« Sur les monts du Caucase » et le mouvement «Imiaslavié»
Le livre "Sur les Monts du Caucase" На горах Кавказа n'était pas encore disponible en français. (1)

Ce livre donne les véritables clés spirituelles de la ‘prière de Jésus’, qui avait été popularisée par les "Récits d'un pèlerin russe" (édité en français en 1978). Composé par le moine Hilarion Domratchev, "Sur les monts du Caucase" fut publié en 1907 avec la recommandation du staretz Varsonofij d'Optino et réédité avec le soutien financier de la Grande Duchesse Elisabeth Feodorovna. Il provoqua un mouvement spirituel spécifique appelé «Imiaslavié» en Russie et dans les monastères russes du Mont Atos, qui fut condamné par le Saint Synode et provoqua l'expulsion violente de prés d'un millier de moines russes du Mont Athos (sur 1700) dont Nicolas Berdiaev, entre autres, prit la défense...

« Sur les monts du Caucase » et le mouvement «Imiaslavié»
Voici le début de l'introduction à l'édition française:
CHAPITRE 1. Ascension de l’ermite sur les montagnes, et description poétique de la beauté qui s’offre à son regard.

Dans ce maître-ouvrage se trouve consigné le meilleur de l’enseignement des anciens Pères sur la ‘prière de Jésus’, tradition que son auteur, a patiemment pratiquée et recueillie dès le seuil de sa vie monastique.

La 'prière de Jésus' consiste dans l’invocation constante, appliquée et fervente du Nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ en tout lieu et toute circonstance, quelle que soit l’activité précise que l’on exerce par ailleurs, afin de parvenir à une union plus étroite avec le Christ.

Qualifiée de prière hésychaste du fait de sa pratique systématique parmi les moines qui s’adonnaient à l’hésychia (cf. ici, ici et ici), c'est-à-dire à la contemplation dans le silence et la solitude, la ‘prière de Jésus’ a été parfois réduite à des conceptions particulières, propres à certains byzantins du Moyen-Âge, au point d’en faire un exercice spécial, quelque peu original, voire suspect, alors qu’en réalité, ce type de prière n’est pas propre à l’Orient chrétien, mais prend sa source à l’origine même de l’Église et du monachisme : dans l’Évangile.

Sur les monts du Caucase comporte une quarantaine de chapitres de longueur inégale, avec une alternance fort agréable de profondes considérations théologiques, enrichies de nombreuses citations de la Sainte Écriture et des Saints Pères, et d’amples descriptions de la nature locale : on y surprend avec bonheur l’anachorète des montagnes se disposant, par l’admiration des beautés sauvages d’un environnement pittoresque, à l’intimité toute paisible de l’entretien avec Dieu, dans la foi et l’amour. …

«Imiaslavié» (littéralement "glorification du Nom, aussi appelée "Onomatodoxie"): ce mouvement spirituel est basé sur l'idée que Dieu est présent Lui-même dans le Nom de Dieu, ce qui justifie que la prière de Jésus soit prononcée en permanence par les hésychastes. «Le Nom de Dieu est saint et même source de sainteté, c'est pourquoi lorsqu'il est prononcé, l'air est sanctifié, sont sanctifiés tes lèvres, ta langue et ton corps ; les démons sont terrifiés lorsqu'ils entendent le nom de Dieu et n'osent approcher l'endroit où tu te tiens, quand tu prononces le nom de Dieu», écrit le père Hillarion (ibid). Ce développement de l'hesychasme, pour lequel "Sur les monts du Caucase" joua le rôle de catalyseur, provoqua un débat acharné parmi les moines et théologiens russes au début du XXe siècle dont "moinillon au quotidien" donne une très intéressante synthèse historique (ici). J'en résume l'essentiel de la conclusion:

Le livre "Sur les monts du Caucase" n'était pas nuisible en lui-même — le saint père Jean de Cronstadt ne disait finalement pas autre chose sur le nom de Dieu. Son auteur, le p. Hilarion, gardait sans doute le doux nom de JÉSUS dans son cœur. Mais cette position fut poussée à l'extrême dans «l'Apologie de la foi en la Divinité des Noms de Dieu et du Nom Jésus» du p. Antoine Boulatovitch (moine du skite Saint-André du Mont Atos) qui l'utilisait intellectuellement et, se plaçant au-dessus de la hiérarchie de l'Église, en vint à insulter les hiérarques en les traitant d'hérétiques. Le récit de la lutte entre les moines à laquelle participait le p. Antoine en est une bonne et triste illustration et il faut noter que saint Silouane l'Athonite, qui vivait sur la Sainte Montagne à cette époque, ne participa pas aux discussions et conflits: il vivait de la prière de Jésus et les polémiques sur le Nom de Jésus ne le concernaient pas : il vivait avec ce Nom.


Finalement, l'histoire de l'imiaslavie est sans doute l'histoire d'un malentendu. Mgr Hilarion (ALFEEV) fait remarquer (In "Le Nom grand et glorieux", 2007 que, en définitive, cette crise sur le Mont Athos a eu pour effet d'y amoindrir l'influence du monachisme russe (puisqu'un millier de moines a été expulsé) face à la communauté grecque. Il regrette que les hiérarques russes de l'époque n'aient pas su comprendre les intentions véritables des autorités du patriarcat de Constantinople qui, selon lui, déclarèrent ce mouvement hérétique, sans l'avoir étudié sérieusement, pour amoindrir la communauté russe.

Illustration: le hiéromoine Hilarion Domratchev
(1) Le début de la traduction vient de paraitre
« Sur les monts du Caucase » et le mouvement «Imiaslavié»

Кавказский отшельник схимонах Иларион «На горах Кавказа», посвятил свою книгу Иисусовой молитве.
Le moine du Grand Schème Hilarion a consacré à la prière de Jésus un livre intitulé "Sur les monts du Caucase"

V.GOLOVANOW

Rédigé par Vladimir Golovanow le 1 Septembre 2014 à 11:09 | 24 commentaires | Permalien



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