Le Saint Martyr Alexandre, archevêque de Semipalatinsk : "Vous n’aurez pas mon âme!"
La fête des Saints de Koursk est établie par l’Eglise Orthodoxe Russe en l’honneur des Saints nés dans la région de Koursk ou de ceux qui ont officié dans le cadre du diocèse de Koursk. La fête a été établie le jour de la translation des reliques du Saint Séraphin de Sarov (19 juillet/1 août). Les Saints de Koursk sont essentiellement martyrs et confesseurs russes du XX siècle.

L’archevêque Alexandre (Choukine) est né en 1891 à Riga dans la famille du prêtre Jean Choukine et de la pieuse Elisabeth. Son grand-père, Vassily Choukine a été diacre à Riga, son père était diplômé de l’Académie de théologie de Moscou. Ordonné prêtre, il a enseigné le catéchisme au séminaire, dans une école du diocèse et dans des lycées. Il a également enseigné le latin et le grec.

Le père Jean et Elisabeth avaient sept enfants. La fille du père Jean se rappelait que son père aimait les enfants sans les gâter pour autant. Il ne satisfaisait pas leurs caprices par peur d’en faire de mauvais chrétiens. Mais il ne les forçait pas à faire des prières quotidiennes alors qu’il consacrait lui-même tout son temps libre à la prière.

Le Saint Martyr Alexandre, archevêque de Semipalatinsk : "Vous n’aurez pas mon âme!"
Il en est de même pour sa femme Elisabeth qui se dépêchait d’aller à l’église dès qu’elle avait un moment. Les enfants du père Jean se adoraient jouer, seul Alexandre ne participait pas. Il était calme, modeste, obéissant à la volonté de ses parents. Tant que ses frères et sœurs jouaient, il s’enfermait dans la chambre de son père pour prier. Lorsque ses frères faisaient du bruit il leur demandait gentiment de parler moins fort.

Il n’était pas maussade de nature mais son cœur souhaitait imiter les anciens ascètes qui considéraient le rire comme une impertinence et une manifestation de l’impureté pécheresse. Il voulait devenir prêtre.

Alexandre a été diplômé de l’Académie de théologie de Moscou en 1915.

Au début de la première guerre mondiale la famille du père Jean a déménagé à Nijnij Novgorod. Après avoir terminé l’Académie, Alexandre les y a rejoints. Il a commencé à enseigner dans un séminaire. 1917 a marqué le début des épreuves pour l’Eglise Orthodoxe. Pareillement à l’or éprouvé par le feu, l’Eglise se forgeait dans le feu de la haine et des rébellions. Alexandre a demandé à son père de le bénir pour qu’il devienne moine. Le père Jean doutait que son fils ait la volonté d’endurer la vie monacale alors que tout ce qui avait un lien avec l’Eglise était bafoué et détruit. Ayant prié cependant, le père a béni son fils d’aller à la Laure Saint Serge. Il a reçu la tonsure en adoptant le nom du vénérable Alexandre de Svir.

En 1918, le père Jean a été arrêté par les autorités soviétiques de Nijni Novgorod.

Emprisonné pendant six mois il est tombé malade. Libéré, il rentre à la maison à moitié mort. Il a se met à officier dans le village de Liskovo, bientôt son fils l’y rejoint.Pendant un certain temps, le père et le fils ont officié ensemble. En 1923, l’hiéromoine Alexandre a été appelé à Moscou et le 23 août de la même année il a été sacré évêque de Lysk, vicaire du diocèse de Nijnij Novgorod.
Pendant l’absence de son fils le père Jean est tombé gravement malade de pneumonie. Sachant qu’il allait mourir, il attendait son fils pour recevoir sa bénédiction. Comme toujours, Mgr Alexandre s’est empressé d’accomplir le souhait de son père. Il est arrivé la veille de sa mort. Le père Jean était conscient. Ils ont longtemps conversé. Ensuite, le père Jean a communié aux Saint Mystères du Christ.

Les premiers offices de l’évêque Alexandre étaient les vigiles funèbres et la liturgie en mémoire de son père. Le père Jean a été enterré à côté de l’église où il officiait. Le sacre d’Alexandre n’était en rien fortuit. C’était un prédicateur de talent et un vrai guide spirituel. Vivant comme un vrai moine et accumulant la grâce dans son âme par un infatigabl labeur spirituel il transmettait cet esprit à ses ouailles. Il envoyait certains d’entre eux à Diveevo, là où avait vécu Saint Séraphin. Si la vocation se manifestait en eux, il leur donnait sa bénédiction pour qu’ils apportent leurs vœux.
Il a officié au monastère Saint Macaire. Il allait souvent aussi au monastère de Starye Mary où se trouvait l’icône vénérée de la Vierge « la Mère de Dieu aux trois bras ». A Lysk, il rendait visite à l’évêque Barnabé qui accomplissait à l’époque l’exploit de « la folie en Christ ». Dans le village de Makarievo, Mgr Alexandre a mis en place l’enseignement du catéchisme aux enfants de dix à treize ans. Cela a duré approximativement un an et ensuite les autorités l’ont interdit.

