L'hégoumène Pierre Mechtcherinov, directeur du centre patriarcal de la jeunesse auprès du monastère Saint-Daniel à Moscou, a partagé, lors d'un colloque à la Maison de l'émigration russe A. Soljénitsyne, son inquiétude au sujet de la fausse vision de la sainteté chrétienne qui règne actuellement dans certains milieux orthodoxes.

"La sainteté est assimilée par certaines personnes à une sorte d'héroïsme qui serait hors de portée de la majorité des chrétiens qui, selon cette fausse vision, doivent se fustiger de n'en être pas dignes". Selon le père Pierre, l'attitude des orthodoxes envers le sacrement de l'Eucharistie est une illustration de cette fausse conception de la sainteté. L'Eucharistie, à laquelle beaucoup de fidèles pratiquants ne participent que très rarement, "est transformé du sacrement quotidien et le plus indispensable en une sorte de sport avec une préparation renforcée". Ce glissement s'est opéré, dit-il, parce que "les hommes ont du mal à vivre d'une vie évangélique intérieure, cachée aux regards extérieurs".

L'hégoumène Pierre affirme, par ailleurs, qu'il est inexact de parler d'un renouveau spirituel général en Russie. "Il y a d'une part la foi chrétienne et d'autre part une simple religiosité humaine. Il me semble que la renaissance des années 1990 a concerné la dernière. Il n'y a pas encore eu de renaissance du christianisme en tant que vie spirituelle responsable de la personne dans la société. Certains croient que la religiosité finira par conduire à la vraie conversion dans la foi. Je ne le crois pas, parce que notre expérience montre que les deux phénomènes ne se suivent pas".

Source: Interfax

Rédigé par l'équipe de rédaction le 24 Mars 2009 à 17:54 | 9 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Marie Genko le 24/03/2009 20:06
A ma connaissance, la communion fréquente est répandue chez tous les orthodoxes.
Mais elle ne l'était pas avant la révolution en Russie. Une confession préalable était obligatoire et de même, il fallait, comme nous le pratiquons toujours, être à jeun. La lecture des Canons et des prières préparatoires était aussi exigée.
Une des raisons pratiques était d'éviter de voir des fidèles en état d'ébriété se présenter à la Sainte Table.
Ces conditions étaient suffisamment astreignantes pour que les fidèles ne s'y soumettent pas chaque dimanche.
A mon sens, il faut encourager la communion fréquente mais certainement pas la banaliser.

2.Posté par le hiéromoine Alexandre le 24/03/2009 21:12
Si je comprends bien, le prêtre mentionné dans l'article voulait surtout attirer l'attention sur le fait que la communion est un sacrement 'quotidien et indispensable' de chaque chrétien et que la préparation à l'Eucharistie ne doit pas se limiter aux trois jours qui la précèdent. La vie tout entière du chrétien doit être une préparation permanente à ce sacrement dont nous ne serons jamais vraiment dignes.

Si nous communions au Corps et au Sang du Christ, c'est parce que le Seigneur lui-même nous l'a demandé ('Prenez, mangez...' et 'Buvez en tous...') et non parce que nous l'avons mérité par des préparations, des confessions ou des exercices ascétiques. Cela vaut aussi pour la sainteté. Comme le rappelle saint Paul dans l'épître aux Hébreux, Abraham s'est trouvé juste aux yeux de Dieu à cause de sa foi et son obéissance...

3.Posté par Marie Genko le 24/03/2009 21:26
Merci, cher Père Alexandre, pour cette explication limpide.

4.Posté par Thierry Jolif le 24/03/2009 21:50
Et comment en deviendrions-nous dignes sans y participer ? N'est-ce pas, précisément, la participation aux saints et divins mystères qui peut nous permettre de nous rendre dignes... ? Pour ma part c'est ainsi que je reçois les très sages paroles du Père Pierre. Un prêtre aussi rigoureux avec lui-même que le fut Jean de Cronsdadt fut l'un des ceux qui luttèrent pour la communion fréquente, avant que cela ne soit communément admis.
C'est tout à fait juste, de rappeler que si nous communions au très saint Corps et au très précieux Sang c'est à la demande du Christ, qui est le mieux placé pour savoir notre indignité préalable, Il nous a aussi appris qu'Il n'était pas venu pour les 'biens portants' !

5.Posté par Un Voyageur le 25/03/2009 03:06
Ne sont-ce pas deux questions différentes ? Certes la Communion fréquente est source de grandes Grâces surtout si l'on se prépare à la réception des Saints Mystères, et la Grâce est moyen pour connaître une transformation au plan spirituel. Maintenant qu'est la sainteté sinon un état, et il n'est pas d'autre état à rechercher que de pratiquer autant qu'il est possible et sans cesse, s'il était possible donc, l'Évangile et donc l'Amour du prochain.

6.Posté par Thierry Jolif le 27/03/2009 21:59
Je ne crois pas qu'il s'agisse de 'deux questions différentes' ! Rechercher la sainteté ne me semble pas une expression très heureuse ... cet état, nous sommes bien d'accord sur le terme et le sens, sera donné par surcroit à ceux qui 'pratiquent autant que possible', mais il l'est par Grâce, non par conséquence, il ne saurait découlé automatiquement d'une pratique. En outre, l'amour du prochain ne saurait être simplement question de volonté. La synergie divino-humaine est la pierre angulaire et, si nous pouvons, oser le raccourci, cette pierre est celle de l'autel eucharistique source de tout don parfait et de toute Grâce.

