Site de l'OLTR - Editorial de Mai 2017 - L'Institut de Théologie Orthodoxe Saint Serge
Il y a quelques jours /le 11 mars 2017/, le président de l'association Institut Saint Serge a annoncé dans une interview que l'institut allait déménager dans de nouveaux locaux.

Si ce projet, peut-être rationnel sur le plan économique, se réalise il donnera naissance à une école de théologie, sans doute continuatrice de l'institut, mais qui ne sera plus l'institut de théologie Saint Serge, « Serguievskoye podvorie ». Celui-ci est en effet trop lié à la colline où il fut créé en 1925 pour pouvoir déménager sans changer de nature.

L'enseignement qui y était donné n'était pas seulement théorique et académique. La présence d'une très belle église, d'un chœur traditionnel, de maîtres exceptionnels en faisait un lieu où l'on s'imprégnait non seulement de théologie, mais aussi, où l'on se mettait à aimer (et connaitre) les offices, où l'on apprenait la prière et la vie chrétienne. Et si l'institut quitte la colline que deviendra celle-ci avec son église historique ?

La situation matérielle de l'institut a toujours été précaire et difficile. Une crise mettant en danger l'existence même de l'institut éclata dans les années quatre-vingts. A l'époque, certains défendirent aussi le déménagement de l'institut. Il fut proposé de l'installer à Montgeron où l'orphelinat venait d'être fermé. Mais il apparut vite que ce serait tenter de sauver le patrimoine de Montgeron aux dépens de l'Institut.

Il se trouva, alors, des orthodoxes énergiques et convaincus de l'importance de la mission de l'institut qui lancèrent une large campagne financière tendant à multiplier le nombre de donateurs modestes mais réguliers (au moyen de virements mensuels). Cette campagne connut un réel succès. Les sommes recueillies par ces moyens ont représenté plus de la moitié du budget annuel de l'institut, pendant de longues années /et ce sont les restes des réserves constituées, alors, qui ont récemment été détournés par une brebis égarée/.

Pourrait-on rééditer un tel exploit ? Il faudrait le tenter pour le savoir. Mais il faut bien l'avouer, les circonstances ont bien changées. D'abord la grande période créatrice de l'institut s'éloigne et devient plus de l'histoire que de l'actualité. Elle était due au rassemblement à Paris de la fine fleur des philosophes et théologiens chassés de Russie par la révolution. Tous ces hommes remarquables pouvaient, en outre, travailler en toute liberté.

Et surtout, l'Eglise russe a été libérée de la pression insoutenable et tragique du pouvoir soviétique. De ce fait, la mission principale de cette entité ecclésiale que l'on appelle l'Archevêché, qui était de répondre aux besoins spirituels des émigrés et de témoigner, en occident, de l'orthodoxie et des persécutions subies par l'Eglise russe, est maintenant partagée avec beaucoup d'autres. Par ailleurs, il faut bien le constater, les descendants des émigrés de la première heure ont été progressivement « assimilés ». Beaucoup ont perdu l'attachement à leurs racines et nombreux sont ceux qui n'ont pas gardé vivante la foi de leurs pères. Et cette dernière perte n'est, bien sûr, pas à la gloire de l'Archevêché.

Qu'un endroit comme la colline de Saint Serge perde son âme serait très douloureux pour tous ceux qui sont encore attachés à l'histoire et aux valeurs de « l'émigration » dont la plus fondamentale est l'orthodoxie.
Site de l'OLTR - Editorial de Mai 2017 - L'Institut de Théologie Orthodoxe Saint Serge

Mais il est une contrée où ces « reliques » ne sont pas oubliées, c'est en Russie, qui a manifesté à plusieurs occasions qu'elle souhaitait maintenant considérer cet héritage comme aussi le sien. C'est, bien entendu, le résultat des efforts de réexamen des séquelles de la révolution et des tentatives de réconciliation après des années de haine. Bien sûr, tout le monde n'est pas d'accord, en Russie, sur le rejet des « acquits » de la période soviétique et sur la réhabilitation de ses victimes. Ce qui est plus étonnant, c'est que, chez nous, aussi, certains s'opposent vivement à cette réconciliation, notamment sur le plan ecclésial.

Le Patriarcat de Moscou a pourtant amplement montré qu'il n'avait aucune velléité de domination. L'accord signé avec l'Eglise orthodoxe russe hors frontières a laissé une large autonomie à cette dernière. Plus près de nous, l'état russe a versé une somme importante à la mairie de Sainte Geneviève des Bois simplement pour éviter que des tombes dont les familles ont disparu ne soient reprises et cela afin de conserver ce haut lieu de l'émigration.

Une collaboration avec L'Archevêché autour de Saint Serge était souhaitée par le patriarcat de Moscou. Mais l'attitude, systématiquement hostile, qu'il a rencontrée a fini par décourager les meilleures volontés.

Peut-être serait-il temps de se rendre compte que cette composante ecclésiale ne peut pas vivre dans l'indépendance de toute l'organisation canonique de l'Eglise orthodoxe comme le souhaitent certains. On a déjà vu à quelles dérives cela peut conduire. Il faudrait explorer de nouveau les voies d'un rapprochement avec le patriarcat de Moscou.

Seraphin Rehbinder

Président de l'OLTR
Mai 2017

Lien Site de OLTR Lire aussi Plusieures publications OLTR sur "PO"
Site de l'OLTR - Editorial de Mai 2017 - L'Institut de Théologie Orthodoxe Saint Serge

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 14 Mai 2017 à 08:00 | 45 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Affeninsel le 03/05/2017 01:54
On finira, à lire ces panégyriques systématiquement identiques les uns aux autres, par comprendre que TOUS les problèmes de l’Église se règleront par un "rapprochement avec le Patriarcat de Moscou".

Il faut une bonne fois pour toutes arrêter de confondre la transmission de la foi et la mission orthodoxe dans le monde avec les quêtes annexes qu'a entamées le peuple russe pour retrouver sa mémoire. Les questions, notamment, de patrimoine foncier, n'ont RIEN à voir avec la préservation du troupeau du Christ. Que l'état russe verse les sommes qu'il entend à Sainte Geneviève des Bois, il s'agit là d'un acte de politique culturelle, et pas de charité chrétienne ou de service de l'église.

Quant à la "large autonomie" accordée à l'ERHF, que faut-il en penser ? L'autonomie, le droit pour chacun de faire ce qu'il veut est-il un bien en soi dans l'Eglise ? La poursuite du chemin du Christ est-elle affaire de savant équilibre diplomatique pour ne fâcher personne ? Quelle mondanité ! Comment expliquez-vous que l'église de Russie, qui reconnait l'autocéphalie de l'église en Amérique, laisse, sous sa juridiction (qui comprend, on l'aura saisi, une TRES GRANDE PART d'autonomie !) l'ERHF faire concurrence à l'OCA sur le territoire canonique théoriquement reconnu à cette dernière ? Il y a là une grave hypocrisie, un mensonge terrible, un faux-semblant, qui ne laisse indifférents que ceux qui s'intéressent à la politique ecclésiastique avant les canons. Si cette union, qui est bien évidemment salutaire pour l'Eglise, s'était faite dans un esprit d'obéissance à Dieu et de conformité avec la Tradition de l'Eglise, ces choses-là n'existeraient pas ; mais encore une fois, l'église de Russie fonctionne dans une logique de gouvernance et de partage des pouvoirs, ce que le Christ n'a pas demandé.

Et puis, il faudra arrêter de mettre sur le même plan la perte de l'identité russe et la perte de la foi dans des familles entières de l'archevêché. Si cet archevêché est actuellement en échec, spirituellement parlant, c'est précisément parce que ses "piliers" ont cru devoir y animer la préservation d'une identité russe et d'une mémoire de la persécution politique. Mais l'Eglise n'est pas affaire d'identité. L'Eglise est le lieu où chacun, où qu'il se trouve, doit trouver les moyens de se réunir au Christ dans les soins spirituels que l'Eglise peut lui procurer. L'archevêché, comme bien d'autres juridictions (qu'on ne nous fasse pas croire que l'archevêché est la seule institution du monde occidental où l'Orthodoxie souffre d'apostasies "douces" à haute fréquence), est coupable de s'être accroché à la langue slavonne dans les offices pour préserver un confort qui n'a rien à voir avec la foi et la piété, et d'avoir, mécaniquement, logiquement, laissé de côté tous ceux qui ne maitrisent pas cette langue et à qui il n'est pas envisageable de demander de la connaitre (c'est-à-dire la totalité des hommes qui vivent en France et à qui Dieu parle en français). Saint Silouane de l'Athos avait d'ailleurs fait montre d'un grand enthousiasme en entendant parler des rares initiatives pour faire advenir une orthodoxie de tradition locale et non importée et alimentée de l'étranger (un signe évident d'anémie spirituelle, cent ans après l'implantation de l'Orthodoxie en France).

Si Saint Serge veut survivre, c'est tout l'archevêché qui doit résolument se tourner vers une vie locale, simple, pauvre même, enracinée dans le Christ et dans rien d'autre, faite pour le service des âmes et non pas le plaisir des oreilles, pour faire grandir la foi, l'attachement à l'Eglise, la vocation de ceux que le Seigneur veut voir servir à Son autel, et tout le reste qui n'est qu'une conséquence de la vie intérieure. Vouloir singer cette dernière à grands coups de renflouements financiers n'est en fin de compte pas seulement illusoire, mais même néfaste.

Alors cessons de mettre de la Russie, de la Grèce, de la Roumanie et de la Géorgie partout. Dieu nous abreuve de migrations orthodoxes depuis cent ans parce que nous échouons continuellement à faire vivre Son Eglise ici. L'Eglise, c'est le Christ, pas le Christ plus quelque chose. Ceux qui veulent rajouter des choses au don de Dieu sont priés de le faire chez eux, en privé, et de ne pas polluer la conscience des fidèles avec ces états d'âme. Ici, en France, les fidèles ont besoin de la foi, et si la Russie veut se lancer dans une grande aventure culturo-religieuse, grand bien lui fasse, on voit déjà les vaillant pourfendeurs de l’œcuménisme se pâmer d'émotion devant les vieux-croyants qui ont cet avantage d'entretenir un schisme bien russe comme il faut. Grand bien lui fasse, mais que les Français, les Occidentaux, n'aient pas à en pâtir, car rien de bon ne pourra leur venir de ce mélange.

2.Posté par Tchetnik le 03/05/2017 09:05
@Affeninsel

Cet archévéché est en effet paradoxal, mêlant à la fois un très grand "intégrisme" sur tout ce qui est "maintien de l'identité russe" - ce alors que ce n'est effectivement pas le travail premier de l'Eglise et allégeance servile et obséquieuse aux "lois de la république".
Ils méprisent la France mais se montrent d'une grande souplesse d'échine envers son régime, reprochent au patriarcat de Moscou son obédience à l'état russe et font eux-mêmes allégeance à un état pourtant largement plus antichrétien...Ce qui donne d'ailleurs des scènes assez cocasses où les plus folkloristes russes se mêlent aux plus progressistes et athés des "Français".

Une partie de cet archévéché avait fait le choix de l'acculturation, mais n'est jamais allée jusqu'au bout de ce choix en l'assumant complètement si bien qu'ils sont toujours restés entre deux eaux, sans vraiment savoir où ils sont.

3.Posté par justine le 03/05/2017 10:34
Au post 1: Vous voulez donc une Foi orthodoxe, mais abstraite, théorique, académique? La Foi orthodoxe est vivante précisément dans la mesure où elle s'incarne dans la vie quotidienne du peuple fidèle, et c'est ce qui donna naissance à l'Orthodoxie grecque, russe, roumaine, serbe etc. Une telle incarnation est impossible en Occident où la population vit dans le sécularisme le plus total ou dans l'hérésie, et où tout ce qui s'appelle "culture" est complètement étranger à la Foi orthodoxe. En Occident donc, la seule possibilité est de vivre cette Foi dans ses incarnations historiques que sont l'Orthodoxie grecque, russe etc., incarnations rendues possibles par un concours de circonstances spécifiques, octroyées par la Providence divine et qui dans le monde moderniste tout simplement n'existe pas. Introduire ici le terme psychologique d' "identité" qui implique toute une idéologie étrangère à notre Foi, ne peut qu'induire en erreur et éloigner de l'essence du problème.

Il n'existe pas de Foi vivante abstraite, mais seulement incarnée dans la vie quotidienne du peuple fidèle, tout comme il n'existe pas de nature humaine sans les hypostases, les personnes. Les Orthodoxes russe, grecs etc. ou vivront en Orthodoxes russes, grecs etc. ou ne vivront pas, c'est à dire seront absorbés par ce marasme occidental où volontairement ou involontairement ils ont été projetés. Et la preuve est devant nos yeux: ceux qui s'éloignent de leur Sainte Tradition, ou ceux qui croient pouvoir devenir Orthodoxes en-dehors de ces incarnations historiques, se perdent soit dans des déviations fantaisistes soit dans l'apostasie écumeniste qui est la negation meme de l'Orthodoxie.

L'auteur du post 1 rejette le retour de l'Archevêché des Eglises d'Europe Occidentales de Tradition Russe à son Eglise Mère, c'est à dire à l'Eglise de Russie. Pourquoi ne rejette-t-il pas à titre égal son appartenance à Constantinople? Dans le piètre état ou cet Archevêché se trouve à cause de cette appartenance, la solution la plus logique serait d'opter pour ce retour que prône aussi l'auteur de l'article, en attendant le moment dans l'Histoire où il sera possible d'organiser la diaspora orthodoxe mondiale en Églises locales autocéphales, conformément à la tradition apostolique. Ce moment viendra lorsque le papisme fanariote aura couru sa course et cessera de dresser les uns contre les autres, si bien qu'on pourra de nouveau vivre en paix entre frères.

4.Posté par Tchetnik le 03/05/2017 12:23
Simplement, le Christianisme orthodoxe existe au dessus des incarnations culturelles, lesquelles ont leur légitimité mais ne sont pas constitutives de ce Christianisme.

