POURQUOI L'EMPEREUR NICOLAS II A-T-IL ÉTÉ CANONISÉ ?
La canonisation e la famille Impériale a provoqué en Russie des réactions très différenciées: si d'une part il y a des hagiographes qui s'en félicitent, comme le fait par exemple le livre de Victor Loupan cité par ailleurs, d'autres, qui ne sont pas tous des nostalgiques du bolchévisme, s'indignent en soulignant les erreurs et les faiblesses de l'empereur et de sa famille. Dans tous les cas, personne ne comprend vraiment ce que signifie une canonisation et pourquoi Nicolas II a été proclamé "strastoterptsy". Un article dans le N° du 7/08/2009 du journal KIFA fait appel au p. Georges Mitrofanov (1) pour répondre aux questions les plus courantes sur le sujet. J'en reprends les principaux arguments.

Le p. Georges commence par affirmer que "les faits historiques ne permettent pas de considérer les membres de la famille impériale comme des martyres chrétiens. Mourir en martyre présuppose la possibilité de renier le Christ pour sauver sa vie. Mais la famille impériale a été massacrée comme famille impériale, par des gens qui la considérait comme le symbole de cette Russie impériale qu'ils détestaient.

La famille impériale a donc été mise au rang "strastoterptsy", continue le p. Georges, spécifique a l'Église russe, comme l'ont été les princes qui ont accepté les souffrances et la mort de la mains de leurs adversaires politiques, dans un esprit d’abnégation chrétienne. La commission de canonisation a étudié 7 rapports: 5 ont présenté l'action politique et ecclésiale du dernier empereur, et la commission a jugé qu'il n'y avait pas là matière à canonisation, mais les deux derniers, consacrés "aux derniers jours de la famille impériale" et "Positon de l'Église concernant le rang de "strastoterptsy" ont emporté la décision.

POURQUOI L'EMPEREUR NICOLAS II A-T-IL ÉTÉ CANONISÉ ?
En effet, tous les témoins ont décrit les prisonniers de Tobolsk et Ekaterinburg comme des personnes souffrantes mais soumise à la volonté de Dieu, supportant avec abnégations injures et provocations. "Dans les souffrances des derniers jours de la famille impériale nous voyons la lumière de la vérité du Christ triomphant du mal." Comprenant qu'ils étaient condamnés, les membres de la famille impériale ont acquis la paix de l'âme et, au moment de leur mort en martyres, la capacité de pardonner à leurs ennemis. "Si je fais obstacle au bonheur de la Russie… je suis prêt non seulement à donner mon trône mais aussi ma vie pour la Patrie" a dit l'empereur au général D.N. Dubensky avant son abdication, et quelques mois après l'impératrice écrivait de sa prison "Comme je suis heureuse de ne pas être à l'étranger, mais soufrons avec elle /la Patrie/"…

Cette canonisation ne signifie absolument pas que l'Église soutient l'idée monarchique. La commission n'a pas négligé les épisodes discutables du règne de Nicolas II et, en particulier, si son abdication pour éviter une guerre civile était justifiable du point de vue éthique, c'était certainement une erreur politique: s'il avait écrasé la révolte dans le sang, il serait entré dans l'histoire comme un grand homme d'état, mais n'aurait sans doute pas été canonisé… Il n'a pas été canonisé pour son caractère, mais par sa mort en martyre. D'ailleurs il est le seul Romanov a être canonisé pour 300 ans de règne de la dynastie: on ne peut parler de canonisation systématique des empereurs!

Père Georges parle ensuite du "dimanche sanglant" (le dimanche 9 janvier 2005, une foule désarmée se dirigeant vers le Palais d'Hiver a été mitraillée, faisant des dizaines de morts): le p. Georges souligne que, si la répression a été lamentable, il s'agissait néanmoins de troubles graves qu'il fallait réprimer. D'ailleurs l'empereur n'a pas donné l'ordre de tirer et, se trouvant à Tsarskoe Selo, était probablement mal informé de la situation en ville. Dans son journal il a écrit "Quelle journée horrible! Il y a eu des troubles à Petersbourg, … et la troupe a du tirer faisant beaucoup de morts et de blessés. Mon Dieu, comme c'est horrible!". Un saint canonisé n'est pas sans pêché. "Strastoterptsy" signifie "ayant accepté la mort" (ou "Ceux qui ont enduré les souffrances de la Passion") et c'est justement la caractéristique de personnes souvent faibles qui trouvent en eux les forces de surmonter la faiblesse humaine pour mourir avec le nom du Christ sur les lèvres.

