La mort de Constantin Melnik, homme clé des services secrets sous De Gaulle +
Les obsèques auront lieu jeudi à 11H00 en l’église des Trois-Saints-Docteurs, 5 rue Pétel (XVe) à Paris. Le défunt était un fidèle paroissien de cette Eglise

Constantin Melnik, l’un des hommes clés des services secrets, notamment durant la guerre d’Algérie, est décédé dans la nuit de samedi à dimanche à Paris, à l’âge de 86 ans, a annoncé lundi sa famille.

Personnage hors du commun, ce spécialiste du renseignement a été l’éminence grise de l’ancien Premier ministre Michel Debré auprès duquel il était chargé de la coordination des services secrets de janvier 1959 à avril 1962.

Il fut, dira-t-il ensuite dans un livre, «une sorte de vice-premier ministre qui acceptait de s’occuper de tous les problèmes déplaisants», dans la lutte contre le FLN et l’OAS, ce qui lui vaudra le surnom de «Sdece tartare» (le Sdece était le «service de documentation extérieure et de contre-espionnage», ancêtre de la DGSE).

Homme de l’ombre, il fut également l’initiateur de contacts secrets avec la délégation algérienne, prémices des accords d’Evian, qui ont mis fin le 18 mars 1962 à la guerre d’Algérie. Il connaîtra tout des pourparlers secrets entre représentants du FLN ou du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) et du gouvernement français.

Constantin Melnik avait également été le premier responsable de l’époque à soutenir, en 1988, que 100 manifestants étaient morts du fait des exactions de la police lors de la répression de la manifestation du FLN du 17 octobre 1961 à Paris. Jusqu’à cette date, le bilan officiel de la répression était de 3 morts et 64 blessés.

Né le 24 octobre 1927 à La Tronche (Isère), de parents russes chassés de leur pays par la Révolution de 1917, il était le petit-fils du médecin du tsar Nicolas II, Egveni (Eugène) Botkine, assassiné en même temps que la famille impériale en juillet 1918 à Ekaterinbourg.

Major de l’Institut de sciences politiques, c’est par le biais de ses recherches sur l’Union soviétique qu’il avait intégré les services spéciaux.

Passionné par la lutte antisoviétique, il a également travaillé pour la Rand corporation, l’organisation de recherches stratégiques américaines qui, elle-même, travaillait pour le Pentagone et la CIA.

Il avait publié de nombreux ouvrages: «Des services très secrets», «l’Agence et le Comité», sur la CIA et le KGB, «Un espion dans le siècle», ou encore «Politiquement incorrect». Son dernier livre «Espionnage à la française» était paru en 2012.
AFP

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 15 Septembre 2014 à 21:05 | 1 commentaire | Permalien


Commentaires

1.Posté par " Le Monde" - Historien des services secrets Constantin Melnik le 23/09/2014 17:39
Ni espion ni haut fonctionnaire, Constantin Melnik, mort le 14 septembre à Paris à l'âge de 86 ans, était surtout un écrivain et un grand connaisseur des services secrets. Avec élégance et talent, il a consacré sa vie à lutter contre ses ennemis soviétiques tout en professant un immense respect pour leur action. Sa carrière atypique, son origine russe et son art de l'analyse en ont fait un des meilleurs connaisseurs de la " guerre froide ".

Constantin Melnik est né le 24 octobre 1927 à La Tronche (Isère). Sa mère, Tatiana Botkine, était la fille du médecin de l'empereur Nicolas II, Eugène Botkine, et son père, Constantin Semionovitch Melnik, un jeune officier qui avait rejoint l'armée de Koltchak pendant la guerre civile russe (1917-1920) avant de fuir en Yougoslavie puis en France.

La famille vit au sein d'une colonie de Russes blancs groupée autour de l'usine de papier de Rives (Isère). Le jeune Melnik devient résistant pendant la guerre puis sort major de Sciences Po en 1949. Entre-temps, il a appris à parler anglais en travaillant pour les militaires américains. Il est ensuite secrétaire du groupe parlementaire des radicaux de gauche au Sénat puis, par l'entremise de Raymond Aron dont il avait été l'élève, se lie d'amitié avec Michel Debré. Leur connivence intellectuelle va changer sa vie.

En 1955, il est aux Etats-Unis, à l'université Stanford, où il produit des analyses stratégiques pour la Rand Corporation, un think tank. Son collègue s'appelle Henry Kissinger. Le 13 mai 1958, en pleine guerre d'Algérie, le général de Gaulle arrive au pouvoir. Dans son sillage Michel Debré devient premier ministre et Constantin Melnik le conseiller de ce dernier pour la sécurité et le renseignement. A l'époque, les services secrets, le Service de documentation extérieure et de contre-espionnage, dépendent de lui. Il est aux premières loges dans la bataille contre le FLN qui ensanglante Paris ou lors du putsch des généraux d'Alger. Il gardait de cette période troublée une fierté, celle d'avoir préparé les négociations secrètes avec le FLN qui allait aboutir en 1962 aux accords d'Evian, consacrant l'indépendance de l'Algérie.

Sur l'affaire des écoutes téléphoniques de l'Elysée sous François Mitterrand, Constantin Melnik s'était fait un malin plaisir d'expliquer dans les colonnes du Monde (22 octobre 1996) qu'il s'agissait de jeux d'enfant par rapport à ce qui existait durant les premières années de la Ve République. Il était bien placé pour le savoir, puisqu'il avait créé le Groupement interministériel de contrôle qui écoutait systématiquement les personnes soupçonnées d'aider le FLN, les activistes d'extrême droite ou les journalistes comme Jean-Jacques Servan-Schreiber de L'Express et le directeur du Monde, Hubert Beuve-Méry. Triées et analysées par ses soins, les écoutes atterrissaient sur le bureau de Michel Debré et à l'Elysée sur celui du président de la République.

Romans à clés

Après la guerre d'Algérie, Constantin Melnik quitte définitivement les allées du pouvoir. Il engage une réflexion sur cette histoire vécue de très près et juge sévèrement la dérive " barbouzarde " des réseaux gaullistes – Jacques Foccart, le tout-puissant conseiller du général de Gaulle, restera son meilleur ennemi –, la lutte à mort contre l'OAS ou la pénétration soviétique de nos services secrets. Il va devenir éditeur et écrivain. Directeur de collection chez Fayard, il écrit lui-même sur l'espionnage et innove par des romans à clés, dont le plus réussi reste Des services " très " secrets (Editions de Fallois, 1989), et des essais très informés comme Les Espions, réalités et fantasmes (Ellipses, 2008).

Constantin Melnik professait un souverain mépris pour les " chasseurs d'espions ", qui voient la main du KGB partout et confondent la notion de " relation confidentielle " et celle d'agent. L'extravagante campagne, menée près de sept ans après sa mort, contre le dirigeant socialiste Charles Hernu, accusé d'avoir été un espion soviétique, était à ses yeux l'exemple de cette dérive.

Lui qui avait consacré sa vie à lutter contre le communisme n'en admirait pas moins les succès remportés par les services secrets de Moscou : du recrutement des Anglais de Cambridge, Kim Philby ou John Cairncross, à l'obtention par le KGB des secrets de la bombe atomique américaine à la fin des années 1940. Quant aux services français, Constantin Melnik, qui n'avait pas de mots assez durs pour dénoncer l'assassinat de Ben Barka en 1965 ou le fiasco du Rainbow-Warrior en 1985, les considérait comme les " moins performants du monde civilisé ".

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