L'oeuvre de Gogol possède un grand potentiel missionnaire
Le hiéromoine Syméon Tomatchinski, directeur des éditions du monastère Sretensky à Moscou, est convaincu que l'œuvre de Nicolas Gogol renferme un grand potentiel missionnaire: elle aide l'homme contemporain à comprendre le sens des sacrements de l'Église. "Il faut davantage éditer et faire connaître les œuvres de Gogol", considère le père Syméon, persuadé que Gogol est "l'écrivain le plus religieux de la littérature russe, non seulement par sa vision des choses, mais aussi par le mode de vie".

Parmi les œuvres spirituelles de Gogol, il accorde la place la plus importante aux Méditations sur la divine liturgie, "oubliées" pendant l'époque soviétique. Cet écrit est destiné à ceux "qui veulent comprendre le sens profond de la liturgie et ne se contentent pas d'être de simples spectateurs de ce qui se passe dans les églises". Le père Syméon rappelle que la lecture de cette œuvre de Gogol était recommandée aux chrétiens par les starets du célèbre monastère d'Optina Poustyn. Pour écrire ces Méditations, Gogol avait même appris la langue grecque.

Rédigé par l'équipe de rédaction le 17 Mars 2009 à 01:09 | 19 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Galina P. le 17/03/2009 02:24
Il est vrai que l'œuvre spirituelle de Gogol mérite une plus grande attention, mais de là dire qu'il est l'auteur le plus religieux de Russie... Il y a tout de même Dostoïevski, Leskov. D'ailleurs, est-ce qu'il existe une traduction française des "Méditations sur la liturgie"?

2.Posté par T. Schakhovskoy le 17/03/2009 20:12
Intéressant ! Depuis le temps qu'on lit des commentaires négatifs sur cette partie de l'oeuvre de Gogol, dans toutes les préfaces à ses romans, les biographies, les manuels de littérature... à croire qu'elle est juste bonne pour la poubelle... les auteurs de ces commentaires reconnaissant pourtant à contre-coeur que Gogol lui-même y voyait son oeuvre la plus importante, au point de renier ses écrits profanes, ou presque. Je rejoins Galina pour demander s'il existe une traduction française de ce texte...

3.Posté par J. Malliarakis le 18/03/2009 09:25
@Galina : la traduction française de 1952 chez Desclee n'est plus disponible qu'en Pléiade.
Ce texte admirable fait partie du "Grand dessein de Gogol" , car comme l'a remarqué T. Schakhovskoy la partie religieuse de l'œuvre de Gogol est systématiquement dénigrée.
À lire pour comprendre tout cela la Correspondance avec ses amis publiée dans le même volume des Œuvres complètes de la Pléiade.

4.Posté par Thierry Jolif le 18/03/2009 14:13
Le hiéromoine Syméon n'a pas tort ! Toutefois, le texte de Gogol sur la Liturgie (que je situe au même niveau que celui de Nicolas Cabasilas, personellement) intéressera surtout les convaincus ! Je pense, pour ma part, que son oeuvre "profane", comme celle de Dostoievski ou de M. Boulgakov peut parler au plus grand nombre. Ces écrits font véritablement pénétrer la spiritualité orthodoxe au coeur de la modernité, au coeur de son nihilisme pour le transfigurer ...

5.Posté par RJ T le 18/03/2009 23:03
Catholique marqué par la littérature russe, j'ai eu le bonheur de lire ce petit opuscule de Gogol sur la Divine Liturgie. Je me souviens avoir été très touché par cette méditation, même si elle s'intéressait davantage au détail des rites qu'à la signification générale de la Liturgie. Chez nous, latins, la réforme liturgique a voulu supprimer l'accumulation de symboliques "secondaires" pour mettre en valeur le mouvement mystique de la synaxe eucharistique. Il existait par exemple autrefois le "peigne liturgique" qui permettait au ministre se coiffant à la sacristie, de faire une ultime prière pour retirer toute pensée d'orgueil de son esprit. Il semble que la Liturgie de Jean Chrysostome ait aussi connu une sorte d'accumulation et parfois d'érosion de ses pratiques. Et je suis heureux d'apprendre sur ce site que le Nouveau Patriarche rétablit l'homélie après la lecture de l'Evangile selon l'Antique Tradition. Je pense cependant qu'il y a un aspect "foisonnant" qui manque dans notre liturgie latine et que Gogol savait faire apprécier.
Par ailleurs, si Gogol manifestait un sens mystique assez profond, je pense tout de même que ses Ames mortes, quoique prodigieuses, restent assez cryptiques d'un point de vue religieux. Peut-être connaissez-vous des commentaires autorisés de cette oeuvre ?

