (l'EORHF ) critiquant les projets de documents.
- Une déclaration du métropolite Hilarion de Volokolamsk, chef du Département des Relations Ecclésiales Extérieures et porte-parole du patriarcat de Moscou, sur les différentes critiques formulées à propos de ces documents.

1. LE COMMUNIQUE DE ROCOR RUSSE

«À la lumière de la publication de documents qui doivent être examinés lors du futur Concile panorthodoxe en Crète du 16 au 27 juin 2016, le synode des évêques de l’Église orthodoxe russe à l'étranger a procédé à l’examen des textes concernés, à l’instar de nombreux hiérarques, clercs et laïcs qui continuent la préparation au grand Concile, et souhaite communiquer à son troupeau gardé de Dieu et à tous les propositions que nous soumettons car les documents du Concile éveillent l’intérêt et chez beaucoup provoquent des questions…» dit un long Communiqué du synode de l'EORHF qui commente les projets de documents du futur Concile panorthodoxe et propose des amendements. Comme ce communiqué est disponible en russe et en anglais (http://www.synod.com/synod/2016/20160413_synodposlaniye.html; http://www.synod.com/synod/eng2016/20160413_ensynodposlaniye.html), nous en proposons une analyse synthétique.

Le document précise d'abord que la plupart des textes préparés, "qui ne sont toutefois que des projets et doivent être considérés comme tels, ne provoquent pas d'inquiétude et contiennent même des explications importantes (comme par exemple le document sur l'Autonomie et la façon de la proclamer), en revanche l’usage, dans certains textes, de termes qui laissent place à une double interprétation, l’absence d’exactitude théologique et l’utilisation d’un langage ecclésiologique étranger à la sainte Tradition de l’Église nécessitent des commentaires qui peuvent mener à la correction du texte entier».

Trois documents retiennent particulièrement l'attention:

- «Les relations de l’Église orthodoxe avec le reste du monde chrétien» apparait pour le synode de l'EORHF "comme le plus discutable des documents préconciliaires": le communiqué reprend les critiques des métropolites de Neupathe et de Limassol à propos de la définition de ce qu'est l'Église qui interdirait aux autres confessions chrétiennes d'être considérées comme telles et proclame que "la seule unité envisageable pour les Orthodoxe doit être le 'retour' de tous les autre en son sein…" Le communiqué considère comme une action bénéfique le dialogue théologique interchrétien, mentionné au point 23 du projet document préconciliaire, mais s'inquiète du refus "de toute pratique prosélyte ou antagonisme interchrétien." Soulignant que la Mission est le devoir des Orthodoxes, le communiqué souhaite que le terme "prosélytisme" soit précisé et que le refus ne concerne que les pratiques qui mèneraient à exacerber les antagonismes interchrétiens.

- «La mission de l’Église orthodoxe dans le monde contemporain» , pose des questions plus profondes qui touchent à la théologie et réclament des corrections. Le projet de document utilise partout le terme de "personne humaine", introduit par Lossky il y a 75 ans, au lieu du terme patristique "homme" utilisé dans le langage liturgique. Ceci crée une grave confusion puisque le terme "Personne" renvoi aux Personnes de la Trinité ou bien à la Personne unique de Jésus Christ dans Sa double nature. Et cela mène à une conception anthropologique erronée de la relation entre l'humanité et la Sainte Trinité. "Il y a pourtant beaucoup de choses très intéressantes dans ce projet de document, en particulier concernant la liberté de l'homme, le soutien de la paix et de la justice, la lutte contre les discriminations, la dénonciation de l'idéologie de la consommation et de la sécularisation dans la culture contemporaine, etc. Tout cela constitue des objectifs dignes et pieux, mais ils ne doivent pas être atteints par l'utilisation de concepts anthropologiques et théologiques erronés; pour pallier cette difficulté il est proposé de remplacer systématiquement l'expression "personne humaine" par "homme."

- Le "Règlement du Concile" pose des problèmes de procédure: il s'agit essentiellement du fait que tous les évêques orthodoxes ne pourront être présents au Concile ni participer individuellement aux votes mais seront substitués par la procédure inédite d'un vote des Églises locales. De ce fait la réunion panorthodoxe de 2016 ne sera pas un concile par sa nature mais une conférence panorthodoxe, "ce qui ne signifie pas qu'elle ne puisse devenir importante et amener le dialogue et la coopération interorthodoxe à un nouveau niveau..."

