«Les Chemins de la liberté», un film signé Peter Weir
Un film que nous vous conseillons vivement, d'une grande authenticité, comme pour "Une journée d'Ivan Denissovitch" (au début des années 70). L'inspiration chrétienne y est manifeste.

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«Les Chemins de la liberté», un film signé Peter Weir, avec Jim Sturgess, Ed Harris, Saoirse Ronan et Colin Farrell, sort cette semaine sur les écrans

L'extraordinaire épopée de sept prisonniers échappés du goulag, marchant du nord de la Sibérie jusqu'en Inde, passionne depuis un demi-siècle les lecteurs du livre de Slawomir Rawicz À marche forcée. Le réalisateur australien Peter Weir en a tiré son nouveau film, Les Chemins de la liberté.

Le film de Peter Weir, "Les Chemins de la liberté", relance une aventure qui a déjà connu bien des rebondissements depuis la parution en 1956 du récit de Slawomir Rawicz The Long Walk (traduit en français sous le titre À marche forcée).
Le Polonais y raconte son évasion d'un camp de Sibérie en 1941 avec six prisonniers et leur marche terrible de plus de 6000 kilomètres jusqu'en Inde.
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Rédigé par l'équipe de rédaction le 1 Février 2011 à 11:09 | -1 commentaire | Permalien



1.Posté par l'équipe de rédaction le 01/02/2011 13:08
Le FIGARO
«Les Chemins de la liberté» La plus grande des évasions

Vendu à un demi-million d'exemplaires, traduit en vingt-cinq langues, le livre est devenu un classique du récit d'évasion et de survie. Et un témoignage capital sur le goulag: «À la différence de l'Holocauste, il existe assez peu de livres sur le goulag, note Cyril Delafosse-Guiramand, conseiller technique du film de Peter Weir. En dehors de Soljenitsyne, une trentaine d'ouvrages seulement.»

Très vite, À marche forcée, écrit avec le concours d'un journaliste anglais, Ronald Downing, a été controversé. On a d'abord critiqué des erreurs ou des invraisemblances ponctuelles. Rawicz a admis des défaillances de mémoire et une forme un peu romancée par le journaliste, sans remettre en question la véracité de son périple. Aujourd'hui, le partage entre réalité et fiction s'est affiné, notamment grâce à une enquête radiophonique de la BBC réalisée en 2006, après la mort de Slawomir Rawicz (en 2004), qui a bénéficié de l'apport des archives russes et polonaises. On y apprend que Rawicz, jeune officier de réserve de l'armée polonaise, fut arrêté et déporté en Sibérie pour le meurtre d'un officier du NKVD. Amnistié en 1942 avec les soldats polonais, il aurait ensuite marché vers l'Iran. «Après l'invasion de la Russie par Hitler, les prisonniers polonais furent amnistiés à la suite d'un accord entre Staline, Churchill et Anders, pour combattre dans l'armée russe», explique Keith Clarke, producteur exécutif et coscénariste des Chemins de la liberté. «Mais beaucoup gagnèrent l'Iran et la Palestine pour rejoindre l'armée anglaise.»

Il semble aujourd'hui acquis que Slawomir Rawicz n'a pas fait le périple qu'il raconte. Mais cela signifie-t-il qu'il n'ait pas eu lieu? En 2009, un Anglais d'origine polonaise, Witold Glinski, vétéran de la Seconde Guerre mondiale, s'est manifesté pour dire que c'était son histoire. Et si ce n'est la sienne, d'autres l'ont vécue. «Deux sources viennent la valider, explique Peter Weir. D'une part, le témoignage d'un officier de renseignement britannique, Rupert Mayne: en 1942, à Calcutta, il a interrogé trois hommes en piteux état qui ont fait le récit de leur évasion de Sibérie et de leur marche jusqu'en Inde. Ce témoignage est corroboré par celui du traducteur polonais, établi par la suite en Nouvelle-Zélande. Nous avons parlé à leurs fils respectifs, qui ont donné la même version sans se connaître.»

Keith Clarke a fait des recherches approfondies et résume ainsi la situation: «Nous pensons que Slawomir Rawicz, qui avait été torturé par le NKVD, voulait à tout prix communiquer au monde les horreurs du communisme et de Staline. Dans ce but, il a mêlé sa propre expérience aux témoignages d'autres hommes, qu'il a principalement entendus lorsqu'il était en Palestine, en 1942.»

Peut-être est-ce le secret de la fascination durable qu'exerce À marche forcée: plus qu'un récit particulier, c'est une sorte de «florilège des évadés», selon l'expression de Cyril Delafosse-Guiramand; un recueil des efforts, des fatigues, des souffrances, des sacrifices, endurés par des centaines d'inconnus, portés par la même indomptable volonté de refuser le goulag.

