Qu'est ce qui ne va pas entre Rome et Moscou?
Par Jean-Marie Guénois
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Coup de froid entre le Saint-Siège et le Patriarcat orthodoxe de Moscou. Ce n'est pas le premier accroc mais la réunion de la commission mixte internationale qui vient de se conclure à Vienne a déçu. Vue de Moscou, elle n'a produit « aucune avancée significative. »
Dans cette commission, catholiques et orthodoxes travaillent sur la notion clé de la «primauté» pontificale. En clair : Le pape a-t-il une prérogative sur les patriarches orthodoxes, qui sont, eux aussi, des chefs d'Eglise chrétienne ? Si oui, laquelle ? Et comment s'exerce-t-elle ?
L'enjeu étant de définir, pour l'avenir, un mode de gouvernance, entre grandes Eglises chrétiennes. Tout en gardant leur identité, elles pourraient reconnaître cette primauté. Et donc accorder, au pape, une certaine autorité. En échange, celui-ci devrait partager davantage ses décisions.


Pour réfléchir, la commission composée de théologiens et d'historiens revisite le premier millénaire. Elle cherche à comprendre, comment, à l'époque, les décisions pouvaient se prendre. Une sorte d'état des lieux des pratiques en cours jusqu'en 1054, quand les chrétiens étaient unis.
Lors d'une précédente rencontre à Ravenne en 2007 les orthodoxes avaient reconnu (1) qu'en cas de litiges théologiques sérieux dans les premiers siècles de l'Eglise c'est à Rome que l'on venait, en dernier ressort, chercher un arbitrage.
Ce consensus sur le rôle du pape avait été salué comme une avancée importante dans le dialogue œcuménique. Mais les orthodoxes reviennent aujourd'hui sur cette lecture pour rappeler deux choses : cette autorité du pape de Rome, même à l'époque, « ne s'appliquait pas à l'Est » ; elle allait de pair avec la « synodalité », c'est-à-dire, une culture de la prise de décision collective avec les évêques. (2)
C'est ce qui se pratique dans les Eglises orthodoxes.
Les Patriarches sont liés à leur synode composé d'évêques : pour leur propre élection et pour toute décision importante.
Au-delà de son aspect technique, le grand intérêt de ce différend est ce qu'il cache : aussi spirituelle soit-elle, l'unité des chrétiens, au moins entre catholiques et orthodoxes, dépendra notoirement d'une vision commune de la gestion du pouvoir.
Or, deux philosophie de l'organisation s'opposent : l'une latine, centralisée et pyramidale ; l'autre orientale, décentralisée et plus collective.
Ce problème est universel. Mais, de nature culturelle, pourra-t-il se résoudre ? (3)

Commentaires de V. GOLOVANOW pour "P.O."

(1) Aucune Église orthodoxe n'a accepté le document de Ravenne à ma connaissance et le patriarcat de Moscou l'a officiellement rejeté car, en parlant de l'autorité des conciles œcuméniques (paragraphe 39), ce document établit "un parallélisme entre la "communion avec Rome" pour les Eglises locales d'Occident et la "communion avec Constantinople" pour les Eglises orthodoxes" (Mgr Hilarion de Volokolamsk le 22/10/2007), formulation à laquelle les représentants russes s'étaient vivement opposés à Belgrade en septembre 2006 mais qui avait été maintenue dans le document final en profitant de leur absence. Il est bien claire que ce point ne concerne pas le rôle du Pape dont parle Jean-Marie Guénois et ce qu'il dit me semble bien résumer le situation.

(2) Prise de position de l'Église russe à la conférence de Vienne: "Le 'document de Crète' est exclusivement historique et, parlant du rôle de l’évêque de Rome, il ne fait presque pas mention des évêques des autres Églises locales au cours du premier millénaire, donnant ainsi une image erronée de la répartition des pouvoirs dans l’Église primitive. De plus ce document n’affirme pas clairement que la juridiction de l’évêque de Rome ne s’étendait pas à l'orient pendant le premier millénaire. Il est à espérer que ces erreurs et omissions soient corrigées lors d’une révision du texte". En conséquence, la délégation russe a demandé et obtenu que le texte de Crète ne soit pas retenu parmi les documents officiels de la commission, qu’il ne porte la signature d’aucun de ses membres et qu’il soit simplement utilisé comme instrument de travail pour une nouvelle réécriture plus attentive aux aspects théologiques de la question. Et les participants ont convenu de constituer "une sous-commission chargée d’examiner les aspects théologiques et ecclésiologiques de la primauté par rapport à la synodalité". (Métropolite Hilarion de Volokolamsk, chef de la délégation du patriarcat de Moscou, dans une note publiée sur le site web du patriarcat).

PS: photo : Reuter. Qui peut identifier cette belle église?

Rédigé par Vladimir Golovanow le 8 Novembre 2010 à 06:00 | 30 commentaires | Permalien



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