La diplomatie turque refuse au patriarcat de Constantinople le droit d'avoir une représentation à Kiev
Interfax, 27 mai

Le Ministère turc des affaires étrangères estime que de telles initiatives des autorités ukrainiennes n'ont aucun fondement car le patriarche n'est pas en droit d'avoir des représentations à l'étranger sans l'assentiment des autorités du pays selon le quotidien "Aksam". Telle a été la réaction du département turc des affaires étrangères à la récente rencontre du président Iouchtchenko et du patriarche Barthélemy à Istanbul. Le chef de l'Etat ukrainien avait suggéré l'ouverture à Kiev d'une représentation du patriarcat de Constantinople. Il était question d'une église et d'un centre culturel

Cependant, conformément au Traité de paix de Lausanne 1923 le patriarche de Constantinople ne dispose pas d'un statut "universel" et n'est pas une personne juridique. Il n'existe aucune différence entre le statut juridique du patriarche et celui de l'imam de n'importe quelle mosquée. Les autorités turques ne reconnaissent pas le titre "patriarche de Constantinople" car cette ville n'existe plus. Le patriarche Barthélemy n'est pas, non plus, reconnu en tant que "patriarche œcuménique", il s'agit, en effet, d'une dénomination héritée de l'époque de l'Empire de Byzance.
La presse turque préfère parler du "patriarche du Phanar", quartier de la ville jadis habité par des Grecs et où se situe le patriarcat. Il est souligné qu'il s'agit seulement du responsable religieux de la peu nombreuse minorité grecque résidant en Turquie.

Rédigé par l'équipe de rédaction le 27 Mai 2009 à 21:23 | 13 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Anna Rotnov le 27/05/2009 21:57
Pardonnez - moi tous pour mon indélicatesse , mais toute cette situation frise carrément le ridicule :
pendant que tant de monde se déchire , des prêtres souffrent sous nos yeux , des paroissiens vivent la terreur et se terrent ... : nous lisons noir sur blanc que le patriarcat de Constantinople n' existe que dans le passé et nos imaginations , car non reconnu ni par la Turquie ( où il se trouve ) , ni par le Traité de paix de Lausanne . En somme, il faut plutôt chercher qui le reconnaît , car Iouchtchenko s' est ramassé une gifle avec cette visite .

2.Posté par vladimir le 27/05/2009 23:42
Rappel:
Le statut du Patriarcat est défini et garanti par le traité de Lausanne (1923): c'est un établissement religieux demeurant à Constantinople et s'occupant des affaires purement spirituelles de la minorité de nationalité turque et 'de religion grecque-orthodoxe'. Le tezkeré (arrêté) de la préfecture de Constantinople du 6 décembre 1923 stipule que 'lors des élections spirituelles et religieuses qui auront lieu en Turquie, les électeurs seront des ressortissants turcs et exerceront des charges spirituelles à l'intérieur de la Turquie lors de l'élection, et que la personne qui sera élue aura les mêmes qualifications'. Les synodes et conciles du patriarcat excluent donc toute personne non turque.

L''échange des populations', prévu en 1923, força à l'exil la majeure partie de la population grecque-orthodoxe de Turquie, et ces départs devinrent massifs avec la crise chypriote, dans les années 50 et 60. Le ressort direct du Patriarcat est donc réduit aujourd'hui, outre les petites communautés qui subsistent en Turquie (à Istanbul, et dans les îles d'Imbros et de Ténédos), à l'Athos, Patmos, les îles du Dodécanèse, la Crète (semi-autonome), la Diaspora grecque partout dans le monde -elle est particulièrement importante et influente aux Etats-Unis, l'Archevêché de Daru, l'Eglise orthodoxe de Finlande et l'Eglise dissidente d'Estonie. Les éparchies des 'Nouveaux Territoires', c'est-à-dire des régions de Thrace et de Macédoine annexées par la Grèce en 1912-1913, continuent de dépendre de Constantinople mais leur tutelle a été confiée à l'Eglise de Grèce. Mgr Ware (1) évalue le nombre des fidèles du Patriarcat à 6 millions.

L'école de théologie du Patriarcat, dans la petite île de Halki, en Mer de Marmara, a été fermée en 1971 par le gouvernement turc et le Patriarcat à l'intention de porter plainte à Strasbourg. Le Patriarcat s'est doté depuis de plusieurs écoles ou centres d'études hors de Turquie, ce qui pose quelques problèmes : l'Institut patriarcal d'études patristique, à Thessalonique ; le Centre orthodoxe du Patriarcat Œcuménique à Chambésy, près de Genève où on lieu les réunions pré-conciliaires; le monastère patriarcal de Ste Anastasie Pharmakolyutria en Chalcidique ; et l'Académie orthodoxe de Crète.

