Serge Tchapnine: "Toute apologie de Staline est contraire aux canons de l'Eglise russe"
Serge Tchapnine: il déclare dans une interview que les Orthodoxe qui participent à l'érection du monument à Staline transgressent les canons de l'Eglise russe.

Un oligarque orthodoxe érige un buste à Staline pour honorer les vétérans

Cette histoire est particulièrement caractéristique de la confusion qui règne dans les esprits en Russie. Voici M. Mathieu Evséev, Directeur général de la société Almazy Anabara, l'une des entreprises les plus prospères de Yakoutie, spécialisée dans la production de diamants et pierres précieuses; il est aussi député du parti de Poutine "Russie Unie"… Bref, c'est l'un de ceux que les journalistes occidentaux appellent un oligarque local, même s'il n'apparait pas (encore?) dans le classement de "Forbes". L’archiprêtre Serge Klintzov, recteur de la cathédrale de la Transfiguration a Iakoutsk n'en dit que du bien: orthodoxe croyant, mécène, ayant financé la restauration de plusieurs églises… Et voilà que, le 8 mai dernier, il inaugure un buste de Staline dans la cour de son entreprise avec les dirigeants locaux du Parti communiste.

D'après la BBC, M. Evséev aurait déclaré pour expliquer son action: "si nous renonçons à Staline nous renonçons à la grandeur de la Russie"; pour Mgr Roman, évêque de Iakoutsk et Lena, il a pris cette décision à la demande de sa mère et des associations de vétérans, qui demandaient sans succès depuis longtemps l'érection d'un monument à Staline. "On peut honorer les vétérans sans ériger de monuments aux hommes politiques soviétiques" ajoute l'évêque en appelant au dialogue.

Car la réaction d'opposants ne s'est pas fait attendre: une lettre ouverte demandant le démontage du monument a été envoyée à M. Evséev, signée entre autres par le père Serge Klintzov; interrogés par Pravmir.ru plusieurs représentants de l'Eglise ont unanimement condamné l'initiative: "quels que puissent être les mérites de Staline, ils ont été noyés dans une mer de sang" dit par exemple l'higoumène André Moroz, recteur du séminaire de Iakoutsk.

La position la plus radicale, à mon sens, a été exprimée par Serge Tchapnine rédacteur en chef de « La revue du patriarcat de Moscou » : il déclare dans une interview que les Orthodoxe qui participent à l'érection du monument à Staline transgressent les canons de l'Eglise russe. "En particulier, il est clairement indiqué dans le document "Des moyens de garder la mémoire de néomartyrs et confesseurs et de toutes les victimes innocentes des impies pendent les années de persécution", adopté par le Concile épiscopal de 2001, qu'il est inadmissible de glorifier ceux qui portent la responsabilité "de l'organisation des persécutions et meurtres de personnes innocentes dont les martyrs pour la foi"." Et Serge Tchapnine se dit surpris des commentaires trop équilibrés de certains représentants religieux, en particulier de Mgr Roman cité plus haut; Serge Tchapnine considère moralement inacceptable de mettre sur les même plan les stalinistes et ceux qui mettent en avant la mémoire des néomartyrs et des victimes des persécutions politiques.

Mais ce n'est pas un cas unique:
Rien qu'en Yakoutie, la BBC souligne que c'est le 4ème monument récent à Staline, après ceux qui ont été érigés dans la ville de Mirny et les villages de Amga et Teleï…

Vladimir GOLOVANOW
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Serge Tchapnine : L’Eglise, la culture et le nationalisme en Russie
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Serge Tchapnine: "Toute apologie de Staline est contraire aux canons de l'Eglise russe"

