Le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures (DREE) du Patriarcat de Moscou a donné une interview qui fait le bilan des cinq années écoulées depuis l’intronisation du Patriarche Cyrille. J'en ai cité des extraits en commentaires dans des fils dédiés et j'en propose maintenant un résumé. (VG)

"Une période lumineuse et difficile et un temps d’épreuve"

Le métropolite parle du « second baptême de la Russie » commencé en 1988, lors de la commémoration du 1000ème anniversaire du Christianisme en Russie, qui a effectivement marqué la fin des persécutions soviétiques et permis à l'Eglise de relever la tête. "L’accession du Patriarche Cyrille au trône patriarcal a donné un second souffle à ce processus, dans la mesure où le Patriarche Cyrille a insufflé son charisme personnel dans le processus de renaissance de l’Église, continue Mgr Hillarion.

De nombreux mécanismes qui n’existaient pas du tout auparavant ou existaient de façon latente ont été mis en route" et il cite:
- Le Haut Conseil, "organe de direction de l’Église qui n’existait pas avant. Les présidents de tous les départements synodaux, c’est-à-dire des « ministères » ecclésiastiques, en font partie. Autrement dit, auparavant, nous avions des « ministères », mais nous n’avions pas de « Conseil des ministres ». C’est désormais chose faite."
- La réforme de l’administration ecclésiastique en Russie: les grands diocèses (par le nombre de paroisses ou par l’espace géographique) ont été divisés en 2, 3, voire 4. La création de rapproche les du peuple et va donner une nouvelle impulsion à la construction d’églises et à la vie religieuse en général.

Note de VG: Pour plus de détails sur ces réformes voir "Où va l'Eglise en Russie" Mgr Hilarion ne mentionne pas ici la mise en place de la "Conférence interconciliaire" mais c'est pour mieux y revenir en conclusion ...

L'essentiel ce sont les personnes

Les kilomètres de foule attendant pour vénérer des reliques comme la Ceinture de la Mère de Dieu ou les Dons des Rois Mages, le petit pourcentage de gens qui viennent à l’église, et les 80% de Russes qui se déclarent orthodoxes sont importants, mais l'essentiel ce ne sont pas les pourcentages ce sont les personnes continue Mgr Hilarion en citant l'exemple d'un étudiant de son cycle de conférences à l’université nationale de recherche atomique: «cela ne vous ennuie pas de venir ici alors que 90% des étudiants n’ont rien à voir avec vous ? » lui demande l'étudiant. « Certes, répond le métropolite, ils n’ont aucun rapport avec nous, c’est pourquoi vous n’êtes pas 40 000 ici, mais 400. Mais si vous n’étiez que 4 au lieu de 400, je serais quand même venu ». L’étudiant a répondu : « S’il n’y en avait que 4, je serais
l’un d’eux». "C’est le contact personnel qui compte pour l’Église et ce contact personnel des pasteurs, des évêques est désormais facilité par la création de nouveaux diocèses. Voilà ce qui compte pour nous."

Affaire Pussy Riot et «Jésus Christ superstar».

"Les gens aiment leurs sanctuaires, répond Mgr Hilarion à une question sur ce sujet. Ils vont à l’église pour y rencontrer Dieu, pour vénérer les choses saintes. Et voilà qu’on y perpétue un acte de vandalisme. Ou qu’on organise une performance consistant à découper une icône pendant une exposition… L’Église appelle cela un blasphème ou une profanation... Aucune tolérance ne peut être de mise ici, parce qu’il y a des symboles sacrés et des sentiments sacrés. … Ce qui est vexant, c’est l’importance complètement disproportionnée qui est accordée à ces actes. Il s’agit avant tout de la presse. Pourquoi s’intéresse-t-elle tant aux scandales, et non pas au travail immense qu’accomplissent l’Église et les gens de bonne volonté ? On peut être médecin toute sa vie, sauver des milliers de gens sans jamais faire l’objet d’un article de journal ni passer à la télévision. Les scandales en tous genres attirent eux l’attention de tout le monde."

Puis le métropolite revient sur" les radicaux" qui s'opposent à la représentation de "Jésus Christ superstar" au nom de l’orthodoxie (1). Pour lui l’Église a besoin des groupes radicaux conservateurs "parce qu’ils lui permettent de ne pas tomber dans l’abîme du libéralisme, cet autre extrémité", mais il tempère ce jugement: "le juste milieu consiste naturellement à se conduire de façon civilisée et à être capable de s’écouter quel que soient nos opinions. L’apôtre Paul dit qu’il faut bien qu’il y ait dans l’Église des groupes qui s’opposent, pour qu’on reconnaisse ceux qui ont une valeur éprouvée (I Cor 11, 19). Ces différentes opinions, dans la limite du raisonnable, bien sûr, non seulement existent dans l’Église, mais lui sont utiles : les représentants de l’Église ont besoin d’une critique constructive …Nos relations avec le monde extérieur doivent être interactives. Nous ne sommes pas seulement l’Église enseignante, mais aussi l’Église qui sert. Notre rencontre avec les gens ne doit pas consister seulement à parler, mais aussi à écouter."
(1) Cf.

