Vladimir Golovanow

"Le jeûne est un commandement divin (Gn 2, 16-17). Selon saint Basile, le jeûne a le même âge que l’humanité ; car il a été instauré dans le paradis (De jejunio, 1, 3. PG 31, 168 A). Il constitue un grand combat spirituel et la meilleure expression de l’idéal ascétique de l’Orthodoxie. L’Église orthodoxe, se conformant fidèlement aux dispositions apostoliques, aux canons conciliaires et à l’ensemble de la tradition patristique, a toujours proclamé la grande valeur du jeûne pour la vie spirituelle de l’homme et son salut. Tout au long de l’année liturgique, l’Église exalte la tradition et l’enseignement patristiques concernant le jeûne, nécessaire pour rendre l’homme vigilant, sans cesse et sans faille, et pour susciter chez lui l’ardeur au combat spirituel.

Le jeûne est exalté dans le Triodion comme don divin, grâce pleine de lumière, arme invincible, fondement des combats spirituels, meilleure voie vers le bien, nourriture de l’âme, aide accordée par Dieu, source de toute méditation, imitation d’une vie impérissable et semblable à celle des anges, « mère » de tous les biens et de toutes les vertus, image de la vie à venir."

"L’IMPORTANCE DU JEUNE ET SON APPLICATION AUJOURD’HUI", document adopté par la Synaxe des Primats des Églises orthodoxes locales à Chambésy (21-28 janvier 2016.)

Le débat sur le jeûne eu lieu dans le cadre du processus préconciliaire et continue maintenant dans la société. La rédaction du projet de document correspondant fut confiée à l’Église orthodoxe de Serbie et les rédacteurs du projet s’adressèrent préalablement au P. Justin Popovitch – maintenant canonisé – pour lui demander son avis. Le P. Justin répondit entre autre «Les vies de saints prouvent et montrent indéniablement que le jeûne divino- humain est un saint dogme éthique de l’Eglise orthodoxe, qui ne peut et ne saurait être réformé».

IMPORTANTS ALLÉGEMENTS PROPOSES:

Cet avis ne fut pas suivi et le projet de document examiné et adopté comme base de par la conférence préconciliaire de 1971 proposait une réforme substantielle de la discipline du jeûne. Par exemple, il y était proposé que «le jeûne du mercredi et du vendredi soit observé toute l’année, mais avec la permission d’user de l’huile végétale et du poisson, sauf lorsque ces jours tombent pendant la période du carême». Il était également proposé «d’accorder la dispense de poisson à compter de la deuxième semaine du grand Carême jusqu’au dimanche des Rameaux inclus», «de réduire de moitié la durée du carême de la Nativité … ou d’accorder la dispense de poisson et d’huile pendant toute sa durée, sauf les derniers cinq jours», «de réduire le carême des saints apôtres aux huit jours précédant la fête, si la période comprise entre les fêtes de Tous les saints et des apôtres Pierre et Paul est supérieure à huit jours… accorder une dispense générale tous les mercredis et vendredis sur la période comprise entre le dimanche de Thomas et l’Ascension», «maintenir la durée du carême de la Dormition, mais accorder la dispense de poisson et d’huile végétale tous les jours, sauf le mercredi et le vendredi», etc.

Ces assouplissements étaient fondés sur le fait que les dispositions en vigueur sur le jeûne s’adressent, dans une grande mesure, aux moines, et que de nombreux autres chrétiens éprouvent des difficultés à les observer «pour diverses raisons – climat, façon de vivre, difficultés de se procurer de la nourriture de carême, etc.» … «La majorité des fidèles dans la société contemporaine n’observe pas toutes les dispositions concernant le jeûne en raison des difficultés des conditions de la vie contemporaine. Tout cela exige que les carêmes deviennent plus faciles et, en partie, que leur durée soit abrégée, afin que les fidèles ne se posent pas «des questions de conscience» pour avoir transgressé les strictes dispositions ecclésiales, qui enveniment leur vie spirituelle».

QUI CORRESPONDENT A LA SITUATION

Des sondages convergents effectués récemment en Russie corroborent largement ces arguments: si 25-27% des personnes interrogées prévoient d’observer le Grand Carême, ils ne sont que 4-5% à le faire en suivant toutes les règles… Ces sondages sont d'autant plus intéressants que le Grand Carême constitue un véritable marqueur de la foi orthodoxe et les chiffres ainsi obtenus peuvent probablement être étendus à l'ensemble des 250-300 millions d'Orthodoxes (dont plus de 60% se trouvent en ex-URSS).