En septembre 1927 à l’âge de 62 ans la mère du futur Saint Alexandre est tombée gravement malade.

Mgr prenait soin d’elle et il était à ses côtés au moment de sa mort. Avant de mourir elle a dit : « Mes yeux se sont ouverts, je vois le ciel. Il y fait si clair… » En 1929 le jour de la mémoire de l’Archange Michel, les autorités ont arrêté l’évêque Alexandre. Il a été envoyé dans la prison où se trouvait déjà pratiquement tout le clergé de Nijny Novgorod. Aux interrogatoires l’évêque Alexandre répondait : « Je fais des homélies tous les dimanches sur des sujets bibliques…et parfois pour défendre des vérités religieuses contestées par mes contemporains. Je le fais pour trouver la vérité dans des questions relatives à la religion où je présente des preuves de l’enseignement orthodoxe… Je me suis parfois prononcé contre l’athéisme.

(Parlant parfois de l’athéisme moderne, l’évêque disait que seules les personnes dépourvues d’humanité et de la foi dans la vie éternelle peuvent détruire des monastères. D’ailleurs, ici-bas ces gens n’envisagent pas de construire quoi que ce soit non plus).

Le Saint Martyr Alexandre, archevêque de Semipalatinsk : "Vous n’aurez pas mon âme!"
Vraisemblablement l’interrogateur était embarrassé par les réponses de l’évêque.

Le lendemain Mgr Alexandre a explicité sa pensée par écrit : « Les questions débattues par mes contemporains concernent des problèmes de l’apologétique, à savoir : la fin du monde, les origines de l’homme, sa création par Dieu, la réalité historique du christianisme, l’immortalité de l’âme. Les questions relatives à la religion sont des théories scientifiques concernant les vérités religieuses mentionnées ci-dessus. Le but que je poursuivais dans mes homélies consistait à trouver la vérité dans des théories scientifiques et à prouver à mes ouailles la vertu de l’enseignement orthodoxe en la matière. Je ne traite pas des questions relevant de la vie politique, publique et sociale.

Les tchékistes lui ont promis la liberté s’il s’arrêtait de prêcher. Il a refusé en disant qu’il avait été missionné pour prêcher.Les interrogateurs le battaient et voulaient le terroriser mais le saint répondait calmement avec douceur : « Mon corps est dans votre pouvoir, vous pouvez en faire ce que vous voulez mais vous n’aurez pas mon âme ».
Il a été mis dans une cellule avec d’autres prêtres. En vrai moine et ascète, il a beaucoup prié en inspirant les autres prisonniers à en faire de même avec ardeur et sans paresse. Certains d’entre eux avaient déjà commencé à déprimer dans les dures conditions de la prison de la GPU (Police politique).

Après son arrestation sa sœur Elisabeth s’est rendue chez le procureur Vychinsky à Moscou pour solliciter la libération ou l’exil de son frère à ses frais car il souffrait d’une maladie cardiaque.Vichinsky a répondu qu’elle devait s’adresser plutôt à la Croix Rouge, que Mgr Alexandre avait été arrêté pour avoir prêché et qu’il serait envoyé pour trois ans dans les camps des îles Solovki. L’instruction a été close le 11 janvier 1929. On a imputé à l’évêque qu’« étant opposé à l’idéologie des autorités soviétiques par ses homélies à caractère antisoviétique il avait propagé parmi la population des idées contre-révolutionnaires. Lors d’entretiens privés, il s’adonnait à de la propagande antisoviétique sur des sujets tels que « l’impiété des communistes athées ». Pouvant disposer de moines et de religieuses il les avait envoyés en mission dans des villages en leur expliquant la façon de lutter contre des athées en s’opposant ouvertement aux activités des institutions culturelles publiques… Selon les dispositions en vigueur de la GPU concernant les exils administratifs et la déportation dans les camps en date du 28/ II -24 et annoncées l’enquête est transmise à la Conférence Spéciale pour décision sans procédure juidiciaire… ».

Le 26 avril 1929 la « Conférence Spéciale » a condamné l’évêque à trois ans de camp des îles Solovki, endroit prévu pour le clergé en conformité avec une directive de la GPU.