Et il est vain d'imposer ces incarnations à des gens qui ne sont pas issus de ces cultures. Le Christianisme évangélise, mais ne transforme pas culturellement, il doit faire des Chrétiens, pas des Russes, ou des Grecs ou des Roumains de synthèse.

Bien des pays comme la France et l'Angleterre possèdent aussi un patrimoine culturel Chrétien en général, Orthodoxe en particulier qui reste suffisamment fort et intense pour pouvoir se passer de folklorismes de bazar et d'identités recomposées.

5.Posté par Affeninsel le 03/05/2017 15:01
Je prierai Justine de bien vouloir m'expliquer en quoi aller à l'église pour écouter les offices en français, chantés de manière audible et sans sentimentalisme, constitue une "foi abstraite, théorique, académique". Si à votre avis, on ne saurait être orthodoxe sans y adjoindre des pirojki et des baklavas, et des festivals de danse ethnique, grand bien vous fasse, mais allez donc vous trémousser ailleurs. Ici, dans nos paroisses, les gens veulent prier. Vos circonvolutions sur "l'incarnation historique" de la foi sont un boniment ridicule. Encore une fois, si rendre les offices compréhensibles aux Français, dans des formes qui n'éloignent pas de la prière (style musique ronflante héritée de l'Occident décadent... sachant que c'est dans l'usage russe que se pratique cette monstruosité, je serai bien curieux de savoir ce que vous avez à en dire... Allez-vous l'excuser ?) c'est demander trop de sacrifices, il faut soit aller vivre en Russie ou en Grèce, soit d'urgence rejoindre la prochaine secte païenne sur laquelle vous tomberez, je suis sûr que vous y trouverez votre content de folklore "incarné".
Vous dites que les "orthodoxes russes, grecs..." doivent vivre comme tels... Mais que faites-vous des orthodoxes français ? Leur déniez-vous le droit d'exister ? Imaginez-vous qu'il faille passer un examen pour se voir couronné du droit de se dire "orthodoxe français" comme d'autres sont "orthodoxes grecs" ? Que cette vision est éloignée de l'Eglise des Actes des Apôtres, où tous les fidèles ne cherchent que Dieu, où qu'ils soient ! On y trouve une Eglise toujours identique à elle-même, où qu'elle soit, manifestant à tous la même chose, à savoir le Dieu vivant, et ce hors de toute considération de nation et de culture, alors que Grecs, Juifs, Romains et autres étaient encore bien loin de tous s'aimer. Que nous proposez-vous, si ce n'est le cloisonnement en identités culturelles imperméables vouées à se côtoyer sans se connaitre et se corriger les unes les autres dans la recherche du Christ ? Encore une fois, si l'on veut vivre sa foi en Russe, il faut aller en Russie. Mais si l'on tient à vivre ici en France, ou dans n'importe quel pays d'Occident, alors il faut renoncer à cela, et prendre, comme Dieu qui "s'incarne", le langage de ceux parmi lesquels on vit. Cela se trouve dans Act. 8,4, et ce verset ne ménage pas, il me semble, d'exception pour les orthodoxes blessés par la vie qui ont besoin de soigner leurs petites blessures identitaires avec de la tétraphonie polonaise.

Quelle anthropologie étrange que la vôtre, et opposée à ce que nous a révélé le Christ à travers les siècles, lorsque vous semblez dire qu'il n'y a rien à faire de la culture actuelle, qu'elle est perdue à tout jamais et qu'il faut se faire étranger à soi-même pour appréhender la foi. Quelle horreur que ce messianisme national ! Saint Séraphin nous apprend au contraire que la grâce de Dieu supplante toutes les faiblesses de notre nature, et nous dit qu'en acquérant le Saint Esprit, nous transfigurerons le monde autour de nous et le tournerons vers le Christ. C'est par la prière, et rien d'autre, que nous manifestons le Christ ici bas.

En faisant passer avant tout, comme condition de la foi et de l'union à Dieu, les petites traditions culturelles agrégées (et parfois à tort) à la pratique liturgique de l'Eglise, vous vous fabriquez des idoles de terre que vous placez au même rang que le "Dieu des esprits". De grâce, allez donc vénérer vos totems ailleurs ! Croyez-vous que l'Empire romain, et ses enfants abandonnés sur le fumier quand on n'en voulait pas, ait été plus disposé aux premiers siècles à recevoir la parole du Christ ? Les slaves, au IXe siècle, alors que les chroniques de l'époque montrent que la conversion fut l'occasion de l'abandon de pratiques d'une cruauté sans égale jusque là considérées comme normales par tous ? C'est précisément au fond de l'abîme du péché que toute nation est la plus capable de percevoir la lumière du Christ qui la sauvera. L'Occident d'aujourd'hui, tombé dans la vénération de nouvelles idoles après l'hérésie, ne fait pas exception. Mais vous lui refusez cette parole au prétexte que vous le jugez indigne ou incapable de la recevoir. Que de jolis noms vous donnez à la paresse !

Et quand bien même il y a en France de graves problèmes pour l'Eglise, à laquelle les croyants ont du mal à rester fidèles, prétendrez-vous que rien de tout cela n'existe dans les "pays orthodoxes" ? En Grèce, où l'on se confesse tout au plus cinq fois par an, et encore, pour les fidèles les plus pieux ? En Russie, où des cerbères sont nommées dans les églises pour faire la police des fichus, et où prolifèrent des pseudo-icônes chargées de symbolique gnostique ? En Géorgie, où des membres du clergé sermonnent en continu le peuple sur la nécessité de donner son argent à l'Eglise ? En Roumanie, où les fidèles qui n'achètent pas les cierges estampillés par le Patriarcat sont pourchassés ? Allez m'expliquer qu'il y a là un problème spécifiquement occidental !! Ce que vous dénoncez justement en Occident, c'est l'esprit du monde qui pénètre dans la conscience ecclésiale et dans la vie des fidèles. Mais vous vous aveuglez volontairement pour ne pas voir ce même esprit du monde dans ses œuvres partout ailleurs, parce que vous avez décidé que les orthodoxes des pays "d'origine" sont des être plus spirituels et mieux disposés au Salut que les autres. Le diable est partout, et chaque culture a son "vieil homme" dont elle doit se dépouiller continuellement pour rejoindre le Christ. En faisant de l'Eglise la somme des nationalismes qui la composent, vous proposez au contraire à ce "vieil homme" de prendre toute la place. Et l'Occident, qui pourrait justement être le lieu de l'aplanissement de ces vaines attaches pleines d'orgueil, et faire jaillir une Orthodoxie débarrassée de ses scories myopes et nombrilistes, vous refusez même de lui donner sa chance.
Ne voyez-vous pas que la manière dont les "affaires ecclésiastiques" sont menées est terriblement mondaine, à cause de l'attachement au pouvoir des uns et des autres hiérarques ? Que lorsque le Phanar et Moscou revendiquent leur juridiction sur tel ou tel endroit, ils le font pour posséder une influence, un poids dans la conduite des affaires ? Le Phanar le fait pour continuer à garder, financièrement, la tête hors de l'eau. Moscou le fait, comme je l'ai dit plus haut, pour soutenir les efforts de politique culturelle qui occupent l'état russe depuis vingt ans.

Mais tant qu'on continuera de concevoir l'Eglise comme un conglomérat de patriarcats centralisés et gouvernés comme des états par un synode permanent, cette course au pouvoir ne pourra que se poursuivre. Et qui a inventé le "saint synode" ? Pierre le "grand", dans son délire d'orgueil, visant à transformer la Russie en réplique conforme des pays occidentaux. Voilà votre affaire. Si au lieu de tout cela, on concevait à nouveau l'évêque comme icône du Christ, souverain et maître, "juge de l'univers" au sein de son diocèse, et non comme gestionnaire provisoire devant rendre des comptes à son patriarche, tous les problèmes qui en découlent disparaitraient. Et plus personne n'aurait envie de s'accaparer le "pouvoir" sur les fidèles en Occident (je note que vous êtes très prompte à parler du "papisme fanariote", mais vous ne dites JAMAIS rien des dérives du patriarcat de Moscou... pourtant, avoir un patriarche qui peut nommer tous les évêques au sein d'un territoire grand comme deux fois l'Europe, et qui promulgue des décisions à tous les diocèses de son pays... comme papisme, je vois mal comment on peut faire pire.

Mais comme tout n'est vu chez vous qu'à travers les yeux de la nation, ce papisme-là ne vous dérange aucunement.) parce qu'il n'y aurait tout simplement pas de "pouvoir" à prendre, simplement un accompagnement spirituel propre à affermir la mission. Et là, peu importe qui s'en chargerait, et le poids spirituel de cette charge ferait même fuir les possibles évêques, comme les saints de l'Eglise, car l'épiscopat est un service. Je pense simplement que, pour se débarrasser des scories nationalistes et hisser l'Eglise au-dessus de ces conflits minables, les quatre sièges issues de l'antique pentarchie, qui ne représentent pas des pays ou des nationalités, mais ont, par le choix qui s'est porté sur eux à travers la providence divine, été manifestées comme des centres d'impulsion de la foi missionnaire, dans ce qu'elle a de plus pur, sont les sièges les plus appropriés pour mener à bien la mission d'installer l'Eglise à travers tout le monde sans y mêler de problématique identitaire comme cela se fait systématiquement. Face à cela, vous ne proposez que le triomphe d'un parti sur un autre, comme si l'un était pur et l'autre parfaitement diabolique. La guerre, le conflit vous plaisent-ils à ce point ?

6.Posté par Daniel le 03/05/2017 17:42
@ Affeninsel (message 5)

Bravo pour votre message. A lire Justine, on croirait que l'occidental est génétiquement incapable de devenir orthodoxe. Se rend-elle compte que dans "l'orthodoxe Bulgarie", la majorité des naissances ont lieu hors mariage ?

7.Posté par Tchetnik le 04/05/2017 15:13
@Affeninsel

On ne saurait mieux dire, mais il faut cependant prendre garde à ne pas faire de l'évêque un roi-nègre absolu qui n'aurait aucun compte à rendre à quiconque.
L'obéissance est due à l'Eglise, à ses enseignements et idéaux de vertu, pas à un homme en particulier. Si les dits, actes et décisions de l'évêque sont en accord avec lesdits enseignements, il est légitime, sinon, il ne l'est pas.

8.Posté par OLTR WEB-MASTER le 04/05/2017 16:27
Nous signalons, pour compléter ce débat, la publication, ce jour, du communiqué de l'exarchat, sur le lien indiqué ci-dessous.

Nous pensons qu'il serait préférable de ne concentrer la présente file de discussion qu'au débat autour de l'avenir de l'ITO Saint Serge.

9.Posté par Vladimir.G: Revenir sur terre et voir la réalité de l'Orthodoxie en France le 04/05/2017 17:55
Revenir sur terre et voir la réalité de l'Orthodoxie en France

Toujours le même fatras d'échanges hors sol et de considérations académico-théologiques abstraites du réel!

Il est certain que la culture occidentale, profondément imprégnée de pensée scolastique et de rationalisme humaniste, est à l'opposé de la spiritualité orthodoxe. Cela n'empêche évidement pas TOUTE conversion, mais elles restent exceptionnelles et négligeables d'un point de vue statistique: de l'ordre de quelques % ("l'épaisseur du trait" pour les statisticiens...)

Comme le montrent les recensements dans les pays voisins où la question de la religion n'est pas taboue (Italie, Suisse, Allemagne...), l'irruption soudaine des Orthodoxes, toujours minoritaires mais au moins visibles, reste essentiellement le fait des nouvelles émigrations qui sont venues remplir nos anciennes paroisses péniblement maintenues par les descendants des premiers émigrés.

Parmi les pratiquants réguliers des paroisses de tradition russe que je connais, les descendants des premiers émigrés et les "convertis" font à peu prés jeu égal. Ensemble, ils gardent l’administration et la majorité du clergé (sauf pour le patriarcat de Moscou, où le clergé provient majoritairement de Russie), mais ils sont clairement en minorité face aux nouveaux arrivés. Et parmi les pratiquants "épisodiques" (baptêmes, mariages, enterrements + Pâques pour les plus religieux), qui représentent 70-80% du troupeau et permettent donc une certaine visibilité statistique du fait orthodoxe, la prépondérance des nouveaux arrivés est encore plus marquée...

NB: pour la France, ces considérations concernent essentiellement les Orthodoxes de traditions russe, que je connais, recoupés avec les statistiques des pays voisins. Je serais très intéressé à avoir des éléments similaires, mêmes subjectifs, sur les autres traditions orthodoxes en France. Les rares témoignages que j'ai recueillis semblent montrer une situation semblable, avec peut-être moins de nouveaux arrivants pour la tradition grecque et plus pour les autres (roumaine, serbe...) qui étaient moins présentes dans les premières vagues. Les lecteurs peuvent ils confirmer cette impression?

10.Posté par Affeninsel le 04/05/2017 18:01
Bien évidemment, si un évêque se met à professer l'hérésie, ou à enfreindre tous les canons dans son comportement, il faut réclamer sa déposition. Mais pour le reste, je suis d'avis que le rôle de l'évêque est de diriger, et celui des fidèles d'obéir : même si telle ou telle attitude du pasteur ne leur plait pas, les fidèles ont bien plus à gagner en obéissant avec humilité qu'à se lancer dans une bataille de chaque instant contre le moindre de ses gestes. Il y a dans cette obéissance parfois absurde, que l'on trouve partout dans les récits monastiques, une voie de salut bien plus grande que dans la poursuite de l'équilibre des pouvoirs (même si je sais que ce n'est pas ce dont vous parliez). Parfois, suivre l'injustice des hommes, c'est suivre la justice de Dieu.

11.Posté par Affeninsel le 04/05/2017 19:26
Post 9 : vous faites de la statistique, c'est passionnant. Mais on dit que saint Grégoire de Néocésarée fut ordonné évêque non pas pour les 17 chrétiens qui se trouvaient dans sa ville quand il y fut intronisé, mais pour la ville remplie de chrétiens qu'il laissa en mourant : on n'est jamais évêque pour le petit troupeau existant, mais pour tous les hommes qui sont potentiellement des convertis au Christ.
La gestion politicienne, ça va bien deux minutes. On vous parle de la mission d'évangélisation donnée par le Christ à tous les hommes. Cela exige que l'Eglise soit, partout où elle est, configurée pour annoncer en toute chose le Royaume des Cieux.

