V. Golovanow

UN CONSENSUS QUASI GÉNÉRAL SUR LA MISSION ŒCUMÉNIQUE DE L'ORTHODOXIE

Nous ne connaissons pas la teneur du document "Relations de l’Église orthodoxe avec le reste du monde chrétien" adopté en Conférence préconciliaire le 16 octobre dernier et qui a donc recueilli le consensus des délégués de toutes les 14 Églises mais le colloque de Metz 20-21 octobre dernier montre les origines de la Mission œcuménique orthodoxe et ses liens étroits avec les études patristiques: "force est déjà de reconnaître que la visée d’unité de l’œcuménisme trouve son écho chez les Pères qui sont non seulement l’expression de l’Église indivise, mais ceux qui les premiers ont œuvré à réaliser l’unité de leur vie et de l’Église, ce qui leur donne une place fondamentale dans la théologie, et qui en fait nos frères dans la vie de l’Esprit."

Un article du Dr. Julija Vidovic (1) montre de son côté que les deux grands saints théologiens orthodoxes du XXe siècle, l'évêque d'Ohrid Nicolas (Velimirovic) et le père Justin (Popovic) "partagent la position de toute l'Église orthodoxe sur l'œcuménisme.

Notre dialogue avec les non-Orthodoxes est la responsabilité évangélique qui tient de la nature même de l'Église orthodoxe, qui est l'Église même que le Seigneur a fondé sur Lui-même comme pierre éternelle (1 Cor. 3:11). C'est notre devoir de porter témoignage au Seigneur Ressuscité jusqu'à la fin des temps. Cette mission a été confiée aux Apôtres et l'Église orthodoxe ne peut pas s'y soustraire maintenant, après deux mille ans… Pour ce courant, qui n'est certainement pas nouveau, les "Orthodoxes œcuméniques" sont des gens de compréhension et d'inclusion et non d'exclusion, comme disait le jeune Nicolas Velimirovic, des gens d'unité et de conciliarité pour le père Justin Popovic," et tous formulent "les mêmes critiques d'une civilisation européenne séparée de Christ, d'une part, et de la présence des tendances sécularisatrices à l'intérieur même de l'église d'autre part l'autre; dans le catholicisme romain et le protestantisme l'Homme devient valeur suprême et remplace le Christ – Dieu-homme, écrit Saint-Justin," souligne le Dr. Vidovic.

LES DIVISIONS ORTHODOXES SUR L'ŒCUMÉNISME
APPROCHES DIVERGENTES DES MODALITES DU DIALOGUE ŒCUMÉNIQUE

A partir de ce constat commun, les appréciations des modalités du dialogue œcuménique créent une fracture au sein de l'Orthodoxie qui est assez bien personnifiée par les approches divergentes de saint Nicolas et de saint Justin.

-LE SAINT EVEQUE NICOLAS était très favorable au développement du dialogue œcuménique dont il fut l'un des fondateurs en participant à la première conférence de « Foi et Constitution » (Lausanne, 1927(2)). Il se méfiait de l'évolution de l'œcuménisme mais, comme l'écrit le Dr Vidovic, "cela ne signifie pas que l'évêque Nicolas n'était plus ouvert au dialogue œcuménique…mais il développe une claire distinction entre 'les églises hétérodoxes' et l'Eglise Orthodoxe. Dans 'Centurie de Ljubostinja' il va même plus loin en écrivant que, dans le monde chrétien, seule l'Eglise Orthodoxe honore l'Evangile comme la Vérité absolue et n'est pas gouvernée par l'esprit du siècle," et elle l'illustre parfaitement avec la citation de son discours à la deuxième Assemblée du COE (Evanston, 15-31 août 1954), à laquelle il participa en personne dix huit mois avant de s'endormir dans le Seigneur… Toutes les délégations orthodoxes aux différentes instances œcuméniques reprennent cette doctrine, de la "déclaration d'Oberlin" (Conférence "Foi et Constitution", 1957) au dernier discours du métropolite Hilarion de Volokolamsk (Pusan, Corée, Xe Assemblée du COE, 30 octobre - 8 novembre 2013), sans oublier les "Principes de base des relations de l’Église orthodoxe russe à l’égard de l’hétérodoxie" (2000).