Cette note est rédigée sur la base d'un article d'Olivier Clément disponible sur: file:///C:/Users/Utilisateur/Documents/ORTH/Olivier%20Clement%20constantinople%20.htm

(1) In 'L'Orthodoxie, l'Église des sept conciles' p.13

3.Posté par Nikita Krivochéine le 28/05/2009 09:54
Je suis tout à fait ignorant du statut du patriarcat de Constantinople à l'époque de l'Empire Ottoman et du nombre dans le monde des diocèses ou paroisses sous sa juridiction avant 1918? Merci à ceux qui me répondraient.

4.Posté par vladimir le 28/05/2009 14:19
Cher Nikita,

Je ne suis pas un spécialiste de l'histoire de l'orthodoxie, mais Mgr Ware consacre un chapitre à 'l'Église sous l'Islam' dans son livre 'L'Orthodoxie, l'Église des sept conciles' (1). Mon résumé ci-dessous reprend aussi des éléments de l'article de feu Olivier Clément cité hier:

La disparition de l'Empire byzantin créa un vide historique et juridique, puisque c'est l'empereur, par exemple, qui convoquait les conciles. Ce vide fut comblé par le Patriarche de Constantinople, grâce au rôle d''ethnarque' responsable du 'Rum Millet' ('la nation romaine'), que le Sultan lui accorda. Il devint ainsi le chef de la 'nation' chrétienne, au sens musulman pour lequel le civil et le religieux sont inséparables. La structure ecclésiastique dans son ensemble devint un instrument de l'administration séculière, les évêques – fonctionnaires et le patriarche n'était plus seulement le chef spirituel de l'Église, mais aussi le chef civil de la nation grecque, 'millet-bashi' ou ethnarque. Cette situation se maintient jusqu'en 1923 (Lausanne (2)). La haute administration de l'Église entra dans un système dégradant de corruption: tout était à vendre, les Turcs changeant fréquemment les patriarches pour multiplier les occasions de vendre la place: sur les 159 patriarches en fonction entre le XVe et le XXe siècles, les Turcs en ont renversé 105, certains reprenant leur place 3 ou 4 fois, et il y avait généralement plusieurs ex-patriarches en exil attendant fiévreusement la possibilité de reprendre leur place.
Mais le patriarcat de Constantinople restait puissant extérieurement car les Turcs le considéraient comme le chef de tous les Orthodoxes sous leur domination et les patriarcats d'Antioche, Alexandrie et Constantinople, théoriquement indépendants, lui étaient de faits soumis, comme les Églises de Chypre, Bulgarie, Roumanie et Serbie. Seule Moscou demeurait indépendante: elle s'était proclamée autocéphale dés 1448, Constantinople ayant accepté l'union de Florence, puis était elle était élevée au patriarcat en 1589 par le patriarche Jérémie II, (3). Le Patriarcat réunit assez régulièrement les patriarches orientaux et leurs synodes, et souvent de nombreux évêques, à Constantinople regler les problème graves: ainsi ont été réunis à Constantinople les conciles de 1454 et 1484 (pour rejeter l'union de Florence), de 1590 (pour confirmer le patriarcat russe), de 1638 (pour préciser la position orthodoxe entre Réforme et Contre-Réforme), de 1663 (sur les troubles dans l'Eglise russe), de 1735 (pour résister à l'offensive uniate et au re-baptême des orthodoxes imposée par Rome après des siècles de communicatio in sacris sporadique), de 1848 et 1872 (sur de difficiles problèmes ecclésiologiques). L'Eglise russe, admise au cinquième rang dans une Pentarchie complétée, fut toujours consultée, même après l'introduction du système synodal sous Pierre le Grand (1721). En 1848 par exemple, Constantinople eut soin de se mettre d'accord avec le Saint Synode russe au moment d'élaborer l'encyclique conciliaire sur le problème de l'infaillibilité.