Ces 25-27% des sondés représentent 1/3 des Russes qui se considèrent comme Orthodoxes (70-75% selon les sondages); en prenant part au Grand Carême ils font un acte de foi orthodoxe, alors que pour les autres 2/3 il s'agit plutôt d'une appartenance nationale et culturelle ("je suis Russe - donc je suis Orthodoxe...") Mais dans ce tiers de ceux qu'on peut considérer comme croyants orthodoxes, moins de 1 sur 5 suivent les prescriptions de l'Église... 4 Orthodoxes sur 5 considèrent donc ces prescriptions inadaptées et ne les "reçoivent" pas! Rien d'étonnant qu'il y ait toujours un débat sur ce sujet parmi les Orthodoxes, dont on perçoit bien la vivacité dans la blogosphère. On ne peut que constater que le projet de modification aurait certainement été "reçu" par les fidèles en voyant cela…

MAINTIEN DE L'ACRIBIE CANONIQUE:

Mais il suscita la critique de plusieurs Églises, en en particulier de l'Église russe: dès 1976 l'Archevêque Basile Krivochéine écrivait: "Encore plus inadmissibles apparaissent toutes sortes de tentatives de changement ou d’affaiblissement des règles du jeûne établies par les saints Pères (…) Le concile panorthodoxe ne doit pas supprimer les jeûnes, mais appeler les fidèles à les observer plus fermement."

La question du jeûne a continué à être étudiée en commission et celle de 1986, avec une importante participation de la délégation de l’Église russe, rejeta les propositions de 1971 et c'est cela que prévoit le document adopté par la Synaxe des Primats des Églises orthodoxes locales à Chambésy 21-28 janvier 2016. cf. . Il réaffirme fortement l'importance du jeune et sa justification théologique (art. 1-6 et 9) tout en intégrant l'analyse sur la piètre acceptation des règles de jeune dans le peuple orthodoxe et laissant à «le soin aux Églises orthodoxes locales de fixer la mesure d’économie miséricordieuse et d’indulgence à appliquer afin d’alléger le « poids » des jeûnes sacrés pour ceux qui ont des difficultés à respecter tout ce que ceux-ci prescrivent…» (art. 7-8).


Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 9 Mars 2017 à 16:45 | 24 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Vladimir. G: ces règles sont-elles bien adaptées pour tous? le 04/04/2016 15:37
Mauvaise interprétation des statistiques

Pour beaucoup de gens, le Grand Carême est un temps, disons-le ouvertement, difficile et triste. D’année en année, les statistiques montrent un triste résultat : [En Russie] seuls 3 à 5% de ceux qui se considèrent orthodoxes, observent le carême et encore pas toujours de façon stricte. Pourquoi les gens ne voient-ils pas la joie du jeûne ? En quoi consiste-t-elle ? Comment ceux qui n’ont jamais jeûné peuvent-ils se risquer à jeûner ? Nous discutons de cela avec Mgr Marc (Arndt), archevêque de Berlin et d’Allemagne de l’Église orthodoxe russe hors-frontières.

Orthodoxie.com publie la traduction de ce très intéressant entretien* dans lequel l'archevêque Marc dévoile le véritable sens du carême orthodoxe. Malheureusement le journaliste fausse un peu la cadre du propos en écrivant "[En Russie] seuls 3 à 5% de ceux qui se considèrent orthodoxes, observent le carême et encore pas toujours de façon stricte."

En fait, comme je le précise dans l'article ci-dessus, d'après les deux instituts de sondage, le Centre Levada et le VICIOM, ce sont 25-27% des personnes interrogées qui prévoient d’observer le Grand Carême et 4-5% disent le suivre strictement. On peut donc considérer que la totalité des croyants eccésialisés suivent le carême, même si 4/5 ne le font pas dans les règles strictes dont parle l'archevêque Marc, ce qui repose la question de savoir si ces règles sont bien adaptées pour tous.

