La prochaine réunion de la Commission de dialogue théologique entre l'Eglise catholique et les Eglises orthodoxes est prévue à Aman du 15 au 23 septembre sur invitation du patriarcat de Jérusalem cf. "La Stampa" et il semble intéressant de faire le point de la situation après la dernière réunion qui s'était tenue à Vienne il y a quatre ans

Rappelons que la Commission est composée de deux représentants de chacune des quatorze Eglises orthodoxes autocéphales (l'OCA n'est pas représentée) et du même nombre de représentants de l’Eglise catholique. Elle fut officiellement lancée par le patriarche de Constantinople Dimitrios I et le pape Jean-Paul II lors d'une réunion au Phanar, le 30 novembre 1979, 15 ans après le sommet historique à Jérusalem entre le pape Paul VI et le patriarche Athénagoras. Il y a eu douze réunions en comptant celle de Vienne et là le dialogue semble achopper sur la question de la primauté.

Désaccord sur le primat et la synodalité

Les deux dernières réunions, à Chypre (2009) et à Vienne (2010) n'ont pas donné lieu à comptes rendus et les informations les plus complètes que j'ai trouvées proviennent de l'osservatoreromano.va qui donne le point de vue de Rome, et de fréquentes interventions de Mgr Hilarion de Volokolamsk sur ce sujet donnent le point de vue de l'Eglise russe, ce qui permet d'avoir une vue assez complète de la situation.

"Le dialogue théologique, mené par la Commission mixte internationale entre l’Eglise catholique et l’Eglise orthodoxe dans son ensemble, a connu certaines difficultés, mais, grâce à la ferme volonté de poursuivre la voie du dépassement des obstacles encore existants, exprimée par tous ses membres, il ne s’est pas arrêté … La session plénière de Vienne a été consacrée à l’étude, déjà commencée lors de la précédente session de Chypre (2009), de la question du rôle de l’évêque de Rome dans la communion de l’Eglise au cours du premier millénaire, sur la base d’un texte élaboré par le Comité mixte de coordination en 2008" écrit "l'Osservatore romano".

En fait ce texte, essentiellement historique, était la suite du "document de Ravenne" (2007) intitulé "Les conséquences ecclésiologiques et canoniques de la nature sacramentelle de l’Eglise: communion ecclésiale, conciliarité et autorité". Il affirmait la nécessité d’un primat au niveau de l’Eglise universelle, qui revenait au siège de Rome et à son évêque, mais reconnaissait quand même que les questions précisant le contour de cette primauté restaient ouvertes. Adopté en l'absence de représentants de l'Eglise russe le "document de Ravenne" a été rejeté par son synode en décembre 2013 "pour ce qui concerne la partie concernant la conciliarité («sobornost») et la primauté au niveau de l’Église universelle".

Le texte proposé à Vienne se concentrait sur la primauté au premier millénaire, quand les chrétiens d’Orient et d’Occident étaient unis, et il a été fortement contesté par la délégation de l'Eglise russe qui refusait en substance d’approuver un texte sur des questions historiques, à propos desquelles les historiens spécialisés n’ont pas un avis unanime. Elle demandait aussi de prendre en considération le rôle des conciles et pas uniquement celui de l’évêque de Rome. Ce texte n'a donc pas été publié et il a été décidé de créer une sous-commission mixte pour étudier les aspects théologiques et ecclésiologiques du primat en relation à la synodalité et soumettre son travail au Comité mixte de coordination pour préparer un nouveau document.

Suite inconnue.

"Les mois suivants, écrit "l'Osservatore romano", les deux présidents de la Commission mixte, le cardinal Koch et le métropolite Jean de Pergamme, ont eu la possibilité de mettre au point certains aspects pratiques concernant la nouvelle sous-commission mixte, comme, par exemple, le nombre de membres, la méthode de travail. A la lumière de l’accord substantiel atteint sur chacun de ces points, ont peut prévoir que la commission susmentionnée mènera à bien sa tâche dans un délai raisonnablement bref." En fait nous ne disposons pas d'informations précises concernant ces travaux mais des indices divergents.