Au 19ème siècle, le recul de l'empire ottoman et la poussée du mouvement des nationalités amènent la multiplication des Etats nationaux dans l'Europe du sud-est. Chaque nation revendique et établit son indépendance ecclésiastique 'pour ne pas rester soumise au Sultan'. L'autocéphalisme se théorise peu à peu en affirmant le principe ethnique et national. Le dernier concile de la Pentarchie se tint en 1872 à Constantinople et condamna avec beaucoup de fermeté le phylétisme, c'est-à-dire le nationalisme ecclésiastique, mais cette condamnation étant restée sans effet, Constantinople admet la fin de la Pentarchie: une nouvelle organisation s'impose où les Églises nationales sont pleinement présentes car Constantinople, contraint et forcé, les reconnaît avec retard (sauf la Serbie qui obtint au préalable l'assentiment de Constantinople en 1979): Eglise de Grèce (organisée dès 1833 mais reconnue en 1850), Roumanie (1864-1885), Bulgarie (1871-1945, sic!),… etc., la dernière en date étant l'OCA, établie en 1970 mais non encore reconnue…

L'unité, elle, resta à restaurer: en 1902, le patriarche Joachim III proposa bien aux Eglises orthodoxes de se consulter tous les deux ans. En vain. Les efforts ont repris après guerre avec le patriarche Athénagoras I (1946-1972) et les réunions de Chambezy (4), dont nous pouvons espérer la reprise, et je voudrais citer in extenso un passage de l'article d'Olivier Clément, qui cite le P. Jean Meyendorff (5) 'Il est incontestable que la conception orthodoxe de l'Eglise reconnaît la nécessité d'un leadership sur l'épiscopat universel, d'une certaine autorité de porte-parole de la part du premier Patriarche, d'un ministère de coordination sans lequel la conciliarité est impossible. Du fait que Constantinople, nommée aussi 'Nouvelle Rome', était la capitale de l'Empire, un concile Œcuménique a désigné son évêque -selon les réalités pratiques de l'époque- pour cette position de leadership qu'il a gardée jusqu'à aujourd'hui , même si l'Empire n'existe plus. Et le Patriarcat de Constantinople n'a pas été dépourvu d'œcuménicité, étant toujours en relation avec la conscience conciliaire de l'Eglise. Dans les années chaotiques que nous traversons, l'Eglise orthodoxe doit certainement utiliser le leadership sage, objectif et faisant autorité du Patriarcat Œcuménique'.

On peut toutefois se demander si, par des actions agressives comme en Amérique, en Estonie ou en Ukraine, voire chez nous, Constantinople n'a pas perdu ce 'leadership sage, objectif et faisant autorité' en se mettant plutôt en position d'être juge et parti…

Désolé d'avoir été si long et professoral. je pense que la question posée l'exigeait et j'espère que de plus savants que moi viendront encore compléter...

(1) Je fais souvent référence à ce livre car il me semble vraiment être une base indispensable à toute personne s'intéressant sérieusement à l'Orthodoxie. Il est disponible sur http://www.editionsducerf.fr/html/fiche/fichelivre.asp?n_liv_cerf=5902. 180 EUR.
27/05/2009
(2) Et jusqu'en 1977 à Chypre avec Mgr Makarios
(3) Notons que la métropole de Kiev ne fut rattachée à Moscou qu'à la fin du 17ème siècle, après l'union politique de l'Ukraine et de la Russie. Dans ce nouveau contexte, la primauté de Constantinople fonctionne jusqu'au 19ème siècle.
(4) Cf. http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/La-primaute-chez-les-orthodoxes-a-travers-le-dialogue-catholique-orthodoxe_a223.html?com#com_839834
(5) In 'Needed; the ecumenical Patriarcate' ('On a besoin du patriarcat Œcuménique'); The Orthodox Church,1978, vol. 14, n° 4, p. 4 s.
Constantinople n'est pas en droit d'avoir une représentation à Kiev

5.Posté par Svetlana Milko le 28/05/2009 15:25
Le Patriarcat de Constantinople

En 324, cette ville reçoit le titre de 'Nouvelle Rome' lorsque l'empereur Constantin le Grand quitte Rome pour s'installer à Constantinople.

Constantinople prend toute son importance sous l'empereur Théodore qui en fait la véritable capitale de l'Empire Byzantin.

Le troisième canon du deuxième concile œcuménique (381) élève le trône de Constantinople au second rang après Rome et soumet l'Asie, le Pont, la Thrace et les Balkans sous sa juridiction.
En 518, le patriarche de Constantinople reçoit officiellement le titre de 'patriarche œcuménique'.
En Occident , du 8ème au 9ème siècle, l'évêque de Rome prend peu à peu rang de chef politique. C'est à cette époque que se crée l'état papal. L'Église romaine, forte de ce pouvoir temporel grandissant, intervient alors de plus en plus dans les affaires internes de l'Église d'Orient, ce qui est source de frictions.

En 1054, le schisme est consommé pour des raisons théologiques (adjonction du Filioque dans le Credo latin) mais aussi politique : les croisades sont la première conséquence de cette séparation (1204 prise de Constantinople par les croisés et destruction du Patriarcat). Pendant 57 ans, le Patriarche déplace son siège à Nicée.