12.Posté par Tchetnik le 04/05/2017 19:38
@Affeninsel

Il peut aussi y avoir dans le combat une voie de Vérité et de confession de la foi et dans une obéissance aveugle et indiscernée plus de passivité et de complaisance. Cela dépend des circonstances.

Un évêque n'est pas Dieu, il est un homme dont les décisions peuvent parfois être conformes aux enseignements et idéaux de l'Eglise, parfois pas. Et quand elles ne le sont pas, il faut les combattre, c'est simple. Tout simplement parce que ces décisions peuvent être porteuses de conséquences négatives et qu'un évêque, fut-il évêque reste un homme qui doit - lui aussi - apprendre l'"humilité"...

13.Posté par Tchetnik le 04/05/2017 19:39
C'est toujours rigolo de voir Vladimir se réclamer de stats qui n'existent pas, pour des "orthodoxes" qui n'existent pas et qu'il confond avec l'appartenance ethnique...

Il y en a qui ne sortiront jamais des cordes.

14.Posté par justine le 04/05/2017 19:57
Reponse au post 5: Vous m'accusez de bien de choses! Alors que je suis d'accord avec beaucoup de ce que vous dites. Sans doute me suis-je fait mal comprendre. La culture de ce monde moderne est une culture de la chute, comme disait tres justement le père Sophrony d'Essex: De ce fait elle est complètement étrangère à la Foi orthodoxe. Si en Occident une culture méritant ce nom doit renaitre, elle devra être baptisée (et baptisée du vrai baptême).

Quant à la vie quotidienne du peuple orthodoxe, n'y voyez-vous donc que piroshkis et danses? Cela montre soit votre mauvaise foi soit votre ignorance. En Occident, évidemment, cette ignorance est compréhensible et à l'ordre du jour, puisqu'il n'y a pas de peuple orthodoxe, mais seulement des individus isolés et dispersés dans le marasme moderne qui occasionellement se réunissent à l'Eglise pour la Divine Liturgie. Le seul endroit en Occident où l'on puisse rencontrer la réalité concrète de ce qu'est (ou était) la vie quotidienne du peuple orthodoxe fidèle, est un monastère orthodoxe. Il se peut bien que vous y trouverez des piroshki ou des kalizounia, mais vous pensez bien que c'est là un aspect très secondaire. Les composantes importantes de cette réalité sont en effet: vie commune du matin au soir, du soir au matin, prière commune, travail commun, service mutuel, en un mot - tous unis dans une même oeuvre orientée vers un même but, vivre pour Dieu, le salut de l'âme. Au niveau laïc, cela inclut évidemment aussi des fêtes communes avec danses et chants, repas festif etc. "Réjouissez-vous", car le Christ est ressuscité! Tout cela en Christ, même les chants populaires célèbrent le Seigneur, la Mère de Dieu, les danses expriment l'unité d'âme et d'esprit des fidèles. Rien ici de la frivolité séculière!

Vu à travers des lunettes occidentales, tout cela semble ridicule, utopique, et on y verse le venin de l'incrédulité, du cynisme, de la dérision. Et c'est là précisément ce qui fait que l'Occident est ce qu'il est - loin du Mystère de la Foi, du Christ, de l'Eglise, de l'âme pieuse, de l'unité véritable. Blasphème, pour le dire en un mot. Arrogance et orgueil innés, peut-être même. Or, la vie quotidienne du peuple fidèle inclut la lutte quotidienne pour la vertu, dont la première est l'humilité, lutte dans laquelle l'un soutient et encourage l'autre. Une telle société chrétienne a produit nos Saints, nos différentes traditions orthodoxes.

Voilà donc ce que j'entends par "incarnation de la Foi vivante dans la vie du peuple fidèle". La soi-disante civilisation moderne avec son culte de l'égo et de ses passions a fragmenté à tel point la société que la notion même de "peuple" dans son sens ontologique a été perdue. Mais cela a été une réalité concrète dans les campagnes orthodoxes de Grèce, de Roumanie, de Serbie, de Russie etc. jusqu'à très récemment, avant que, venant d'Occident, le déluge impie, séculariste et communiste s'abatte sur ces pays. Les maisons des fidèles étaient quasiment des monastères. C'étaient des petits cénobions où la vie se déroulait selon le rhythme de la prière des heures, alternant avec le travail. Lisez par exemple la vie du Père Cléopas, pour ce qui est de la Roumanie, ou les livres du Saint Ancien Paissios pour ce qui est de la Grèce, les deux parlant non pas d'un lointain passé, mais du 20e siècle. Quant aux siècles antérieurs, lisez le Synaxaire, les Vies des Saints de l'Eglise Orthodoxe.

En ce qui concerne la question de la langue, dont vous vous plaignez sans cesse, est-ce difficile que les offices soient bilingues? Une partie dans la langue natale de ceux que vous appelez - en bons nationalistes vous aussi - des "immigrés" (auxquels vous devez la présence de l'Orthodoxie en France!!), une partie dans la langue locale des autochthones. En Amérique où tout le monde est immigrant, on a su s'arranger sur ce point, sans débiter tant de bile.

Un mot encore sur l'Eglise des Actes des Apôtres et sur les "orthodoxes français". Comme les Actes nous l'apprennent, cette Eglise avait déjà sa tradition locale, sa langue, ses rites. Elle n'était pas un "christianisme" neutre, "universel", sans coloris ethnique. Les Douze et la grande majorité des autres membres de l'Eglise primitive étaient en effet des juifs. On y lit même qu'il y avait des tensions avec les "hellénistes", des juifs de culture grecque. Quant aux "orthodoxes français", n'appartiennent-ils pas tous nécessairement à une des traditions orthodoxes? Où donc voulez-vous qu'ils se rattachent à la Sainte Eglise? Mais au lieu d'être reconnaissants que grâce aux "immigrants" russes, grecs, roumains, serbes etc. ils ont pu entrer dans la communauté et la communion de l'Eglise Orthodoxe, vous ne cessez de pester contre eux et vous vous étonnez qu'ils ne vous décernent pas des médailles pour cela! Vous allez à l'église pour prier, dites-vous, et le comportement séculier des Grecs, Russes etc. vous en empêchent. C'est un fait, malheureusement que le sécularisme - né en Occident et notamment en France, ne l'oubliez jamais! - a envahi maintenant même les églises orthodoxes. Que faire? Construisez des petites chapelles privées simples en des endroits un peu retirés, ce n'est pas difficile et pas cher quand on sait bricoler (on peut en France a très bon compte acheter des cabanes en bois préfabriquées qui se laissent transformer à merveille en chapelles). Et là vous pourrez vous réunir pour l'office quotidien dans votre langue, tranquillement. Ainsi vous serez plus apaisés quand vous irez le dimanche à la Liturgie au milieu du brouhaha des séculiers. Et avec le temps et vos prières, peut-être les évêques en charge se réveilleront de leur léthargie écuméniste et feront enfin ce que le Christ leur commande: "Allez et faites de toutes les nations des disciples..."

15.Posté par Tchetnik le 04/05/2017 23:02
Il ne faudrait pas avoir des peuples Grecs, Serbes, Russes ou Roumains une vision trop idéalisée.
Avant le consumérisme - qu'ils savent très bien pratiquer sans avoir besoin de l'Occident - ils ne constituaient pas un paradis édenique de croyants et pratiquants purs et durs.

Il suffit de lire Papadiamantis pour se rendre compte que les Grecs du XIXème siècle n'étaient pas des anges non plus.

Si nous sommes revenus pour certains dans la communion de l'Eglise Orthodoxe, force est de constater que ce n'est pas franchement grâce à des immigrés racialistes mais simplement par la redécouverte par d'autres sources de l'enseignement de l'Eglise. Les conversions, quand il y en a eu d'authentiques et de sincères - pas des russes de synthèse - se sont en général faites en dépit d'eux, justement.
Vu leur comportement en effet, il y a de quoi pester, voire plus. Les passer au lance-flamme, par exemple. Mais pas de quoi les faire entrer à la Table Ronde.

Enfin, tous les "nationalistes" ne sont pas à mettre sur le même plan. Un Français sera toujours chez lui en France. Pas un Russe ou un Roumain. Toujours se souvenir de qui accueille et de qui est accueilli peut aussi être une marque de cette "humilité" tant vantée par certains. Un "immigré" n'est pas un immigré parce qu'on l'appelle ainsi. il est un "immigré" simplement parce que c'est sa réalité. Et sans le pays qui a eu la faiblesse de les accueillir, certains de ces immigrés qui se la jouent seraient en train de nourrir les blés de Koursk ou de Roumanie...

16.Posté par Philippe Amartolos le 05/05/2017 09:17
Bravo Justine !
Je suis Breton, baptisé dans l'Eglise orthodoxe. J'ai commencé à suivre les offices en langue slavonne (car dans l'endroit où je me trouvais, l'église russe était la seul à proposer une vie liturgique quasiment quotidiennement, au moins à chaque dimanche, ce qui n'est malheureusement pas le cas partout).Je suis désormais en Grèce (pour étude) et donc fréquente les offices en grec. J'ai du me familiariser avec le slavon et le grec ancien. Je comprend tout à fait que l'exigence linguistique ne puisse être imposé aux pauvres orthodoxes gaulois qui bien souvent éprouvent des difficultés à se familiariser avec des langues étrangères qui plus est très compliquées (bien que pour un chrétien il soit toujours profitable de se familiariser avec le grec ancien dans la mesure du possible étant donné la place particulière prise dans l'économie divine par cette langue). Aussi, selon moi, l'économie légitime est de proposer, lorsque les paroisses sont majoritairement composées de francophones, les offices en français (et un clergé français si possible).

Il est certain que les paroisses francophones doivent se régler sur les pratiques en usages depuis des siècles soit en Grèce soit en Russie, soit en Roumanie, soit en Serbie, etc... selon la juridiction. Il est également certain que nous devons tâcher de nous greffer à la plus pure et authentique tradition orthodoxe dénuée de toutes pratiques sécularistes. C'est ainsi, que selon moi le plus préférable est de regarder ce qui se fait au Mont-Athos, gardien de la tradition liturgique la plus pure, à défaut de garder un œil sur les pratiques de "l'orthodoxie grecque" qui malgré tous les défauts acquis au fil des années de sécularisme voulu par les rois germains de Grèce et l'ineffable Vénizélos, conserve un rapport très particulier avec la foi patristique.

Mais à la suite de la réflexion de Justine, j'ajouterai qu'il est fondamental selon ce que je conçois, de faire l'effort, au moins dans les premiers temps de la vie orthodoxe (qui de toute façon ne se manifeste, dans une écrasante majorité, qu'au contact des grecs, russes, serbes, roumains, géorgiens etc...) de s'approprier les "codes" de ces peuples qui maintinrent tant bien que mal leur foi au fil des siècles. Ce me semble la plus rapide des voies vers la progression et le plus sûr moyen de se déposséder de cet esprit occidental dans toutes ses déclinaisons (athée, papiste, protestant, gnostique, kabbaliste, néo-païen, etc...).

J'ai à vrai dire, beaucoup plus de mal à trouver l'esprit authentiquement patristique chez mes compatriotes convertis (peut-être parce que beaucoup d'entre eux furent privés--Dieu jugera !-- du saint Baptême orthodoxe, seul et unique, authentique et véritable. A tous les futurs désaccord, sachez que le Pidalion--référence du Droit Canon orthodoxe-- à la suite de tous les saints pères, les commentant fidèlement, déclare nul et non avenue "l'économie" de réception par chrismation, quand elle est faite, des papistes ou protestant). Il manque dans certain milieux orthodoxe français, de ce que j'ai pu éprouver, l'expérience du dépassement de l'occidentalité spirituelle. Il est donc bien entendu qu'en aucun cas nous ne devons exiger des orthodoxes issus de pays hérétiques ou impies (c'est à dire de pays où durant l'histoire la foi orthodoxe fut éclipsée, comme en France, ou de pays qui n'ont jamais connu la foi authentique, comme aux Amériques, ou en Afrique ) des efforts d'inculturation mondaines et temporelles. Mais il est du devoir de chacun et des pasteurs en priorité de faire en sorte de se réapproprier l'esprit de saint Irénée, saint Jean Cassien et de tous les Pères orthodoxes. Là est notre vrai culture spirituelle, là nos vrais concitoyens.

Aujourd'hui, de plus, le public francophone n'a aucune excuse tant les traductions en français des offices, des Pères de l'Eglise (pour les plus fortunés, l'excellente collection des Sources Chrétiennes ou les textes traduits des Editions Migne), de la Philocalie (qui coûte moins de 80 euros complète--une dizaine de livres). Les gens aux ressources très faibles peuvent également trouver sur les sites patristique.org ; remacle.org ; orthodoxievco.net (site schismatique mais zélé dans la propagation des textes patristiques, comme toujours chez les groupes malheureusement schismatiques) et bien d'autre encore. Toutes les œuvres de saint Jean Chrysostome sont ainsi disponible en PDF ou en HTML en quelques clics sur le net, etc....

Retrouvons l'esprit des Collyvades : communion fréquente, vie liturgique régulière, lecture de l'Ecriture, lecture des Saints Pères, pas de commémoration des défunts le dimanche.
Cela éviterait la propagation des idées écuménistes, comme l'écrit Justine, parmi l'orthodoxie francophone et avant tout, cela permettrai une proximité avec l'esprit authentique des pères de l'Eglise et de tous les saints, aux antipodes des Schmemann, Men et compagnie, chantre de la disparition de l'acribie canonique au profit d'une "économie" en réelle contradiction avec l'esprit même des canons.

17.Posté par Gueorguy le 05/05/2017 11:26
Eprouvant ! Désespérant !