Rédigé par Vladimir GOLOVANOW le 18 Décembre 2015 à 21:21 | 2 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Tamara Schakhovskoy le 19/05/2013 14:32
C'est effectivement une bonne illustration de la désolante confusion qui règne encore largement en Russie - conséquence directe des contradictions habituelles sur ce genre de sujet, multiples depuis la chute du régime soviétique.
En attendant une volonté claire, à tous les niveaux de l'Etat, de rétablir la vérité sur les drames du XXe siècle russe, y compris et surtout dans les livres de classe, et jusqu'aux confins de la Yakoutie, une solution simple est énoncée plus haut : "On peut honorer les vétérans sans ériger de monuments aux hommes politiques soviétique".
On pourrait aussi dire : "on peut ériger un monument en l'honneur des vétérans en montrant autre chose que la tête de Staline". Ou encore : " faire plaisir à sa mère, c'est bien. Honorer la mémoire des victimes, c'est mieux".

2.Posté par Clovis le 19/05/2013 18:55
Le sens du sacrifice est très fort en Russie, peut-être même plus que dans tout autre pays, mais de là à honorer son pire bourreau et le responsable de cette "victoire", et qui plus est d'y mêler "La grandeur de la Russie", avec une "belle victoire" mais à la pyrrhus, plus de 23 millions de morts (civils compris) pour venir à bout du Reich... C'est ça la grandeur ? Cette catastrophe ?!
Des vétérans sans pensions, sortis de l'oublis une fois l'an, le 9 mai qui n'ont juste qu'un placard de médailles. Et il faudrait honorer et remercier le petit père Staline responsable de la débandade de 41...
Cette grande victoire verra les pays "libérés" du nazisme pour après tomber sous le joug des communistes, pour consolider le régime et l'asseoir sur un tas de cadavres. Les esprits sont vraiment confus. Il faut absolument tirer un trait sur cette époque dont on a vraisemblablement pas encore fait la lumière.
Quelle tristesse.

3.Posté par Vladimir le 24/05/2013 19:13
Le problème en Russie c'est qu'il n'y a eu, à ce jour, aucune condamnation officielle du bolchevisme et de ses chefs sanguinaires ni par les autorités de l'état ni par l'Eglise

POUR L'ETAT Boris Eltsine est le seul à avoir attaqué le bolchévisme de front, interdisant le parti communiste et supprimant ses symboles. Mais, en but à la majorité hostile du parlement, il n'a pas pu aller plus loin et Poutine est clairement revenu en arrière, malgré quelques déclaration de sympathie pour les victimes du bolchevisme (comme à Boutovo et à Katyn); il a repris l'hymne stalinien, glorifié l'un des bourreaux, Dzerjinski, et laissé se développer des campagne apologétiques pour Staline à l'occasion des commémorations de la victoire de 1945. La campagne de déstalinisation timidement lancée par Medvedev a fait long feu et Lenine, quand à lui, trône toujours au firmament des gloires nationales...

L'EGLISE EST ALLÉE PLUS LOIN: tous ses porte-paroles condamnent systématiquement Staline et "le régime athée" et le document cité par Serge Tchapnine est bien une condamnation générale. La glorification des Néomartyrs est de fait une condamnation et leur vénération, régulièrement rappelée et promue et indiscutablement une bonne pédagogie. Mais cela reste très général, Serge Tchapnine n'est pas le porte-parole officiel et d'autres voix, comme celle de Mgr Roman, sont plus réservées; Ziouganov, chef du PC, se targue d'être proche de l'Eglise... Heureusement nombre de personnalités élèvent maintenant la voix au sein de l'institution pour demander une condamnation plus ferme du bolchévisme et de tous ses leaders, à commencer par Lénine. Mais une véritable condamnation, par exemple sous la forme d'un anathème fulminé contre tous les partisans et défenseurs du bolchévisme, tarde à venir. Il est probable qu'on ne veut pas heurter ceux qui n'ont rien compris et rien appris, en particulier les vieux vétérans, de moins en moins nombreux en fait, mais aussi ces jeunes qui se tournent vers le communisme par opposition au régime actuel... Je ne pense pas personnellement que cela soit la bonne voie.

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