Le 20 décembre 2010, dans l’allocution à la Curie romaine, le Pape disait à propos de son voyage à Chypre: «Même si la pleine communion ne nous a pas encore été donnée, nous avons pu toutefois constater avec joie que la forme de base de l’Eglise antique nous unit profondément les uns avec les autres: le ministère sacramentel des évêques comme porteur de la tradition apostolique, la lecture de l’Ecriture selon l’herméneutique de la Regula fidei , la compréhension de l’Ecriture dans l’unité multiforme centrée sur le Christ qui se développe grâce à l’inspiration de Dieu et, enfin, la foi dans le caractère central de l’Eucharistie dans la vie de l’Eglise» (cf. orlf n. 51-52 du 21-28 décembre 2010). "L'Osservatore romano", ibid.

Le 20 novembre 2012, une réunion du comité de coordination de la Commission internationale mixte pour le dialogue théologique catholico-orthodoxe se tenait à Paris, présidée par le métropolite Jean de Pergame du coté orthodoxe et le cardinal Kurt Koch du coté catholique, et avec "plusieurs évêques orthodoxes et catholiques" dont le métropolite Hilarion de Volokolamsk qui y représente l’Eglise orthodoxe russe source: diocèse de Chersonèse Nous ne disposons pas d'information sur ces travaux…

Le 18 décembre 2013, en recevant le cardinal Kurt Koch, le patriarche Cyrile a relevé que dans les prises de position de l’évêque de Rome et dans les siennes, «il y a beaucoup de choses en commun en ce qui concerne les questions qui préoccupent beaucoup de gens ». Et le métropolite Hilarion précise, dans une interview donnée dans la foulée: "Quand nous faisons simplement comme si nous n'avions pas de divergences ou bien qu'il n'y en aurait que peu, quand nous essayons de représenter les traditions théologiques de nos Eglises comme étant rapprochées au maximum, nous nous trompons !" Et il demande que, lors du dialogue théologique commun, l'on nomme exactement les divergences existantes entre les deux confessions. Les deux Eglises devraient par conséquent s'aider mutuellement à comprendre la logique du développement des traditions théologiques séculaires.

Il estime très peu probable que l'Eglise orthodoxe ou l'Eglise catholique abandonnent leurs traditions et la compréhension de leurs services divins qui se sont développées au cours des siècles; mais il voit qu'une "dynamique positive" dans les relations entre l'Eglise catholique et l'Eglise orthodoxe est en marche depuis le pontificat de Benoît XVI, sous lequel les relations entre les deux Eglises se sont considérablement améliorées. Un accord a été trouvé dans toute une série de questions et le métropolite Hilarion a l'impression que "le pape François considère l'Eglise orthodoxe russe avec amour et respect et que nous allons trouver un langage commun dans nos relations". (Source infocatho.cef)

Les 25-26 décembre 2013, le Saint-Synode de l’Église orthodoxe russe adoptait le document "Position du Patriarcat de Moscou au sujet de la primauté dans l’Église universelle" mentionné ci-dessus. Ce document fixe très précisément la position de Moscou sur ce sujet a été violemment attaquée par le Métropolite de Bursa, Elpidophoros Lambrianidis, premier secrétaire du patriarche de Constantinople, qui déclenchait une polémique interne à l'Orthodoxie; dans une réaction très mesurée, Mgr Hilarion parlait de "la position personnelle du Métropolite de Bursa"…

Les 24 mars 2014, lors d'un colloque sur la question de la primauté dans l’Eglise universelle (Université Fribourg), Mgr Hilarion réaffirmait la position de l'Eglise russe et disait " La signature du texte préparé actuellement pour la prochaine séance de la Commission mixte en septembre est exclue" (ibid.)

Conclusion

En l'état actuel des informations dont nous disposons il semble peu probable que des avancées sérieuses puissent intervenir lors de cette prochaine réunion de septembre… si elle a lieu eu égard aux évènements qui secouent la région.

Mais ce qui est essentiel, c'est que le dialogue continue et que des avancées concrètes vers l'unité apparaissent sur le terrain, que ce soit en Europe (IV Forum Catholique-Orthodoxe Européen à Minsk, Biélorussie, 2-6 juin 2014) ou au Moyen Orient ("Congrès Antiochien le 26-28 juin 2014"), sans parler du sommet historique de Jérusalem en mai dernier…

V.Golovanow

Rédigé par Vladimir Golovanow le 18 Août 2014 à 12:54 | -1 commentaire | Permalien



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