Par contre, les serviteurs qui ont accompagné la famille impériale n'ont pas été canonisés par l'Église russe (contrairement à l'Église Hors Frontière) et cela simplement parce qu'il n'y a pas de procédure pour canoniser les laïcs qui ont souffert le martyre. Il y en a des millions et l'Église s'en souvient.
Et il ne faut pas prétendre que la famille Impériale représente le rachat des péchés du peuple russe, ni demander un repentir général pour ce massacre: il n'y a qu'un seul Sauveur Qui rachète tous les péchés et ce genre d'ajout à la conception de la sainteté, d'origine douteuse, est condamné par l'Église.

Note (1): Je pense inutile de présenter le p. Georges Mitrofanov . Rappelons qu'il est ex- membre de la commission de canonisation et de l'organe interconciliaire de l'Église russe

Rédigé par Vladimir Golovanow le 10 Octobre 2009 à 13:32 | 21 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par wormwood le 10/10/2009 20:44
Une mise au point bienvenue par son équilibre et sa sobriété.
A propos des saints "Souffrants", on relira avec intérêt : Elisabeth Behr-Sigel, Prière et sainteté dans l'Eglise Russe, Spiritualité Orientale 33, Bellefontaine, 1982, p. 160-164.

2.Posté par genovieva le 12/10/2009 11:14
"rang "strastoterptsy", spécifique a l'Église russe,[...] princes qui ont accepté les souffrances et la mort de la mains de leurs adversaires politiques, dans un esprit d’abnégation chrétienne."
"Par contre, les serviteurs qui ont accompagné la famille impériale n'ont pas été canonisés par l'Église russe, et cela simplement parce qu'il n'y a pas de procédure pour canoniser les laïcs qui ont souffert le martyre."
Je ne comprends pas bien : toutes choses égales par ailleurs, un homme sera canonisé s'il est prince, et ne le sera pas s'il est laïc ? Est-ce bien le point de vue du père Georges Mitrofanov? Dieu ne fait pas acception de personnes, l'Eglise devrait-elle le faire?
rassurez-moi, c'est un malentendu...

3.Posté par diacre Pierre le 17/10/2009 01:25
Je suis diacre (Patriarcat de Constantinople), historien, et j'ai toujours été réticent à l'idée de la canonisation du tsar Nicolas et de sa famille. J'ai souvent prié pour eux et continuerai de le faire, estimant qu'ils sont morts dans une foi inébranlable et d'une manière horrible. Assassinés en pleine nuit sur l'ordre secret de Lénine -grande différence avec Louis XVI qui a eu droit à un procès-, ils ne méritaient certainement pas cette fin cruelle. Loin d'être ce monstre tant décrié par la propagande soviétique -et ses relais occidentaux-, Nicolas II était un homme doux, bon époux, bon père, patriote dévoué et fervent chrétien. Il convient cependant de préciser et de nuancer quelques points :

-Nicolas II a toujours manqué du discernement -vertu spirituelle s'il en est- le plus élémentaire : son refus d'annuler le bal lors de la catastrophe de Khodinka à l'issue de son couronnement ainsi que sa confiance en Raspoutine en sont des preuves indiscutables.

-La répression sanglante du "dimanche rouge", certes non voulue par Nicolas II, n'était nullement justifiée : les manifestants désarmés, menés par le père Georges Gapone, portaient des icônes et chantaient la gloire du tsar. En aucun cas ils n'appelaient à le renverser, mais venaient au palais avec une pétition rédigée sur un ton de respect et d'amour filial.

-Les martyrs du bolchévisme se comptent par millions : pourquoi tous ces anonymes non canonisés n'auraient-ils pas droit au même honneur ?

-L'Eglise devrait toujours être prudente lorsqu'il s'agit de canoniser un prince quel qu'il soit. André Bogolioubski l'a été car il était un grand bâtisseur. Il a aussi été responsable de guerres particulièrement sanglantes, ce qui lui a valu d'être assassiné. On en est arrivé au point que certains groupuscules nationalistes -Dieu merci, minoritaires- réclament aujourd'hui la canonisation d'Ivan le Terrible !

-La canonisation de la famille impériale ne correspondait certainement pas à une réhabilitation du régime tsariste mais s'inscrivait, tout le monde le sait, dans un processus de rapprochement avec l'Eglise Hors-Frontières. Processus nécessaire, mais qui aurait dû, à mon humble avis, être accompagné d'un débat théologique et historique plus approfondi, les deux notions n'étant en rien antinomiques.