6.Posté par Xenia Krivocheine le 19/03/2009 09:21
L'école soviétique a soigneusement tu à des générations d'élèves la foi de Gogol, tout juste si une phrase en bout de cours disait "Vers la fin de sa vie l'auteur a connu une période obscurantiste ("mrakobessie") et mystique.
De même pour ce qui est de Pouchkine si ses oeuvres "voltairiennes" (Gavriiliada, etc) étaient mises en avant, rien n'était dit de sa foi fervente, de ses poésies évangéliques. On en avait fait un membre de l'Union des écrivains soviétiques.
Leskov et Mamine-Sibiriak étaient occultés.

7.Posté par Thierry Jolif le 19/03/2009 13:10
@RJT ...'Les anciens grecs surnommaient Hadès, le dieu des enfers, Plouton, le 'riche'. Riche en « âmes mortes » ! Ces « âmes mortes » qui, précisément, doivent faire la richesse du héros de Gogol, dont le bourgeoisisme est la visée finale et vitale, l'horizon. métaphysique.'http://thierryjolif.hautetfort.com/archive/2008/09/28/krisis.html

8.Posté par Jean-Gilles Malliarakis le 20/03/2009 07:24
Il y a tant de choses à dire sur Gogol ! Le fait qu'il ait appris le grec pour aborder la théologie n'est pas anodin. N'oublions pas qu'à son époque l'Eglise officielle russe était très latinisante. N'oublions pas non plus que la véritable idée "slavophile" n'est pas du tout celle d'un nationalisme "racial" mais panorthodoxe.

Le point soulevé sur l'occultation de la dimension religieuse de son œuvre par l'école soviétique est évidemment très important.

Mais que dire de la France à ce sujet où le sort de Dostoïevski n'est guère différent.

Je serais franchement curieux d'une étude générale - non pas chez les orthodoxes, encore moins chez ceux qui ont découvert grâce à Dostoïevski ou tel ou tel auteur russe la foi chrétienne, - mais tout simplement chez les faux lettrés moyens, sur la connaissance de la part chrétienne dans la littérature russe, pourtant abondamment traduite dans notre langue.

La découverte de Soljénitsyne "leur" a fait un choc. Ils l'ont d'ailleurs surmonté depuis 30 ans en l'occultant à son tour. Voir à ce sujet les pitoyables déclarations de Mme Albanel au moment de son Retour vers le Père.

J'ose dire, pour ma part, que le caractère "missionnaire" de l'œuvre de Gogol est un aspect du destin de la littérature russe dans son ensemble aujourd'hui encore : contrairement à ce que disait l'Eglise de Rome il y a 10 ou 15 ans la "nouvelle évangélisation de l'Europe" se fera dans ce sens-là.

9.Posté par RJ T le 20/03/2009 09:03
@Thierry Jolif : Merci pour cette citation éclairante.
@Jean-Gilles : Tout à fait d'accord avec vous, par contre je ne comprends pas la fin : l'Eglise de Rome n'a jamais dit qu'elle voulait réévangéliser la Russie ! "Le document "ut unum sint" de JPII dit au contraire que l'orient comme l'occident doivent ensemble réévangéliser l'europe entière qui tombe sous le poids du métérialisme, et de l'athéisme pratique.

10.Posté par Thierry Jolif le 20/03/2009 12:57
Malheureusement, il semble bien que certaines franges de l'Église catholique en Russie ne soit pas persuadées du bien fondée de cette orientation et agissent comme si les orthodoxes devaient être évangélisés. Ont-ils hérité cela des missions protestantes qui profitèrent, précisément, de l'athéisme culturel officiel ? D'accord avec Monsieur Malliarakis, c'est bien par la littérature et la culture qu'une mission peut-être remplie de nos jours, sous un jour trop 'militant' il y a peu de chance que cela aboutisse ! surtout il faut savoir se contenter de petits pas. L'œuvre de Tolkien, par exemple, a amené certains de ceux qui en ont poussé l'étude à son terme, vers le christianisme... Tolkien, chrétien catholique fervent, admirateur de saint Ephrem, avait bien compris qu'il fallait non pas 'réenchanter' le monde (le faire retourner, finalement, vers les antiques craintes de la nature divinisée) mais amener par une culture authentique et 'globale' vers une christianisation de l'intelligence, vers la 'déification' de chaque pan de culture, par une intelligence aimante, riche, ouverte mais rigoureuse, débarrassée de carcans positivistes, naturalistes et strictement matérialiste ... Vraiment son œuvre, comme celle de bien d'autres, parmi lesquels, évidemment, Gogol, Dostoievski etc, est une profonde source de réflexion et de 'retournement' !
Il convient, par contre, de défendre ces œuvres, vivement, contre toutes les fausses interprétations... Je me souviens qu'au sortir du lycée, pour moi Dostoïevski n'était qu'un chantre du 'nihilisme' (et oui !!) et Gogol, un aimable littérateur un peu inférieur à un E.A. Poe...