Voilà qu'il est proposé un éditorial sur un sujet bien précis: l'avenir de l'ITO Saint Serge. Texte construit par un témoin actif et attaché de ce beau patrimoine, suivi peu de temps après par un communiqué commun de l'Archevêché et de l'ITO St Serge; communiqué quelque peu lénifiant après les propos, eux, plutôt alarmants du Président de lu conseil d'administration de l'ITO mais le propos dans le présent message n'est pas de les décortiquer.

Et à quoi assistons-nous aussi?

Tout un festival de lieux communs, de considérations vagues nous éloignant bien du sujet avec la même litanie de considérations "intéressantes"; en définitive, on le perçoit bien, la volonté de noyer le message du président de l'OLTR.

Pour illustrer ceci, il suffit de faire une recherche sur des mots clefs comme "ITO, Serge, Institut, Théologie"... Ils n'apparaissent pratiquement jamais dans les commentaires aussi longs, soient-ils...

Ceux-là démontrent, il y a lieu de le craindre, dans l'air du temps, en premier pour l'ITO Saint Serge, que la vacuité des réponses est leur substance à cette doléance formulée dans le communiqué cité plus haut où l'on espère être "en droit d’attendre une pleine mobilisation de toutes les compétences utiles à la réhabilitation indispensable et à la permanence vivante, pour les orthodoxes et par-delà, de ce haut-lieu symbolique".

Oui, trois fois oui, l'OLTR propose de participer à cette réflexion quand bien-même il est certain que les orientations évoquées dans l'éditorial de son président ne s'enferment pas dans l'obstination ayant contribué à amener l'ITO Saint Serge, entre autres, dans la situation dans laquelle il se trouve aujourd'hui; dit autrement, les problèmes de l'ITO saint Serge ne sont pas nouveaux et l'OLTR en a bien conscience et les connait très bien, ce sont les solutions nouvelles que l'on propose et que l'on refuse, même, d'entrevoir. C'est de cela qu'il est question ici et de rien d'autres.

18.Posté par Vladimir G: Revenir sur terre et voir la réalité de l'Orthodoxie en France (suite) le 05/05/2017 23:42
Revenir sur terre et voir la réalité de l'Orthodoxie en France (suite)

Et oui, contrairement aux autres commentateurs, je m'intéresse aux Orthodoxes de France réels, ceux qu'on peut rencontrer dans nos paroisses, et non aux idéaux virtuels inventés par les uns et les autres pour correspondre aux canons!

Gueorguy a probablement raison de dénoncer le manque de mobilisation que provoque le sort de l'ITO et l'éditorial de Séraphin. Ce dernier a le grand mérite de rappeler, à ceux qui ne la connaitrait pas, l'histoire de la fondation et le grand éclat de ce haut lieu de la théologie orthodoxe pendant un demi-siècle: alors qu'elle était totalement sous le boisseau en URSS et bien faible dans les Balkans pour des raisons historiques, elle s'est effectivement épanouie sur cette "colline inspirée" et a permis de faire connaitre l'Orthodoxie en Occident. Et merci Séraphin de bien rappeler que ce fut exclusivement l’œuvre des "émigrés", les premiers "convertis" (au sens du p. Serge Model) arrivant après les ouvriers de la dernière heure pour prolonger une pensée qui avait déjà été largement reprise par ailleurs sans rien apporter de bien original.

Malheureusement, très cher Séraphin, tu ne tiens pas compte des réalités toi non plus! Il est évident que c'est le patriarcat de Moscou qui a seul les moyens humains et financiers de faire vivre (et non vivoter!) une telle institution - il le prouve avec la fondation du séminaire à Épinay, la brillante restauration de la cathédrale de Nice (à comparer avec le piteux état de l'église de Biarritz, où j'étais à Pâques, ou de celle de Cannes...) et, bien entendu, la construction de la somptueuse nouvelle cathédrale... Mais l'ITO, comme "Daru" , ont choisi de refuser toute discussion avec ce partenaire potentiel en refusant, comme tu le sais bien, la main tendue par le patriarche Alexis II il y a prés de 15 ans. maintenant le train est passé!

Les raisons de ce refus sont à rechercher bien évidement d'abord dans la position du Phanar, comme le souligne Justine. Le métropolite Euloge avait pourtant bien vu la nécessité de s'en affranchir en 1946, rappelons le (était-ce trop tôt?), et le Phanar n'avait pas hésité à rejeter Daru en 1965, quand cela l'arrangeait... Mais il y a aussi cet orgueil immense dont fait preuve l'équipe dirigeante de "Daru" et de l'ITO et qui lui fait croire qu'elle n'a besoin de personne comme le montre ce dernier communiqué: http://www.exarchat.eu/spip.php?article2003.

Très chers Séraphin et Gueorguy il faut vous rendre à cette évidence: ils ne vont pas explorer de voies d'un rapprochement avec le patriarcat de Moscou! Ils rêvent toujours des années 1970-80 où "Daru" se voyait prendre la tête d'une Orthodoxie d'Europe occidentale unifiée (celle dont rêvent aussi certains des commentateurs "hors-sol" précédents...) Seulement voilà, la majorité des Orthodoxes n'en veut pas comme l'ont bien compris et proclamé les Pères du Concile de Crête: "Il a été aussi constaté que durant la présente phase il n’est pas possible, pour des raisons historiques et pastorales, de passer immédiatement à l’ordre canonique strict de l’Église sur cette question, c’est-à-dire qu’il y ait un seul évêque dans un même lieu... "Daru" représente donc approximativement 2/5 des Orthodoxes en France (100 paroisses sur 250) et ne peut compter que sur ces forces là pour continuer à vivote en prolongeant la baisse inexorablement engagée depuis plus de 50 ans, alors que les autres juridictions se développent, et le diocèse de Chersonèse tout particulièrement avec ses croyants majoritairement attachés à leurs racines, son clergé majoritairement importé et ses réalisations prestigieuses... Le déclin mal caché d'un côté, l’expansion visible de l'autre!

19.Posté par Philippe Amartolos le 06/05/2017 13:31
"Daru" ne doit son déclin, comme jadis Constantinople, qu'à son éloignement de la confession de foi sans concession mondaine et politique. Sans cela, n'en déplaisent aux intellectuels pour qui la foi des Collyvades n'est qu'archaïsme, Dieu pourvoirait aussi bien à ses besoins spirituels que matériels. Et malgré les nombreuses et malheureuses réserves que l'on doit porter sur le Patriarcat de Moscou, surtout du point de vue politique avec son rapport insupportable avec le pouvoir temporel et sa "diplomatie ecclésiale" exécrable, force est de constater qu'il est l'un des seuls à combattre ouvertement et officiellement l'homosexualité, l'avortement, l'islam "radicale", etc... L'Eglise en Grèce en fait de même, relativement et par les voix de ses plus talentueux hiérarques, ce qui malgré tout, maintient une certaine situation "positive".
Les "idéaux virtuels pour correspondre aux canons", phrase prétentieuse et arrogante, désobligeante et mensongère : nous autre orthodoxes français par le sang et les ancêtres (à l'inverse de vous Vladimir) sommes quasiment obligés (parfois difficilement), du fait de l'hérésie millénaire du papisme et des autres parasynagogues (dixit le Métropolite Séraphim du Pirée) de nous confronter, afin de saisir, au moins au début de notre vie orthodoxe, à une des manifestations encore vivantes et entretenues de l'Eglise orthodoxe. En France cela se traduit par des communautés Grecques, Serbes, Russes, Roumaines, pour l'essentiel. L'Institut Saint-Serge n'était pas une exception en ce qu'elle apporta sa propre manifestation de la foi orthodoxe, c'est-à-dire, celle de l'immigration libérale et intellectuelle (libérale et sophiologiste) de l'Empire russe. Elle fut dès le début opposée à l'Eglise russe hors frontière car celle-ci était très, très conservatrice. N'oublions pas que son ralliement à Constantinople montre une volonté de ne pas se rallier au Patriarcat de Moscou qui à l'époque fut inféodé au gouvernement bolchévique. N'oublions pas non plus qu'à la même époque les patriarches de Constantinople (je n'irai pas jusqu'à m'avancer en déclarant que cette situation demeure égale de nos jours, libre aux esprits qui le souhaitent de se faire leur propre idée), à l'instar du "nonce apostolique parisien", Jean XXIII, était des frères "trois-points".
L'Institut Saint-Serge fut composée de nombreux professeurs de qualité mais plus connus pour leurs réflexions philosophiques et métaphysiques que pour leur respect du Dogme. C'est un fait, et l'ouvrage paru en hommage à Mr.Goudet, "Regards sur l'Orthodoxie" comporte un article sur Saint Serge et "l'Ecole de Paris" comme fabrique d'hérésies (j'insère un lien pour visionner une partie de l'article). Il y eut bien entendu et il continu a y avoir d'excellents professeurs dans cet institut, mais force est de constater qu'elle n'en est pas arrivée à cette situation toute seule et que la cause première à mon sens de tous les problèmes de cet endroit est le manque de témoignage d'une foi orthodoxe authentique, dénuées de compromis insupportables et injustifiables théologiquement parlant et ce, dès le début de sa création. J'ajouterai que ce n'est pas en inscrivant comme priorité de l'Institut "l'enseignement et la diffusion du message du Grand et Saint Concile de Crète", comme le déclara à la presse il y a quelque mois Mr. Collosimo, que la situation tendra à s'améliorer. A moins d'envisager un partenariat avec Mr. Arjiakovsky plus l'Institut catholique de Paris, en définitive créer un institut écuménique. Le Patriarche Bartholomée donnerait son accord, lui qui alla il y a peu à Taizé (comme pratiquement tous les évêques orthodoxes en France) pour se recueillir et prier avec ses frères.
Prions vraiment pour que l'unité de l'Eglise orthodoxe se renforce et que nous soyons Tous un en Christ. C'est seulement en nous aimant les uns les autres, nous autres chrétiens orthodoxes, que le monde impie aura un témoignage de la Vérité qu'est le Christ.
https://books.google.gr/books?id=Wevtvpdkul0C&pg=PA215&lpg=PA215&dq=l%27orthodoxie+parisienne+goudet&source=bl&ots=Cm9VxD4vDO&sig=h1v2xTPg7j2WCKhVgAqeI5HPKXk&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwihrNPFkdvTAhXFvxQKHbb1C_wQ6AEIJDAA#v=onepage&q=l'orthodoxie%20parisienne%20goudet&f=false

20.Posté par Vladimir.G: La page est tournée... le 06/05/2017 18:17
Bien cher Philippe Amartolos,

Vous vous êtes présenté comme "Breton, baptisé dans l'Eglise orthodoxe," mais votre patronyme n'est pas trop gaélique, et vous précisez maintenant que vous êtes "orthodoxes français par le sang et les ancêtres" ... expression dont je ne saisi pas le sens et, en tous les cas, cela n'apporte rien au débat. Mais pour vous tranquilliser, je puis vous assurer que mes ancêtres sont tous Orthodoxes sauf une branche du coté maternel: il s'agit des de Scalons, noblesse française dont l'ancêtre aurait été anobli par Godefroy de Bouillon en 1099 après s'être distingué lors de la victoire d'Ascalon (1ère croisade...) Mon ancêtre Georges de Scalon était huguenot et quitta la France pour la Suède en 1686, puis son fils Daniel s'établit en Russie en 1710 et, plus prés de nous, le général de dragons Antoine de Scalon, décoré personnellement par l'empereur de Russie Paul I "pour son courage", est tombé à la tête de ses troupes le 5 août 1812 en défendant Smolensk contre la Grande Armée... Comme vous voyez, patronymes et généalogies peuvent réserver des surprises! Je suis personnellement né Français et j'ai été baptisé orthodoxe dès ma naissance: suis-je pour autant "orthodoxes français par le sang et les ancêtres" selon votre expression? Ayant vécu à côté dans mon enfance, je connais bien St Serge... depuis plus de 60 ans!

Je vous prie de m'excuser si je vous ai blessé en parlant des Orthodoxes "idéaux virtuels pour correspondre aux canons." Je dois dire que je ne connais pas de personnes vivantes correspondant aux idéaux canoniques orthodoxes: la dernière que j'ai rencontrée fut St Jean de Shanghai, quand j'étais enfant, et je puis vous assurer que je n'ai jamais rencontré personne comme lui ensuite ... En revanche, je côtoie beaucoup d'Orthodoxes "réels ", de ceux qui ont fait brusquement irruption dans le paysage religieux occidental et dont j'ai dépeint les traits généraux dans mes commentaires (je n'en connais pas qui se référent aux Collyvades...) C'est donc pour bien faire la distinction entre un idéal inaccessible, sauf à des êtres exceptionnels comme St Jean, et les croyants de base qui font la vie de nos paroisses et diocèses que j'ai employé cette expression un peu forte qui vous a choqué. Je vous prie encore de m'en excuser.

De même que "Daru" fut pendant 1/2 siècle la principale juridiction orthodoxe en France, avec prés de 100 paroisses (l'EORHF et la métropole grecque en comptant chacune dix fois moins), l'ITO fut à cet époque le principal centre de diffusion de la théologie orthodoxe, qui permit à l'Occident de la découvrir et eut une influence certaine, en particulier sur les Catholiques (observateurs à Vatican II), comme sur les Protestants (participation au mouvement œcuménique - ses représentants formaient l'essentiel de la délégation orthodoxe à la première conférence de «Foi et Constitution», Lausanne, 1927.) Ce fut en fait le centre essentiel de la pensée orthodoxe de cette époque, les autres étant en sommeil pour des raisons historiques, et la pensée de cette "École de Paris" a ensuite été dans l'Orthodoxie, que ce soit dans la théologie russe, renouvelée après la résurrection de l'Église. ou dans le renouveau théologique grecque depuis les années 1960 (cf. http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/La-theologie-grecque-des-cinquante-dernieres-annees_a3971.html). Mais le refus de la main tendue par le patriarcat de Moscou et le repli sur soi marquent de fait la fin de cette grande période de l'ITO comme de l'Archevêché. La page est tournée...