4.Posté par Svetlana Milko le 17/10/2009 10:24
@diacre Pierre

Après l'effondrement de 80 années de pouvoir athée comment ne pas comprendre la joie des orthodoxes russes lorsqu'ils voient les martyrs canonisés, lorsque des reliques sont trouvées. Les victimes se chiffrent par dizaines de millions, impossible d'en connaître tous les noms. De les canoniser tous. Mais nous prions pour eux.
Le dernier Tsar n'a pas été fait Saint pour sa manière de gouverner, l'Eglise l'a souligné à plusieurs reprises. Lui et les siens sont "des saints souffrants" (strastoterptzy) comme l'a si bien expliqué l'auteur de l'un des commentaires.
Saint Alexandre de la Neva était loin d'être angélique, plutôt très martial… Est-ce une raison de mettre sa sainteté en cause?

5.Posté par vladimir le 17/10/2009 10:56
Je pense indispensable de préciser 2 points essentiels sur le sens de la canonisation, et je prie le p. Pierre de me corriger si je me trompe:

1/ Une canonisation N'EST PAS UNE DECISION DE L'ÉGLISE HUMAINE. Ce n'est pas une "récompense" pour mérites rendus à l'Église où à l'Humanité, un super "prix Nobel". Non! Il s'agit d'une décision divine et l'Église ne fait que CONSTATER cette décision du Seigneur de rapprocher de Lui l'un de Ses serviteurs.
2/ Le procès en canonisation ne se contente pas de "justifier" ce fait, c'est à dire d'en comprendre le POURQUOI (si tant est que nous puissions comprendre cela!), il recherche aussi LES SIGNES que le Saint Esprit envoie pour désigner un saint.

A ma connaissance, les signes pris en compte sont en particulier les miracles et la ferveur populaire(1). Pour ce qui concerne la famille impériale, je ne sais pas si aucun miracle a été documenté, mais la ferveur populaire est indéniable et indique donc la Vérité divine que détient le Peuple de Dieu conformément à notre foi Orthodoxe. Les évêques n'ont plus qu'à la proclamer, ce qu'ils ont fait en s'entourant de toutes les précautions canoniques du procès en canonisation. Il est donc clair que le Seigneur a appelé auprès de Lui la famille impériale pour leur mort, comme l'explique le p. Georges, et cela ne signifie aucune justification de leur vie(2). D'ailleurs le 1er saint russe, Saint Vladimir, n'a pas eu non plus une vie exemplaire, avec nombre de femmes, 800 concubines, massacres, viols, etc (cf. sa biographie par Hélène Carrère d'Encausse); là aussi, "un saint canonisé n'est pas sans pêché" mais la ferveur populaire a mené à sa canonisation (pour son action politique en faveur de la foi).

Et c'est bien à cela que se réfère le p. Georges en disant "qu'il n'y a pas de procédure pour canoniser les laïcs": s'il y a bien une reconnaissance "en masse", "l'Église s'en souvient", il n'y a ni miracles ni ferveur individualisés permettant de dire que tel ou tel a été spécifiquement appelé par le Seigneur.

Note
(1) nous en avons récemment encore entendu parler à propose du procès en canonisation de Jean-Paul II, Cf. http://eucharistiemisericor.free.fr/index.php?page=2703072_jean_paul_ii
(2) le p. Georges cite explicitement tous les point relevés par le p. Pierre; ils ont été examinés dans le cadre des "5 rapports qui ont présenté l'action politique et ecclésiale du dernier empereur, et la commission a jugé qu'il n'y avait pas là matière à canonisation…"

6.Posté par diacre Pierre le 18/10/2009 03:01
Je suis parfaitement d'accord avec Vladimir quand il dit qu'une canonisation n'est pas une décision humaine, et encore moins une Légion d'Honneur à titre posthume. Je rejoins également Svetlana qui affirme que Nicolas II n'a pas été canonisé pour sa manière de gouverner, fort maladroite, comme on le sait. Aucun saint n'est "exempt de péchés" et encore moins d'erreurs. Et qui suis-je, moi, pécheur patenté, pour dire qui est saint et qui ne l'est pas ? Je suis par ailleurs convaincu que la commission a abordé tous les sujets polémiques et qu'elle a fait son travail sérieusement (cf l'article du père Georges).

La canonisation d'un prince, même mort en martyr -ce qui est le cas de Nicolas II- pose toujours un problème théologique de fond : dans quelle mesure peut-on séparer la vie de l'homme politique de celle de l'homme tout court ? Vaste sujet qui n'est pas pas clos, dans la mesure où le prince, même responsable de crimes, sert l'Eglise et la défend. Les exemples sont légion (saints Constantin, Vladimir, Lazare de Serbie...). Ne demandons-nous pas au Seigneur, dans la Liturgie de saint Basile, de les "couronner au jour du combat" ?

