V.G.
Partie 3: faire l'effort de changer pour se réconcilier avec Dieu

Un saint père raconte qu'il y a trois volontés qui gouvernent le monde et qui le modèlent. La volonté de Dieu – toujours bonne, toujours prête à sauver; mais Dieu n'essaye pas de nous envoûter ou de nous contraindre. Saint Maxime de Confesseur ) dit que Dieu peut tout faire sauf nous obliger à L'aimer, parce que l'amour est un libre don de soi.

Mais il y a une autre volonté, satanique, une volonté sombre, toujours destructrice, toujours orientée vers le mal, cherchant à nous détruire et à travers nous, à détruire les autres et à s'opposer à Dieu et à Sa providence sur terre. Satan nous promet tout, Satan nous envoûte, Satan nous attire à lui, et à chaque fois il nous ment. Et à chaque fois que nous l'avons écouté et que nous nous rendons compte qu'il nous a menti, il nous murmure encore: « si tu t'étais enfoncé plus dans le péché, avec plus d'ardeur, tu aurais obtenu ce que je t'avais promis »; nous attirant ainsi de plus en plus profondément dans la fosse.

Et entre ces deux volontés, il y a la volonté humaine. Elle peut s'allier à la volonté divine qui s'offre à nous ou à celle de Satan qui veut nous emprisonner et nous entrainer dans la mort éternelle. De nos choix dépend ce qui se passe sur terre.

Et tout cela provient pour l'essentiel de notre morcellement intérieur, de l'obscurcissement de notre discernement et de notre cœur (souvenez-vous des paroles du Christ: « Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu »), des hésitations de notre volonté, qui n'est pas stable parce que nous n'offrons pas entièrement notre cœur à Dieu, à notre prochain, parce que nous ne l'ouvrons pas entièrement à la beauté et à la vérité, mais nous n'en consacrons que quelques parcelles aux valeurs véritables. Voilà en quoi consiste notre dilemme. Et c'est par là qu'il faut commencer notre réconciliation. Par réconciliation, je ne dis pas qu'il faut se satisfaire de l'état dans lequel on est, mais au contraire faire l'effort de changer pour se réconcilier avec Dieu, son prochain et refaire l'unité en soi. Voilà à quoi il faut être très attentif.

Trois péchés contre l'amour

Puisque l'on parle de la confession, il serait bon de se souvenir de ce qu'elle représentait dans les premiers siècles. La confession sous la forme actuelle n'existait pas alors. Chez l'apôtre Jacques, on trouve: « Confessez donc vos péchés les uns aux autres, et priez les uns pour les autres, afin que vous soyez guéris. La prière fervente du juste a un grand pouvoir ». (Jq 5,16) Dans les premiers siècles cela se passait comme cela. On ne confessait pas toutes sortes de petits péchés, mais il y avait trois grandes catégories de péchés qu'il fallait absolument confesser avant d'être réconcilié avec Dieu.

En premier – l'apostasie, ce qui consiste à renier Dieu et le Christ; qu'il ne faut pas comprendre comme un simple changement d'opinion sur l'existence de Dieu, mais comme un signe caractéristique de haine. Renier Dieu, renier un homme signifie que l'on considère qu'il ne représente rien pour moi, que s'il n'existait pas je continuerai de vivre et de me réjouir de la vie. C'est le premier des péchés fondamentaux. Et ne pensez pas que cela ne concerne que les prises de positions publiques ou ceux qui vivent leur vie sans Dieu. On commet ce péché constamment: à chaque fois que nous avons le choix entre la lumière et les ténèbres et que nous choisissons les ténèbres, nous disons à Dieu: « je préfère les ténèbres à Ta lumière ». C'est très grave et il ne faut pas le prendre à la légère. Il ne suffit pas de dire en confession que l'on n'a pas agi comme il faut, pas dit ce qu'il faut, pas pensé ce qu'il faut, pas ressenti ce qu'il faut; il faut mesurer ce que cela implique dans nos rapports avec Dieu.

Le deuxième – le meurtre, devait absolument être confessé. Il est par essence équivalent à l'apostasie, affirmant que quelqu'un est gênant ou inutile sur terre, c'est fondamentalement de la haine pour l'homme. Bien sûr, nous ne sommes pas des meurtriers, nous n'avons tué personne, n'est-ce pas ? Mais ne sommes-nous pas semblables à Caïn le premier meurtrier à chaque fois que nous pensons: « Ah, comme cela serait bien si cet homme là n'existait pas. S'il pouvait périr ! ». Qui d'entre nous peut dire qu'il n'a jamais pensé cela à propos de quelqu'un qui lui était insupportable. Que le monde serait mieux sans lui. Et pourquoi existe-t-il ? Et pourquoi Dieu l'a-t-Il créé ? Pourquoi a-t-il croisé ma route, pourquoi est-il entré dans ma vie ? C'est exactement la pensée de Caïn le premier meurtrier.

