Le film « Le Miracle » d'Alexandre Prochkine
par Dimitri Sokolov – Mitritch

« Le Miracle » tourné par un réalisateur bien connu, Alexandre Prochkine, a reçu le prix spécial du jury au festival international de cinéma de Moscou . Le président du jury était Pavel Lounguine, l’auteur du film « l’Ile ».
Le sujet du film « Le Miracle » est tiré d’un fait divers réel, survenu à Kouïbychev en 1956, et connu comme « Zoïa statufiée »
L’archiprêtre Vsevolod Tchapline, président du département du saint synode chargé des relations de l’Eglise avec la société a déclaré :
« Zoïa statufiée», est un phénomène mystérieux dont nous avons de nombreux témoins. C’est une joie, qu’aujourd’hui l’attention du public soit à nouveau attirée vers cet évènement grâce à ce film de talent . Mais l’essentiel pour un chrétien est une relation au Seigneur dans la communion aux mystères de l’Eglise, car une vie juste en Eglise, est plus sûre que n’importe quels miracles ou n’importe quels autres phénomènes ayant trait à l'univers animé. »
En réalité, l' histoire, qui est à l’origine de ce film, s'est passée dans la ville de Kouïbychev (ou Samara) dans la rue Tchkalov, au moment des fêtes du Nouvel An 1956. C’est justement à cet endroit que se produisit l’évènement appelé « Zoïa statufiée» qui est considéré comme un grand miracle.
Une ouvrière, Zoïa Karnaoukhova, jeune beauté et ardente militante athée, voulut blasphémer à la table de réveillon. Elle reçut immédiatement un terrible châtiment. Cette jeune fille fut statufiée et resta sans signe apparent de vie durant 128 jours. La nouvelle terrifia toute la ville depuis les simples citoyens jusqu’aux dirigeants du comité régional du parti.