*http://orthodoxie.com/larcheveque-marc-de-berlin-et-dallemagne-eglise-orthodoxe-russe-hors-frontieres-les-gens-ne-jeunent-pas-parce-quils-ne-connaissent-pas-le-sens-du-careme/

2.Posté par Daniel le 04/04/2016 19:00
Comme 85% ou plus des personnes y compris orthodoxes n'arrivent plus vierges au mariage (même s'ils sont censés l'être), demande-t-on si l'absence de fornication demeure adapté ou pas ?

3.Posté par Daniel le 04/04/2016 20:10
L'interview de l'archevêque est très réussie et répond à la question que pose Vladimir. Le problème n'est pas que cela soit inadapté (les néo-orthodoxes en Afrique semblent prendre le jeûne de façon très sérieuse) mais que le sens n'en soit pas compris.

"- Cela vient avant tout de l’ignorance du Carême. Et de l’incompréhension de son sens et de sa forme. Son sens reste effectivement caché pour les gens qui ne fréquentent pas les offices du Grand Carême, n’entrent pas dans leur essence, dans leur contenu. Et alors, tout le carême, dans le meilleur des cas, se transforme en une sorte de gymnastique"

"- Avant tout, c’est la prière. Lorsque l’homme prie avec application, il est alors prêt à l’exploit dans le jeûne corporel. "

Le non -respect des règles du jeûne indique simplement que le niveau spirituel général est globalement bas, mais ça, on le savait. Si les élèves n'ont pas la moyenne, ce n'est pas l'examen qui est inadapté mais les élèves qui n'ont pas le niveau.

4.Posté par Vladimir. G: "Je voudrais bien que tout le monde soit comme moi-même, mais chacun a reçu de Dieu un don qui lui est personnel : l’un celui-ci, l’autre celui-là." le 05/04/2016 16:14
"Je voudrais bien que tout le monde soit comme moi-même, mais chacun a reçu de Dieu un don qui lui est personnel : l’un celui-ci, l’autre celui-là." (1 Cor 7, 07)

1. Lorsque 4/5 des Orthodoxes pratiquants considèrent les prescriptions inadaptées et ne les "reçoivent" pas on peut quand même se poser des questions! Il est heureux que le débat ait lieu au niveau conciliaire et que le texte finalement proposé « laisse le soin aux Églises orthodoxes locales de fixer la mesure d’économie miséricordieuse et d’indulgence à appliquer afin d’alléger le « poids » des jeûnes sacrés pour ceux qui ont des difficultés à respecter tout ce que ceux-ci prescrivent…» (art. 7-8)... Dans tous les cas que je connais ce choix est finalement laissée aux directeurs de conscience qui savent prendre l’exacte mesure du besoin spirituel de leurs ouailles!

2. L'Archevêque Marc a tout à fait raison de souligner le manque de pédagogie en ce domaine: dimanche dernier nos paroissiens ont demandé de leur donner une texte sur les règle du jeune!

5.Posté par Affeninsel le 05/04/2016 16:46
J'ai toujours considéré certaines des mesures proposées dans l'article comme intéressantes, comme notamment l'allègement d'un degré de l'abstinence pour les trois "petits" carêmes (si ce n'est que les propositions semblent confondre les degrés entre eux, puisque le premier degré c'est l'huile et le vin, et ensuite seulement vient le poisson - pas très sérieux à ce niveau-là). Ce non pas premièrement pour le plaisir d'alléger les efforts des fidèles, mais parce que je trouve que cela manifesterait mieux la différence que l’Église fait entre la fête des fêtes et les autres fêtes de son calendrier ; celle-ci se voit aussi, d'ailleurs, dans le fait que seul le Grand Carême s'accompagne d'une profonde modification de la vie liturgique de l'Eglise. Cependant, bien évidemment, si la sagesse de la Tradition met tous les carêmes au même niveau, c'est pour de bonnes raisons, et il est difficile d'en discuter.
Il faut rappeler néanmoins que par le passé, dans l'Eglise, comme ce fut le cas en termes de rites liturgiques, les normes du jeûne variaient fortement d'un diocèse à l'autre, et que c'est peut-être là un des rares exemples de domaines où il est envisageable d'adapter la discipline en fonction de la culture locale, jusqu'à un certain point. A l'époque de Saint Augustin, le diocèse d'Hippone ne se privait que de viande, et ce, même dans le Carême de Pâques : c'est l'exemple le pus extrême, naturellement, et il ne serait pas forcément souhaitable de l'imiter.