Je tiens cependant à préciser que le défunt patriarche Alexis II a longtemps été réticent quant cette canonisation. Sa légitime volonté de rapprochement avec l'Eglise Hors-Frontières explique en partie son changement de décision. Quant à la ferveur populaire, elle est indéniable mais elle est tardive et non exempte de récupérations. Les pèlerinages sur le lieu de l'assassinat ont débuté au grand jour dès 1988 (il est évident qu'avant, c'eût été impossible). Mais où est la part, dans une situation comme celle-ci, de volonté du peuple russe de se réconcilier avec son histoire et la Foi Orthodoxe proprement dite qui en appelle à l'intercession des Martyrs ? Il ne m'appartient pas de le dire. B. Eltsine s'est incliné sur les restes de la famille impériale en 1998, alors que, maire de Sverdlovsk, il avait lui-même fait raser la villa Ipatiev en 1977. Tout homme peut certes se tromper et se repentir, mais on est en droit de s'interroger sur les pénitences soudaines de certains apparatchiks (et autres).

Cependant, je sers l'Eglise et me conforme à ses décisions. Par obéissance, je mentionnerai le nom du tsar Nicolas ou de tout autre saint dans la prière de la Litie le jour de leur fête, et ce quelles que soient mes positions personnelles quant à leur canonisation.

7.Posté par wormwood le 18/10/2009 12:59
@ Diacre Pierre :
Vous posez d' importantes questions. Leur nombre cependant dissuade de vous répondre sur le fond ; il y aurait tant de choses à dire, tant de recherches à faire sur ces sujets pour éviter les prises de positions passionnelles que l'on est un peu découragé. Je m'arrêterai donc à un détail de votre dernier message en espérant ne pas verser dans l'insignifiance.
Contrairement à ce que vous déclarez, il n'est pas dit dans l'anamnèse de la liturgie de saint Basile : "Couronne-les au jour du combat", mais : "étends ton ombre (episkiason) sur leur tête au jour du combat." C'est à dire protège-les, garde-les dans ta communion ( = qu'ils demeurent sous ta tente.)
Quant au verbe "stephanein" utilisé un peu plus haut dans le texte, il ne doit pas se traduire par "couronner" mais par son autre équivalent français "entourer, ceindre" qu'impose le reste de la phrase : "ceins-les d'une armure de vérité, d'une armure de bienveillance ... (oplô alètheias, oplô eudokias)."
Et pour que les lecteurs de ce blog puissent méditer et tirer tous les enseignements de la prière d'intercession pour les souverains incluse dans la liturgie de saint Basile, en voici le texte que je tire de Hm. Nicolas (Molinier), Les "propres" des divines liturgies, Analecta Sergiana, Presses saint Serge, Paris, 2007.
" Souviens-toi, Seigneur, de nos souverains très pieux et très croyants que tu as légitimés pour gouverner sur la terre, ceins-les d’une armure de vérité et de bienveillance, étends ton ombre sur leur tête au jour du combat, fortifie leur bras, exalte leur droite, affermis leur royaume, soumets-leur tous les peuples barbares qui fomentent les guerres. Fais-leur la grâce d’une profonde et inamissible paix, inspire à leur cœur le bien à faire à ton Eglise et à tout ton peuple afin que, grâce à leur sérénité, nous menions une vie paisible et recueillie en toute piété et dignité."



8.Posté par genovieva le 18/10/2009 18:16
@ diacre Pierre : merci pour vos réflexions pleines de justesse, en particulier en ce qui concerne 'l'éthique du prince'. Vaste sujet en effet, et qui mériterait de vastes développements.

@ vladimir : je suis tout à fait d'accord avec vos explications. Cependant, vous abordez la question sous l'angle de la "ferveur populaire", tandis que le père Georges parlait d'une différence entre princes et laïcs, et affirme qu'il n'existe pas de procédure de canonisation pour ces derniers. Un laïc mort en 'strastoterpets' pourrait pourtant lui aussi susciter une ferveur populaire. Pourquoi faire cette différence de procédure?

