"ÉDINOVÉRIE" (UNITÉ DE FOI) DANS L'ÉGLISE ORTHODOXE RUSSE

Le Grand Concile réuni à Moscou en 1666-67 avec la participation de trois patriarches orientaux entérina les réformes du patriarche Nikon (qui avait été déposé en 1660) et anathématisa les Vieux-Croyants, tenants des "rites anciens", qui furent alors durement persécutés. On peut considérer que, si la foi est reconnue commune par les deux partis, l'Église orthodoxe russe officielle ("orthodoxe" dans la suite du texte) garde la succession apostolique des ordinations, dont les Vieux-Croyants sont privés car aucun évêque ne les suit, ceux-ci gardent en revanche inchangée la tradition rituelle… Et un rapprochement apparait moins d'un siècle après: dès 1763 le saint synode de l'Église russe (organe dirigeant depuis la suppression du patriarcat par Pierre le Grand en 1721) déclare que le signe de croix à deux doigts ne caractérise pas une attitude schismatique et un manifeste de l'impératrice Catherine II confirme cette décision et l'étend à l'ensemble des rites anciens l'année suivante. Des pourparlers se poursuivent jusqu'à la fin du siècle entre les deux partis et aboutissent à un décret de Paul I en septembre 1800 qui ouvre la possibilité de création de paroisses de rite ancien dans le cadre de l'Église orthodoxe qui en assure l'ordination des prêtres. C'est le départ de ce qui s'appelle "Édinovérie" (unité de foi), un courant spécifique dans le cadre de l'Église russe.

Durant le XIXe siècle l'Édinovérie fut considéré comme un phénomène provisoire devant permettre de ramener les Vieux-Croyants à l'Église officielle; il connut des fortunes diverses sous les différents empereurs et ce n'est qu'en 1905 qu'un manifeste du saint empereur Nicolas II proclama les "bases de la tolérance religieuses" qui permet d'une part l'établissement officiel de l'Église des Vieux-Croyants et ouvre d'autre part la voie vers le sacre d'un évêque pour l'Édinovérie. Le sujet fut toutefois renvoyé au prochain Concile local dont la préparation commençait. En 1917 il y avait environ 600 paroisses relevant de l'Édinovérie 9 monastères masculins et 6 couvents féminins. Une assemblée générale de 292 délègues se tint en juillet 1917 pour préparer la participation au Concile local; des délégués au Concile local et des candidats aux chères épiscopales prévues furent élus. Le Concile régularisa l'Édinovérie, autorisant l'élection d'évêques vicaires pour cette mouvance et le premier évêque, saint Siméon (Chleev), fut élu à Moscou et sacré par le saint patriarche Tikhon en juin 1918. Il périt en martyr en 1921 et ses successeurs connurent le même sort …

ANNIHILATION ET RENOUVEAU

En 1937 le dernier évêque de l'Édinovérie fut fusillé et le métropolite Serge, locum tenens du trône patriarcal, décréta que les paroisses de l'Édinovérie passaient sous l'autorité des évêques orthodoxes locaux (nous utiliseront le terme "orthodoxe" pour qualifier l'Église Orthodoxe russe dans la suite du texte). De fait, si aucune de ces paroisses ne rejoignit le schisme de "l'Église renouvelée", elles furent pratiquement toutes détruites par les autorités dans les années 1920-1930 dans le cadre des campagnes antireligieuses. Plusieurs de leurs recteurs furent martyrisés et sont actuellement canonisés. Les survivants rejoignirent les mouvances clandestines des Vieux-Croyants ou les "Églises des Catacombes" ("Катакомбная_церковь": https://ru.wikipedia.org/wiki/%D0%9A%D0%B0%D1%82%D0%B0%D0%BA%D0%BE%D0%BC%D0%B1%D0%BD%D0%B0%D1%8F_%D1%86%D0%B5%D1%80%D0%BA%D0%BE%D0%B2%D1%8C ); l'Édinovérie avait cessé d'exister…

Le tournant se produisit au Concile local de l'Église russe de 1971 qui, allant plus loin que le Concile de 1917-18, annula les anathèmes de 1666-67 et affirma que les rites anciens sont « salvateurs de même que les nouveaux rites, et égaux à ceux-ci ». Le bicentenaire de l'Édinovérie en 2000 fut commémoré solennellement par un te deum (moleben) solennel dans la cathédrale de la Dormition du Kremlin, concélébrée par des évêques orthodoxes et des prêtres de l'Édinovérie (cf. vidée sur https://vk.com/video-16040023_164946824) et un colloque fut organisé au monastère St Daniel de Moscou (siège du patriarcat) sous l présidence du métropolite Cyrille de Smolensk et Kaliningrad (futur patriarche; le discours d'ouverture fut prononcé par le patriarche de Moscou Alexis II.). En2013 c'est une Liturgie qui fut pour la première fois concélébrée dans la cathédrale de la Dormition du Kremlin pour commémorer les 200 ans du premier congrès de l'Édinovérie (cf. vidée sur https://vk.com/video-16040023_164946824) Le nombre de paroisses concernées dans l'Église russe est depuis en croissance continue: 3 en 1990, 12 en 2000, 20 en 2007, plus de 30 en 2013 … chiffres qui restent très marginaux par rapport à la croissance générale des paroisses de l'Églises russe qui compte prés de 35 000 paroisses… Il est à noter qu'il a des paroisses de l'Édinovérie dans l'Église Orthodoxe Russe à l'Étranger (EORE ou ROCOR) qui sont sous l'autorité spécifique de l'évêque de Caracas John Bērziņš.

Source: http://www.pravenc.ru/text/189549.html