21.Posté par justine le 06/05/2017 21:03
A Tchetnik, post 15. Certes tous les Orthodoxes dans ces pays n'étaient pas des anges, mais je parlais du peuple fidèle qui a certes existé et qui même aujourd'hui existe encore, mais décimé. Il y a en effet des laïcs orthodoxes qui vivent plus pieusement et ascétiquement que bien des moines et dont la vie quotidienne est un permanent sacrifice pour les autres au nom du Christ.

A Philippe Amartolos (Vladimir: ce mot grec qui signifie "pécheur" n'est sans doute pas le nom de famille de Philippe, mais le titre convenant à un chrétien conformément à la Prière de Jésus), posts 16 et 19: D'accord avec vos analyses, mais sur un point j'aurais des réserves, celui des traductions françaises des Saints Peres. A les examiner de plus près, d'un point de vue orthodoxe, on constate malheureusement de nombreuses lacunes dans ces traductions faites par des non-orthodoxes. A signaler plus particulièrement les traductions de St Jean Chrysostome dans la collection Sources Chrétiennes, où le texte original est en maints endroits complètement déformé, la traductrice s'octroyant des libertés excessives vis-à-vis des paroles du Saint. De plus, les notes en-bas de page par cette traductrice sont souvent biasées par la perspective néo- ou post-patristique, autrement dit par cette "relecture moderne" des Saints Pères (qu'enseigne aussi l'Institut St-Serge), les interprétant à partir de la philosophie grecque païenne, ce qui est erronnée et inacceptable.

22.Posté par Affeninsel le 06/05/2017 21:47
J'imagine qu'il est inutile de chercher à convaincre Vladimir, mais je répéterai tout de même qu'il ne s'agit pas dans l'Eglise de "prendre soin" des fidèles existants comme on sert des commandes dans un restaurant. L'Eglise est missionnaire, elle a avant tout en vue la conversion de tous ceux qui l'entourent, et non pas la satisfaction émotionnelle et esthétique des croyants existants. Autrement dit, les fidèles n'ont pas de "droit" en tant que nationaux à une liturgie dans leur langue, et le mieux que l'on puisse envisager, c'est d'avoir dans chaque diocèse une chapelle rattachée à la cathédrale dans laquelle les nouveaux arrivants qui ne parlent pas encore la langue locale puisse avoir provisoirement accès aux offices dans la langue qu'ils parlent. Mais le problème, c'est que cela implique de voir chaque fidèle non pas comme un client à satisfaire dans ses désirs parfois farfelus et incompatibles avec la piété droite, mais un prêtre et prophète, qui assume à terme individuel comme collectif la mission d'annoncer la bonne nouvelle où qu'il soit. C'est, encore une fois, ce que met en évidence Act. 8,4, et je note que personne n'a répondu à la mention que j'en ai faite.

Laissez-moi encore exprimer ma colère à lire Vladimir vanter comme titres de gloire de l'église de Russie les "réalisations prestigieuses" et "l'expansion visible" qu'elle mène actuellement. Tout ceci ne dépend que de la démographie russe, et de la richesse nouvelle des institutions ecclésiales (ainsi que des conditions économiques encore chancelantes qui poussent une partie de la population à continuer d'émigrer). En quoi est-ce là une garantie pour l'église qu'elle pourra grandir dans la paix et la foi droite ? Vous rendez-vous compte que vous voulez livrer la gouvernance de l'église à des affaires pécuniaires ? C'est d'autant plus insupportable que cette richesse de l'église lui vient en grande partie de la bienveillance (exigeante) de l'état russe à son égard : quand cette source se sera tarie, car il faut bien, au moins, l'envisager, que ferez-vous ? Passera-t-on à une autre église prospère, et de proche en proche jusqu'à transférer la conduite de l'église à des particuliers riches lorsque telle ou telle situation l'imposera ? C'est de la vénalité, et, au fond, de la simonie.

Je tiens par ailleurs à préciser à Gueorguy que j'ai, dans mon premier commentaire, parlé à la fois de la situation de l'institut et de celle de l'archevêché. Relisez bien, si je n'ai pas utilisé le "mot-clef" Institut, j'ai utilisé celui de "Saint Serge". Seulement, pardonnez-moi, j'ai le tort de vouloir remettre la question dans son contexte plus large, qui est spirituel, et non pas simplement financier. Pour la simple et bonne raison que tant qu'on n'aura pas d'étudiants français qui voudront suivre les cours, notamment en vue de l'ordination pour les paroisses françaises, on pourra avoir tout l'argent qu'on voudra, cela ne servira à rien.

Et le séminaire d'Epinay, qui est une belle réussite, à tout point de vue, ne fera pas mieux que Saint Serge et que l'Archevêché, d'ici cent ans, si le diocèse de Chersonèse s'enferme dans une contemplation passive de sa propre identité russe dont Vladimir dit que tant y sont attachés (moi je pense qu'il faut être attaché au Christ, mais passons) : en outre, c'est loin d'être le cas, puisque le père recteur Alexandre (Siniakov) mène une vraie activité missionnaire, et que Mgr Nestor est bien plus ouvert à l'effort de francisation que ne le laissent entendre les jubilations partisanes de Vladimir.

....... ....... .......

Je souhaiterais maintenant revenir sur ce que me répond Justine, car je crois aussi m'être fait "mal comprendre" : vous définissez ce que vous appelez "culture orthodoxe" comme l'imprégnation de la vie quotidienne par la prière et les offices. Il y a plusieurs choses à dire à cela : tout d’abord, comme le rappelle Tchetnik, quelques villages, ou communautés, qui auraient effectivement réussi à se sanctifier au point que Justine décrit, ne signifient pas que c’est le cas de toute une nation. En outre, Justine affirme que c’était le cas dans ces pays jusqu’à récemment, jusqu’à ce que l’Occident n’y déverse le sécularisme et bien d’autres choses encore. Il faut tout de même raison garder, et se rendre compte que les hommes, où qu’ils soient et qui qu’ils soient, ne sont jamais exempts de péché, et que la société parfaite est un idéal bien difficile à atteindre. Lorsque saint Jean de Cronstadt annonçait que la Russie devait se repentir, c’était avant le communisme, et cela montre bien que, d’elle-même, la Russie tsariste avait sombré dans le péché et la vanité. Mais quand bien même tout serait de la faute de l’Occident, quand vous dites qu’aujourd’hui tout cela a disparu, cela prouve bien qu’il n’y a pas grand-chose, aujourd’hui, dans la culture de ces pays « orthodoxes », qui soit imprégné intégralement de sainteté. Quant aux vies de saints et au synaxaire, que vous pourriez avoir la délicatesse de ne pas estimer être la seule à avoir lus, ils sont rarement la preuve de la sainteté de toute une société, mais bien souvent, à l’inverse, l’histoire du combat d’une personne (on se souviendra commodément, ici, que l’Eglise ne canonise que des personnes, et non pas des « groupes ») pour la sainteté, au milieu d’une société plutôt tournée vers autre chose.

Cela, il faut bien le voir, existe absolument partout. Un futur saint qui nous vient d’Amérique, Dimitri de Dallas, est un exemple parfait de ce qu’une nation corrompue à l’extrême peut pourtant faire apparaître de plus beau et de plus pur : cet homme, qui travailla toute sa vie à la traduction des offices en langues anglaise mais surtout espagnole, n’a fait que prier, se sanctifier, se conformer à la volonté de Dieu. Je prie pour que l’église en Amérique reconnaisse le temps venu qu’il appartient au rang des saints. Et, à plus petite échelle, il existe en France, même en dehors des monastères, des paroisses et des communautés dans lesquelles la vie, sans être commune en permanence, comporte tous les offices qu’il faut, et la prière au sein des familles ou même parfois en commun. Ma paroisse parisienne, avec tous les défauts qu’elle a (mais quelle paroisse n’a pas de défaut ?) se retrouve toujours après les offices pour partager un repas adapté à la période, et vivre la charité même en dehors des offices. Je vois mal ce qu’il y a là de « séculier » : au fond, la sainteté et l’union collective à Dieu, encore une fois, se fait partout où les hommes se réunissent pour faire la volonté de Dieu et pour se sanctifier. Partout, en Amérique comme en Russie.

Je rappelle à Vladimir, par ailleurs, que « l’idéal », quoique très difficile à atteindre, est ce vers quoi l’Eglise orthodoxe doit TOUJOURS se tourner. Que la plupart des fidèles ne parvienne pas à suivre la volonté de Dieu en tout ne signifie pas qu’il faut arrêter de leur présenter cette volonté dans sa totalité comme le seul but de notre vie. Et de fait, en se défaussant lâchement sur l’avenir au sujet de l’organisation de la « diaspora » (encore une fois, un mot qui n’existe pas dans l’Orthodoxie, où chaque fidèle est toujours à la fois familier et étranger où qu’il se trouve, s’adaptant toujours à la terre qu’il trouve) en Occident, nos hiérarques ont décidé d’abandonner l’application des canons « parce que c’est trop difficile », comprendre « parce que personne ne veut renoncer à son petit contingent de possessions à l’étranger, c’est beau et ça brille » pour proposer à la communauté des chrétiens de se satisfaire de l’état actuel, qui blesse notre unité et déplait profondément au Seigneur.

Justine me dit que « nous devons la présence de l’orthodoxie en Occident » aux immigrés (je vous ferai remarquer que je n’ai pas une seule fois utilisé le mot « immigré » dans mes précédents messages sous cet article. Il semble que vous vouliez absolument voir des fautes et des obsessions là où il n’y en a pas) : mais que faut-il en comprendre ? Que, apôtres nouveaux, missionnaires zélés, ils sont venus en Occident dans le seul but de transmettre la foi orthodoxe à ce monde décadent ? Pourtant, vous et Vladimir tenez absolument à leur reconnaitre des « droits » à rester dans le confort de leurs offices en leurs langues propres sans s’intéresser à tous les occidentaux qui aspirent à entendre le message de l’évangile. Ces personnes, malheureusement, sont souvent venues en Occident pour des raisons économiques, parfois politiques, et sans qu’il s’agisse de les renvoyer chez eux, il faut bien admettre que leur souci d’apporter la foi ici ne figure pas tout à fait en haut de la liste. Certaines communautés opposent même parfois une franche indifférence, si ce n’est de l’hostilité, envers les occidentaux qui cherchent la foi et veulent se convertir. Dès lors, « nous », pauvres Français, ne « devons » rien à ces communautés sans aucun zèle missionnaire. Nous devons tout ce que nous avons à Dieu, et à ceux qui, issus de l’immigration, ont compris que la Providence divine les envoyait en mission à travers les périples du XXe siècle, plutôt que de se refermer égoïstement sur une identité blessée et à la fois si plaisante à entretenir. Vous dites que je « peste » contre ces gens. Personnellement, même si j’entretiens en fait des relations très chaleureuses avec bien des russes et des géorgiens, j’ai attendu, pour « pester » contre certains d’entre eux, d’entendre des horreurs comme « ah non, il y a trop de Français dans cette église pour moi, je n’aime pas », ou bien « ça me fait du mal d’entendre notre prêtre parler en français pour le catéchisme », ou bien encore « mais les Français n’ont qu’à aller ailleurs, nous on ne veut pas être missionnaires ». Admettez qu’on est en droit de « pester ».

Quant à ce que Justine dit sur l’Eglise des Actes, je m’étouffe de rire : vous insistez sur le « coloris ethnique » de cette Eglise… Mais où avez-vous vu cela ? Qu’y a-t-il de juif dans le culte, alors que le culte du temple, repris par les apôtres ne vient pas des juifs mais de Dieu lui-même ? Et oserez-vous me dire qu’il y a quoi que ce soit de « grec » dans la pratique ecclésiale ? Vous moquez-vous du monde ? En réprimandant ceux qui voulaient « judéifier » (sur des critères que le Christ avait rendus caducs, comme la circoncision) les fidèles venus d’ailleurs, les apôtres ont justement cherché à supprimer de la communauté tout souci d’appartenance ethnique. Vous dites qu’il y avait déjà des tensions… et n’est-ce pas pour cela que les apôtres sont intervenus pour y mettre fin ? Voulez-vous faire de ces tensions une composante naturelle de ce qu’est l’Eglise ? Où est le lien d’amour dont parlent les canons et les écrits des Pères ? Vous vous enfoncez dans une démonstration grotesque, et même, pour le coup, blasphématoire.

Pour permettre une vraie présence (et non pas un passage destiné, comme celui de l’émigration de 1917, à s’éteindre en cent ans) de l’orthodoxie en France, il faut proposer inlassablement la parole de Dieu de manière à ce que tous l’entendent et la comprennent. Pourquoi croyez-vous que les témoins de la Pentecôte étaient ébahis par le don des langues ? Parce qu’ils voyaient les apôtres « parler dans leur langue natale » à tous. C’est bien que c’est ainsi que le Seigneur nous dit de toucher le cœur des hommes. Ce n’est pas une condition suffisante, mais elle est nécessaire à tout point de vue. Je ne me lancerai pas dans une argumentation détaillée, mais qu’on se rappelle que Paul insiste sur le besoin de dire quelque chose d’intelligible pour que celui qui écoute soit édifié. En refusant de parler dans la langue du peuple parmi lequel on se trouve, on lui refuse l’accès à la parole de Dieu. Quant à la question du bilinguisme dans les offices, je tiens à signaler à Justine, tout d’abord, que ce n’est pas une situation si répandue que cela en Amérique (ce l’est surtout dans l’OCA, et encore, pas franchement partout), c’est donc loin d’être un principe adopté par tous. Et même si c’était le cas, il faut bien voir que cela consisterait à « équilibrer » la pratique liturgique entre d’un côté ce qui peut être compris de tous et de l’autre ce qui fait plaisir à certains (souvent sur la base très vague du « c’est plus beau en slavon/grec/géorgien/roumain/arabe). Il ne peut y avoir de bidouillage de ce genre sans mettre en danger la piété des fidèles qui ont BESOIN de recevoir tout ce que dit l’Eglise. Il n’y a pas une partie ou une autre qu’on peut se permettre de ne pas comprendre.