Conclusion:

«Nous avons préparé les remarques susmentionnées, afin de proposer à l’examen du futur Concile certaines corrections importantes aux documents, dans l’esprit d’une collaboration fraternelle, (…) et aussi afin d’assurer au troupeau préservé de Dieu qui nous est confié par le Christ que les pasteurs eux-mêmes portent une attention particulière à la tâche qui leur est impartie d’étudier les documents» précise le communiqué qui conclut: «Ce type de textes passe par bien des stades de préparation et de révision, maintenant comme par le passé, et le fait que, avec d’autres, nous avons identifié de sérieux manques dans quelques-uns des documents proposés à l’examen du futur Concile ne doit provoquer ni crainte, ni anxiété»...

Commentaire du rédacteur V.G.

Ce communiqué argumente de façon très détaillée les critiques et propositions de modification des projets de documents publiés mais ne remet aucunement en cause la tenue et la portée du Concile panorthodoxe, même s'il propose de le requalifier en "Conférence panorthodoxe". Il illustre en fait la position spécifique de l'EORHF dans l'Orthodoxie: c'est une juridiction de l'Église russe qui jouit d'une très grande autonomie, un peu comme l'Église autonome d'Ukraine, et elle le démontre par cette critique positive des documents que le concile épiscopal de l'Église russe avait soutenu sans faire de commentaires. Séparée de l'Église russe pendant 80 ans, ROCOR a souvent des positions plus conservatrices que la hiérarchie du patriarcat, ce qui transparait bien dans ces critiques.

2. LA DÉCLARATION DU MÉTROPOLITE HILARION

Au cours d'une conférence sur la préparation du Concile panorthodoxe, qui s'est déroulée à Moscou le 20 avril, le métropolite Marc de Berlin, d'Allemagne et de Grande Bretagne a exposé les réserves de l'EORHF mentionnées ci-dessus; d'autres intervenants ont développé les argumentations de certains hiérarques grecs et chypriotes qui vont plus loin dans la critique des projets de documents, voire contestent la tenue du Concile. Dans sa déclaration, le métropolite Hilarion a déclaré que le patriarcat de Moscou comprenait l'importance de la critique positives des projets de documents.

"Je considère que ces critiques sont importantes pour que les décisions qui seront ensuite prises par le Concile ne rencontrent pas l'opposition de nos croyants. Il vaut mieux écouter ces critiques d'abord, les prendre en considération et les transmettre au Concile plutôt que de voir cette vague critique déferler après le Concile," a déclaré le prélat en précisant qu'il s'agissait de "critiques théologiques sérieuses et constructives émanant de prélats et de théologiens" et non "de critiques provocatrices répandues pour miner l'unité de l'Église." Et il a affirmé que tous les efforts seront faits pour améliorer les projets de documents dont les propositions de modifications seront portées par le patriarche Cyrile.

Il est ensuite revenu sur la procédure du vote au Concile en précisant que l'Église russe avait proposé dès le début d'inviter tous les évêques orthodoxes pour que les positions votées au Concile reflètent à tout le moins les opinions de la majorité d'entre eux. Mais la réponse fut qu'il était impossible de réunir autant d'évêques il a été décidé que chaque Église locale en enverrait un nombre égal. "On a d'abord parlé de 12, puis 20 et on est enfin tombé d'accord sur 24. Cela signifie que tous les évêques de certaines Églises locales pourront participer mais pour d'autres, qui peuvent compter jusqu'à 350 évêques comme la nôtre, il n'y en aura qu'une proportion infime. Dans ces conditions, la seule solution acceptable, sur laquelle nous avons insisté, était qu'il n'y eut qu'une voix par Église locale lors des votes."

Revenant sur les rumeurs concernant le statut du Concile et sa capacité à modifier les dogmes orthodoxes, le primat a tenu à préciser: "le Concile panorthodoxe ne sera pas le VIIIe Concile œcuménique. Son format, qui a été décidé après une longue concertation, diffère de celui des conciles œcuméniques. Les décisions du Concile panorthodoxe auront une autorité panorthodoxe comme le précise son règlement, qui diffère de l'autorité des Conciles œcuméniques qui ont formulé les bases théologiques et canoniques de la foi de l'Église orthodoxe car la prise de ce genre de décision par le Concile panorthodoxe n'est pas prévue."




Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 26 Avril 2016 à 12:32 | 7 commentaires | Permalien



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