11.Posté par Jean-Gilles Malliarakis le 20/03/2009 14:38
@RJT
Pour répondre en théorie à votre objection, il faudrait peut-être sur ce dernier point se reporter aux Œuvres de Jean Paul II (R.I.P.) et à sa théorie de Deux Poumons développée dans l'encyclique que vous citez et dans son complément (que l'orthodoxie n'avalise pas, en dépit de ses 'bonnes intentions': il n'y a pas 'deux lumières', sur le Mont Thabor. La prière sacerdotale de Jésus ne dit rien de ces Deux Poumons, etc.).
Dans la pratique, il est clair que les occidentaux (catholiques et protestants) ont aujourd'hui majoritairement dans l'idée de faire du prosélytisme à l'est, comme ils en ont fait dans les Balkans au cours du XIXe siècle et, aussi, dans les pays de l'islam où leurs 'missions' ne sauraient d'ailleurs s'adresser qu'aux chrétiens (en cela les évangélistes protestants ont au moins le courage de chercher à christianiser des mahométans).
Je serais très heureux d'avoir la démonstration de mon erreur et d'apprendre que l'Église romaine a renoncé officiellement et concrètement à tout prosélytisme en direction des orthodoxes.

De toute manière, la question par le fil posée est d'un autre ordre.
S'agissant de Gogol, on peut considérer que son chemin est celui d'une conversion. Les 'Âmes mortes' témoignent d'idées antérieures à son retour à la Foi.

12.Posté par Manul le 20/03/2009 19:58
Bonsoir, je voudrais juste réagir à un point abordé :

'Dans la pratique, il est clair que les occidentaux (catholiques et protestants) ont aujourd'hui majoritairement dans l'idée de faire du prosélytisme à l'est, comme ils en ont fait dans les Balkans au cours du XIXe siècle et, aussi, dans les pays de l'islam où leurs 'missions' ne sauraient d'ailleurs s'adresser qu'aux chrétiens (en cela les évangélistes protestants ont au moins le courage de chercher à christianiser des mahométans).'

Il est vrai que les évangélistes cherchent aussi à évangéliser des musulmans, et dans certains pays ce sont les chrétiens locaux qui en pâtissent, mais que doit-on penser lorsqu'ils se tournent justement, comme vous dites, vers des chrétiens catholiques (comme les chaldéens, syriaques...) et orthodoxes (syriaques...), comme en Irak ?

Les hommes d'Église sur place ont parlé des moyens qu'ils utilisaient, c'est plus que douteux voici un exemple :

'«Le Christ est le même dans toutes les Églises. Si je quitte l'Église syriaque-orthodoxe pour adhérer à l'Église évangéliste, je m'assurerais un emploi, des allocations pour mes enfants et une satisfaction spirituelle qui m'était encore inconnue», note Mazen, un ingénieur civil de Mossoul. La liberté dans leur culte m'attire. Leur foi nouvelle et forte me rassure», poursuit-il.'
Source de la citation (un article intéréssant par ailleurs) :
http://www.fsa.ulaval.ca/personnel/VernaG/EH/F/cause/lectures/Irak_chr%C3%A9tiens.htm

Ceux-ci profitent de la détresse pour attirer des chrétiens en leur faisant espérer un avenir meilleur matériellement, ces derniers se détachent donc (s'ils les suivent) d'une histoire et culture religieuse riche puisque l'Irak est un pays qui eut très tôt des chrétiens, ils sont aussi l'une des rares communautés a encore parlé le syriaque, un dialecte de l'araméen, la langue qu'a très probablement parlé Jésus. Ce genre de procédés, personnellement, je pense que les Irakiens ont raison de les critiquer. Mais c'est moins dangereux. En Irak des missionnaires protestants ont été tués, ils ne peuvent que continuer et c'est pareil dans d'autres pays mais avec d'autres acteurs.