6.Posté par Daniel le 05/04/2016 18:09
Parce qu'un orthodoxe qui ne jeûne pas serait pratiquant... C'est nouveau cette vision des choses. A la question de savoir comment choisir un mari pour sa fille, Saint Séraphin de Sarov lui répondit de prendre un mari qui jeûne car quelqu'un qui ne jeûne pas ne peut se dire orthodoxe...

Par ailleurs, le fait de prendre en compte les cas particuliers est vieux comme le monde... En somme, rien de nouveau sous le soleil pour la bonne et simple raison que l'idée originelle du concile dans les années 60 était d'abolir très largement les jeûnes à la façon Vatican II (concile qui finira bien par trouver chez les orthodoxes oecuménistes ses derniers défenseurs). Mais cela a suscité un véto de certaines églises dont, celle de Géorgie, ce qui a abouti au final à ce bon texte (même s'il est rédigé comme tous les textes préparatoires d'une façon très bureaucratique) qui ne fait que confirmer ce qui s'est toujours fait...

7.Posté par Vladimir. G: les Catholiques font clairement la différence entre les positions des différentes Églises orthodoxe, et en particulier identifient clairement la position de l''''''''''''''''Église russe après la rencontre de La Havane. le 06/04/2016 09:11
Et bien justement, bien cher Daniel, je pense que les 25-27% des personnes interrogées qui prévoient d’observer le Grand Carême sont les Orthodoxes pratiquants et ecclésialisés parmi les 70-75% des Russes qui se considèrent tous comme Orthodoxes. Mais parmi eux les 4/5 considèrent les prescriptions inadaptées et ne les "reçoivent" pas...

Je pense que la proportion doit être la même partout car les Russe représentent déjà prés de la moitié des Orthodoxes et, si aucune étude n'a été faite à ma connaissance en dehors de la Russie, les débats préconciliaires ont montré que plusieurs Églises importantes (à commencer par l'Église de Serbie) étaient sensibles à cette question.

8.Posté par Vladimir.G: 4/5 considèrent les prescriptions inadaptées et ne les "reçoivent" pas... le 06/04/2016 14:54
Et bien justement, bien cher Daniel, je pense que les 25-27% des personnes interrogées qui prévoient d’observer le Grand Carême sont les Orthodoxes pratiquants et ecclésialisés parmi les 70-75% des Russes qui se considèrent tous comme Orthodoxes. Mais parmi eux les 4/5 considèrent les prescriptions inadaptées et ne les "reçoivent" pas...

Je pense que la proportion doit être la même partout car les Russe représentent déjà prés de la moitié des Orthodoxes et, si aucune étude n'a été faite à ma connaissance en dehors de la Russie, les débats préconciliaires ont montré que plusieurs Églises importantes (à commencer par l'Église de Serbie) étaient sensibles à cette question.

9.Posté par Daniel le 06/04/2016 17:37
La pratique d'un point de vue orthodoxe, ce n'est aller à l'église au moins une fois par mois... Ca, c'est la pratique telle que la mesure les instituts de sociologie et ou les sondeurs... Les gens sont fainéants, c'est tout...

10.Posté par Tchetnik le 07/04/2016 12:08
Il existe et existera toujours une certaine différence entre aménager avec bienveillance et discernement une règle selon certaines circonstances de vie et refuser par principe ladite règle. On ne demande pas aux élèves d'avoir 20 sur 20 tout de suite, mais il est évident que cela reste un idéal. Comme pour le système éducatif, l'Eglise ne rendrait service à personne en baissant son niveau d'exigences spirituelles comme corporelles, pour donner un sentiment de fausse compétence.


11.Posté par Vladimir. G: "Que vous ayez jeûné ou non, réjouissez-vous aujourd’hui.... " le 07/04/2016 23:07
Vous avez toujours vos propres définitions, bien cher Daniel, et surtout vos jugements personnels qui font oublier Matthieu 7:1.