En 1453, Constantinople est prise par les Turcs. Sous Mahomet II tous les chrétiens de l'Empire Ottoman sont considérés comme une nation. Le Patriarche est investi, en plus de son autorité spirituelle, du titre d'Ethnarque, responsable de tous les chrétiens devant la 'Porte sublime'. Pendant l’époque ottomane le patriarche de Constantinople possédait les privilèges de l’ethnarque grec et était de fait le chef de toute la population orthodoxe de l’Empire. Toutefois, son autorité ne s’étendait pas au-delà des frontières de l’État ottoman. Aux XIXe et XXe siècles l’émergence de nouveaux États sur l’ancien territoire ottoman a provoqué la création de nouvelles Églises autocéphales, indépendantes du patriarcat de Constantinople.

A partir des années 1920 le Patriarcat de Constantinople qui après la dissolution de l’Empire ottoman avait perdu presque tous les fidèles sur son territoire canonique, s’est mis à prétendre au droit de pourvoir aux besoins pastoraux de ce qu’on appelle la diaspora orthodoxe et a commencé à créer des métropoles et des archevêchés en Europe et dans le reste du monde. En fin de compte des juridictions orthodoxes parallèles se sont créées dans les pays où les Orthodoxes ne représentaient qu’une minorité.

Aujourd'hui, malgré la laïcité (1922), le Patriarcat vit, en Turquie, une situation relativement précaire et ce qui reste de l'orthodoxie, après conflits et génocides, y est souvent menacé.
Selon le traité de Lausanne de 1923, Ankara et Athènes disposent d'un droit de veto lors de l'élection des chefs de leur minorité religieuse respective. Ainsi, l'élection du Patriarche est soumise à l'approbation de l'État turc.

La difficulté de compréhension vient du fait que le 'successeur' de l'apôtre André n'est pas seulement le responsable de la minorité orthodoxe de Turquie (quatre à cinq mille descendants des byzantins), il est avant tout le premier patriarche du monde orthodoxe.
Ce rôle supranational n'est admis ni par le gouvernement turc ni par certaines autres Églises orthodoxes.

6.Posté par Jean Vanders le 28/05/2009 22:37
En complément à ces intéressants posts et surtout au 2 de Vladimir: le patriarche de Constantinople doit effectivement être citoyen turc mais parfois il y a un arrangement. Ce fut le cas lors de l'élection le 1er novembre 1948 d'Athénagoras Ier qui était métropolite d'Amérique et citoyen américain. Mais 'il était soutenu fortement par les États-Unis pour contrer l'avancée soviétique' ... 'Il est arrivé en Turquie le 26 janvier 1949, trois mois après son élection effective, dans l'avion privé du président américain Trumann.' Dès son arrivée, il abandonne sa nationalité américaine pour prendre celle de Turquie. Existait-il un accord tacite entre les autorités turque et américaine et le candidat Athénagoras?
Informations tirées d'une excellente étude d'un historien et politologue turc qui enseigne à Strasbourg et démontre fort bien les nombreux problèmes de ce Patriarcat : Samim Akgönül, 'Le Patriarcat grec orthodoxe, De l'isolement à l'internationalisation (1923-2003)', Institut français d'études anatoliennes, Maisonneuve et Larose, Paris, 2005.

7.Posté par G. Spyvak le 28/05/2009 22:40
Plus qu'une erreur diplomatique, la création à Kiev d'une représentation du patriarcat de Constantinople à l'instigation des autorités politiques et non religieuses du pays serait un geste peu fraternel à l'égard des orthodoxes ukrainiens. Espérons que le patriarche Barthélémy préférera l'observance des canons de l'Église aux tentations politiques.

8.Posté par vladimir le 29/05/2009 15:46
Merci à Jean Vanders pour cette intéressante précision, que je découvre (comme quoi la politique joue bien un rôle essentiel!) et à Svetlana Milko pour sa synthèse. Je pense que les lecteurs sont maintenant totalement informés...
Une petite précision: je crois qu'aucune Église orthodoxe ne conteste la primauté du Saint-Siège. C'est le contenu et le sens de cette primauté qui font débat: comme l'écrit Séraphin Rehbinder 'Il y a d’abord l’impasse des tentations de juridiction universelle qui se manifestent dans l’Église de Constantinople. Ces tentations ne sont pas graves en soi : elles sont tellement contraires aux fondements de l’ecclésiologie orthodoxe qu’elles ne sauraient persister longtemps (1). Mais tant qu’elles ne sont pas surmontées, elles empêchent la Grande Église de Constantinople d’assumer sa véritable primauté.