Cela vaut même pour « l’ordinaire », c’est-à-dire les parties fixes de la liturgie, dont certains disent souvent « mais ça tout le monde sait ce que cela veut dire ». Il y a une différence entre « savoir ce que cela veut dire » (vivre la liturgie ne signifie pas seulement « savoir où on en est), et « avoir immédiatement à l’esprit le sens des mots pour les vivre directement comme la parole de Dieu et le culte des anges ». Il faut donc abandonner cette espèce d’entre-deux bancal qui, en définitive, ne résout rien (encore une fois en admettant que la pratique liturgique n’a pas à faire l’objet d’un compromis entre la volonté des uns et celle des autres… c’est pour cela que nous avons une Tradition et non un Catalogue de choix possibles).

Je voudrais dissiper un malentendu au sujet de la pratique des paroisses telles qu’on les trouve souvent en Occident. Mon propos n’est pas de dire que tout y est parfait et sans problème, et que l’Orthodoxie y rayonne sans tâche (j’ai justement cherché à montrer que face aux problèmes de l’Occident, les « pays orthodoxes » en avaient de tout aussi grave, et qu’il n’y avait aucune raison de considérer que le nationalisme vétilleux des uns vaut en fin de compte mieux que l’approche très individualiste des autres). Je ne me reconnais aucunement dans l’accumulation d’attaques de Justine qui dit « Vu à travers des lunettes occidentales, tout cela semble ridicule, utopique, et on y verse le venin de l'incrédulité, du cynisme, de la dérision. Et c'est là précisément ce qui fait que l'Occident est ce qu'il est - loin du Mystère de la Foi, du Christ, de l'Eglise, de l'âme pieuse, de l'unité véritable. Blasphème, pour le dire en un mot. Arrogance et orgueil innés, peut-être même ». Je préciserai tout d’abord que je ne suis pas un converti, mais issu d’une famille géorgienne, qui a fait l’expérience longue et douloureuse de l’ignorance totale et du dégoût de l’Eglise que produit chez un enfant francophone la fréquentation régulière d’une liturgie dans une langue totalement incompréhensible (même les Géorgiens ne comprennent pas tout, loin s’en faut, à la liturgie en géorgien ecclésiastique, qui remonte a priori au IXe siècle si ce n’est avant. Comment croire qu’un enfant, à l’étranger, dont le géorgien moderne ne serait que la seconde langue, puisse y comprendre quoi que ce soit ? Qu’on ne vienne pas nous seriner l’habituel « les familles n’ont qu’à transmettre la langue à leurs enfants. Encore que faire parler plusieurs à ses enfants soit une excellente chose, tout le temps qu’on passe à apprendre le russe à un enfant dans l’espoir qu’il comprenne le slavon à l’église est du temps perdu, qu’on gagnerait à passer à lui faire le catéchisme dans sa langue). Nulle part je n’ai nié le besoin de constituer de telles communautés fondées sur la recherche du Christ pour que la vie des fidèles soit le plus possible tournée vers Lui. Je n’ai jamais, comme certains le font effectivement en Occident, trouvé qu’il fallait ramener la pratique à environ 1h30 par semaine, et ne se soucier de Dieu aucunement le reste du temps. Je n’ai pas dit qu’il fallait volontairement estropier la Tradition pour s’adapter à tous les défauts que le monde peut produire (et il y en a un paquet) dans nos attitudes.

Je n’ai pas dit, enfin, qu’il fallait abandonner le principe d’acribie (au contraire, ce que je dis sur l’urgence qu’il y a à se conformer aux canons dans l’organisation de l’Eglise en Occident prouve le contraire) ou quoi que ce soit de ce genre. J’ai l’impression que Justine et Philippe Amartolos (pour vous j’en suis moins sûr) font un lien d’équivalence entre la francophonie et l’ouverture aux potentiels convertis d’une part, et le saccage de la Tradition, la transformation de l’Orthodoxie en festival hippie de la bienveillance envers les péchés du monde d’autre part. Que tous ceux qui pensent cela se rassurent : encore que je ne nie pas que le sécularisme soit un mal répandu chez nous, il existe bien en France et ailleurs des fidèles attachés aux offices dans la langue locale qui ne veulent rien bazarder de la Tradition, et qui veulent s’y conformer. Et le rétablissement du secret dans les prières à voix basse de la liturgie, la constitution d’iconostases réelles et non symboliques (style deux icônes sur des pupitres, ce qui annihile tout sens du mystère), le maintien des exigences traditionnelles en termes de jeûne, d’agenouillement dans les offices où cela n’est pas défendu, de discipline dans l’accès à la communion (notamment la participation aux vigiles la veille), tout cela, qu’on se rassure, NOUS APPROUVONS.

D’ailleurs, parmi les champions les plus zélés de la lutte contre l’œcuménisme (que je réprouve aussi lorsqu’il dépasse le simple dialogue entre les fidèles, hiérarques et autres membres de l’Eglise et les membres d’autres confessions), il y a sur PO des francophiles au moins autant, si ce n’est plus, que de slavo/héllénophiles. Et quelqu’un comme Jean Claude Larchet commence son livre sur la liturgie en rappelant qu’une liturgie ne peut être pleinement reçue que lorsqu’elle est compréhensible.

Quant à ce que dit Philippe Amartolos sur la nécessaire adaptation aux « codes » des communautés venues de l’étranger, je dirai d’après mon expérience qu’elle se fait souvent volontiers de la part des convertis, pour peu que : ces convertis soient accueillis dignement (et bien des paroisses ethniques sont incapables au dernier point du moindre geste en ce sens, c’est un FAIT), que les offices soient dans la langue locale (sans quoi on ne s’adapte pas à des codes, mais, comme vous le dites, on se voit imposer la tâche surhumaine de se transformer en autre que ce qu’on est pour avoir accès à l’orthodoxie, ce qui ne devrait être exigé de personne), et que ces codes eux-mêmes respectent les canons de l’Eglise (car certaines traditions locales sont parfois en opposition manifeste avec la piété reçue d’en haut). J’ajoute d’ailleurs qu’il suffit de lire Jean Claude Larchet (j’espère que personne ici n’aura l’audace de le considérer comme une lecture moderniste ou je ne sais quoi) pour se rendre compte que souvent, entre deux « traditions » locales qui diffèrent sur tel ou tel point liturgique, il y en a une qui est historiquement ou théologiquement valable, et une autre dont on se rend rapidement compte qu’elle ne tient pas et qu’il faut la supprimer (ainsi de l’ordo grec pour l’Annonciation, dont le futur Mgr Job expliquait dans son Typikon décrypté qu’il était une réduction inacceptable d’une version antérieure ; ou de la tradition russe et roumaine concernant la préparation à la communion, qui entraîne d’importantes modifications dans la conscience ecclésiale).

Autant dire, donc, que le but, si l’on veut installer l’Orthodoxie en France, n’est pas de copier scrupuleusement et systématiquement ce qui se fait dans un des pays d’origine (encore que certaines paroisses fondées par des communautés immigrées l’aient fait, ce qui est naturel, mais peut, avec le temps, et la volonté de manifester l’unité de l’église, se réformer tranquillement et sans à-coups), mais plutôt de chercher à savoir quelle tradition est en réalité la Tradition, pour que la pratique liturgique et sacramentelle soit la plus transparente possible à la Grâce de Dieu. C’est d’ailleurs le sujet d’une récente interview de Mgr Kallistos relayée par PO.

Une dernière remarque à l’intention de Justine : vous concluez votre message en disant qu’il faut que les évêques abandonnent l’œcuménisme pour que la mission ait vraiment lieu… Mais n’est-ce pas là le plus gros défaut de votre conception de l’Eglise ? Attendre que les évêques soient parfaits et fassent tout le travail pour se mettre soi-même à annoncer la bonne nouvelle ? Où avez-vous vu cela ? Personnellement, je me moque que mon évêque soit œcuméniste : au contraire, plus il l’est, plus j’estime qu’il est en mon devoir de parler de l’Eglise sans concession à ceux qui veulent l’entendre autour de moi. Voilà bien une manière étrange de concevoir les choses. Je trouve précisément qu’il y a une forme de papisme, puisque c’est le point focal de votre attention, à attendre d’un hiérarque qu’il soit absolument parfait pour se mettre à sa suite. Un évêque n’est qu’un homme, parmi les fidèles. S’il fait fausse route, il n’engage que lui-même, et les fidèles, qui sont tout autant responsables de la propagation de la foi, doivent redoubler d’efforts plutôt que de se replier dans une bouderie qui cache mal une certaine forme de paresse.

23.Posté par Tchetnik le 07/05/2017 07:13
@Justine

On est bien d'accords sur cette présence réelle d'un Christianisme sincère, authentique et vécu avec intensité dans le peuple, ce à tous les niveaux intellectuels et sociaux, mais il a toujours été et reste hélas minoritaire, ce qui ne signifie pas qu'il ne soit pas légitime et porteurs de fruits.

Je ne crois pas que vous ayez tort sur l'essentiel, dans l'ensemble, ce que vous dites est pertinent, mais il ne faut pas confondre l'effet et la cause. Laquelle peut vivre sans l'effet même si l'effet en question (les patrimoines culturels) sont vecteurs de beauté, d'idéaux et peuvent jouer leur rôle dans le cheminement spirituel de tout un chacun, à condition d'être vus pour ce qu'ils sont en réalité, à savoir des expressions de quelque chose de plus grand. Quelque chose qui s'incarne déjà dans le langage de l'intelligence des Hommes par ses dogmes, enseignements, idéaux, témoignages de foi patristiques, scripturaux...

24.Posté par justine le 07/05/2017 15:10
A l'auteur du post 22 (pardonnez-moi de ne pas utiliser votre pseudonyme; il m'est difficile de m'adresser à des singes):

Impossible de répondre à votre commentaire fleuve en détail. Seulement concernant les Actes des Apôtres: L'Eglise primitive ne reprend-elle pas pour son culte les éléments du culte du Temple? Les Apôtres n'allaient-ils pas au Temple pour prier (Actes 2,46; 3,1). Ne priaient-ils pas les Heures selon la tradition juive? N'utilisaient-ils pas l'Ancien Testament et le Psautier des juifs? Seriez-vous monophysites, voulant nier la Nature humaine du Christ et prétendre qu'elle fut absorbée par Sa Nature divine? Je m'adresse aussi à Tchetnik qui dit que "le Christ est au-dessus de toutes les identités culturelles". Le Christ S'est incarné dans le peuple juif tout en étant et restant Dieu. Et par la hiérapostolie universelle Il veut s'incarner dans chaque nation sous le ciel. Car il ne suffit pas de connaître la Foi par les livres et de pratiquer une Orthodoxie théorique, livresque. L'Orthodoxie est précisément ce qu'elle est parce qu'elle n'est pas une théorie, et elle n'est pas un enseignement, une morale, une idéologie, elle n'est pas une "religion". Elle est la Vie, expérience, relation vivante avec Dieu, les frères dans la Foi, tout homme et toute la création qu'elle transfigure et élève à un autre niveau d'être.

Je vous plains beaucoup de ne pas connaître la réalité de cette incarnation, laquelle en vérité ne peut être connue qu'au contact d'un peuple profondément orthodoxe depuis des millénaires, comme l'est par exemple le peuple de Crète, converti par l'apôtre Paul et qui a souffert extrêmement pour sa Foi pendant de longs siècles - sous le joug roméo-catholique vénitien, sous le joug musulman turc, sous le joug nazi. Sa Foi et son histoire l'ont forgé en un peuple orthodoxe dont les racines sont si profondes et les liens si forts que rien ne pourra jamais les extirper. Afin de ne pas me perdre en vaines paroles, je vous joins le lien d'un documentaire qui montre assez bien ce que cela signifie. La dimension mystique de l'évènement filmé ne perce que par endroits, évidemment, car la pellicule n'en fixe que les expressions extérieures. Mais je pense que votre sensibilité saura voir au-delà de celles-ci. La video est de 40 min. Parlé en grec avec sous titres anglais.
https://youtu.be/98iVpHHh3A4

Au fond, pourquoi nous disputons-nous? Ce que vous désirez, d'après ce que j'ai compris, c'est que l'Orthodoxie s'incarne en France, et vous vous dressez contre ses expressions grecques, russes etc. Donc en fait on dit la même chose - la Foi Orthodoxe s'enracine en chaque lieu dans des formes propres à ce lieu. Mais c'est un processus lent et il ne peut se faire sans le Levain Sacré. Or, en France, ce Levain vous a été apporté par les Russes, Grecs etc. Les livres ne suffisent pas, car la Vie qui a produit les livres vit dans l'EGLISE (orthodoxe, s'entend) et se communique par ses Mystères. Patientez donc et oeuvrez dans la bonne direction, et la pâte lèvera.

25.Posté par Tchetnik le 07/05/2017 16:07
Force est de reconnaître que les Russes, Grecs et autres ont gaspillé le levain qu'ils auraient en effet pu apporter. Et sont devenus comme des figuiers desséchés ou les Hébreux du temps d'Achab.

Patienter est bien, agir dans le bon sens - en décarrant ceux qui vont dans le sens inverse - est mieux.

26.Posté par justine le 07/05/2017 16:54
A Tchetnik, post 23: Est-ce que les patrimoines culturels orthodoxes sont simplement un effet de la cause, laquelle pourrait exister sans lui? Je pense plutot qu'ils jouent un role essentiel pour la sauvegarde de ce qui est plus grand (non pas la sauvegarde de ce "plus grand" en soi, mais de son action dans les hommes). Car sans ce milieu culturel qui fonctionne comme une ancre, un terreau et un garde-fou, les hommes se dispersent et s'égarent, comme on le voit bien dans les cas où il a été détruit. L'Occident n'est-il pas l'exemple le plus explicite de tout cela?