Pour ma part, je préfère suivre St Jean Chrisostome: "Ainsi donc, entrez tous dans la joie de votre Seigneur et, les premiers comme les seconds, vous recevrez la récompense. Riches et pauvres, mêlez-vous, abstinents et paresseux, pour célébrer ce jour. Que vous ayez jeûné ou non, réjouissez-vous aujourd’hui. La table est préparée, goûtez-en tous; le veau gras est servi, que nul ne s’en retourne à jeun. Goûtez tous au banquet de la foi, au trésor de la bonté. "

12.Posté par Tchetnik le 08/04/2016 10:45
Saint Jean Chrysostome a parlé de miséricorde divine mais n'a pas justifié la paresse ou l'autojustification.

Qu'on ne prenne pas le jeun pour une compétition et qu'on n'en tire aucun orgueil, qu'on ne le prenne pas pour une fin est une chose, qu'on croit avoir l'autorité pour s'abstenir de tout effort tant spirituel que corporel (un avion trop lourdement chargé ne pourra pas décoller de toute manière) en est une autre. Si la démarche d'adaptation et d'aménagement est parfaitement ecclésiale, celle qui consiste à renier l'exigence pour en faire un "choix" n'est pas une manière de faire de croyant.


13.Posté par Daniel le 08/04/2016 11:00
Matthieu 17:21 : "Mais cette sorte de démon ne sort que par la prière et par le JEÛNE."

Saint Syméon le Nouveau Théologien : "Mais sans jeûne personne ne fut capable d'atteindre ces vertus ou aucune autre car le jeûne est le début et fondement de toute activité spirituelle"

"But without fasting no one was ever able to achieve any of these virtues or any others, for fasting is the beginning and foundation of every spiritual activity'.

Traduit de l'anglais : http://www.abbamoses.com/fasting.html

14.Posté par Affeninsel le 08/04/2016 11:37
Dans la ligne d'idée du passage de Saint Jean Chrysostome cité par Vladimir, je trouve également que la proposition visant à alléger le jeûne des mercredis et vendredis de la période pascale a du sens. Non pas, encore une fois, pour "moderniser" quoi que ce soit, mais comme le disait Dimitri de Dallas, qui sera certainement un jour canonisé, lorsque nous sommes en période de fête, nous devrions vraiment célébrer en tout chose. Je trouve assez étrange de chanter "Le Christ est ressuscité" tout en se privant même de vin et d'huile. Alléger largement le jeûne du mercredi et du vendredi permettrait certainement de mieux se conformer à la parole du Christ (Marc, 2,19) : les amis de l'époux peuvent-ils jeûner quand l'époux est avec eux ?" Or, de Pâques à l'Ascension, l'Epoux est bien parmi nous...

15.Posté par Daniel le 08/04/2016 14:07
@ Affeninsel (14)

Les mercredi et vendredi qui vont du dimanche Thomas jusqu'à la Pentecôte sont déjà à l'huile et au vin !!! Vous proposez une chose qui est déjà en vigueur depuis des lustres !!

16.Posté par Affeninsel le 11/04/2016 00:55
@Daniel : pouvez-vous me donner des sources quant à cela ? Je n'ai jamais vu la chose sur un seul des calendriers que j'ai consultés. Peut-être s'agit-il d'une divergence entre traditions ?

17.Posté par Vladimir. G: les laïcs ne sont pas tenus de suivre la règle monastique le 11/04/2016 07:48
Les Juifs demandent des miracles et les Grecs cherchent la sagesse: 23nous, nous prêchons Christ crucifié; scandale pour les Juifs et folie pour les païens,

Bien chers Daniel et Affeninsel

D'après le calendrier officiel de l'Église russe (http://days.pravoslavie.ru/docs/2016_1.html), il y 5 semaines sans carême dans l'année:
- après Noël (sviatki)
- après le dimanche du publicain et du pharisien
- carnaval ou tyrophagie (semaine des laitages): sans viande
- semaine lumineuse (après Pâques)
- semaine de la Pentecôte

Les mercredi et vendredi des semaines entre le dimanche de Thomas et la Pentecôte autorisent le poisson.

Il est intéressant de noter que pour le jeune du Grand Carême il est indiqué "règle monastique: xérophagie (pain, légumes, fruits)"... Cela confirme que les laïcs ne sont pas tenus de la suivre et 4/5 des Orthodoxes ne la suivent effectivement pas!

