Les "Icônes Déviantes" article de Ludmilla Garrigou Titchenkova

Parlons D'orthodoxie

Cet article fut rédigé dans la revue " Chrétiens en marche " par Ludmilla Titchenkova*, iconographe et fondatrice de "l’Atelier St Jean Damascene", sur la demande du Père René Beaupère, prêtre catholique, directeur de la revue et du Centre Saint-Irénée à Lyon. Il donne un éclairage sur les déviations iconographiques auxquelles succombent des catholiques de bonne volonté, mais mal éclairés.

Comme nous vous le disions lors de notre récente rencontre, le sujet que vous nous proposez de traiter est plutôt explosif ! C’est peut-être pourquoi personne à ce jour n’a osé l’aborder sérieusement... Merci donc à vous, prêtre catholique, d’avoir le courage de soulever cette importante question des icônes non canoniques qui, pour beaucoup, semble secondaire et de peu d’intérêt, et qui cependant choque bien des chrétiens orthodoxes.

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Il faut d’abord préciser que nous ne chercherons à faire aucune polémique, même si, à la lecture de l’article, certains penseront le contraire par la mise en opposition, ou comparaison inévitable, de l’Orient/Occident. Aucun de nous ne détient la Vérité et les orthodoxes ne rendent pas toujours un bon témoignage : s’ils parlent très bien des icônes, ce n’est pas pour autant que toutes leurs églises reflètent la Beauté décrite. /V. Golovanow/

"l’Atelier St Jean Damascene"

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LAXISME EN ORIENT

De nos jours. il existe en effet un certain laxisme en ce domaine. Peut-être le manque de vérification par nos hiérarques en est-il la cause ?

"L ’Eglise a toujours accordé beaucoup d’attention à son art : elle a veillé à ce qu’il exprime sa doctrine. Toutes les déviations ont été écartées conciliairement (….). Aujourd’hui, il n’y a plus dans l’Eglise de pensée bien établie et explicitée sur l’art sacré, et encore moins de contrôe exercé sur cet art par l’autorité ecclésiastique. On admet dans l’enceinte de l’église pratiquement tout", nous dit Père Zénon". "L’icône prend naissance dans l’expérience eucharistique de l’Eglise, elle est étroitement dépendante de cette expérience et, d’une façon plus générale, du niveau de la vie ecclésiale. Quand ce niveau était élevé, l’art sacré était lui aussi à la hauteur : quand la vie ecclésiale s’étiolait ou que venaient pour elle les temps de décadence, l’art sacré à son tour tombait évidemment en décadence. Souvent l’icône était transformée en tableau à sujet religieux et sa vénération cessait d’être authentiquement orthodoxe...". affirme-t-il également.

On remarque effectivement que l’icône devient soit un décor d’église richement orné, mais vide de sens ; soit un support de prière, mais maladroitement exécuté. Que faire ? …

Par ailleurs, on fera volontiers appel "au plus offrant", c’est-à-dire à celui même qui n’aura reçu aucune formation iconographique mais qui, par contre, travaillera gratuitement. Alors, le critère de peindre une icône ou des fresques dans une église devient non plus celui de la recherche de la beauté, mais plutôt celui de l’économie.

Il y a eu un temps où l’église orthodoxe en Occident, complétement démunie de moyens financiers, faisait de son mieux pour sortir des cendres et utilisait les dons de chacun sans qu’il y ait nécessairement "qualification spéciale". Mais ce temps est révolu. Si l’on admire encore aujourd’hui certaines icônes peintes rapidement sur contre-plaqué et avec les moyens du bord, c’est en devant les replacer dans leur contexte premier : l’après-guerre. Et non en tant qu’œuvres d’art exemplaires dont il faudrait s’inspirer.

Ce n’est pas un " renouveau iconographique ". Il n’ya pas lieu de s’extasier sur des compromis

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FANTAISIES OCCIDENTALES

Il nous semble que c’est seulement après un tel préambule que nous pouvons nous permettre d’aborder la question des "déviations auxquelles succombent des catholiques de bonne volonté, mais mal éclairés...".