27.Posté par Affeninsel le 07/05/2017 16:59
Puisque Justine réduit (compréhensiblement) le débat à la question du "peuple fidèle" laissez-moi vous rappeler quelque chose : tout d'abord ce n'est pas de la génétique hébraïque, comme je l'ai déjà dit, que nait le culte juif qui devient ensuite chrétien, mais de la volonté de Dieu (je ne vous ferai pas l'insulte de vous renvoyer aux passages du Pentateuque qui le montrent suffisamment). Du reste, l'histoire des premiers temps, y compris dans les Actes, montre bien qu'une immense partie des premiers convertis juifs s'éloigna plus tard de l'Eglise à cause de la question de la divinité parfait et entière de la Personne du Christ. Et, dans le cas de la conversion de royaumes préexistants, comme en Géorgie, ou chez les slaves plus tard, il n'y a pas eu de contact avec un "peuple profondément orthodoxe". En Géorgie, c'est même par la partie du royaume la plus isolée de l'Empire Romain, et donc de potentiels contacts avec des communautés chrétiennes, que l'Eglise fut vraiment affermie, uniquement grâce à la venue d'évêques missionnaires et non de populations entières. Même chose, d'ailleurs, en Angleterre à partir du VIe siècle, ce sont des missionnaires ecclésiastiques qui vinrent. De même, encore, en Irlande, comme l'enseigne la Tradition hagiographique de saint Patrick.

Je pense que vous vous perdez dans cette comparaison abusive entre l'Incarnation de Dieu et "l'incarnation" du message dans la vie des hommes. Pour moi, cela a plus à voir avec la question de la langue, mais aussi celle de la splendeur du culte chrétien, qui est une "incarnation" de la Splendeur de Dieu. Mais vouloir y mêler de la nationalité est bancal, preuve en est que dans votre dernier commentaire, vous ne donner aucun contenu à cette part "locale" qui viendrait de l'incarnation... toutes vos autres définitions, nous l'avons vu, sont assez spécieuses.

Au fond, je pense que ce que vous dites se corrige et s'affine en regardant ce que disait Séraphin (Rose) de bienheureuse mémoire au sujet des convertis en Amérique : qu'il leur fallait encore, au contact des générations passées, recevoir la plénitude de l'expérience de la vie ecclésiale, au lieu de reconstruire cela dans leur coin. De cela je demeure d'accord, et c'est notamment pourquoi des expériences comme l'ECOF ont échoué.

Mais, encore une fois, fréquenter les générations précédentes, même si elles sont majoritairement composées de personnes immigrées, ne signifie pas se voir imposer leur langue qui est, je l'ai prouvé plus haut, un obstacle inadmissible. Ces personnes sont tout à fait capables, dans la langue de leur pays d'accueil, d'opérer cette transmission qui est effectivement nécessaire (n'oublions pas que c'est dans le système mahométan que celui qui se déplace transporte avec lui son propre droit pour l'imposer aux autres, tandis que dans le Christianisme, l'individu est appelé, en préfiguration de l'Unité de tous en Christ, à s'unir à l'ensemble qu'il rejoint plutôt que l'inverse. C'est un signe, notamment, d'humilité, et de circonspection devant ce qui est permanent plutôt que temporaire, à savoir, les cultures répandues par Dieu sur la Terre, par opposition à l'individualité propre de chacun). Et, tout en ayant profité de cette transmission faite par les Russes et le Géorgiens dans mon expérience propre (vous gagneriez à ne pas présumer que vous êtes la seule à connaitre "la réalité de cette incarnation"... ce n'est pas, ce me semble, très humble ni charitable), je vois bien que ce "mécanisme" mystagogique, qui n'est pas un don des hommes mais un don de Dieu, aurait fonctionné mille fois mieux, et surtout n'aurait pas risqué de me dégouter à tout jamais de l’Église, si ces paroisses avaient été francophones et ouvertes aux orthodoxes d'autres horizons.

Donc oui, nous prions, nous prions pour que la pâte lève. Et nous considérons que plus les orthodoxes se comporteront comme des personnes animées par le désir de servir Dieu et non comme des groupes d'intérêt, plus vite, et mieux, la pâte lèvera.

28.Posté par Tchetnik le 07/05/2017 17:16
@Justine

On est bien d'accord sur le rôle porteur d'évangélisation, de beauté, de Vérité de la culture, à condition toutefois que l'on considère les aspects les plus classiques, beaux et profonds des cultures. Ne pas mettre Petar Petrovic Njegos, Papadiamantis, Dostoïevski ou même Chesterton ou Psichari sur le même plan que le pirojok, la souvlaki ou le rebetiko, par exemple. Or ce sont hélas les aspects les plus faciles à consomer, les plus superficiels et les moins profonds qui sont pratiqués dans ces "paroisses"...

Et, pour aussi importantes qu'elles soient, ces cultures ne seraient rien sans le Christ qui est le 1 qui donne leurs valeur aux zéros alignés.

29.Posté par Tchetnik le 07/05/2017 17:18
Et dans ce cas, la culture Anglaise, Française...devrait autant jouer ce rôle d'ancre que la Russe ou la Grecque, ce d'autant plus que Bossuet ou Corneille, pour "Catholiques" qu'ils sont, portent certainement bien plus Jésus Christ que le blini...

30.Posté par Théophile le 07/05/2017 17:45
"Et ne prétendez pas dire en vous-mêmes: Nous avons Abraham pour père! Car je vous déclare que de ces pierres-ci Dieu peut susciter des enfants à Abraham." Matthieu 3, 9.
Ce n'est pas les Grecs ou les Russes qui ont amené la foi orthodoxe en Europe occidentale, mais des chrétiens orthodoxes, quelle que soit leur origine - et que le Seigneur a fait venir ici pour témoigner de sa Lumière en ces lieux. Et leur témoignage a porté du fruit, même si cela semble peu sociologiquement.

Dans l'Antiquité, il y avait l'Eglise issue de la Circoncision et l'Eglise issue des Nations (les Juifs et les Païens). Il n'y avait pas l'Eglise des Grecs. Cette notion n'a aucun fondement ecclésiologique ancien. C'est même un anachronisme complet de penser ainsi. Voire une notion complètement moderne et déchue du christianisme, issue des nationalismes du XIXe siècle, ou au mieux, de l'opposition à Rome - dans une vision romaine.
Si le christianisme a survécu en Russie, c'est par l'action du Saint-Esprit et des saints, notamment des martyrs. Ils ont sauvé la Russie par leur foi et leur persévérance dans l'Evangile, non par leur attachement à la culture du XIXe siècle si belle soit elle.

31.Posté par justine le 08/05/2017 10:47
A Tchetnik, posts 28: Il ne faut pas confondre la décadence et les abus avec l'essence d'une chose. L'important c'est de mettre un terme à la décadence et aux abus et de revenir à l'essence - tâche éminente des pasteurs! Mais les fidèles eux-mêmes y ont un rôle important à jouer ici, par leurs critiques justifiées et surtout en donnant le bon exemple en refusant de suivre cette dégringolade. Pour le reste (ancre anglaise, Bossuet, blinis etc.), soyons sérieux.

32.Posté par justine le 08/05/2017 12:47
Post 27 : " ce n'est pas de la génétique hébraïque, comme je l'ai déjà dit, que naît le culte juif qui devient ensuite chrétien, mais de la volonté de Dieu" . - Pourquoi êtes-vous donc si rigide dans votre façon de penser? Pourquoi n'y a-t-il que le "ou ceci ou cela" et y manque le "aussi bien ceci que cela"? Le culte juif a sa source dans ce que tous nous savons par la lecture de la Sainte Ecriture: dans les instructions que Moïse reçut de Dieu. N'est-ce pas Dieu Lui-même qui avait fait jadis des Hébreux Son peuple élu auquel Il révéla Ses volontés? Que cela vous plaise ou pas, Dieu est le Créateur non seulement du Ciel et de la Terre, mais aussi des peuples dont Il fixa même les limites selon le nombre des Ses Anges (Deut 32,8). Et si vous voulez, en tant que tel Il est aussi le Créateur de leur génétique. Une partie de ce peuple s'est détourné de Lui, c'est vrai, et le sens de ce fait reste pour le moment caché dans l'abîme des Desseins divins, mais l'autre partie Lui est restée fidèle et a formé la Première Église dont nous Orthodoxes sommes tous les enfants.

Vous oubliez que les peuples slaves et géorgien ont reçu la Foi orthodoxe non pas d'un parachute tombé du ciel, mais - et ceci également selon la Providence divine et dans le Saint Esprit - par des missionnaires orthodoxes qui eux, provenaient de Traditions orthodoxes déjà bien établies: la grecque de Byzance dans le cas des Slaves, de Jérusalem et d'Antioche dans le cas de la Géorgie. Et ainsi ces peuples sont a leur tour devenus des nations orthodoxes développant leur propre tradition conformément à leur génie propre, don de Dieu lui aussi:

On peut s'etonner, voire s'irriter de constater dans cette discussion une telle volonté contradictoire de nier d'une part, non seulement la notion de peuple, de nation (c'est à la mode et conforme au projet globaliste et écuméniste), mais encore le droit à l'existence des Orthodoxes étrangers venus en France - ici, comme par miracle, vous oubliez tout d'un coup la Providence divine - , et de l'autre d'affirmer votre droit exclusif de Francais de souche (???) à l'existence sur terre francaise! A croire que vous êtes opposés au nationalisme et au racisme....

Une chose est de critiquer le sécularisme au sein de l'Eglise (orthodoxe s'entend), une autre de dénigrer de manière générale les peuples orthodoxes et leurs traditions particulières (ce qu'on appelle Orthodoxie grecque ou russe ou serbe ou roumaine ou géorgienne ou arabe etc.), nées au fil de siècles d'une vie chrétienne orthodoxe, payée très souvent par des sacrifices dont je ne sais si vous seriez prêts à les assumer. Vous dites que ni le Christ ni les Saints n'ont quelque chose à voir avec ces traditions (et de grâce, cessez de limiter d'une si mauvaise foi ces traditions aux blinis et aux danses, voire d'y mêler la rebetika qui ni n'a rien, mais alors absolument rien à voir avec la tradition orthodoxe, mais est un genre musical tout a fait séculier des soulards grecs). Mais si en effet vous lisiez les Vies des Saints, vous sauriez qu'ils sont nés et ont grandi et mûri dans ces traditions, qu'ils en sont même les fruits, et les meilleurs avec cela, qu'ils ont été les protecteurs les plus dévoués de leurs peuples - pensez p.ex. a St Serge de Radonège ou a la Sainte Reine Tamar ou a Saint Cosmas d'Etolie -, qu' ils sont leurs intercesseurs désignés devant le Trône de Dieu et seront leurs défenseurs au Jugement Dernier; et que le Christ bénit les peuples orthodoxes et leur donne Sa Force dans leurs luttes pour survivre en tant que tels "au milieu d'une génération tordue et perverse" (cf. Phil 2,15).

Je crois que c'est une erreur de vouloir bannir la notion de peuple de la vie spirituelle, déjà que dans la Sainte Ecriture on ne trouve nulle part un tel ostracisme. Tout au contraire: le Christ ne commande-t-il pas aux Apôtres d'aller convertir des nations! "Allez et faites de toutes les nations des disciples et enseignez leur de tenir...." (Mt 28,19). Et c'est une erreur aussi de se dresser contre les traditions des peuples orthodoxes, sous prétexte que "le christianisme" suffit! Sert-on du vin sans coupe? Le Christ Lui-meme dit que le "vin nouveau" se met dans des "outres nouvelles", et non pas qu'on peut maintenant se passer d'outres.

33.Posté par Tchetnik le 08/05/2017 15:37
@Justine

Justement, je suis sérieux. Au point qu'un prêtre russe peut parfaitement citer Chesterton ou Louis XVI, ce qui aura en termes d'impact Chrétien, bien plus d'efficacité que de faire une soirée pirojki.

Pour stopper la décadence, il est important de transmettre ce que l'Eglise doit transmettre -Vérité, Grâce, Salut...- avec les moyens qu'elle possède déjà en propre, en s'adressant autant à l'intelligence qu'au sentiment. Surtout en parlant vraiment Evangile et pas autre chose.
Or, telles qu'elles existent, les paroisses "Orthodoxes" sont de moins en moins des églises et de plus en plus des lieux déchristianisés.

En effet, les fidèles y ont un rôle à jouer et peuvent effectivement donner de bien meilleurs exemples que bien des pasteurs, mais les pasteurs doivent veiller à ce que leurs églises ne deviennent pas des clubs ethniques.

34.Posté par Tchetnik le 08/05/2017 16:56
@Justine

On ne dénigre pas les traditions particulières, mais simplement les places illégitimes qui leurs sont données. La culture Grecque a sa place en Grèce, pas en France. la culture Russe a sa place en Russie, pas en Angleterre. On pourrait inverser votre postulat. Pourquoi refuser aux Anglais, aux Français... ce que les Russes ou autres réclament à cor et à cris? Pourquoi ne faire du patriotisme qu'à sens unique, pour tenir un discours digne de la LICRA quand il s'agit de justifier des "droits" à des étrangers qui ont d'abord le devoir d'agir en Chrétiens et pas en racialistes?

L'Eglise doit toujours s'incarner - dans une perspective de mission et d'évangélisation - dans l'héritage culturel et linguistique des nations où elle se trouve. Les autres héritages ont certainement leur place en familles, mais pas dans l'espace public de l'Eglise qui ne doit surtout pas être ethnique dans son organisation. Ce sans nier le fait national ou familial qui sont en effet bénis de Dieu, mais à leur place, pas comme dieux païens.