18.Posté par justine le 11/04/2016 13:02
Ceux qui jeûnent simplement parce c'est prescrit et qui se raccrochent aux notes de divers éditeurs de diverses époques pour s'adonner au vice de la gourmandise (ce ne sont pas les malades et les affaiblis qui sont visés ici), n'ont rien compris à la vie spirituelle et font sans doute partie de ceux que Daniel appelle des BME (bapteme-mariage-enterrement). Les vrais fidèles orthodoxes jeûnent par amour du sacrifice pour Celui Qui S'est sacrifié pour nous et pour leur propre bénéfice spirituel.
L'adage de nos Saints Pères: "Sans jeûne, pas de progrès spirituel" et "Donne du sang pour recevoir l'Esprit":

19.Posté par Daniel le 12/04/2016 11:55
@ Vladimir

Dans son dernier livre, la Vie liturgique, Jean-Claude Larchet répond à ces diverses objections. Je donnerai quelques passages ci-dessous.

En préalable, je voudrais quand même rappeler que l'église n'est pas née en 2016 en Russie où les gens ne jeûnent plus, elle existait aussi au 11e, au 8e ou 2e siècles. A ces époques, les jeûneurs étaient plus nombreux. Qu'allez-vous dire? Faut-il suivre la mode du moment et abolir les commandements car ils ne sont pas gardés?

Jean-Claude Larchet (page 146) : "Lun des arguments avancés est le fait que peu de fidèles pratiquent le jepune. Cet argument est de peu de valeur. On peut de dire que peu de fidèles pratiquent strictement les commandements divins : doit-on pour autant abolir ces commandements ou les adoucir ? On peut dire aussi que peu de fidèles participent régulièrement aux services liturgiques ? Faut-il pour autant les abolir ? [...] La réduction des règles du jeûne n'amènerait aucune amélioration dans la vie des fidèles et inciterait ceux qui sont peu motivés à se relâcher encore plus. En face des nombreux fidèles qui ne pratiquent pas le jeûne et le pratiquent mal, il y a le cas de nombreu autres fidèles qui le pratiquent rigoureusement"

Puis plus loin, même page 146. "Un troisième argument est que les règles du jeûne ont été prévue pour les moines et qu'elles sont trop strictes pour les laïcs. On peut répondre à cet argument que les canons de l'Eglise et les enseignements des Pères ne connaissaient pas cette distinction entre pratique monastique et pratique laïque. Les mêmes règles ont été établies pour tous"

De là ma question à Vladimir sur son affirmation suivante : "pour le jeune du Grand Carême il est indiqué "règle monastique: xérophagie (pain, légumes, fruits)".

Je demande, il est indiqué où et par qui ? Quelle est la source ?

Comme je l'ai déjà prouvé dans un message précédent, les règles du jeûne ne sont pas une règle monastique, il suffit de se référer aux canons suivants.

Canon 69 des Saints Apôtres

Si un évêque, un prêtre, un diacre, un sous-diacre, un lecteur ou un préchantre ne jeûne pas le saint carême, ou le vendredi ou le mercredi, qu'il soit déposé, sauf s'il en était empéché par une maladie corporelle. Si c'est un LAÏC, qu'il soit excommunié.

Commentaire de Saint Nicodème :

The present canon commands all alike, including laymen and those in holy orders, to fast likewise and on an equal footing not only during the forty days’ period commonly known as the Great Lent, but also on every Wednesday and Friday in the year; since it makes an explicit statement to this ef-fect by saying verbatim [...]

Traduction : "Le présent canon ordonne à tous laïcs et membres du clergé, de jeûner de façon identique et sur un pied d'égalité pas uniquement pendant la quarantaine, usuellement appelée Grand Carême mais aussi chaque mercredi et vendredi de l'année"


Canon 8 de Saint Timothée

Question. Si une femme doit mettre un enfant au monde vers Pâques, doit-elle observer le jeûne et ne pas boire de vin, ou bien est-elle dispensée du jeûne et de ne pas boire de vin, à cause de sa délivrance imminente ?


Réponse.

Le jeûne fut institué pour humilier le corps; si donc le corps est déjà humilié et se trouve bien affaibli, il peut prendre et nourriture et boisson, autant qu'il peut en supporter

Les modalités pratiques sont ensuite décrites par certains Pères qui ne font pas une distinction entre laïcs, moines etc mais organisent la distinction autour de l'état de santé physique de la personne.