Et pour finir le troisième péché – l'adultère. L'adultère salit et détruit l'amour qui existe déjà; que ce soit un amour timide, un amour moribond, mais comme une bougie dans la nuit, cet amour est une lumière qui luit faiblement et quelqu'un l'a éteinte. Les saints pères disent aussi que l'adultère commence au moment où nous tournons notre cœur vers la matière en le détournant de Dieu, le Créateur de cette matière; c'est le moment où nous détruisons notre amour pour Lui, le moment où nous le rendons impur.

Voilà, ce sont ces trois péchés, qui tous disent que l'on n'aime pas Dieu, que l'on n'aime pas son prochain, que l'on ne croit pas à l'amour, qu'il fallait dans les premiers siècles confesser publiquement devant l'Église. Parce qu'on ne pouvait pas appartenir à l'Église si on avait renié Dieu, son prochain et l'amour.

La gangrène s'insinue profondément en nous

Vous vous demandez sans doute comment cela se passait ? Quels pouvaient bien être les rapports entre les gens après de telles confessions ? Si de telles confessions avaient lieu aujourd'hui, nos rapports s'en trouveraient certainement très perturbés. Mais il faut se rappeler qu'en ces temps là, l'Église était persécutée et que pour devenir chrétien, il fallait faire un choix entre le Christ et tout le reste; pas simplement entre la loi impériale et la foi, mais entre la foi et ses proches. Quand on apprenait que quelqu'un était chrétien, ses amis, son père, sa mère, son mari, sa femme, ses enfants pouvaient le dénoncer; il était alors torturé et mis à mort. Et c'est pour cela que chaque membre de la communauté chrétienne savait que les autres membres étaient ses proches véritables Rien ne les rassemblait d'un point de vue humain: ils parlaient des langues différentes, ils provenaient de cultures différentes, ils étaient de couleurs différentes et de milieux sociaux différents; ces hommes ne se seraient jamais croisés, parlés, touchés dans la vie courante. Mais assemblés dans l'Eglise, ils savaient que le Christ les avait réunis et qu'ils étaient un dans le Christ; le monde entier pouvait être contre eux, chacun était là au nom du Christ; ils étaient réunis par la foi, la fidélité au Christ et leur amour pour Lui. C'est pourquoi ils pouvaient ouvrir leurs cœurs les uns aux autres, exposer devant les autres les méandres les plus profonds de leurs âmes sachant que chacun recevra cette confession avec compassion, mais sans dégoût; que ce sera la souffrance de tout le corps sachant qu'un seul de ses membres est blessé, se gangrène et meurt. C'était possible alors, en ce temps là l'assemblée des fidèles était capable de porter par amour les péchés de chacun de ses membres, de les guérir non par un amour sentimental en disant « ce n'est rien, ça va passer »; mais de les guérir avec horreur devant le péché, avec une horreur profonde, mais une horreur pleine de compassion, avec la véritable conscience que ce péché est terrible et qu'il faut sauver cet homme de la mort éternelle, pas seulement d'un malheur passager. La question n'était pas de soulager l'existence de quelqu'un, mais de le guérir.

Aujourd'hui cet état d'esprit a disparu, une telle pratique est devenue impossible; pourquoi ? Parce que ce n'est plus seulement le Christ qui nous lie, nous sommes liés par la culture, la langue, le milieu social, nos histoires personnelles – beaucoup de choses nous lient qui ne sont pas du domaine de l'Église. Quand je parle de l'Église, je ne parle pas du lieu mais de l'organisme divino-humain: complètement divin par le Christ, par l'Esprit-Saint et par le Père, et complètement humain par le Christ de nouveau et par nous-mêmes. Il y a deux vies en nous, nous sommes divisés à l'intérieur de nous-mêmes, nous sommes fendus comme une bûche; nos attachements nous privent de cette liberté intérieure venant du Royaume dont jouissaient les premiers chrétiens. Si certains d'entre eux étaient des esclaves par leur condition sociale, ils étaient libres en Christ et par le Christ.

C'est pourquoi cette sorte de confession publique, déchirante et source de guérison, était alors possible et qu'elle ne l'est plus aujourd'hui. C'est inquiétant du point de vue de la confession, ça l'est encore plus en ce qui concerne nos rapports mutuels. Avec quelle timidité nous nous avouons nos péchés ! Comme nous sommes effrayés à l'idée que quelqu'un, même un proche qui nous aime, apprenne l'homme que nous sommes en réalité ! Cela veut dire que la destruction est de plus en plus profonde, que la gangrène s'insinue profondément en nous, détruisant non seulement nos relations en Christ, mais nos relations tout court.

Nous terminerons ici notre première discussion; nous allons maintenant entamer une période de silence. Je voudrai que vous vous interrogiez sur chacun des points que j'ai évoqués, que vous les examiniez non d'un point de vue philosophique, mais comme une question qui se pose à chacun d'entre nous individuellement et y répondiez en conscience face à Dieu, face au prochain. Le silence doit être total; si cela vous parait trop difficile, sortez, allez vous promener; le silence dans l'église doit être total, parce que ceux qui veulent rentrer en silence dans leur vie et contempler leur âme, leur destin, leur vie, leur Dieu doivent pouvoir le faire sans être dérangés.

Partie 1 et 2



Rédigé par Vladimir GOLOVANOW le 7 Décembre 2012 à 20:00 | 1 commentaire | Permalien



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