Il est à craindre que l’Occident, sous prétexte de défendre la " liberté d’expression avant tout ", se permette toutes sortes de fantaisies. Et l’Orthodoxie, hélas plus ou moins laxiste en ce domaine comme nous venons de le constater, n’affiche pas suffisamment le label de qualité pour être prise au sérieux dans ses remarques.

C’est dire combien l’iconographe se sent seul et presque abandonné dans la mesure où rien ni personne ne le contrôle ni le soutient. Il est presque obligé, par ce fait même, à inlassablement recopier les modèles anciens pour ne pas courir le risque d’une, interprétation erronée et par trop personnelle. Nous connaissons les époques où, par manque d’encouragement et de vérification de l’élise, des icônes pourtant remarquablement peintes sont devenues sinon des tableaux religieux, du moins des icônes plus ou moins païennes. Et aujourd’hui, nous constatons pratiquement le même phénomène.

Devant cette faiblesse de l’église orthodoxe, le monde catholique, redécouvrant l’icône avec émerveillement mais refusant dans le même temps son côté statique et immuable, peut alors se permettre, sans la moindre impunité et de bonne foi, toutes sortes d’interprétations. Ainsi il nous est arrivé d’entendre, lors d’un cours d’iconographie, des élèves dire : "Oh !vous les orthodoxes, vous êtes toujours coincés dans votre Tradition ! Heureusement que nous, catholiques, nous avons l’évolution et la liberté d’expression !".
Mais où nous mène-t-elle, cette soi-disant liberté ? On remarquera volontiers qu’en Occident il sera demandé à l’icône surtout affection et tendresse. Ainsi par exemple, à choisir entre deux reproductions : celle d’un Christ miséricordieux sous des traits quasi "humains", et celle d’un Christ en Majesté quelque peu hiératique par sa gravité, c’est la première image qui sera retenue. L’icône de la Vierge de tendresse, celle dont le regard est plein d’amour pour son tout petit enfant Jésus, remporte aussi tous les suffrages. Mais n’en est-il pas de même pour les offices liturgiques ?

Nous avons souvent remarqué que, lors d’une célébration catholique, l’aspect fraternel l’emporte sur l’aspect paternel si évident dans l’orthodoxie. Le Christ semble trés proche, il est comme un grand frère que l’on peut aborder facilement et même lui taper amicalement sur l’épaule... plutôt que le Père, le Créateur, qui demande un plus grand respect. une plus grande retenue, donc aussi une certaine distance.

Elever l’icône

Notre comportement durant la liturgie est révélateur d’une sensibilité différente.. Il en est de même pour notre attitude face à l’icône. Fasciné par sa couleur, le chrétien catholique peut facilement remplacer le bouquet de fleurs par une icône et la poser à même le sol, sur les marches du sanctuaire, comme il le ferait pour un vase... Et il la contemplera, assis. L’attitude d’un chrétien orthodoxe est tout autre : il "élèvera" icône sur un haut pupitre recouvert de parures et l’honorera en s’inclinant profondément devant elle par trois fois et en l’embrassant. Il découle de ces deux manières d’être si différentes que l’un considére l’icône comme un objet à contempler, l’autre comme une personne qui vous regarde...

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Donc, avec cette liberté d’expression et une sensibilité autre, il est pratiquement normal qu’il y ait des déviations dans l’exécution des icônes par des "catholiques de bonne volonté mal éclairés"...

La théologie de l’icône n’est pas affaire personnelle ni purement artistique. Elle concerne l’ensemble de la communauté locale (et mondiale !). C’est pourquoi il est difficile de la séparer de l’église plénière.

L’icône ne doit pas être "inventée", mais "révélée". Elle ne peut être une juxtaposition de symboles mis en place volontairement et avec une imagination exagérée. Les vrais symboles sont ceux qui traversent le temps et qui ont une signification profonde de ce qu’il est difficile d’exprimer autrement. Ce n’est pas un patchwork un découpage d’icônes anciennes avec un morceau pris à droite et un autre à gauche, puis rassemblés. Même s’il y a de l’or et que le travail est fait à la perfection, ce ne sera pas obligatoirement une icône.