Le film « Le Miracle » d'Alexandre Prochkine
Si vous passez par Samara et entrez dans l’église Saint Georges, le Père Igor Soloviev vous conduira vers l'une des Icônes non loin des Portes Royales. Au premier abord cette Icône semble être une représentation coutumière de Saint Nicolas. Mais la partie inférieure de l'icône se trouve une suite d’images extraordinaires, semblables à une bande dessinée. C’est la vie de Zoïa. Vous voyez, attablés, tout un groupe de jeunes gens bruyants. Une jeune fille s’empare de l’Icône de Saint Nicolas suspendue dans l’angle de la pièce. La voici qui danse en l’enlaçant. Sur la scène qui suit, Zoïa, l’icône à la main, est livide, elle est entourée de civils, de militaires et de miliciens, aux yeux remplis d’effroi. Plus loin un vieillard se tient à côté d’elle et prend l’icône de ses mains rigides, tandis qu’une foule se presse autour de cette demeure. Sur la dernière image, Saint Nicolas lui-même se tient aux côtés de la jeune fille, dont le visage a repris des couleurs.
Pour le moment, c’est l’unique icône sur laquelle sont représentés ces évènements, commente le prêtre. Elle a été peinte par Tatiana Routchka depuis décédée. Ce fut notre idée de représenter ce sujet sur une icône. Ce qui ne veut absolument pas dire que nous reconnaissons la sainteté de Zoïa Karnaoukhova. Non, en ces années d’athéisme, elle était une grande pécheresse, et c’est justement pour cela que ce miracle se produisit. C'était l'époque des persécutions khrouchtcheviennes contre l’Eglise. Notre foi s'en est trouvée renforcée . Car il est dit dans les Ecritures, que le jour où les justes se tairont, les pierres se mettront à crier. Et voici qu’elles l’ont fait.
Ainsi en cette nuit de Nouvel An, au numéro 84 de la rue Tchkalov, se réunit une assemblée de jeunes gens pour fêter ensemble la fin d’une année et l’avènement de la nouvelle. Ces jeunes gens burent avec excès et décidèrent de danser. Parmi eux se trouvait Zoïa Karnaoukhova. Elle ne partageait pas la gaieté générale, car le jeune homme qu’elle aimait, du nom de Nicolas, n’était pas venu à la soirée. ZoÏa était triste, ses amis dansaient déjà depuis longtemps et commencèrent à la piquer : « Et toi pourquoi ne danses-tu pas ? Oublie le donc, il ne viendra pas, viens plutôt avec nous ! » -Karnaoukhova s’exclama : « Il ne viendra pas ?! » « Et bien, puisque mon Nicolas est absent, je danserai avec Saint Nicolas ! » Zoïa s’empara d’une chaise et la poussa dans l’angle de la pièce pour pouvoir enlever l’Icône de son étagère. Un sentiment de malaise gagna les invités qui étaient pourtant assez éméchés et tout sauf religieux. On s’écria autour d’elle : « Non, il ne faut pas faire ça, remets l'icône à sa place, il ne faut pas plaisanter avec ces choses ! ». Mais il ne fut pas possible de raisonner la jeune fille : « Si Dieu existe, qu’Il me punisse ! » Répondit Zoïa, tenant l’icône et rejoignant le cercle des danseurs. Après quelques minutes de cette danse terrifiante, un vacarme se fit entendre dans la maison, le vent se leva et un éclair brilla. Lorsque les personnes présentes reprirent leurs esprits l’auteur du blasphème se tenait debout au milieu de la pièce, blanche comme le marbre. Ses jambes s’étaient enracinées au sol, ses mains agrippaient si solidement l’icône, qu’il était impossible de la lui arracher. Mais cependant, son cœur battait !
Les amis de Zoïa appelèrent les urgences. Il y avait dans l’équipe le docteur Anna Pavlovna Kalachnikova. Elle s’efforça de faire une piqûre à Zoïa, mais réussit seulement à casser toutes ses aiguilles. Sa fille vit toujours aujourd’hui et ses récits sont le seul témoignage de ce qu' qu’il se passa réellement quelque chose d’extraordinaire dans la maison n° 84, estime Anton Jogolev, directeur de l’agence d’informations : "Blagovest". C’est à lui, que l’archevêque Serge de Samara et de Sysranj, a confié l’enquête concernant le phénomène « Zoïa statufiée ». La conséquence de cette enquête fut la parution d’un livre portant le même titre ; 25 mille exemplaires en ont été vendus.
Il est aussi possible de lire ce récit dans la gazette locale de la ville de Kouïbychev, « La commune de la Volga » du 24 janvier 1956. L'article satirique « Un évènement bizarre » fut publié à la suite de la décision de la 13ème conférence du parti de la région de Kouïbychev, réuni à la hâte à cause des troubles d’ordre religieux survenus dans la ville. Le premier secrétaire régional du parti communiste (l'équivalent du gouverneur de la région de nos jours), le camarade Efremov, prononça une violente diatribe. Voici une citation de son discours : « Oui, pour nous communistes, à la tête des organes du parti, c’est un miracle honteux qui s’est produit ici. Une vieille femme a dit en passant : Des jeunes dansaient dans cette maison, et une garce s’est mise à danser avec une icône et elle a été statufiée. Une foule a commencé à se rassembler autour de la maison. Nous avons aussitôt posté la milice mais nous fûmes contraints de faire appel à la troupe. La foule ne s’est toujours pas dispersée. »
A l’occasion de la conférence du parti, il fut décidé d’augmenter considérablement la propagande anti religieuse dans la ville de Kouïbychev et dans la région. Durant les premiers huit mois de l’année 1956 plus de 2000 conférences "scientifiques" athées furent données – ce qui représente une quantité deux fois et demi supérieure aux conférences de l’année précédente.