A propos des derniers commentaires sur les formules employées au cours de la liturgie, que penser de 'Gospodi, spasi blagochestivyi', rétabli en Russie à la chute du communisme (corrigez-moi si je me trompe), qui s'adressait à l'origine à l'Empereur, et que certains interprètent comme s'adressant soit au dirigeant actuel du pays, soit au 'peuple royal' ? Je n'ai pas entendu cette formule au cours d'offices francophones, savez-vous si elle est utilisée, comment elle est traduite, et comment elle est comprise?

9.Posté par Svetlana Milko le 18/10/2009 21:49
Chers correspondants,@ diacre Pierre @wormwood etc
Puisqu'il s'agit de canonisations relativement récentes:
Constantinople a promulgué saints mère Marie (Skobtzoff) et quatre autre émigrés - dont le veuf et le fils de mère Marie . L'Eglise russe n'a pas fait acte de réception de cette décision de Constantinople. Par analogie: l'Eglise Russe a fait acte de réception de la canonisation des membres de la famille impériale par l'Eglise Hors frontières.
Y aura-t-il reconnaissance de cette sainteté en Russie?

10.Posté par vladimir le 18/10/2009 22:07
@genovieva: je suis désolé de vous avouer mon incompétence. Le p. Georges dit bien que la canonisation comme 'strastoterpets' "est spécifique a l'Église russe, ... /pour/ les princes qui ont accepté les souffrances et la mort de la mains de leurs adversaires politiques, dans un esprit d’abnégation chrétienne." Il ne parle pas de laïcs et je n'en ai jamais entendu parler... Je confirme que pour nombre de ces princes, la ferveur populaire, en particulier au plan local, a précédé la canonisation (il suffit de visiter Sainte Sophie de Novgorod pour s'en rendre compte!). Je n'ai jamais entendu parler d'aucun cas de ce type pour des laïcs... Je suppose que l'Église suit les signes que lui adresse le Saint Esprit. Si la question ne s'est jamais posée, il n'y a pas de signe et donc pas de décison divine à proclamer...

Mais n'est-ce pas trop mettre en avant notre orgueilleuse raison que de vouloir imaginer des situations que Dieu ne nous a pas donné de voir? Ne devons nous pas attendre humblement que le cas se pose? Pour moi personnellement la réponse est certainement oui: les millions de victimes du bolchévisme, dont mon grand-père, ont certainement mérité autant de respect et de considération que le millier de néo-martyres qui ont été canonisés. Seulement pour eux Dieu n'a pas envoyé de signes individualisés. C'est comme cela que j'interprète ce que dit le p. Georges à propos de "procédure" (чин) de canonisation des laïcs... Mais j'aimerais bien que des personnes plus compétentes viennent corriger et compléter mes élucubrations personnelles, car je n'ai pas trouvé de texte définitif sur cette question.

11.Posté par vladimir le 18/10/2009 22:42
Chère Svetlana.
Je ne crois pas que l'Eglise Russe "a fait acte de réception" de la canonisation des membres de la famille impériale par l'Eglise Hors frontières (EHF). Comme l'a dit le p. Georges, il y a eu un procès en canonisation extrêmement fouillé et la famille impériale a été canonisée avec prés de 1000 autres néo-martyres au rang des "strastnoterps" et sans les serviteurs, contrairement à l'EHF, qui les a tous canonisés comme martyres... Un groupe de travaille a été crée pour harmoniser la liste des saints avec l'EHF et il n'a pas encore rendu ses conclusions. A propos de la canonisation de la famille impériale par l'EHF, le p. Alexandre (Schmemann) avait écrit en substance dans son Journal (je cite de mémoire): "C'est purement un coup politique! Ce n'est pas à eux /l'ÉHF/ de faire cela! Pas maintenant!"

Par ailleurs, chaque Église autocéphale peut canoniser ses propres saints "locaux", qui ne seront pas obligatoirement commémorés par les autres Églises autocéphales... C'est actuellement le cas des 5 nouveaux saints du patriarcat de Constantinople.

12.Posté par diacre Pierre le 18/10/2009 23:45
@wormwood. J'ai utilisé la traduction en usage dans ma paroisse. Elle est sans doute contestable. La formule slavonne est plus proche de la grecque : "oroujiem blagovoliénia vientchaï ia...", ce qui correspond globalement à ce que vous dites, même si le verbe "vientchati" est le plus souvent traduit par "couronner". Ma réflexion ne portait pas directement sur ce sujet mais je vous remercie pour cette importante précision. Il y a encore beaucoup à dire sur les traductions françaises des offices liturgiques !

@Svetlana Milko. J'espère de tout coeur que l'Eglise de Russie reconnaîtra rapidement la canonisation de mère Marie, des pères Dimitri et Alexis, etc. Mais c'est à elle seule qu'appartient cette décision.