Des exemples

Ainsi c’est une erreur grave de s’être inspiré de l’icône nommée "CONCEPTION DE LA MERE DE DIEU", qui représente traditionnellement Joachim et Anne enlacés, "concevant" la Mère de Dieu, fêtée le 8 décembre. Il en a été fait une icône nouvelle : le même couple est représenté, tendrement enlacé, dont on aura seulement changé les noms : Marie et Joseph...

Paul Evdokimov définit l’icône comme "La PAROLE (...) mystérieusement dessinée (qui) s’offre en contemplation, en théologie visuelle"".

A la lecture de cette "fausse icône", ou à l’écoute de sa Parole, qu’apprenons-nous ? Que le Christ est uniquement homme, ayant pour parents de chair saints Joseph et Marie... Quelle hérésie !

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Suite Atelierdamascene

* Note de VG: Ludmilla Garrigou-Titchenkova, décédée le 5 mai 2014, était une iconographe française d'origine russe très réputée en France. Elle avait fondé avec son mari, le père Nicolas Garrigou, l’Atelier ST JEAN DAMASCENE qu'ils dirigèrent d'abord à Paris puis dans le Vercors. Cet article, écrit pour une revue catholique, montre bien sa parfaite connaissance de la signification théologique de l'icône.


Commentaires (18)
1. Vladimir.G: un excellent article complémentaire de l'érudit "Albocicade" le 23/03/2016 22:41
Chaque année, le premier dimanche de carême commémore la légitimité d'une pratique extrêmement ancienne dans l'Eglise – mais qui fut un temps violemment contestée sous des influences étrangères : l'usage et la vénération des icônes.

Encore faut-il bien s'entendre : l'icône n'est ni une technique, ni un style, ni un thème, même si ces trois éléments y participent : l'icône est avant tout une expression de la théologie de l'Eglise par le trait et la couleur.

Ainsi, comme le rappelle cet article de Ludmilla sur les "icônes déviantes", non seulement toute peinture religieuse – fut-elle juste – n'est pas ipso facto une icône ; mais tout ce qui "ressemble" à une icône n'en est pas forcément non plus.

C'est ainsi que, pour illustrer une discussion entre un moine orthodoxe et trois lettrés musulmans, au XIIIe siècle (un document sur le quel je travaille en ce moment), j'ai placé en vis à vis, sur la page de garde, l'icône en tête de ce billet ainsi que la miniature persane ci-après.

Suite et illustrations sur: http://cigales-eloquentes.over-blog.com/2016/03/dimanche-de-l-orthodoxie-2016.html
2. Vladimir. G: Je reconnais bien des Orthodoxes sous les traits prêtés à l'Occident par Ludmila le 25/03/2016 10:03
Je reconnais bien des Orthodoxes sous les traits prêtés à l'Occident par Ludmila: demander à l’icône surtout affection, tendresse et beauté plastique (en particulier pour la disposition des icônes dans le temple), préférer le Christ quasi "humain" au Christ en Majesté, la Vierge de tendresse dont le regard est plein d’amour pour son tout petit enfant Jésus... et que dire des saints Serges avec scie et oursou de saint Séraphim dans la forêt (avec ou sans ours!)

Et les déviations théologiques qui s'accumulent en copiant les tableaux religieux: sainte famille émouvante remplaçant la Nativité, Christ bondissant du tombeau, saints réalistes ... jusqu'à la photo de la famille impériale!
3. Garrigou Jean-Baptiste le 25/03/2016 13:24
Merci pour cet article qui nous rappelle le combat de l'icône au quotidien.
Petit clin d'oeil de Ludmilla le jour du départ de sa maman Anna enterrée demain.

4. Père Joachim le 31/03/2016 00:57
+Ludmila était un être de lumière qui s'est révélé par son ouvrage sacré tout au cours d'un chemin ardu et ascendant.