@ Affeninsel

Concernant la période qui va du dimanche Thomas jusqu'à la Pentecôte, le jeûne du mercredi et du vendredi est en effet assoupli avec 2 traditions :

1) consommation d'huile et de vin : cela est attesté par le typikon de Saint Sabbas en slavon en son chapitre 33 qui dit :

В средах же и пятцех, всея пятьдесятницы, елей и вино, кроме среды преполовения, и среды отдания пасхи: В та бо два дни разрешаем на рыбу и вино. Нецыи же разрешают и в прочия.

Mon russe est loin (et c'est du slavon en plus donc le traducteur automatique de Google comprend mal). Mais cela dit globalement que les mercredi et vendredi de la période de la cinquantaine (jusquà la Petecôte), on consomme huile et vin, sauf le mercredi de la mi-pentecôte et le mercredi de la clôture de Pâques, quand on consomme du poisson et du vin. En revanche, je ne comprends pas ce que veut dire : " Нецыи же разрешают и в прочия".


2) consommation de poisson comme l'indique Vladimir : j'ai entendu parler de cette tradition mais je n'en connais pas les sources exactes, donc si quelqu'un les connaît, je le remercie d'avance.

J'avoue que certains calendriers avec les nourritures donnent parfois des choses surprenantes, mais en même temps parfois, des traditions diffèrent...

Une boutade pour Vladimir : au vu du peu de personnes comprenant le slavon, pourquoi ne proposez-vous pas un assouplissement et un usage du russe (comme pour le jeûne...). Le jeûne est utile à l'âme comme tous les pères le disent. En revanche, je n'en connais aucun qui ait dit que le slavon soit aussi utile à l'âme.

20.Posté par Vladimir.G: Vox populi vox Dei... le 12/04/2016 19:09
Merci, bien cher Daniel, pour ces références intéressantes...

Le Peuple de Dieu est, pour le Orthodoxes, gardien de la vérité et quand il ne "reçoit pas" quelque chose il y a normalement lieu de se poser des questions...

La mention que j'ai donnée se trouve dans le calendrier officiel de l'Église russe http://days.pravoslavie.ru/docs/2016_1.html, par exemple à la date d'aujourd'hui:
"Монастырский устав: cухоядение (хлеб, овощи, фрукты)"="règle monastique: xérophagie (pain, légumes, fruits)" ...

Et pour votre dernière boutade, plus sérieuse que ne le pensez, le fait est que les mêmes 4/5 qui suivent un carême allégé tiennent au slavon et refusent de passer au russe... Logique incompréhensible pour un esprit éclairé par les Lumières...

21.Posté par Daniel le 12/04/2016 19:47
Vox populi, vox Dei n'est pas un adage orthodoxe... Rien ne dit que le peuple ait toujours raison... Sinon,cela veut dire suivre les modes du moment. A vous suivre, dans les siècles passés, quand le jeûne était plus répandu, il fallait être en sa faveur car la majorité le suivait, à présent il faut être contre car la majorité ne le suit pas. Je suppose que maintenant il faut être en faveur des relations sexuelles hors mariage car la majorité des orthodoxes ne garde pas l'idéal de virginité avant le mariage. Dans quelques années, il faudrait peut-être se rallier au mariage homosexuel quand le peuple le voudra. En somme, tout péché deviendrait un bien, car il est majoritairement pratiqué.

Théologiquement, il aurait fallu être monothélite quand il n'y avait qu'une poignée d'orthodoxes dont Saint Maxime le Confesseur...

Personne n'a jamais dit que la majorité était infaillible. Cette majorité peut même chuter hors de l'église et l'église réduite à un petit reste. Votre idéologie repose sur un esprit grégaire, sur la mode. Souvenez-vous que le seul poisson qui ne nage pas contre le courant est le poisson mort.


22.Posté par justine le 12/04/2016 20:04
Comme c'est curieux: quand le peuple (?) ne recoit pas le jeune, Vladimir y voit la Voix de Dieu, mais quand il refuse les positions ecumenistes, soudain, il n'y voit plus que du "fanatisme" et du "zelotisme"....

23.Posté par Tchetnik le 12/04/2016 20:58
"Le Peuple de Dieu est, pour le Orthodoxes, gardien de la vérité et quand il ne "reçoit pas" quelque chose il y a normalement lieu de se poser des questions..."

