Traduit du russe par Marie et André Donzeau

Moscou. 18 avril. Interfax – Le métropolite Hilarion de Volokolamsk, Président du DREE du patriarcat de Moscou , a établi un parallèle entre l'ex URSS et l'Europe actuelle.

"Il est surprenant que maintenant, relativement parlant, les civilisations russe et européenne ont en quelque sorte échangé leurs rôles. L'Union soviétique était le pays de l'athéisme d'Etat, alors que l'Occident était perçu par nous tous comme une région chrétienne" a déclaré le hiérarque lors de l'émission "L'Eglise et la paix", sur la chaîne de télévision "Russie-24".

Selon lui, tout est maintenant inversé : en Russie, c'est la renaissance de la foi, de l'Eglise ; on construit de nouvelles églises, on ouvre des monastères et des établissements d'enseignement religieux ; "alors qu'en Occident on assiste à une diminution progressive de la religiosité, des églises se ferment, certains bâtiments ecclésiastiques sont tout simplement à vendre."


"La laïcité et l'athéisme sont de fait devenus l'idéologie officielle de l'Europe occidentale. Certes, l'Eglise n'est pas encore persécutée au point où elle l'était chez nous à l'époque soviétique, quand on faisait exploser et qu'on détruisait les églises. Mais l'idéologie de l'Europe laïque moderne exclut pratiquement l'Eglise et la religion de l'espace public ; on peut être croyant en tant que personne privée, mais votre religiosité ne doit en aucune façon affecter votre rôle dans la société, dans votre activité professionnelle", constate le métropolite.

Dans le même temps, il croit que le renouveau religieux en Europe "ira au-delà de l'ivresse de la « liberté », de la permissivité, que les gens comprendront à quoi tout cela mène, et que commencera alors un retour aux racines chrétiennes."