13.Posté par vladimir le 19/10/2009 09:33
A titre tout à fait accessoire, cet intéressant débat pose une nouvelle fois la question de la qualité des traductions en français des textes liturgiques: trop souvent elles en dénaturent gravement le sens! A quand une réflexion sur ce sujet important?

14.Posté par wormwood le 19/10/2009 19:19
Il vaut peut-être mieux consacrer un dossier particulier au thème des traductions liturgiques, de leur pertinence, de la qualification des traducteurs, de leurs méthodes de travail, de la responsabilité de l'édition proprement liturgique, du tri à faire dans ce qui est actuellement disponible, etc ...
L'occasion faisant le larron, signalons la parution au monastère saint Antoine de l'Orologion (livre des heures) traduit du grec par le P. Placide avec les rubriques propres au Mont Athos. Cette parution a fait l'objet d'un commentaire élogieux sur Orthodoxie.com. Le P. Placide fait partie des deux ou trois traducteurs français vraiment compétents qui ne sont cependant jamais invités en aucune des commissions "éclairées" ayant pondu récemment un certain nombre d'horreurs.
Signalons en outre, la parution prochaine du livre des divines liturgies, traduites par le même P. Placide, avec les rubriques athonites, encore une fois.

15.Posté par Nikita Krivochéine le 19/10/2009 21:03
@Diacre Pierre
Mon père,
C'est en effet sous Eltsine que la maison Ipatiev a été dynamitée de nuit. Boris Eltsine n'était pas "maire" de Sverdlovsk mais "secrétaire du comité régional du parti", comme un super préfet. Il raconte avoir reçu une dépêche du politburo lui intimant de détruire la maison Ipatiev. "Le Centre" avait été informé de ce que cet endroit était devenu un lieu de pèlerinage spontané. Eltsine a fait la sourde oreille. Une semaine plus tard il recevait une copie de la première dépêche et obtempérait: son poste et son avenir étaient en jeu...
L'allocution qu'il a prononcée à la cathédrale saints Pierre et Paul lors de l'inhumation de la famille impériale est l'un des plus beaux discours qu'il ait fait. Le repentir était profond, manifeste, sincère. A comparer avec son discours au parlement hongrois dans lequel il déplorait 1956.
Eltsine ne s'est jamais dit croyant, à la différence de nombreux autres nouveaux gouvernants. Il a d'une manière très touchante raconté que jusqu'à l'âge de cinq sa grand-mère le conduisait à l'église et qu'il lui en est resté le souvenir d'un état d'âme qu'il n'a jamais plus éprouvé. Il y a eu dans l'appareil beaucoup de personnes qui, comme pour Eltsine, venaient de famille "dékoulakisées" (terme figurant dans les dictionnaires soviétiques) et qui, leur comportement de survie étant ce qu'il était, avaient gardé dans les profondeurs de leur mémoire les horreurs vécues par les leurs. Le moment venu cela est ressorti.
P.S. Jusqu'à présent nous assistons à une valse hésitation à trois quant à "l'homologation" des reliques inhumées à Pétersbourg. Le pouvoir politiques, une partie des descendants Romanov, le patriarcat de Moscou et l'EORHF n'arrivent pas à s'entendre sur des évidences archéologiques et ADN... Quelle tristesse!


16.Posté par vladimir le 19/10/2009 21:12
@wormwood : vous avez absolument raison pour le dossier consacré aux traductions liturgiques. Comme il faut bien commencer par un bout, proposeriez-vous une note avec quelques horreurs qui ont cours?

17.Posté par diacre Pierre le 19/10/2009 23:58
@Nikita Krivochéine.

Cher Monsieur Krivochéine,

Je vous remercie pour cette précision. J'ai employé une terminologie "occidentale" pour désigner rapidement la fonction de B. Eltsine à Sverdlovsk. Sa responsabilité était, si je ne me trompe, celle de premier secrétaire de la section du PC de l'oblast de Sverdlovsk. Qu'on me pardonne ce raccourci facile.

En ce qui concerne la destruction de la villa Ipatiev, je sais qu'il a agi sur ordre (apparemment sur celui de Souslov, un stalinien bon teint) et qu'il s'en est repenti plus tard. Quant à la sincérité de son repentir, il ne m'appartient évidemment pas de l'évaluer. Disons que dans un contexte comme celui-ci, rien n'est sûr et rien n'est simple dans l'attitude d'un homme d'Etat. Je ne souhaite pas lui faire de procès posthume : B. Eltsine n'est plus de ce monde et que Dieu ait son âme.