A Solovki l’évêque a travaillé d’abord en tant que veilleur, puis comptable. A l’expiration du terme, les autorités ne l’ont pas laissé réintégrer le diocèse de Nijny Novgorod. Il a été envoyé à Orel où il est arrivé le jour de la fête de l’Archange Michel. A Orel, il a été fait archevêque.C’était l’époque où l’Eglise était impitoyablement persécutée. Les autorités arrêtaient et fusillaient les fidèles. Il était devenu dangereux d’aller à l’église, c’était considéré comme un crime d’Etat. La peur d’être arrêté saisissait de plus en plus de personnes. Les églises se vidaient.

Monseigneur Alexandre s’est mis à prêcher et les églises se sont remplies de fidèles.Ayant remarqué cette recrudescence de la vie religieuse les tchékistes ont cherché à accuser l’archevêque. Un jour, une personne l’a prévenu que les autorités avaient décidé d’avoir provoqué des incendies. Des faux témoins ont été trouvés. Il fallait partir la même nuit, sinon c’était l’arrestation. L’archevêque est parti dans le village Semenovskoje de la région de Nijnij Novgorod où il est resté pendant 6 mois.

En 1936 il été envoyé dans la ville de Semipalatinsk.

Les chaires d’archevêques devenaient de moins en moins nombreuses, les archevêques,disparaissaient l’un après l’autre dans les prisons. Sa sœur lui écrivait à Semipalatinsk : « Prends ta retraite, viens me voir à Liskovo, tu seras épargné ». L’archevêque a répondu que malgré son amour envers elle, s’il avait pris la mitre ce n’était pas pour la délaisser.
En 1937 l’archevêque a été arrêté. Pour une dernière fois il a béni ses enfants spirituels, témoins de l’arrestation. Les enquêteurs de l’époque appliquaient la torture et nombre de leurs victimes faisaient n’importe quelles déclarations pour être épargnés. L’Archevêque a fait preuve de courage et n’a reconnu aucune des fausses accusations formulées contre lui. Accusé d’espionnage et de propagande contre-révolutionnaire, l’archevêque a tout résolument nié. On lui a demandé les noms de ses connaissances, il ne les a pas donnés. Les interrogateurs n’ont pas réussi à le faire signer ne fût-ce qu’un procès-verbal.

Le jour de la réunion de la « conférence spéciale » (sorte de tribunal sommaire) le 28 octobre 1937 l’interrogateur Barabanchikov a procédé à un dernier interrogatoire.

- Vous êtes membre et chef d’une organisation contre-révolutionnaire religieuse d’espionnage. Avouez…
- Je n’ai jamais été membre d’une organisation contre-révolutionnaire et je ne me reconnais pas coupable de cette accusation, - a répondu l’archevêque.
- Vous mentez. Vous avez donné des indications aux chefs des filiales de l’organisation contre-révolutionnaire pour le déploiement de l’activité contre-révolutionnaire…
- Je n’ai donné aucune indication pour le déploiement de l’activité contre-révolutionnaire.
- En tant que membre de l’organisation contre-révolutionnaire vous avez mené une propagande contre-révolutionnaire active auprès de la population. Arrêtez de nier et avouez votre activité contre-révolutionnaire.
- Je n’ai conduit aucune propagande contre-révolutionnaire auprès de la population et je ne me reconnais pas coupable, - a calmement répondu l’accusé.
L’inspecteur a été obligé de consigner ces dénégations. Le même jour l’archevêque a été condamné à la peine capitale.

Deux jours après, le 30 octobre 1937 l’archevêque Alexandre a été fusillé.
Les autorités répondaient à tous ceux qui s’intéressaient à son sort qu’il avait été déporté pour 10 ans sans droit de correspondre. 10 ans après ils ont dit qu’il était mort dans un camp sans préciser l’endroit ni la date.
Le prêtre de l’église en l’honneur de la Vierge de Kazan à Lyskov a procédé à un service funèbre en mémoire de l’archevêque Alexandre (Choukine) décédé en déportation.

Beaucoup se souvenaient de Saint Alexandre. Tant de personnes se sont réunies que l’église ne pouvait pas les accueillir tous. Une grande partie de fidèles a prié dehors. La religieuse Anne a fait un cercueil pour y mettre le chapelet, la croix et l’Evangile du Saint. Après l’office les fidèles ont dit adieu à l’archevêque par leurs prières et ensuite il y a eu une procession avec la croix autour de l’église. Le prêtre avec le cercueil sur son épaule marchait le premier, suivi du cœur et du peuple qui chantaient « Par la vague de la mer… ».

Traduction Elena Tastevin pour "Parlons d'orthodoxie"

PRAVOSLAVIE I MIR
"Parlons d'orthodoxie" «Ils sont morts pour leur foi»

Rédigé par Parlons d'orthodoxie le 3 Mai 2017 à 09:00 | 0 commentaire | Permalien


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