UNE REUNION DE HAUT NIVEAU
Le dialogue théologique entre orthodoxes et catholiques se poursuit

Un communiqué du 19.10. 2009 du département des relations extérieures du patriarcat de Moscou indique que la nouvelle session plénière de la Commission mixte internationale pour le dialogue théologique entre les orthodoxes et les catholiques a lieu, comme prévu, du 17 au 23 octobre à Paphos (Chypre). Elle est consacrée au « rôle de l’évêque de Rome dans la communion de l’Eglise au cours du premier millénaire ».

Un document a été préparé par le comité de coordination de la Commission mixte il y a un an et a fait l'objet de remarques critiques de la part de la délégation russe dès avant l'ouverture de cette session. L'Église russe participe en effet à cette session, contrairement à la précédente (cf. notes dédiées), la délégation étant dirigée par Mgr Hilarion de Volokolamsk, président du département des relations extérieures. Les autres Églises orthodoxes participantes sont: Chypre, Constantinople, Alexandrie, Serbie, Roumanie, Géorgie, Grèce, Pologne, Tchéquie et Slovaquie, Jerusalem et Albanie.

Remarque VG: l'Église de Bulgarie ne participe pas; Antioche n'est pas citée, l'Église orthodoxe en Amérique (OCA) n'y a jamais été invitée. L'Église russe a donc obtenu que la juridiction estonienne de Constantinople n'y soit plus représentée.

DES PROBLEMES ENTRE ORTHODOXES

Mais, comme je l'indiquai dans la note citée plus haut, cette réunion suscite l'opposition de certains milieux orthodoxes qui, cette fois, se manifeste publiquement. Ainsi le site religo.ru, citant le journal chypriote "Sandy Mail", rapporte que des moines du monastère de Stavrovuni et des laïcs du diocèse de Larnaca ont manifesté dans la rue leur opposition à la tenue de dialogue et ont exigé de Mgr Chrisostome II, primat de l'Eglise de Chypre, qu'il y mette fin. Les manifestants déclaraient que la prière commune avec les Catholiques était anti-canonique et que le but du dialogue était de soumettre l'Orthodoxie au Vatican… La prière commune, qui devait réunir les délégations orthodoxe et catholique dans la cathédrale Saint-Georges de Paphos, a été annulée à la suite de cette manifestation.

Mgr Chrisostome II a eu des mots très durs pour les manifestants, qu'il a conviés à le rencontrer le lundi 19 octobre: "C'est de l'égoïsme, de l'égoïsme satanique, quand qui que ce soit, clerc ou laïc, met son opinion personnelle au dessus des décisions de toutes les Églises autocéphales orthodoxes… Ces gens doivent se réveiller. Ils doivent descendre sur terre" a-t-il dit dans le discours adressé aux participants de la conférence. A son tour, Mgr Georges, de Paphos a souligné que l'objectif du dialogue est de retrouver les bases de la foi que partageaient Orthodoxes et Catholiques avant le schisme. "Il y a des divergences, des divergences très sérieuses qui ont été accentuées par mille ans de discorde" a-t-il reconnu. "Mais la période actuelle appelle la concorde, quels que soient les outrages que les Églises ont supportés à cause de la haine et de l'hostilité réciproques. Nous comprenons maintenant que nous devons coopérer" (cf.taday.ru)

UNE QUESTION TRES IMPORTANTE

On pourrait se demander s'il est bien opportun de discuter avec les Catholiques du « rôle de l’évêque de Rome dans la communion de l’Eglise au cours du premier millénaire » alors que nous ne parvenons pas à nous mettre d'accord entre Orthodoxes sur le rôle du Patriarche de Constantinople en tant que "primus" (cf. note citée). Pourtant cette question nous concerne très directement comme l'écrit le p. dominicain Hyacinthe Destivelle dans cet extrait de l'article qu'il a consacré à cette question en mai dernier dans orthodoxie.com:

"… la même question /sur le rôle de l’évêque de Rome dans la communion de l’Église entière/ se pose en ce qui concerne le statut des structures ecclésiales établies sur les lieux des sièges historiques de nos Églises séparées, mais se reconnaissant mutuellement comme sœurs dans la succession apostolique. Elle se pose avec une acuité particulière en Europe, depuis que la chute du Mur de Berlin a permis une certaine renaissance catholique dans des pays de tradition orthodoxe ainsi qu’une nouvelle vague d’émigration orthodoxe en Occident : pourquoi ne pas fonder des Églises locales, catholiques là-bas, orthodoxes ici, puisque nous sommes – malheureusement – séparés ? Mais précisément, dans une Europe enfin réunifiée, faut-il prendre son parti de la division des chrétiens et superposer, dans une perspective purement confessionnelle, des Églises parallèles, portant les mêmes titres, revendiquant des même statuts, fonctionnant isolément et parfois concurremment les unes des autres,… ou essayer de laisser ouverte la porte d’un avenir commun en trouvant collégialement des solutions transitoires à une séparation que nous espérons provisoire ? Une fois encore : faut-il aménager la séparation (au risque de l’institutionnaliser), ou préparer l’unité ? La réponse dépend en fin de compte de notre espoir dans une réconciliation des chrétiens.

Ce sont là, nous semble-t-il, des questions d’ecclésiologie qui méritent réflexion, au-delà des susceptibilités ou d’éventuels enjeux de pouvoir. On ne peut donc que se réjouir de la poursuite du dialogue théologique international entre catholiques et orthodoxes. La condition de son succès est évidemment qu’existe une réelle confiance entre les Églises pour éviter toute suspicion d’instrumentalisation du dialogue au profit d’intérêts particuliers, étrangers à sa finalité. Catholiques comme orthodoxes doivent donc résister à la tentation de s’appliquer mutuellement leur ecclésiologie ou leurs problématiques internes.

Le dossier des relations entre catholiques et orthodoxes paraît parfois fort complexe, grevé de blessures cachées, d’enjeux politiques latents, de conflits larvés, de risques, enfin, pour ses acteurs, d’être soupçonnés de parti pris pour ou contre telle ou telle ecclésiologie, pour ou contre tel ou tel patriarcat. En réalité, le seul risque véritable serait que les théologiens intéressés et compétents en ce domaine, et ils ne sont pas si nombreux, se découragent tout à fait, d’autant que d’autres défis apparemment plus urgents se font pressants. La recherche de l’unité se limiterait alors à des visites protocolaires de primats, à des déclarations d’intention, à des rencontres de quelques convaincus. Aussi, tout en prolongeant le «dialogue de la vérité», est-il plus que jamais nécessaire de poursuivre et d’approfondir le «dialogue de la charité» qui, seul, peut nous permettre de nous reconnaître comme frères en Christ, membres de l’Église une, malgré nos pauvres divisions."


Hyacinthe DESTIVELLE, o.p.

Rédigé par Vladimir Golovanow le 20 Octobre 2009 à 21:34 | 4 commentaires | Permalien



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