Elle laisse derrière elle non seulement l'image de sa propre personne magnifiée par sa diaconie ecclésiale d' ICONOGRAPHE consacrée, mais aussi une famille sacerdotale qui s'inscrit dans son sillage et jusqu'à un "lieu" qui n'est pas la copie conforme d'un espace religieux balkanique mais une terre en FRANCE qui manifeste une foi sucée, selon la formule d'un grand théologien orthodoxe le Père André BORRELY, aux "mamelles d l'Orthodoxie" de ses origines ukrainienne.

Un des symboles forts de son œuvre en ce monde sur le magnifique site de son atelier-école en Vercors, c'est une chapelle slave en bois, venue d’Ukraine, qui est dédiée aux Saints orthodoxes d'Orient et d'Occident.

quand à l'iconographie "DÉVIANTE" que l'on peut voir même dans des Cathédrale orthodoxe elle peut atteindre en ce moment chez les "copains" et "copines" catholiques des degrés plus que profanatoires de la FOI COMMUNE.

Les "chachas"(mouvement charismatique pentecôtiste catholique de type "Chemin Neuf") ont abreuvé le monde entier de l'icône de la SAINTE FAMILLE qui mérite condamnation pan orthodoxe.

Non content de çà FRANÇOIS a même offert une copie de cet horreur théologique, où l'on voit Saint JOSEPH tenir par l'épaule la Toujours Vierge, la Mère de Dieu, à tous les Évêques présents à Rome lors du Synode sur la Famille.
Et voilà qu'à présent on va même au delà des confessions Réformées et même du Coran en nous offrant l' ICÔNE de l' ÉTEINTE qui est présentée plus haut ! A quand l'ultime abomination ?

Nous disions il y a peu, que certains textes conciliaires laissaient entrevoir des approximations d'expressions verbales qui ne manqueraient pas de semer des troubles ... et cela se confirme et justement. Ill en va de même de l'iconographie byzantine et slave.

A accepter de présenter autres choses que ce qui doit paraitre sur une icône normale, à savoir la "doctrine de la divinisation" de la "glorification" de la "humano-divinité" on suscite chez les "frères séparés" des portes ouvertes à des dégringolades nouvelles dont on a, à nous seuls, la "responsabilité"

Notre sœur endormie LUDMILA .et d'autres comme les grands KRUG OUSPENSKY ... ont su transmettre les voies de l'authentique tradition qu'ils avaient "sucé à la mamelle" de L’Église de leur origine... C'est bien de ces maîtres qu'il faut recevoir la juste initiation !
Car en orthodoxie, recevoir d'un "bon maître" est la seule garantie de devenir un FILS ou une FILLE EMANCIPABLE !
5. Vladimir.G: La représentation de Dieu le Père le 03/04/2016 18:20
La représentation de Dieu le Père est normalement interdite dans l'iconographe orthodoxe et constituerait une déviation théologique. J'ai pourtant trouvé cette icône crétoise du XVle siècle: http://www.cirota.ru/forum/images/112/112336.jpeg
Quelqu'un aurait une explication?
6. justine le 04/04/2016 10:17
Post 5> L'explication est simple: la Crète a été sous le joug catholique pendant presque 500 ans! De 1204 a 1669 pour être exact; donc pendant 465 ans. Ce qui a conduit à un mélange d'Orthodoxie et de hétérodoxie qui s'exprime notamment aussi dans l'iconographie de cette periode. Et cette vaccination avec l'hérésie, malheureusement, ne semble pas s'être complètement estompée jusqu'à nos jours, comme le montre, entre autres, non seulement la présence de cette icône déviante dans de très nombreuses églises de Crète, mais encore sa justification!
7. Tchetnik le 04/04/2016 11:00
Le musée des icônes Crétoises de Venise, à côté de l'église Saint George des Grecs, offre un panorama intéressant de l'évolution des icônes Crétoises depuis le XIIIème siècle jusqu'au XIXème.