Je suis au courant de la polémique stérile concernant les résultats des tests ADN. C'est effectivement dommage. Toutefois, je n'ai pas tous les éléments pour me prononcer sur ce sujet.

18.Posté par wormwood le 20/10/2009 12:49
@ Vladimir. J'ai malheureusement débarrassé ma bibliothèque de l'exemplaire de la liturgie de saint Basile traduite par la Fraternité que j'avais annoté et qui valait son pesant de cacahuètes, exemplaire préfacé par le P. Boris Bobrinskoy qui y énonçait, avec l'autorité qu'il a su se créer, une contre vérité patente sur la place de l'épiclèse dans la prière eucharistique IV latine, contre vérité qui lui inspirait naturellement les trémolos œcuménistes dont il s'est fait une spécialité. Je dois dire que je ne ferai pas l'effort financier de racheter cet opuscule pour en pointer ici de façon détaillée les faiblesses, les erreurs, l'amateurisme .... et la prétention.
De façon plus pragmatique, et donc plus positive, il faudrait peut-être se servir de ce forum pour inviter Mgr Michel de Genève à élargir à d'autres compétences reconnues et soigneusement choisies la Commission de traduction liturgique qu'il a instituée (comprenant, si ne ne m'abuse Bernard Le Caro et le P. Quentin de Castelbajac) dans le but de proposer à l'approbation des évêques de tradition russe en Europe occidentale une traduction valable des textes liturgiques, version fondée et justifiée par écrit, tant du point de vue théologique, historique que patristique et respectueuse de la langue française. Le but de la manœuvre consistant, après approbation épiscopale, en l'édition, dans un premier temps (l'ordre n'est pas indifférent) d'un Psautier (Psaltir), d'un Hiératikon (Slujebnik) et d'un Orologion (Molitvoslov). Ces livres liturgiques devraient comporter les rubriques propres à la tradition russe, être publiés dans des formats adaptés à l'utilisation liturgique et être en partie bilingues (français/slavon) pour permettre aux prêtres français des diocèses russes de concélébrer aisément les liturgies slavophones.
Il serait temps aussi que les russophones fassent enfin ce que leurs pères ont omis de faire : la traduction en français de l'austère Typikon.
Il serait temps enfin que l'Assemblée des évêques orthodoxe de France approuve une traduction française du Notre Père fidèle à l'original grec et l'impose dans toutes les paroisses et monastères de toutes les juridictions.


19.Posté par vladimir le 20/10/2009 13:04
@Diacre Pierre
Mon père,
Je n'ai pas complétement compris votre analyse: vous confirmez que la sanctification vient de Dieu et nous est communiquée par des signes, en particulier la ferveur et les miracles. Vous confirmez que ces signes existent pour la famille impériale mais vous semblez avoir néanmoins des réticences à accepter cette canonisation ("Cependant, je sers l'Eglise et me conforme à ses décisions. Par obéissance, je mentionnerai ..."). Pourquoi?

@Nikita Krivochéine
Cher Nikita,
Merci pour vos excellente précisions concernant Eltsine. Je pense en particulier que ce que vous écrivez de son discours aux funérailles impériales et de cet "état d'âme qu'il n'a jamais plus éprouvé" est très caractéristique des sentiments d'une grande partie de ces 80% de Russes qui se disent Orthodoxes, mais dont moins de 50% le sont réellement...

Par contre je ne vous suit pas sur le dernier point: je crois que le pouvoir politique et la Grande duchesse attendent la prise de position de l'Église. Hors pour l'Église, ce n'est pas la science qui doit lui dicter sa conduite, mais le Saint Esprit. Elle attend donc un signe de Lui, et ce signe ne peut être, en l'occurrence, que le consensus conciliaire. Hors il n'est pas (encore?) réalisé: le doute persiste quand à l'authenticité des restes, alimenté par le manque de rigueur scientifique des premières investigations. J'ai la nette impression que ce doute régresse et que le consensus va bientôt se faire... Mais l'Église ne me semble pas en droit de presser le mouvement et risquer une réaction de rejet, comme l'avait justement fait B.Eltsine...

20.Posté par Tchetnik le 24/10/2009 16:52
Outre ses grandes qualités spirituelles et humaines personnelles, le Saint Empereur Nicolas II a fait, dans la gestion économique et sociale de son pays, preuve de beaucoup plus de pertinence et d'efficacité qu'on ne l'affirme en général. L'ensemble des indices économiques de production industrielle, de niveau de vie, de couverture monétaire habituellement invoqués pour faire un tel constat étaient tous positifs. Évidement, rien n'était parfait et beaucoup de gens ne profitaient pas de cette augmentation de richesses. mais ce fut aussi le cas en Grande bretagne et en France, si je ne m'abuse.