«Ce n'est pas de la littérature, c'est peut-être mieux que ça», disait Nicolas Bouvier, lorsqu'il a fait rééditer l'ouvrage aux éditions Phébus. Parole de voyageur, qui a été entendue par deux beaux voyageurs, Sylvain Tesson et Cyril Delafosse-Guiramand. À trois ans d'écart, le premier en 2003, le second en 2006, ils ont refait la longue marche des évadés du goulag. Leurs pas ont vérifié les mots, leur peine a donné consistance aux épreuves indicibles des fugitifs, leur souffle a ranimé les souffles perdus. «J'ai toujours été fasciné par les raisons du voyage, raconte Sylvain Tesson. Tout d'un coup, là, j'ai trouvé un livre consacré au plus beau des motifs: la reconquête de sa liberté. Ces évadés osent tout, endurent tout, parce qu'il y a la liberté au bout de l'espace vaincu. Rawicz exprime bien deux aspects impressionnants de ce voyage. D'abord, la nature est un personnage qui vous juge en permanence. Les prisonniers ont été condamnés par le procureur rouge. Ils ont encore à passer devant “le procureur vert”, comme disent les Russes, qui peut vous faire exécuter ou vous gracier. Puis, il y a le sentiment qu'on ne reviendra jamais en arrière. Ce livre est un choc pour le voyageur, parce qu'il vous emporte dans une course à la mort. Chaque pas est sans retour. Une évasion, c'est vraiment l'image de la terre brûlée, avec toute sa richesse symbolique.»

Le seul espoir est d'aller vers le sud. Géographiquement, le périple est aussi exceptionnel qu'il l'est historiquement car, observe Sylvain Tesson, les grands déplacements ont surtout eu lieu d'est en ouest. Là, on traverse des paysages et des climats extrêmes, des abords du cercle polaire au désert de Gobi.

«Sylvain, a repris exactement l'itinéraire indiqué par Rawicz, explique Cyril Delafosse-Guiramand. Son expérience et ses conseils m'ont encouragé à élargir le circuit. J'ai suivi les traces de divers évadés: certains sont allés vers l'Indochine.»

Pour ce consultant en marketing aventurier, passionné par la Seconde Guerre mondiale, le voyage ne prend tout son sens que s'il a un ancrage historique. «Peu importe qui l'a fait. L'important est que ce soit vrai », dit-il. Et Sylvain Tesson est d'accord pour reconnaître que l'historiographie du goulag est pleine de folles et terribles évasions, même si on en parle peu en Russie, où l'on préfère oublier les purges staliniennes.

Avec ces deux marcheurs aventuriers, on quitte la spéculation historique pour entrer dans les sensations vécues. «L'immensité spatiale est un cauchemar effrayant, dit Sylvain Tesson. J'ai retrouvé ce vertige dans le film, au moment où les évadés arrivent dans le désert de Gobi. Mais on aurait pu montrer davantage l'incroyable petitesse de l'homme, qui est une minuscule fourmi sur la table des steppes ou du désert.» Pour surmonter ce vertige de l'infini, il faut se trouver un abri intérieur: «Les nomades ont une technique mentale, dit Sylvain Tesson: aller au bout de la journée et ne pas penser au lendemain. Surtout ne se projeter ni dans l'espace ni dans le temps.»

Dans l'expérience de Cyril Delafosse-Guiramand, le plus dur est la traversée du désert de Gobi. «La Sibérie est glaciale, mais c'est un garde-manger extraordinaire, dit-il. Le désert de Gobi est la représentation absolue du vide dans tous les sens, alimentaire, psychologique, philosophique, même. C'est là que j'ai atteint les moments les plus profonds de solitude. Le désert requiert vraiment un équilibre très fort, parce que la folie vous guette, et une technique de survie, une connaissance rare pour trouver le minimum d'eau dans le sable.»
Tout cela, les évadés l'ignoraient. La seule chose qu'ils savaient, c'est qu'ils n'acceptaient pas la condition dégradante qui leur était réservée «Il ne faut pas savoir, pour vivre…», dit Sylvain Tesson. À marche forcée transmet «cette vérité humaine essentielle: le désir d'exister, la volonté de vivre libre». Pour ces hommes, «l'air n'est pas le même d'un côté et de l'autre des barbelés du camp», estime Cyril Delafosse-Guiramand. Un facteur mystérieux le modifie presque chimiquement: la liberté, cet oxygène spirituel. Les Chemins de la liberté réactualise la mémoire d'un périple qui défie l'imagination. Sylvain Tesson aime rappeler le mot de Mark Twain: «Ils l'ont fait parce qu'ils ne savaient pas que c'était impossible.»

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