L’ÉGLISE RUSSE DANS LE MONDE
V. Golovanow

L’Église orthodoxe russe connaît toujours une importante expansion, écrit "La Croix" le 26/09/2017. (cf 1)

D’après les chiffres donnés par le patriarche Cyrille en février 2015, l’Église orthodoxe russe représentait déjà, avec ses 150 millions de fidèles, plus de la moitié de l’orthodoxie mondiale et ce poids numérique se double d'une large couverture géographique car l'Église russe s'étend bien au-delà de son territoire canonique traditionnel.

L’Église orthodoxe russe continue d’attirer

Elle comptait 286 diocèses en 2015, contre 159 en janvier 2009, et 330 évêques contre à peine 200 à la même époque. Le Patriarcat s’appuyait alors aussi sur ses 35 496 paroisses, au sein desquelles officiaient 38 344 prêtres et diacres.

Avec la création de plus de 5 000 nouvelles paroisses depuis 2013, l’Église orthodoxe russe fait en ce sens de l’outil statistique un des éléments clés de son retour sur la scène russe et internationale.


Une double couverture géographique

"Il y a des paroisses du patriarcat de Moscou dans 57 pays. Selon des évaluations qui ne sont pas tout à fait précises la diaspora orthodoxe russophone dans le monde compte près de 30 millions de personnes. La majeure partie de cette diaspora appartient à l’Eglise orthodoxe russe. Le patriarcat de Moscou compte 829 paroisses et 52 monastères disséminés dans 57 pays. Dont 409 paroisses et 39 monastères pour l’Eglise orthodoxe russe hors frontières" a déclaré le patriarche Cyrille en ouvrant le concile épiscopal de février 2013 (1)

La diaspora de l'Eglise russe est donc actuellement organisée en deux grands ensembles quasiment égaux en nombre de paroisses et de juridictions épiscopales:

- l'EORHF, dont les 409 paroisses et 39 monastères sont regroupés en 9 diocèses: 3 aux Etats Unis, (Amériques orientale, Amérique occidentale, Amériques centrale), 1 pour le Canada, 1 pour l'Amériques du sud, 1 pour Australie et Nouvelle Zélande et 3 en Europe occidentale (Allemagne, Grande Bretagne, Europe Occidentale). Il y a aussi des communautés dispersées en Thaïlande, Pakistan, voire Jérusalem. L'EORHF compte 7 évêques titulaires, dont le primat, et 5 vicaires. (2)

- Les paroisses "du patriarcat de Moscou" (PM) sont donc 420, avec 13 monastères. La moitié environ est organisée en 10 juridictions: 7 diocèses en Europe occidentale, Autriche, Belgique, Sourozh (Grande Bretagne), Hongrie, Allemagne, Chersonèse (France, Espagne, Suisse, Italie, Portugal), Pays Bas, Argentine, 1 diocèse pour l'Amériques de sud, et 2 Administrations apostoliques ayant chacune un évêque "in partibus" à sa tête pour l'Amériques de nord (Etats Unis et Canada). L'autre moitié des paroisses et monastères es dispersée dans 21 autres pays et comprend aussi des métochions et exarchats auprès d'institutions internationales ou des autres Eglises orthodoxes. Il y a aussi 2 Eglises autonomes (Chine et Japon). (3)

Cette diaspora s’est essentiellement créée à la suite des événements tragiques du XIXe siècle et cette organisation en reflète les divisions: les juridictions épiscopales des deux organisations du même patriarcat se superposent partout. Elles étaient récemment encore clairement concurrentes, voire hostiles, mais deux événements majeurs sont porteurs de changements: c'est d'abords, bien évidement, la réunification de ces deux ensembles dans la même Eglise en 2007 et ensuite, plus concrètement la réunion de tous les évêques de la diaspora de l’Eglise russe en octobre 2012 à Londres qui a marqué le 5ème anniversaire de cette réunification il y un an.

Vers une réorganisation?

Rien de nouveau ne semble s’être produit depuis cinq ans, mais les temps de l’Eglise ne sont pas ceux des hommes et le fit que cette réunion eu lieu est déjà important car c’est la première de ce type et elle concrétise la fin de la période transitoire de 5 ans prévue par l’acte d’union de 2007. Dans son discours d'ouverture Mgr Hilarion de Volokolamsk a largement évoqué les progrès accomplis durant cette période dans le rapprochement des deux structures sur le terrain, les actions communes et, plus particulièrement, la création d'un "groupe de travail pour étudier les questions du renforcement de l'unité ecclésiale", comprenant des représentants des deux structures, qui s'est réuni deux fois, en novembre 2011 et mai 2012.

Rien n’a été publié officiellement concernant des orientations concrètes pour réorganiser les diocèses de la diaspora et le patriarche Cyrille l’avait reconnu en ouverture du groupe de travail de mai 2012 : durant ces cinq années écoulées depuis l'unification, avait-il souligné, l'Eglise russe s'est abstenue de toute action précipitée dans les questions d'approfondissement de l'unité: "Il faut être prudent pour ne pas assombrir l'unité acquise par des mouvements maladroits, des actions irréfléchies, et ne pas compliquer les relations qui se développent favorablement." Mais les informations données par le père Andrew Phillips (4) en décembre 2012, après la réunion épiscopale, peuvent montrer des orientations.