Le nombre de condamnations à mort pour raisons politiques était dans ce pays très faible, si on le compare à d'autres régimes, pourtant justifiées par les zélites républicaines françaises.

L'accusation qui revient le plus souvent, à savoir la "sanglante répression" du 22 Janvier 1905 ne tient pas la route. Pourquoi?
Tout d'abord, une foule n'a pas besoin d'être armée pour être agressive, ce d'autant plus que les armes ne semblent pas avoir été si absentes du côté manifestants, selon de nombreux témoignages. La foule, innocente dans sa majorité, fut cependant manipulée par des leaders qui l'ont rendu délibérément incontrôlable.
la pétition que les manifestants souhaitaient remettre au Tsar commençait bien mais pour progressivement devenir innacceptable.
Cette manifestation, censée être annulée, a eu lieu tout de même, ce sans aucun service d'ordre capable de l'entourer. Ce fait fut créé à dessein pour pousser les forces de l'ordre à des solutions que toute police, toute armée du monde aurait employées à l'époque.
Enfin, les chiffres fantaisistes donnés par des médias aux ordres de lobbies et d'officines profondément hostiles à la Russie Chrétienne et impériale, sont tout simplement irréalistes.
En effet, selon ces chiffres, il y eut entre 1000 et 4000 morts. Ce qui, avec les armements de l'époque s'avère tout simplement impossible. Il aurait fallu pour atteindre ce résultat, mettre deux ou trois Maxims en batterie, bande engagée et les faire tirer en continu pendant un quart d'heure, ce qui était impossible. De plus, selon la grande majorité des témoignages, il n'y eut qu,une seule salve de tirée par une section de la garde. Ce qui fait quelques dizaines de 7.62 lachées dans la nature. Ce qui ne peut provoquer 4000 morts ou même 1000, même si on tient compte de la bousculade qu,il y a pu avoir dérrière.

Il est amusant de constater à quel point la version officielle soviétique, appuyée par les FM occidentaux, fut reprises sans examen sérieux. Pourtant la réalité de ces témoignages médiatiques fut souvent infirmée, la mauvaise foi de ces médias souvent démontrée, jusque dans des évenements récents...
Mais le cadavre communiste respire encore ici. cette version est diffusée dans des manuels scolaires qui diabolisent un Tsar et un régime certainement imparfaits mais pas plus "sanglants" que n'importe quel autre, pour ensuite justifier la répression républicaine de Juin 1848 ou celle du 6 février 1934 qui fit un peu moins de 30 morts, certes, mais le cœur y était. Manuels qui, surtout, vont justifier l’idéologie communiste, considérée comme bonne et légitime en dépit de son caractère criminel sans précédent ni équivalent.
Enfin, deux « beaux jestes qui méritent l’attention :
Le tsar Nicolas II fut à l’origine des conférences de LaHaye de 1899 et de 1907 et la plupart des mesures qui y furent adoptées pour le respect et la protection des civils en temps de guerre sont son œuvre en grande partie.
Enfin, au cours de la Iere Guerre Mondiale, ayant eu connaissance des innombrables massacres d’Arméniens auxquels se livraient les Grands Humanistes Musulmans Turcs (Chance pour l’Europe à ce qu’il parait), le Tsar envoya un télégramme personnel aux généraux Youdenitch et Nicolaev pour leur demander d’ouvrir la ligne de front pour laisser passer les civils (une première) et de se porter sur la ville de Van qui s’était revoltée mais menaçait de se rendre, pour en évacuer la population derrière des lignes qui s’avérèrent de plus en plus victorieuses, heureusement.
300000 personnes furent ainsi sauvées. Ce ne sont pas les génocideurs de la Vendée qui peuvent en dire autant.
Le Tsar mérite cette canonisation. Encore faut-il dépasser les sréréotypes soviétiques, repris par tous les intellos, profs, écrivains, politiciens républicains pour le comprendre.

21.Posté par B. Volkoff le 24/10/2009 22:30
@Diacre Pierre et @Nikita Krivochéine
Selon l'historien Edvard Radzinski, auteur d'un best-seller sur le dernier tsar, Boris Eltsine voulait organiser avant le terme de son mandat, en l'an 2000, les obsèques de Nicolas II et de Lénine pour «mettre fin au siècle de la révolution» et unir la nation.

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