Or l’institution de la primauté est en quelque sorte inhérente à l’Église, et son exercice est nécessaire à sa vie paisible. Il est donc primordial que « la Grande Église » puisse jouer son rôle véritable, qui est de permettre, par sa sollicitude et ses initiatives, à l’Eglise, de révéler la solution du problème de la diaspora. C’est à dire de découvrir la solution juste de ce problème. L’Eglise de Constantinople ne peut trouver elle-même une solution et l’imposer aux autres Églises. Elle n’en a pas la possibilité ni le pouvoir. Elle doit cependant présider à la recherche de cette solution et faire émerger le consensus sur ce point, en d’autres mots, aider à révéler la volonté de l’Esprit Saint.' (http://oltr.france-orthodoxe.net/html/srehbinder05.html)
(1) Remarque de Vladimir: Mgr Jonas avait résumé cela de façon lapidaire dans son homélie de Dallas en disant 'si nous voulons un Pape, pourquoi refuser celui de Rome?'

9.Posté par Nikita Krivochéine le 29/05/2009 17:05
Je remercie Vladimir pour sa réponse circonstanciée et éclairante. J'ignorais beaucoup de ce qui y est expliqué.
Une citation d'Olivier Clément:

'La disparition de l'Empire byzantin créa un vide historique et juridique, puisque c'est l'empereur, par exemple, qui convoquait les conciles. Ce vide fut comblé par le Patriarche de Constantinople, grâce au rôle d''ethnarque' responsable du 'Rum Millet' ('la nation romaine'), que le Sultan lui accorda. Il devint ainsi le chef de la 'nation' chrétienne, au sens musulman pour lequel le civil et le religieux sont inséparables. La structure ecclésiastique dans son ensemble devint un instrument de l'administration séculière, les évêques – fonctionnaires et le patriarche n'était plus seulement le chef spirituel de l'Église, mais aussi le chef civil de la nation grecque, 'millet-bashi' ou ethnarque. Cette situation se maintient jusqu'en 1923 (Lausanne (2)). La haute administration de l'Église entra dans un système dégradant de corruption: tout était à vendre, les Turcs changeant fréquemment les patriarches pour multiplier les occasions de vendre la place: sur les 159 patriarches en fonction entre le XVe et le XXe siècles, les Turcs en ont renversé 105, certains reprenant leur place 3 ou 4 fois, et il y avait généralement plusieurs ex-patriarches en exil attendant fiévreusement la possibilité de reprendre leur place. '

Peut-on en conclure que 'la première' Rome , malgré des épisodes opaques pendant la Renaissance et la période d'Avignon, s'en est tirée mieux que la 'deuxième'?
A réussi à renoncer en douceur au pouvoir temporel, tout en gardant, grâce à Latran, son indépendance par rapport aux gouvernements territoriaux?
Que le Vatican, quoi qu'en disent certains lobbys, a su franchir les années Mussolini (qui n'étaient pas marquées par une grande ferveur catholique) et celles de la Deuxième guerre sans se compromettre ?
Qu'avant, pendant et après la guerre les papes ont entrepris tout ce qui était dans leur pouvoir pour secourir les Eglises soeurs en détresse en ex URSS comme dans les 'démocraties populaires'?
A la suite de relations plus conflictuelles avec Jean-Paul II pendant les années Andropov -'Solidarnost' les catholiques et les orthodoxes russes ont pleinement pris conscience de l'urgence à contrer les terribles ennemis communs de la chrétienté qui ont pour nom sécularisation, laïcité, mondialisation, société de consommation... Des structures de coordination et d'intercation se mettent place. Les relations entre les primats de l'Eglise catholique romaine et de l'Eglise orthodoxe russe existent depuis longtemps. Tout porte à croire qu'une fois les différents (prosélytisme, juridiction greco-romaine, nomination d'évêques) résolus une rencontre aura lieu qui ouvrira de grandes perspectives.
Nous voyons fort bien qu'en Europe Occidentale la hiérarchie catholique lorsqu'elle a le choix de traiter avec l'Eglise russe ou les ambassades ecclésiales d'Istanbul n'hésite pas et donne la préférence aux évêques nommés par le patriarcat de Moscou.
Dans cette conjecture vraiment globale les efforts de division, de séparation, de rivalité, pour ne pas dire de concurrence que déploie le Phanar en Estonie, en Ukraine, en Europe et surtout en France semblent hostiles.
Pour l'ensemble des Eglises orthodoxes et pour notre foi.