35.Posté par Affeninsel le 09/05/2017 02:33
Chère Justine, vous n'avez toujours pas donné de définition satisfaisante à ce que vous appelez ces "traditions". Encore une fois, s'il s'agit de se sentir chrétien au sein d'un peuple chrétien, personne ne dit le contraire (je mets juste en garde contre certains abus qu'on a faits de cette approche). Mais ensuite, je rejoins Tchetnik : il n'y a pas d'ethnie qui compte, mais un territoire, parce que la terre qu'habite un peuple lui est intimement liée, dans l'anthropologie chrétienne, j'imagine que je n'ai pas besoin de développer le sujet. De ce fait, lorsque les patriarches d'Antioche puis de Constantinople décident de donner le droit à certaines églises autocéphales de se donner des primats qui portent une titulature identique à celle des patriarches de la pentarchie, cela se fait toujours pour unifier un peuple sur un territoire donné, autour de la culture qui habite ce territoire précis. C'est lorsque l'on déborde de ce territoire, en juridiction comme en culture (c'est-à-dire en langues, en pratique, en "traditions" locales) que commencent les problèmes. Il n'y a donc pas "d'orthodoxes étrangers venus en France", car encore une fois la terre prime sur l'individu. Chaque orthodoxe en Russie est un orthodoxe de tradition russe, et chaque orthodoxe en France est un orthodoxe de tradition française (même si aujourd'hui cela ne signifie pas plus que l'utilisation de la langue française). C'est une question d'unité, sachant que cette diversité doit se vivre, mais entre les territoires (et, ecclésiologiquement, entre les églises territorialement définies qui les recouvrent).
Je remarque, puisque vous parlez à nouveau de la Providence divine sur la question des chrétiens "étrangers" venus en France, que vous ne répondez pas à nombre de mes arguments, notamment celui que j'ai donné sur ce sujet : je le répète donc. C'est bien la providence qui a amené ces chrétiens ici. J'en rends grâce à la Providence, et non à eux-mêmes, car ils ont encore, pour beaucoup d'entre eux, à se montrer dignes du choix que Dieu a fait d'eux pour répandre la foi orthodoxe ici.
Pour finir, je vous rappellerai que même si c'est au travers de peuples déjà orthodoxes que Géorgie puis Bulgarie, Ruthénie etc. ont reçu la foi, les missionnaires qui furent envoyés affermir la foi eurent pour premier soin de traduire les textes liturgiques et bibliques dans la langue locale. Nous sommes donc bien arrivés au cœur du problème, Justine : reconnaitrez-vous que c'est là le fin mot de l'histoire, ou non ?

36.Posté par Tchetnik le 09/05/2017 13:14
Le premier contenant pour le Christianisme, ses idéaux, son enseignement n'est pas constitué par les héritages culturels et historiques nationaux - ce qui ne signifie pas qu'ils ne soient pas utiles et légitimes, mais simplement que la transmission du Christianisme ne leur échoit pas en premier lieu.

Le premier contenant reste simplement la Sainte Ecriture, les témoignages de foi des Pères, les écrits et témoignages de spirituels postérieurs...Toute chose qui se suffit en principe, même si la beauté culturelle est effectivement un bon adjuvant.

37.Posté par justine le 10/05/2017 16:09
Post 35: "Chaque orthodoxe en Russie est un orthodoxe de tradition russe, et chaque orthodoxe en France est un orthodoxe de tradition française " - comme c'est facile de schématiser ainsi depuis le fauteuil du penseur-théoricien! La réalité de l'être humain vivant vous est-elle donc si étrangère? Cette réalité vivante signifie qu'un Orthodoxe venu de Russie ou de Grèce par exemple porte en lui tout un univers particulier, et vous lui demandez de s'en défaire du jour au lendemain! Et ceci au profit de quoi exactement? C'est quoi cette "tradition française"? A part apprendre la langue française, ce qui va de soi, je ne vois vraiment pas ce qu'on pourrait exiger de ce pauvre Russe ou Grec pour vivre en Orthodoxe en France. D'autant moins que l'église qu'il fréquentera a été construite par ces devanciers russes ou grecs, est entretenue par sa paroisse de l'Eglise russe ou grecque etc. Lui demanderez-vous de laisser tomber le chant ecclésiastique russe ou byzantin? Pour adopter quoi? Ou l'hymnologie des saints hymnographes parce que ces derniers ne sont pas français, ou le cycle des fêtes du calendrier russe ou grec? Pour adopter quoi? Le fait est que tout simplement une Orthodoxie de tradition française, pour le moment, cela n'existe pas.

Vous demandez une définition de la notion de "tradition". Le Larousse dit : "Transmission de...... pendant un long espace de temps". Notez en tout premier la dimension du temps. Dans le cas de l'Orthodoxie, il s'agit de la transmission d'abord de la Foi orthodoxe et de l'éthos orthodoxe, l'esprit ecclésial ou conscience ecclésiale, puis de la théologie orthodoxe (non pas écuméniste, néo- ou postpatristique, syncrétiste, mélangée aux protestantismes ou papismes ou psychologismes et idéologies modernes), des Saints Canons, de la vie liturgique avec son trésor hymnographique tout entier oeuvre de nos Saints théologiens, constituant l'expression poétique et musicale de la théologie orthodoxe, ensuite de la musique ecclésiastique, l'iconographie sacrée et ses canons, le cycle des fêtes et la manière de les célébrer, l'architecture ecclésiastique, l'aménagement intérieur des églises, les objets du culte et leurs symboliques respectives, le monachisme, la prêtrise orthodoxes, l'administration ecclésiastique, les divers artisanats ecclésiastiques, l'alimentation en période de fête et de jeûne, l'éducation des enfants, la vie conjugale etc..etc.

Il y a donc la dimension du temps. D'ici cent ou deux cents ans peut-être, avec l'aide de Dieu, on pourra parler d'une Orthodoxie de tradition française, à condition évidemment que les Français se convertissent coeur et âme à l'Orthodoxie dans ses traditions existantes, devenant des fils des Saints Pères, marchant loyaux et reconnaissants sur leurs traces. Ainsi ils recevront la Grâce divine et seront à même de créer une Orthodoxie française. A cette fin, prions le Seigneur et la Mère de Dieu que vous soient donnés des pasteurs dignes de leur fonction. Amen.




38.Posté par justine le 10/05/2017 16:36
Encore au post 35: En effet, les Illuminateurs des Slaves dont nous célébrons la mémoire demain ont traduit les textes liturgiques dans les langues locales (d'ailleurs je ne mets aucunement en question cette nécessité, bien au contraire), mais c'étaient des Saints aux dons non seulement linguistiques excellents, mais aussi du Saint Esprit, et leurs traductions touchaient les coeurs de ceux qui les entendaient. Peut-on dire la même chose des traductions françaises existantes, produites soit par des "comités de traduction", soit par des hétérodoxes? Je plains en tout cas les Français qui ne connaissent les textes liturgiques orthodoxes que par Denis Guillaume ou par ces comités.... Et puis, "l'histoire" ne se limite pas à cela, à la langue, je veux dire. Voyez la définition de "tradition" dans mon post précédent.

Si je ne réponds pas à certains de vos arguments, c'est que je n'y vois la raison, vu que je suis d'accord avec vous. Là pourtant où je ne suis pas d'accord, c'est dans la généralisation de vos dures critiques à l'égard des Orthodoxes venus en France d'ailleurs. Généraliser est toujours une injustice.

39.Posté par Tchetnik le 10/05/2017 20:29
Quand Cyrille et Méthode ou Naum et Clément d'Ohrid ont traduit les textes, ils n'étaient pas encore saints...

Et ce travail d'incarnation de la Parole de Dieu dans les langues comprises par les autochtones reste indispensable, qu'il soit ou pas réalisé par des saints n'a pas d'importance fondamentale.
Les traductions Françaises ou Anglaises ont certainement leur limites, elles n'en demeurent pas moins indispensables et ont le mérite d'exister.

Et - encore une fois - la "Tradition" de l'Eglise ne se trouve pas dans les héritages culturels et historiques au demeurant beaux et utiles qu'elle a suscités.

40.Posté par Théophile le 11/05/2017 12:55
@ Tchetnik
Exactement! L'oeuvre de mission est au coeur de l'Eglise et s'est toujours adaptée au territoire visité, avec économie - en gardant le trésor, qui est la foi orthodoxe.
Ceux qui prétendent nouer de pesant fardeau au nom de la culture d'origine des missionnaires se font maîtres au lieu d'être serviteurs de l'Eglise. Ils veulent imposer leurs habitudes culturelles pour s'en glorifier, comme d'autres ont voulu imposer la circoncision.
Cela ne signifie pas qu'il faille renier ses origines, ni jeter quoi que ce soit, mais chaque chose à sa place. Simplement ne pas mélanger la chair et l'Esprit. Le Christ a prêché à tous - car Il veut le salut de tous - il a donné la mesure de ce qu'étaient les traditions humaines et de ce qu'était l'Esprit. Si le Christ a agi avec tant de discernement dans le judaïsme antique - qui portait pourtant tous les trésors culturels de l'Ancienne Alliance, combien plus nous faut-il agir avec modestie et humilité - nous qui sommes issus de l'Eglise des Nations.

41.Posté par Affeninsel le 12/05/2017 22:29
Justine, à ceux qui, comme vous dites, apportent avec eux tout un univers russe ou grec, je demande tout simplement de ne pas l'imposer aux orthodoxes encore nouveaux dans la foi (ils peuvent bien le garder, mais en privé), et de ne pas imposer leur langue dans les offices (et surtout pas à leurs enfants, que cela éloigne trop souvent de l'Eglise) D'ailleurs, vous dites qu'il va de soi d'apprendre la langue française... certains, après plusieurs années de présence ici, ne l'ont TOUJOURS PAS FAIT. Voilà en quoi consiste, pour l'instant, dans l'attente, la "tradition française". Pour le reste, l'architecture, par exemple, il n'y a là rien de proprement grec ou russe. A part les bulbes dorés, qui sont franchement surfaits, et qui datent, comme d'habitude, de l'époque de l'hubris de Pierre le petit, l'architecture répond à une symbolique précise, elle est donc de Dieu et non des hommes, peu importe ensuite si on l'habille de pierre ou de bois... Ensuite, viendra, effectivement avec le temps, une hymnodie propre à la langue française (comme est venue la musique canonique géorgienne, l'hymnodie bulgare, aujourd'hui disparue, et les quelques traditions des slaves de l'Est, connues sous le nom de chant kiévain, znamenny ou de Valaam : tout cela constitue bien une évolution à partir de la musique héritée des Grecs, j'espère que vous n'aurez pas l'outrecuidance d'en refuser le droit aux orthodoxes francophones. Du reste, rassurez-vous, personne ne veut chanter les offices en français sur du Debussy ou sur du Booba).

Ce que vous appelez la Tradition, je vois en fait mal ce qu'il y a en elle de proprement russe ou grec. Aucun de ces éléments d'est rejeté par les francophones, en tout cas pas au nom de leur identité occidentale, je ne vois pas où cela aurait eu lieu. Je noterai tout de même que les calendriers grec et slave diffèrent en cela que chacun vénère plus systématiquement des saints locaux dans les offices, ce qui est normal, et je sais que l'église en Géorgie, jusqu'à la destruction tsariste, avait même adapté le calendrier de l'apodose de la Théophanie pour célébrer la fête de sainte Nino en toute solennité. Adapter le calendrier en fonction du lieu où l'on se trouve est donc tout à fait normal, et il y a en France pléthore de saints orthodoxes dont nous aurons bien besoin pour affermir notre foi. C'est un enjeu majeur de notre avenir ici. Nous ne pouvons ignorer les saints sur lesquels nous marchons. Il faut donc d'urgence placer un grand nombre de saints français en haut des listes du synaxaire, et leur chanter les offices du jour en priorité (en dehors des grandes fêtes et des grands saints "universels" comme les docteurs, les anargyres etc.)

J'ajouterai que tout cela viendra bien sûr avec le temps, mais qu'il faut dès maintenant s'y atteler, car rien de tout cela ne se fera sans que les hommes s'en mêlent. Je rejoins donc aussi Tchetnik et Théophile au sujet des traductions : si vous voulez nous faire croire qu'il vaut mieux pas de traduction du tout que des traductions défectueuses (et elles le sont), laissez-moi vous dire que vous vous trompez grandement. Saviez-vous, d'ailleurs, que saints Cyrille et Méthode produisirent premièrement des traductions assez éloignées du grec pour les faire rentrer dans la mélodie byzantine ? Ces traductions quelque peu défectueuses furent à l'origine des réformes du Patriarche Nikon qui provoquèrent le schisme d'Habacuc. Les défauts qui s'y trouvaient n'empêchèrent pas, bien sûr, les peuples slaves de prospérer spirituellement. De même ici en France, encore que je suis d'accord pour dire qu'il faut au plus vite expurger les traductions des fautes au plus vite. Mais là encore, vous semblez vouloir attendre "la sainteté" avant d'entamer ce travail. Si vous êtes familière avec l'ascèse orthodoxe, vous savez qu'aucun saint ne se sait "saint", mais au contraire se croit le dernier des pécheurs. Croyez-vous que Cyrille et Méthode aient attendu un flash lucide, ou un coup de fil du ciel avant de se mettre à traduire ? Il faudrait peut-être appliquer cela aux iconographes aussi, alors... D'autant plus que bien des hymnographes de notre Eglise ne sont pas canonisés (la tradition rapporte même que l'un des passages les plus beaux de l'hymne de sainte Cassienne pour le Mercredi Saint aurait été écrit par Théophile, l'empereur iconoclaste...), leurs textes n'en figurent pas moins dans nos offices. Alors ne mettons pas de fausse prudence dans cette question : Dieu nous demande de traduire, traduisons, en priant, en restant vigilants, en suivant tout ce que dit la Foi. Les erreurs de certains n'infirment pas le principe lui-même.

42.Posté par justine le 13/05/2017 14:58
Réponse au post 41: Voilà donc que vous avez du pain sur la planche! Bon courage, bonne métanie et que Saint Martin vous bénisse. Le Christ est ressuscité!

43.Posté par Tchetnik le 13/05/2017 19:03
Pain sur la planche dont les évêques, s'ils avaient vraiment conscience de leur rôle, auraient dû se charger depuis vilaine lurette...


44.Posté par Affeninsel le 14/05/2017 13:18
En Vérité Il est Ressuscité ! N'oubliez pas, ce travail incombe non pas à quelques uns, mais à tous !

45.Posté par Tchetnik le 14/05/2017 17:48
@Affensinsel

+1

En sachant que certains y ont des responsabilités plus grandes que d'autres. Mais en effet, c'est le travail de tous. Et la base a en général fait sa part. Andréa Atlanti comme P.Denis Guillaume, par exemple. Les singes en haut de l'arbre, ça se discute.

Nouveau commentaire :



Recherche



Derniers commentaires


RSS ATOM RSS comment PODCAST Mobile