-Faux. L'Eglise est gardienne de Vérité. Et n'est pas une démocratie. la voix du peuple a été retenue dans l'Histoire de l'Eglise uniquement quand elle était en accord avec ses enseignements et idéaux.

Cela a déjà été maintes fois explicité. Et - en effet - les idéaux de vertu et enseignements restent toujours valables, toujours porteurs de rapprochement de Dieu, de connaissance de Dieu et demeurent une voie à suivre. Chacun selon ses forces, adaptable et aménageable selon les situations particulières, pardonnant la faiblesse mais une voie à suivre quand même. Pardonnant la faiblesse mais ne tolérant pas la paresse..

"Et pour votre dernière boutade, plus sérieuse que ne le pensez, le fait est que les mêmes 4/5 qui suivent un carême allégé tiennent au slavon et refusent de passer au russe"

-Outre que cela n'est pas nécessairement vrai, cela ne constituerait absolument pas un argument en faveur de l'allègement des règles s'il l'était.

Il indique simplement que la plupart des fidèles sont simplement peu éduqués, peu formés et idolâtrent la forme pour y trouver un sentiment de mysticisme bon marché.

La foule choisit toujours mal ses héros, c'est vrai de Barrabas à Adolf H...

24.Posté par Affeninsel le 16/04/2016 11:51
Je lisais sur le blog de notre ancien archevêque Monseigneur Job hier même que la pratique fut pendant longtemps de ne se priver de rien le dimanche ni pendant le cinquantaine pascale. Et même que le seul Carême jeûné fut pendant longtemps celui de Pâques. Son Eminence porte un regard critique sur les réformes liturgiques et disciplinaires qui ont accompagné les réformes hésychastes, et montre qu'elles ont parfois "innové" par rapport à la Tradition. Cela signifie-t-il donc qu'il faut se rabattre sur le plus petit dénominateur commun ? Non. Qu'il faut repartir de zéro et créer des disciplines neuves et très laxistes ? Non plus. Simplement, peut-être, reconsidérer les usages actuels à la lumière de ce qui s'est fait à diverses époques, et régler ce qui peut être problématique (je reste sur mon idée que les trois carêmes mineurs ne peuvent être exactement les mêmes que le Grand Carême : les usages de l'Eglise le montrent, et on peut dire historiquement que la manière dont le jeûne a été instauré pour ces trois périodes est discutable).
Daniel : la dernière phrase signifie "ceux-là sont permis aussi les jours suivants", ce qui pourrait signifier que cette autorisation s'étend aux deux vendredis des semaines mentionnées ? C'est un peu étrange, mais bon.
Il serait bénéfique à l'auteur du post 18 de ne pas présumer ainsi de ce qu'il y a dans le cœur des autres. S'il est certainement dommageable de ne pas suivre le carême lorsque l'église le prescrit, il est également dommageable de renvoyer d'office comme des "faux fidèles" en les stigmatisant ainsi. Une approche dénuée de charité, s'il en est. Bien plutôt, il faudrait prévoir d'expliquer les sens du jeûne à ces fidèles, plutôt que de l'imposer obtusément comme une sorte de péage obligatoire, ainsi que cela s'est beaucoup trop fait dans certaines communautés très certaines d'avoir raison contre le monde, malgré leurs scories.

25.Posté par Daniel le 16/04/2016 20:34
@ Affeninsel

Vous dites : "les trois carêmes mineurs ne peuvent être exactement les mêmes que le Grand Carême "

C'est déjà le cas :

- jeûne de Noël : poisson autorisé les samedi et dimanche jusqu'à la saint Spyridon, hjuile et vin mardi et jeudi

- jeûne des apôtres : poisson autorisé samedi et dimanche, hjuile et vin mardi et jeudi

Ces jeûnes sont donc plus souples que le jeûne du grand carême. Seule le jeûne de la Dormition est similaire avec celui de carême mais une durée vraiment courte de 14 jours.

En outre, les conditions de vie des chrétiens ont changé... Les chrétiens des premiers siècles avaient un monachisme, certes, mais assez réduit. En contrepartie, ils avaient tout de même une épee de Damoclès permanente au-dessus de la tête, avec les persécutions. Va-t-on aussi remettre en cause le monachisme parce qu'il s'est développé tardivement ?

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