10.Posté par Marie Genko le 31/05/2009 09:31
Voici un commentaire, cher Nikita, qui suggère bien des réflexions.
Tout d'abord je suis persuadée que la première Rome, si elle ne s'était pas créé elle-même de terribles handicaps, elle aurait aujourd'hui un nombre infiniment plus impressionnant de fidèles.
Une comparaison détaillée des faiblesses de nos deux religions pourrait être le sujet d'une longue thèse.
Mon degré de connaissances est certainement bien trop élémentaire pour donner autre chose que l'humble avis d'une fidèle orthodoxe habituée, depuis son enfance, à un dialogue quotidien avec des chrétiens catholiques.
Pour ne parler que des grandes lignes essentielles:
La première erreur de Rome à été de vouloir imposer une culture romaine universelle aux chrétiens. La force des Orthodoxes est justement l'enracinement de leur religion dans la diversité des cultures des peuples.
Une deuxième erreur catholique est le rejet, sans appel, de certaines fautes,comme dans le cas des divorces, pour ne citer qu'un exemple.
Une autre est la fracture inévitable entre les prêtres célibataires et leurs fidèles.
Enfin, vue de l'extérieur, la religion catholique donne une image terriblement sévère, et orgueilleuse de son infaillibilité !
Pourtant des millions de fidèles se disent catholiques dans le monde.
Les catholiques sont infiniment plus disciplinés que les orthodoxes et donnent de leur religion une impression d'ordre et de cohésion, que nous ne pouvons que leur envier.
Voilà bien pourquoi il me semble que nous avons tant à apprendre les uns des autres!
Reconstruire l'unité du corps de l'Église du Christ! Voilà ce qui nous donnerait la certitude que l'Esprit Saint serait à tout jamais parmi nous pour nous guider!
N'est-il pas évident que les catholiques gagneraient à s'humaniser et les orthodoxes à se discipliner?
Et seul l'Esprit Saint nous permettra de vaincre ensemble, les faiblesses qui nous minent depuis presque mille ans.

11.Posté par gérard le 01/06/2009 11:50
Marie

Je vous remercie pour votre participation sur ce site. Je vous lis toujours avec intérêt car je vois en vous quelqu'un qui aime profondément l'Eglise Orthodoxe et une personne très désireuse de l'unité des chrétiens. J'aime moi-même profondément mon Eglise Catholique et je suis très désireux de l'unité. Je lis aussi avec un grand intérêt beaucoup d'articles de ce site pour mieux connaître mes frères orthodoxes. Je vous remercie de m’accueillir parmi vous. Je suis ravi du désir d’unité qui existe chez beaucoup d’entre vous. Nous avons cela en commun. Je suis content de voir que beaucoup de personnes sur ce site, à commencer par vous Marie, ont un regard bienveillant sur l'Eglise catholique. Je vous assure que beaucoup de catholiques ont un regard positif sur l'Eglise Orthodoxe et sont conscients de vos richesses spirituelles.
J’étais déjà intervenu sur votre site en exprimant mon désir d’une date commune pour Pâques.
J’ai lu avec un grand intérêt vos critiques de l’Eglise catholique. Je vais essayer de vous répondre ce que je pense être la position de l’église catholique, mais je ne suis pas théologien et je vais m’appliquer pour essayer de ne pas faire d’erreurs.
Vous écrivez : « La première erreur de Rome a été de vouloir imposer une culture romaine universelle aux chrétiens. La force des Orthodoxes est justement l'enracinement de leur religion dans la diversité des cultures des peuples. »
A cela, je ne sais trop quoi répondre. Si vous parlez de l’uniatisme, l’Eglise catholique a reconnu que ce n’était pas le bon chemin vers l’unité dans la déclaration de Balamand en 1993. Donc, cela ne sera plus un obstacle vers l’unité du Corps du Christ quand les personnes concernées appliqueront les orientations données dans ce document. Cela est maintenant une question d’obéissance à l’Esprit et d’honnêteté intellectuelle.
Je prie aussi pour que les Orthodoxes arrivent à des accords dans les réunions qu’ils auront bientôt lieu à Chambésy. L’unité des orthodoxes est nécessaire pour parvenir à l’unité des chrétiens.
D’ailleurs, nous pouvons nous réjouir de voir nos frères réformés et luthériens de France s’unir dans une seule église. La marche vers l’unité est visible.
Ensuite vous écrivez : « Une deuxième erreur catholique est le rejet, sans appel, de certaines fautes, comme dans le cas des divorces, pour ne citer qu'un exemple. »
A cela, je vous réponds qu’il existe la possibilité de nullité du sacrement de mariage chez les catholiques, à certaines conditions. Cette requête doit être faite à l’évêque. Et il y a de plus en plus une pastorale d'accueil des divorcés-remariés. Une reflexion est en cours.
Vous écrivez aussi : « Une autre est la fracture inévitable entre les prêtres célibataires et leurs fidèles. » Je crois que le célibat existe aussi dans les Eglises orthodoxes. Je crois que vos évêques sont célibataires ? Sont-ils en fracture avec les fidèles ? D’autre part, je pense que l’Eglise n’est pas complètement fermée au mariage des prêtres puisque les catholiques orientaux comme les maronites ou les melkites ont des prêtres mariés.
Je pense que l’unité du Corps du Christ ne se fera pas dans l’uniformité. Donc, il est possible d’avoir différents états de vie : célibataires, mariés. Cela ne sera pas un problème vers l’unité.