7.Posté par Marie Genko le 28/03/2009 10:36
Le hiéromoine Alexandre a écrit :
'La vie toute entière du chrétien doit être une préparation permanente à ce sacrement dont nous ne serons jamais vraiment dignes'
Comme il a raison! Toute notre vie ne doit-elle pas être tournée vers la Parole du Christ , toutes nos actions ne doivent-elles pas être faites en fonction de Sa gloire?
Un voyageur anonyme écrit aussi:
'Certes la communion fréquente est source de grandes Grâces, surtout si l'on se prépare à la réception des Saints Mystères, et la Grâce est un moyen pour connaître une transformation au plan spirituel'.
Comme cela est juste aussi! Sans prière, sans préparation, sans confession fréquente comment pourrions-nous avoir le sentiment de garder la force et l'humilité nécessaires à notre long cheminement vers notre salut?
En ce qui concerne la Sainteté, Thierry Jolif écrit: 'rechercher la sainteté ne me paraît pas une expression très heureuse...'
Là aussi je suis entièrement d'accord! Selon nos faibles forces nous pouvons essayer de nous adresser aux Saints par la prière, et leur demander d'intercéder pour nous auprès du Seigneur.
L'intention de prière, qui me semble de toute première importance est celle de la Paix et de la Gloire de notre Sainte Église. Car comment pourrions-nous avoir la Paix parmi les hommes, si nous ne la connaissons pas dans notre Église?

8.Posté par vladimir le 30/03/2009 11:23
Je suis désolé de contredire Marie, mais d'après l'expérience que j'ai de l'Église orthodoxe russe en Russie, en Ukraine et en Lettonie, la tradition la plus répandue pour la masse des fidèles reste la communion rare, à Noël et en début de carême ou à Pâques, dans le meilleur des cas; les appels à ne pas tous se précipiter à la confession pendant la première semaine de carême, car les prêtres sont surchargés, en sont une illustration supplémentaire, tout comme l'appel de P. Pierre.

De fait, je partage complètement le constat: c'est vrai que la religiosité russe, à la limite de la superstition (JF Colosimo en a récemment donné une excellente définition), mais on peut aussi parler de la foi du charbonnier, est restée au XIXe et n'est pas satisfaisante de notre point de vue; mais je suis plus optimiste que P. Pierre sur l'avenir. Il n'y a pas que cela, car il y aussi, dans la masse des croyants, des nouveaux courants (mais la vraie pratique ne concernerait que 10% des fidèles). Il y a aussi un vrai renouveau de la théologie, qui pose ce problème (en autres!) et s'emploie à le résoudre. Cela rejoint d'ailleurs ce que souhaite notre Patriarche : il avait dit, avant son élection, qu'il ne suffit pas de restaurer les églises, si on ne restaure pas les âmes, et c'est de cela qu'il faut s'occuper maintenant... Et P. Pierre est bien placé pour identifier le problème et s'en occuper comme directeur du centre patriarcal de la jeunesse ...

Il y a des réflexions très profondes sur la religiosité dans le Journal de P.Alexandre (Schmeman): la divergence avec la foi existe aussi chez nous et la simplification de cet article ("Il y a d'une part la foi chrétienne et d'autre part une simple religiosité humaine...") peut amener des contre sens. C'est plus compliqué que cela.

9.Posté par Marie Genko le 30/03/2009 21:30
Cher Vladimir, il est toujours enrichissant d'écouter l'opinion d'autrui et aucun de nous n'est infaillible.
En ce qui concerne la pratique de la Foi en Russie, je n'ai jamais vécu dans ce pays, aussi m'est-il difficile de parler de ce que je connais à peine.
Il me semble que deux aspects différents sont à prendre en compte: La catéchèse et la transmission des valeurs chrétiennes dont le peuple russe a manqué durant trois quart de siècle, et par ailleurs la pratique religieuse. Pour avoir été élevée par des parents eux-mêmes éduqués en Russie, au début du siècle dernier, je peux vous assurer que si une prière familiale était dite chez nous chaque soir au coucher, notre présence à l'église se bornait effectivement aux grandes fêtes.
Aller à l'église,voulait dire engager une dépense considérable pour prendre le train et aller jusqu'à Paris. Il est probable que la destruction de tant d'églises en Russie, pose le même problème aux Russes qui souhaiteraient pratiquer davantage leur religion aujourd'hui?
Il ne faut pas minimiser l'aspect pratique qui entrave une fréquentation régulière des offices!
Je peux vous assurer que ma famille ne se sentait pas moins orthodoxe pour raison d'absentéisme à l'église chaque dimanche.
Je m'étonne souvent lorsque j'entends nos grands intellectuels et théologiens occidentaux parler avec tant d'assurance de l'Église de Russie! Pour ma part, pour avoir été dans bien des églises et des monastères de ce pays, je ne peux que m'émerveiller devant le miracle de leur résurrection!

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