13.Posté par Xenia Krivocheine le 20/03/2009 21:12
Это комментарий по-русски. Надеюсь кто-нибудь последует примеру

Для тех кто не знает как издавались произведения Гоголя, Достоевского и даже Пушкина в СССР, хочу уточнить. Фёдор Михайлович Достоевский был в большой опале и только после хрущёвской оттепели, где-то в конце 50-х годов переиздали «Братья Карамазовы» и «Бесы». Книг этих было в магазинах не купить. В школах старались преподавать только «социального» Достоевского, а именно «Неточка Незванова», «Бедные люди». И только в 60 годы, малым тиражом, вышли «Записки из мёртвого дома». Так что современный русский человек совсем недавно узнал великого писателя Достоевского.
То что касается Н.В.Гоголя, тут тоже не всё так просто. О его мистической религиозности никогда, ничего не писалось. Очень советую прочитать о Гоголе интереснейшее исследование русского эмигранта К. Мочульского. Поражает, как Гоголь любил Италию! Именно в Риме он написал самые прекрасные произведения о России.
Об А.С. Пушкине, можно только пожалеть, что его личность была подвергнута настоящей ампутации со стороны советской пропаганды, а Министерство Культуры и Образования совершили своё злое дело. А.С.Пушкин выведен как борец с самодержавием, защитник бедноты и непонятый гений, который только благодаря советской власти наконец обрёл свою славу. О его вере в Бога никогда никто не писал в СССР.

14.Posté par Thierry Jolif le 24/03/2009 10:18
'S'agissant de Gogol, on peut considérer que son chemin est celui d'une conversion. Les 'Âmes mortes' témoignent d'idées antérieures à son retour à la Foi. '

Le chemin de la conversion (metanoia) est loin d'être linéaire. 'Les âmes mortes' contiennent bien des indices, des pistes, des jalons, précisément, sur ce chemin ... Il y a bien des allers-retours en direction de la foi dans une vie humaine. Il me semble limité de voir dans une œuvre aussi riche une simple dichotomie avec un avant et un après la foi. Dans toute cette vie et dans toute cette œuvre, au cœur même, il demeure une même personne, une personne retournée, révélée même, par la foi mais partout la même personne ...

15.Posté par T. Schakhovskoy le 24/03/2009 11:47
Sages propos auxquels je souscris entièrement, en remarquant simplement que l'on peut aussi les appliquer à toute personne - en fait, à chacun d'entre nous... sauf que nous n'avons pas le génie d'un Gogol pour l'exprimer

16.Posté par Thierry Jolif le 24/03/2009 13:08
Tout à fait, à ceci près que tous nous avons un "génie" particulier, un ou des dons, des "talents" ... A nous de nous ouvrir véritablement à la Grâce, aux "énergies" de l'Esprit Saint ... Non ?

17.Posté par T. Schakhovskoy le 24/03/2009 15:26
Bien sûr, mais ce n'est pas si facile, d'où mon entière approbation pour votre phrase sur les 'allers et retours' vers la foi, en fait le travail de toute une vie, avec des hauts et des bas. Je pensais aussi à la phrase de Maeterlinck, reprise dans l'opéra de Debussy (profane mais non sans profondeur) : 'Nous ne voyons jamais que l'envers de nos destinées', ce que j'ai toujours visualisé au sens propre, concret, comme une espèce de tapisserie, pleine de nœuds, de fils embrouillés et inégaux, de 'rapetassages', le véritable dessin ne pouvant se voir que de 'l'autre côté'...

18.Posté par Thierry Jolif le 24/03/2009 16:02
Tout à fait d'accord avec vous, cette idée-image est vraiment très juste ! Elle s'accorde parfaitement au sujet de cette discussion. L'œuvre de Gogol est vraiment missionnaire dans ce sens très juste qu'elle tend vers quelque chose qui aboutira ou pas ... mais l'ensemble du dessin-dessein ne se verra que dans 'l'après' ! En outre, dans l'œuvre de cet immense écrivain il convient de voir ce qu'en écrivant il 'discrimine' du monde, tout ce qu'il soustrait afin de parvenir à une autre œuvre ... Ce fut intensément douloureux pour lui ! Évidemment ce ne peut que l'être pour tout ceux qui essaient d'avancer en conscience dans la vie ... vers la Vie

19.Posté par Jean-Gilles Malliarakis le 20/05/2009 08:02
Bonjour,

Je me permets de vous signaler l'article que vos infos m'ont largement incité à publier sur mon site
à propos du bicentenaire de NV Gogol

Gogol le libre orthodoxe et la transfiguration du monde
http://www.insolent.fr/2009/05/gogol-le-libre-orthodoxe-et-la-transfiguration-du-monde.html

Nouveau commentaire :



Recherche



Derniers commentaires


RSS ATOM RSS comment PODCAST Mobile