Enfin vous écrivez aussi : « vue de l'extérieur, la religion catholique donne une image terriblement sévère, et orgueilleuse de son infaillibilité ! » Par terriblement sévère, j’espère que vous voulez dire terriblement enracinée dans l'amour, ne se laissant pas séduire par l’esprit du monde, prête à donner sa vie pour le Christ, ne cherchant pas à plaire, non tiède.
Pour ce qui concerne l’orgueil,aïe, aïe, aïe, je prie Dieu de nous en guérir tous, les catholiques et peut-être même les Orthodoxes. L’Esprit Saint ne peut être accueilli que dans des cœurs humbles.
Quant à l’infaillibilité pontificale, cela fait l’objet de discussions entre les théologiens orthodoxes et catholiques et cela peut évoluer vers une position plus conciliaire. Je ne suis pas en capacité de débattre d’un tel sujet et je fais confiance à nos théologiens pour aboutir à un accord.
Un pape invoque l'infaillibilité pontificale lorsqu'il proclame solennellement un dogme. Cela ne s'est produit qu'une seule fois depuis 1870, pour le dogme de l'Assomption de la Vierge, proclamé par le pape Pie XII en 1950, après consultation des évêques du monde entier. Du point de vue de la doctrine catholique, le pape pourrait invoquer l'infaillibilité pontificale en matière de morale, mais, à proprement parler, ce ne fut jamais fait, même dans les affirmations les plus fermes de Paul VI dans l'encyclique Humanae Vitae en 1968 . excluant la contraception artificielle, ou celles de Jean Paul II dans l'encyclique Evangelium vitae condamnant l'avortement provoqué et l'euthanasie en 1995.

Voilà, Marie. Je vous remercie de reconnaître la discipline des catholiques. Mais si j’avais à choisir entre "être humain" ou "discipliné", je choisirai d’être humain. L'Eglise catholique est souvent calomnié dans les médias; aussi quand les médias nous attaquent, vous pouvez trouver la position exacte de l'Eglise catholique sur internet à "zenit".
Prions donc Dieu pour que nous soyons plus humains, humus, humilité, de la terre, solidaires de tous les hommes qui appellent Dieu et qui ont besoin du Christ uni en son Corps.
Jean 13(35) : « Si vous vous aimez les uns les autres, alors tous sauront que vous êtes mes disciples. »
Fraternellement.
Gérard

12.Posté par marie genko le 01/06/2009 18:19
Cher Gérard,
Merci de vous donner la peine de nous écrire. Et merci aussi d'essayer de nous faire valoir votre point de vue de catholique.
Lorsque j'ai parlé de l'universalité de la culture latine imposée à tous les chrétiens occidentaux par l'évêque de Rome durant le dernier millénaire, il s'agit pour moi d'un constat, qui somme toute n'est plus vraiment d'actualité, puisque la langue locale est en passe de s'imposer. Mais vous avez pu constater à quel point les chrétiens s'identifient à leur culte, et combien ont été nombreux ceux, qui ont souffert dans leurs convictions lorsque le latin a été en quelque sorte banni de la messe.
C'est à ce phénomène d'identification du chrétien à l'expression de sa Foi, modelée chez les Orthodoxes par le génie propre de chacun des peuples qui ont adopté l'orthodoxie, que je faisais allusion.
Nous sommes d'accord sur bien des points, le Corps de l'Église du Christ retrouvera son unité dans l'amour et l'humilité.
Durant mille années nos deux Églises ont vécu de leur vie propre, et des différences dogmatiques nous séparent aujourd'hui. Or, nous ne pouvons nous unir que si nous professons la même Foi.
Il faudrait revenir en arrière à l'an 1054, lorsque rien ne nous séparait. Ainsi nous pourrions repartir ensemble pour approfondir notre Foi sous l'inspiration de l'Esprit Saint.
Le miracle tient à ce que Sa Sainteté Benoît XVI l'a bien compris. Et tous les espoirs nous sont permis.
Un immense merci de prier pour les réunions de Chambésy qui vont débuter dans quelques jours.
Nous aussi nous mettons beaucoup d'espoir et de prières pour que nos prélats s'accordent sur des positions ecclésiales acceptables par tous les orthodoxes. Des positions respectueuses de l'attachement des diasporas pour leurs Églises mères respectives et respectueuses de la territorialité de l'Église catholique.
Nous vivons depuis notre enfance parmi vous et comme d'autres l'ont exprimé sur ce blog, nous sommes nombreux à vous devoir une infinie reconnaissance pour le témoignage chrétien que vous nous avez apporté.