Interfax religion

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 23 Avril 2016 à 12:19 | 2 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Noël Ruffieux le 25/04/2016 11:57
J’ai beaucoup de respect pour le métropolite Hilarion et j’apprécie le rôle de pont qu’il assume entre le patriarcat de Moscou et l’Eglise de Rome. Mais il lui arrive aussi d’être le porte-parole d’une Russie et d’une Eglise russe idéalisées, et en partie fictives, surtout lorsqu’elles sont présentées comme le contre-modèle de l’ «Europe occidentale». Dans cette déclaration à l’emporte-pièce, il faut certes faire la part du public destinataire (on ne le précise pas) et de la traduction-résumé qui en est donnée.
Le parallèle en «perspective inversée» entre l’Union soviétique et l’Europe actuelle (la Russie fait-elle partie de l’Europe, au moins jusqu’à l’Oural ?) est non seulement outré, mais aussi irrespectueux pour les victimes du goulag et les néo-martyrs
Lorsque le patriarcat de Moscou fait l’inventaire de la vie de l’Eglise, il aime citer des chiffres: nombre d’églises construites, de monastères ouverts, de diocèses créés, de prêtres ordonnés. En 2013, il affirmait que 79% des orthodoxes fréquentent l’église. Chiffres contre chiffres, en 2014 l’agence RIA Novosti livrait, selon la police moscovite, le nombre des participants aux fêtes de Pâques en ville de Moscou: plus de 600'000 personnes avaient fréquenté les églises sur deux jours. Cela paraît impressionnant. Mais si l’on réfère ces chiffres à la population moscovite de l’époque, avec 67% d’orthodoxes sur environ 11 millions d’habitants, la participation des fidèles orthodoxes en deux jours de la fête de Pâques ne dépasse pas 8,2%. A Pâques, la fête des fêtes!
Comparaison n’est pas raison, mais tout de même. En «Europe occidentale», en France, on évalue la participation des catholiques à la messe, un «dimanche ordinaire», entre 5 et 10% ; en Italie autour de 25%. Près de chez moi, à Fribourg (Suisse), ville majoritairement catholique, une enquête précise, avec questionnaires individuels, a donné un peu plus de 10%, un «dimanche ordinaire», les 15/16 juin 2013.
Certes, les chiffres, non seulement ne disent pas tout, mais ils disent peu. Il faudrait faire l’inventaire de la présence des Eglises dans les médias, de l’action des mouvements de jeunes ou d’aînés, des groupes bibliques, de la solidarité ecclésiale (par exemple le carême solidaire) avec les démunis et le tiers-monde, l’accueil des réfugiés et des migrants, le rôle des facultés de théologie (financées par l’Etat, comme celle où j’enseigne)... De cet inventaire, je ne suis pas sûr que la Russie et son Eglise sortent gagnantes.
La laïcité et l’athéisme ne sont pas «l’idéologie officielle» de l’Europe occidentale. Encore un contre-exemple: la Constitution suisse commence avec ces mots : «Au nom de Dieu Tout-Puissant!» Je sais qu’il est difficile d’harmoniser la pratique politique avec un tel préambule. Mais lors de la votation populaire de 1999, le peuple a voulu maintenir cette référence. Et malgré l’évolution des mœurs et des pratiques, personne actuellement ne cherche à l’abroger. En parlant d’ «Europe occidentale», il est simpliste de mettre dans le même panier la Pologne et la France! D’ailleurs - faut-il le rappeler - dans les pays occidentaux, l’Eglise orthodoxe est libre de s’organiser comme elle le veut, de créer des paroisses et des monastères, de construire des églises ou de bénéficier de lieux de culte mis à sa disposition par d’autres Eglises. On ne peut que regretter que l’Eglise orthodoxe «en diaspora» ne profite pas de cette liberté pour s’organiser de manière vraiment ecclésiale.
Il est sûr qu’aujourd’hui les modes dominantes poussent vers une individualisation et une privatisation de la foi, ou plutôt de la croyance, ou de la «religiosité» (selon le mot discutable utilisé dans la traduction), vers un relativisme dogmatique et moral. Cela n’empêche pas nécessairement une majorité des habitants de croire en un Dieu unique et une vie après la mort. (cf. enquête suisse 2016 sur les pratiques religieuses et spirituelles) Cette évolution n’est pas le propre de la seule «Europe occidentale», si j’en crois mes étudiants orthodoxes venus de Grèce, Russie, Roumanie, Géorgie...
Mais cela offre des défis aux Eglises, sur leur manière de délivrer le message évangélique, sur la façon d’ensemencer la société, sur la kénose nécessaire de l’Eglise «pour la vie du monde». Lisez, si vous ne l’avez pas encore fait, le Journal du père Alexandre Schmemann, sur «le succès, générateur d’orgueil», sur les défaites salvifiques, parce que pascales. «Lorsqu’il ne restera rien de visible du christianisme, comme c’est le cas de nos jours, de nouveau il n’y aura que le Christ et rien ne pourra plus s’opposer à Lui… Ce sera le moment de prier: ‘Viens, Seigneur Jésus, viens…’»
Joyeuses et vivifiantes fêtes pascales à toutes et tous!

2.Posté par Théophile le 25/04/2016 15:44
@ Noël Ruffieux

A mon avis, il ne faut pas surinterpréter le message du métropolite Hilarion, qui s'adresse dans ce message d'abord aux fidèles russes concernant les relations entre Europe et Russie.
Sa position est actuellement attaquée, car il a défendu la rencontre organisée en Kirill et le Pape (cf autre post à ce sujet), ainsi que sa portée. Du coup, on peut supposer qu'il veut aussi rappeler pour sa défense aux plus conservateurs des orthodoxes russes que la Russie a une vocation différente de l'Europe et que l'Eglise de Russie se porte plutôt bien.

Mais sur le fond, je suis assez d'accord avec vous, la différence entre une Europe sécularisée et une Russie traditionnelle est surfaite. Les pays européens sont assez différents les uns des autres sur le plan religieux et la Russie a aussi ses propres problèmes (un sondage récent montre que la majorité des Russes est nostalgique de l'URSS).

Nouveau commentaire :



Recherche



Derniers commentaires


RSS ATOM RSS comment PODCAST Mobile