Mais il apparut des compte rendus que ces actions ne firent que verser de l’huile sur le feu. Ainsi même ceux qui ne croyaient pas à ce miracle commençaient à douter : peut-être qu’en effet quelque chose s’était passé… Et peut-être que Dieu existe !
Zoïa resta dans cet état de semi mort durant 128 jours – jusqu’à Pâques. De temps en temps elle émettait des gémissements pitoyables : « Priez, vous autres, car nous périssons dans les péchés ! Priez, priez, mettez vos croix et portez les, la terre est en perdition, elle balance comme un berceau ! Dès les premiers jours la maison de la rue Tchkalov fut placée sous une garde renforcée, personne n’était admis à l’intérieur sans une autorisation particulière. On fit venir de Moscou, un professeur en médecine, dont tout le monde a oublié le nom. Le jour de la fête de la Nativité du Christ, le 7 janvier, on laissa entrer un certain « hiéromoine Séraphin » Après avoir célébré un office de sanctification de l'eau, il reprit l’icône des mains de Zoïa et la remis à sa place. Il est possible qu’il s’agisse de Séraphin Poloz, alors recteur de l’église des Saint Pierre et Paul de la ville de Kouïbychev, qui, peu de temps après ces évènements, fut traduit en justice sous l’accusation d'homosexualité - ce qui était, en ce temps là, pour le KGB, le prétexte le plus courant pour se défaire des prêtres indésirables.
Mais en dépit de toutes les mesures prises par le pouvoir, le rassemblement populaire ne se dispersait pas : les gens restaient jour et nuit à côté du cordon de milice. Dans une biographie le témoignage d’une femme pieuse est rapporté « En voyant derrière la barrière un jeune officier de la milice, elle l’appela et lui demanda : « Dis- moi, mon garçon, as-tu été à l’intérieur ? » « J’y ai été » répondit-il. « Alors raconte ce que tu as vu ? » « Nous n’avons pas le droit de dire quoi que cela soit, petite mère, nous avons signé que nous ne révèlerons rien. D’ailleurs, il n’y a rien à révéler, tout de suite, tu verras tout toi-même », en disant cela le jeune milicien enleva son képi et cette femme pieuse porta ses mains à son cœur. Les cheveux du jeune homme étaient devenus complètement blancs.
André Savine, occupant durant ces années là, le poste de secrétaire du diocèse local écrit dans ses souvenirs que : « le cinquième jour de cette pétrification, Alexeiev, le responsable des affaires religieuses téléphona à l’évêque Jérôme et lui demanda d'intervenir depuis l’ambon de l’église et de qualifier ce phénomène d’invention absurde. Cette tâche était confiée au recteur de la cathédrale de l’Intercession, le père Alexandre Nadejdine, mais le diocèse posa une condition sine qua non : « le père Alexandre devait se rendre dans la maison et s’assurer de ses propres yeux de tout ce qui s’y passait. » Le responsable ne s’attendait pas à un tel revirement de situation. Il répondit : « qu’il allait réfléchir et rappellerait d’ici deux heures. Mais il ne rappela que deux jours plus tard pour dire que notre intervention n’était plus nécessaire. »
Selon les récits populaires, les souffrances de Zoïa prirent fin avec l’apparition de Saint Nicolas lui-même. Peu de temps avant Pâques, un vénérable vieillard s’approcha de la maison et demanda aux miliciens de le laisser entrer. Il lui fut répondu : « Va-t-en grand-père » Le lendemain il revint et reçut le même refus. Le troisième jour, jour de la fête de l’Annonciation, « il y eu une intervention divine » le garde laissa le vieillard entrer auprès de Zoïa.
Les miliciens purent entendre comme il s’adressait avec tendresse à la jeune fille : « Et bien, tu es fatiguée d’être debout ? » Nul ne sait combien de temps il resta là, mais lorsqu’on se mit à le chercher, il fut impossible de le trouver. Plus tard, lorsque Zoïa revint à la vie, elle répondit à la question sur ce qui était advenu de son mystérieux visiteur, en indiquant l’Icône : « C'est là qu'il est reparti ».
Peu de temps après cette apparition, la veille de Pâques, la vie commença à revenir dans les muscles de Zoïa Karnaoukhova, elle put quitter l’endroit où elle se trouvait. Selon une version différente, longtemps avant cette fête, elle fut emmenée dans une clinique psychiatrique faisant corps avec les planches du parquet sur lesquelles elle était statufiée ; et lorsqu’on qu’on scia ce plancher, du sang jaillit des lattes de bois. « Comment vivais-tu, qui te nourrissait ? » demanda-t-on à Zoïa lorsqu’elle revint à la vie. « Des colombes », fut sa réponse, « des colombes me nourrissaient ! »
Divers récits parlent de ce qui advint plus tard de Zoïa. Certains pensent qu’elle mourut trois jours plus tard, d’autres sont persuadés qu’elle disparut dans un asile et d’autres croient fermement que Zoïa vécut longtemps encore dans un monastère et qu’elle a été enterrée en secret dans la Laure Saint Serge.
C’est justement cette dernière version qui est racontée dans le film « Le Miracle »

(Traduction Madame Marie Genko)


Rédigé par Marie Genko le 7 Juillet 2009 à 17:24 | 2 commentaires | Permalien



Recherche



Derniers commentaires


RSS ATOM RSS comment PODCAST Mobile