13.Posté par Svetlana Milko le 10/06/2009 19:47
"НГ-РЕЛИГИИ":
Греко-римская борьба Виктора Ющенко. Украинский президент встретился с Константинопольским Патриархом и Папой Римским

Президент Украины Виктор Ющенко продолжает встречаться с мировыми религиозными лидерами. 20 мая он встретился с Константинопольским Патриархом Варфоломеем в Стамбуле, а 1 июня в ходе визита в Рим имел аудиенцию у Папы Римского Бенедикта XVI. Как и прежде, главная идея Ющенко – создание единой поместной Украинской Православной Церкви. В качестве объединителя православия третий президент Украины хочет остаться в истории. Однако в прошлом году визит Патриарха Варфоломея в Киев не дал в этом плане никаких результатов. Похоже, он сам несколько охладел к церковным инициативам Ющенко. Во всяком случае, на сей раз обсуждалось лишь возможное открытие подворья Константинопольского Патриархата в Киеве. Интересы Патриарха Варфоломея в Украине этим на сегодняшний день ограничиваются.
Впрочем, турецкий МИД уже дал понять, что не одобряет идеи создания представительства Константинопольского Патриархата в Киеве. "Подобные инициативы Украины не имеют законных оснований, – писала по итогам встречи Ющенко с Патриархом Варфоломеем газета "Акшам" со ссылкой на турецкие дипломатические круги. – Без разрешения Турции такое предложение Патриархатом принято быть не может". В цитируемой публикации также указывалось на условия Лозаннского договора 1923 года, согласно которому Константинопольский Патриарх является главой греческой православной общины города Стамбула и не более того. Он не имеет права именовать себя Вселенским Патриархом и вести дипломатическую деятельность без санкции турецкого правительства.
Итак, церковная политика украинского президента столкнулась с жесткой позицией Турции по вопросу о статусе Константинопольского Патриарха. Не добившись своего в Стамбуле, Ющенко предпринял визит в Рим, где встретился с Бенедиктом XVI. Говорить о православном единстве с Папой Римским (а Ющенко обещал затронуть эту тему) было по меньшей мере странно. Кроме того, нынешний Понтифик в отличие от своего предшественника и не собирается наносить визиты в страны бывшего Советского Союза, предпочитая сохранять добрые отношения с Русской Православной Церковью. Разделения между православными в Украине не слишком волнуют Ватикан в отличие от подчас весьма острых противоречий между украинскими римо-католиками и греко-католиками (униатами), находящимися в юрисдикции Папы Римского.
Униатская проблема, пожалуй, самая трудноразрешимая в деле создания единой Украинской Православной Церкви. Ведь греко-католики тоже называют себя православными. При этом они являются такими же выразителями украинской идентичности, как и представители других национальных Церквей. Короче говоря, без участия или по крайней мере согласия греко-католиков единство Украинской Православной Церкви было бы неполным. Но возможно ли такое согласие после четырех столетий разделения (а Брестская уния была провозглашена в 1596 году)? Лидер украинских греко-католиков кардинал Любомир Гузар предпочитает на этот вопрос отвечать другим вопросом. "Единство может быть, – заявил он в последнем интервью журналу "Украинский Тиждень", – но будем ли мы, когда оно наступит? Единство – это тоже дар Божий. Однако мне сдается, что каждый рассчитывает принять его на своих собственных условиях. Никто не хочет меняться, напротив, все говорят – пусть весь мир поменяется, но не я!"
При этом глава Украинской Греко-Католической Церкви не один год добивается в Ватикане признания де-факто уже давно используемого им титула Патриарха. И если Москва упорно не признает патриаршего титула за бывшим православным экзархом Украины Филаретом (Денисенко), то Рим так же упорно не желает давать подобный титул кардиналу Гузару. Что же делать в этой ситуации Ющенко? Судя по всему, он уже убедился в бесплодности попыток легализовать Киевский Патриархат во главе с Филаретом – его не признает ни Москва, ни Константинополь, а епископы уходят от него, уводя целые епархии. Остается другой вариант – попытаться легализовать греко-католический Украинский Патриархат во главе с кардиналом Гузаром. Главное – не мытьем так катаньем, но иметь в Киеве своего законного Патриарха!

Алексей Шмырев, 3 июня 2009 г.

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