La grande majorité des prélats et théologiens qui dirigent et représentent les Églises Orthodoxes se retrouvent en général sur ces bases doctrinales là, avec les exceptions notoires des Églises de Bulgarie et de Géorgie dont les réticences ont amené le retrait de certaines instances du dialogues œcuméniques, les rapprochant ainsi du courant suivant.

- LE PÈRE JUSTIN POPOVIC est en effet opposé au dialogue institutionnalisé: il avait cessé de commémorer le patriarche de Serbie quand son église avait rejoint le COE en 1965 (information à confirmer), mais surtout il a identifié dans ses écrits le dialogue œcuménique avec les tendances humanistes sous tendant la démarche vers l'unité des Chrétiens de l'Église catholique romaine et des Protestants," écrit le Dr Vidovic. Le père Justin qualifie ce processus là de "pan-hérésie" et lui oppose le concept d'un "œcuménisme orthodoxe" qui est spécialement développé dans ses "Notes sur l'œcuménisme" (rédigées en 1972 mais publiées en 2010, Bishop Athanasius (Yevtic), “Introduction”, in St. Justin Popovic, "Записи о екуменизму", Манастир Твдош, 2010) où "il invoque l'aide de l'expérience attestée des Écritures et la Tradition vivante préservée dans l'Église du Christ"(dito).

La grande majorité des croyants et des prêtres de paroisse ainsi que bon nombre de théologiens et de prélats un peu marginalisés par leurs hiérarchies dans leurs Églises se retrouvent dans ce courant là avec les Églises de Bulgarie et de Géorgie.

- DES EXTREMISTES DES DEUX BORDS vont exacerber les divergences:

* Ceux que j'appellerais "ULTRA ŒCUMENISTES" oublient les déviations des Églises occidentales depuis mille ans et, en prétendant dépasser ces divergences, ils nient en fait que "le caractère du développement des bases doctrinales et de l'ethos de ces Églises va assez souvent à l'encontre de la Tradition et de l'expérience spirituelle de l'Église Ancienne," qui sont les fondements de l'Orthodoxie comme l'affirment clairement les "Principes de base des relations de l’Église orthodoxe russe à l’égard de l’hétérodoxie" cité plus haut. Certaines déclarations de représentants du patriarcat de Constantinople se rapprochent de cette mouvance.

* Ceux que l'on appelle les "ZÉLOTES DE L'ORTHODOXIE " rejettent tous ceux qui sont engagés dans le dialogue œcuménique en les amalgamant aux "ultra-œcuménistes" (procédé de propagande totalitaire classique) et en voulant enfermer l'Orthodoxie dans une espèce de ghetto idéologique. La base idéologique la plus ferme de ce courant est constituée par un certain nombre de monastères, Mont Athos en tête, et la «Confession de foi contre l’œcuménisme d’avril 2009 peut être considérée comme leur manifeste Cf.

CONCLUSION

J'ai essayé dans ce long commentaire de faire une analyse aussi objective que possible du clivage que provoque le concept même d'œcuménisme parmi les Orthodoxes. Il est clair que cela reste succinct et bien d'autres développements seront certainement à faire sur ces sujets

(1) L'article "St. Nicolas Velimirovic and St. Justin Popovic on Ecumenism" a été publié sur Orthodox Handbook on Ecumenism. Resources for Theological Education, чијисуиздавачи P. Kalaitzidis, T. Fitzgerald, C. Hovorun, A. Pekridou, N. Asproulis, D. Werner and G. Liagre, VolosAcademy, WCC, Regnum Books International, Oxford, Volos, Greece, 2014, p. 263-272. Disponible en PDF à partir de.

Julija Vidovic est une jeune théologienne qui a soutenu sa thèse intitulée “La synergie entre la grâce divine et la volonté de l’homme selon saint Maxime le Confesseur” le 29 mai, à l’Institut catholique de Paris, en doctorat conjoint avec l’Institut Saint-Serge.

(2) Cf. ICI; http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Quelques-etapes-de-l-oecumenisme-orthodoxe-Partie-2_a2526.html; http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Quelques-etapes-de-l-oecumenisme-orthodoxe-Partie-3_a2536.html

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 20 Novembre 2018 à 16:48 | 18 commentaires | Permalien



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