Une première rencontre avec le Pape ?

"Nous disons qu’une telle rencontre est possible, que les Églises en ont besoin dans le contexte de ce qui se passe au Moyen Orient. Mais un certain nombre de facteurs gênent cette rencontre. Par exemple, quand des prêtres gréco-catholiques ukrainiens en habits sacerdotaux appellent aux assassinats, comment l’interpréter ? Au Vatican, on nous dit naturellement qu’ils n’y peuvent rien parce que les gréco-catholiques sont autonomes. Mais ils sont pourtant bien catholiques, l’uniatisme est un projet catholique. Et n’est pas seulement un projet datant d’une autre époque. Dès 1993 (2), au niveau théologique, catholiques et orthodoxes ont condamné l’uniatisme, reconnaissant que cette voie ne menait pas à l’unité. Mais les conséquences restent. Nous voyons ces gens agir, prendre position contre l’Église canonique et soutenir les schismatiques.,,

(2) Note de VG: il s'agit du document de Balamand. Cf. http://www.catho-theo.net/spip.php?article176

Les attaques contre l'Eglise

"L’Église n’a sûrement pas peur des attaques parce qu’elle continue à remplir son ministère. Il y a quelques années, quand le Patriarche Cyrille était encore métropolite, il faisait l’objet d’attaques régulières de la part d’un journaliste qui publiait un article plein de fantasmagories diverses et variées à peu près tous les mois. Un jour, j’ai demandé au métropolite Cyrille pourquoi il ne répondait pas. Il m’a dit alors : « Ma réponse consiste à continuer à faire mon devoir ». Telle doit être la réponse de l’Église aux attaques injustifiées. Quant aux critiques constructives nous sommes toujours prêts à les écouter."
(…)

Le débat sur les valeurs traditionnelles

Pour Mgr Hilarion cette notion a un sens très concret, "moins théologique qu’anthropologique, d’ailleurs, puisqu’il s’agit de la vie humaine" et, après avoir défini la famille traditionnelle, il pose le problème "Le monde libéral nous répond : « Pas du tout, la famille, c’est l’union de n’importe quelles personnes, par exemple deux hommes, deux femmes ou tout autre configuration. Les enfants sont une option qui n’a rien d’obligatoire. » Nous assistons donc à un démontage en règle de la famille dont les conséquences sont très concrètes, continue le prélat : crise démographique, problèmes de société. Cela provoque des tensions : quand un million de Français sort dans la rue pour déclarer son soutien à la conception traditionnelle du mariage et que le gouvernement les refoule à coups de matraques et de gaz lacrymogènes. Et on nous dit que c’est ça, la démocratie, la liberté, que nous devrions aussi instaurer cette liberté tandis que chez nous les droits de l’homme sont violés, voyez-vous, parce que les représentants des minorités sexuelles n’ont pas le droit de faire la propagande de leur mode de vie chez les mineurs.

Ces questions sont très sérieuses, insiste Mgr Hilarion. Elles touchent aux droits de nos concitoyens à garder leur identité, leurs familles. C’est le droit de notre peuple à sa reproduction, à son avenir, finalement, qui est en jeu." Et il affirme être certain que la majorité des Russes est d'accord.

Le rôle de laïcs

La conclusion de l'interview met l'accent sur le rôle des laïcs. Après avoir affirmé que l’Église n’est pas orientée sur l’élite, mais sur le peuple et que ce n’est pas seulement le clergé, "les prêtres qui confessent ou donnent des conseils"… Mgr Hilarion insiste sur l'accroissement du rôle des laïcs ces dernières années. "Les laïcs participent à la Conférence interconciliaire, ils discutent les documents qui seront plus tard adoptés par le Concile épiscopal. Dans chaque paroisse capable de soutenir financièrement ce type de projet, il y a, en plus du chef de chœur et du chantre, des missionnaires, des travailleurs sociaux, des enseignants. Toutes ces fonctions sont généralement remplies par des laïcs. C’est pourquoi le rôle des laïcs est important dans notre Église, et c’est l’un des mérites du Patriarche Cyrille qui, comme je le pense, se donne pour objectif d’utiliser au maximum le potentiel qui existe dans l’Église. Et notre potentiel, ce sont les millions de gens qui sont prêts à remplir dans ce monde la mission de servir le bien" conclut le métropolite.


Rédigé par Vladimir Golovanow le 13 Février 2014 à 10:49 | 0 commentaire | Permalien



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