Il serait d'après lui question de réunir toute la diaspora dans une grande Eglise Hors Frontière dont le primat serait à New York. Mais pour commencer la diaspora serait organisée en trois grandes métropoles continentales qui regrouperaient les diocèses locaux (le père Andrew ne dit pas s'ils seraient revus sur des bases géographiques sans superposition): une pour les Amériques, avec le "métropolite majeur" ("senior Metropolitan") et le principal séminaire (Jordanville), une pour l'Europe occidentale, avec le séminaire d'Epinay et la cathédrale en projet à Paris, et une pour le vaste ensemble Australie-Asie.

Disons tout de suite que ce schéma est d'autant plus crédible que le père Andrew fait partie du groupe de travail mentionné plus haut et que le principe des grandes métropoles continentales avait déjà été évoqué il y a 3 ou 4 ans par Mgr Marc de Berlin, qui avait été l'un des négociateurs de la réunification. Toutefois, je le répète, il n'y a aucune information officielle sur ce sujet, aucune date n'est avancée pour la mise en place et rien n'est dit du degré d'autonomie de ces métropoles. Mais on peut penser que, comme l'EORHF jouit d'une autonomie totale, il est peu probable que l'Eglise russe revienne là-dessus, d'autant que le patriarche Alexis avait tracé les grandes lignes de ce schéma dans sa célèbre adresse de 2003 que le père Andrew prend comme référence: "Nous fondons notre espoir que la Nouvelle Métropole autonome, qui réunira tous les fidèles de tradition orthodoxe russe des pays d’Europe Occidentale, servira u moment choisi par Dieu, de creuset à l’organisation de la future Eglise orthodoxe Locale multiethnique en Europe Occidentale, construite dans un esprit de conciliarité par tous les fidèles orthodoxes se trouvant dans ces pays."

Le cas de l'OCA

Le père Andrew traite avec une bonne dose de condescendance du cas de l’OCA qu'il met au même rang que l’Archevêché "de Daru" (5) (ibidem). Les cas sont pourtant très différents car, si "Daru" n'est qu'un diocèse parmi d'autres dépendant du patriarcat de Constantinople, l’OCA est une grande Eglise autocéphale (même si cette autocéphalie n’est pas encore reconnue par toutes les Eglises) qui compte en 2010 aux États-Unis 550 paroisses (+ 100 comparé à 2000), 16 monastères, 85 000 "adhérents" (6), plus de 13 évêques et un important institut de formation théologique (il faudrait y ajouter les chiffres du diocèse canadien pour lequel je ne dispose d’aucune étude similaire). En nombre de paroisses et d’adhérents, l’OCA représente largement plus que l’ensemble EORHF+PM aux États-Unis (158 paroisses, 50 000 adhérents. Ibid.), et le patriarcat de Moscou souligne clairement son attachement à cette autocéphalie qu’il a accordée en 1970 : il n’a pas de diocèses aux États-Unis ni au Canada et Mgr Hilarion de Volokolamsk affirmait récemment." L’EORHF, de son côté, a régularisé ses relations avec l'OCA, qui étaient historiquement tendues, permettant de premières concélébrations depuis des décennies…

" LE MONDE RUSSE NE SE LIMITE PAS À LA SEULE FÉDÉRATION DE RUSSIE"

«Nos adversaires utilisent malheureusement l’expression ‘monde russe’ comme une espèce d'épouvantail, un croquemitaine qui ne sert que dans les intérêts de la politique extérieure de la Russie,» a dit le patriarche de Moscou Cyrille en parlant de la signification de la mémoire de saint Serge de Radonège pour tout le plérôme de l’Église orthodoxe russe à l’occasion de la fête du saint le 18 juillet 2015.

« Il n’y a rien de plus éloigné de la vérité que d’identifier le monde russe à la seule Fédération de Russie » a-t-il continué en soulignant que c'est aussi "le monde ukrainien et le monde biélorusse; c'est le monde de toute la Rus, crée par le baptême dans le Dniepr; c'est le monde du prince Vladimir, c'est le système de valeurs qui a imprégné toute la culture et la vie de notre peuple."

Et il s'est référé au début de la Chronique de Nestor* "qui commence par 'd'où provient la terre russe." Il n'y est pas question d'Ukraine, Russie, Biélorussie – ils sont aussi 'la terre russe' et nous ne pouvons pas renier notre histoire, nos idéaux, nos saints, nos monastères, nos offices divins et notre langue commune" a conclu le primat. (7)
* La "Chronique des temps passés" ou " Chronique de Nestor" rédigée à la Laure des Grottes de Kiev vers la fin du XIe siècle ou le début du XIIe
L’ÉGLISE RUSSE DANS LE MONDE

Sources:
(1) La CROIX
(2) http://www.patriarchia.ru/db/text/245344.html
(3) http://www.patriarchia.ru/db/text/1324890.html; http://www.patriarchia.ru/db/organizations/30910/
(4) http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Archipretre-Andrew-Phillips-Du-devenir-de-la-metropole-orthodoxe-multilingue-russe-en-Europe-occidentale_a2820.html
(5) "Archevêché des Églises orthodoxes russes en Europe occidentale" dont le siège se trouve rue Daru (Paris): http://exarchat.eu/
(6) Cf. Alexei Krindatch, "the 2010 US Orthodox Christian Census", www.rcms2010.org
(7) http://www.pravoslavie.ru/news/80767.htm


Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 29 Septembre 2017 à 19:54 | 0 commentaire | Permalien


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