Les influences catholiques ne se limitent d'ailleurs pas à la représentation du Père, mais également à celle des donateurs, dans un style qui, à partir de la fin du XVIIème siècle, devient de plus en plus maniéré.
8. Vladimir. G: un grand manque de culture et d'éducation théologique ... le 04/04/2016 12:44
Merci pour cette explication, bien chère Justine,

Le cite où j'ai trouvé cette icône (http://www.cirota.ru/forum/view.php?subj=26969) recense plusieurs représentations orthodoxes de Dieu le père dans la Trinité, dont une icône de Novgorod du XlVe (http://afaq.narod.ru/1.6/images/2.jpg) dont une du XVlle de l'église de la Théophanie (Russie aussi, http://afaq.narod.ru/1.6/images/1.jpg), une du Monastère serve de Visoki Dečani (Kosovo, XVle, http://www.cirota.ru/forum/images/11/11253.jpeg) et, bien évidement, plusieurs icônes des XVlll-XlXe...

Cette déviation est évidement due à l'influence occidentale et le problème c'est qu'elle continue à fleurir parmi les croyants se considérat comme de pieux orthodoxes (cf ce site de vente d'icônes (!): http://shop-pobedinedug.ru/product/bog-otets-bog-syn-i-ishozhdenie-svyatogo-duha-troitsa-na-heruvimah-ikona-na-holste). Cela démontre surtout un grand manque de culture et d'éducation théologique ...
9. Affeninsel le 04/04/2016 13:09
Effectivement, même le mouvement des anges autour du "Père" n'est pas sans rappeler les envolées picturales des tableaux de la Renaissance italienne, tout comme le foisonnement très ordonné de références qui entourent le sujet principal.
Cependant, il ne faudrait pas associer toute déviation iconographique à la seule influence occidentale. Il est bien évident, par exemple, que c'est elle qui est à blâmer pour la représentation monstrueuse du "Père" dans la coupole de la cathédrale patriarcale du Sauveur sur le Sang versé (reproduite à l'identique lors de la reconstruction, pour faire "comme c'était avant" - que dit-on de cela, dans les cercles où l'on assimile la Russie à la nouvelle Jérusalem ?), mais il m'est arrivé de trouver des "trinités" très inventives et pourtant très canoniques d'apparence dans des églises géorgiennes. On voit bien là que les déviations iconographiques, comme le disait Ludmila Garrigou, peuvent très bien naître chez les orthodoxes et les orientaux eux-mêmes. Il est inutile, et en fait nuisible, de se défausser de la moindre erreur sur l'Occident.
10. Vladimir.G: La représentation de Dieu le Père dans la cathédrale du Christ Sauveur à Moscou le 04/04/2016 14:57
Merci bien cher Affeninsel pour votre commentaire,

Je pense que vous pensiez à la coupole de la cathédrale du Christ Sauveur à Moscou, reproduite sur "l'icône" proposée en ligne sur le site que j'indiquais (http://shop-pobedinedug.ru/product/bog-otets-bog-syn-i-ishozhdenie-svyatogo-duha-troitsa-na-heruvimah-ikona-na-holste).

Mais, pour moi, il s'agit bien de l'influence occidentale, tant dans le sujet que dans la manière de peindre, comme le souligne à juste titre Tchetnik. La Russie l'a subie comme la Crête dès le XVlle, quand le patriarche Nikon fulminait contre les icônes "de style italien". Seuls les Vieux Croyants restèrent à l'abri et si, aujourd'hui. il y a un retour aux sources des iconographes sérieux, la marée des reproductions bon marché et plus ou moins kitch recouvre tous les présentoirs de son style sirupeux!

Cela dit, les anciens de notre paroisse de Lyon tiennent beaucoup à l'iconostase peinte dans les années 1930 par des émigrés qui n'ont pas laissées leurs noms à la postérité. Elles est malheureusement typiquement dans ce style!
11. Daniel le 04/04/2016 14:58
L'icône de Dieu le Père fait l'objet de débats récurrents que je n'ai jamais eu le temps d'analyser dans le calme. Certains affirment que c'est l'Ancien des Jours qui est représenté. Or en théorie, l'Ancien des Jours est le Verbe (le Fils, non incarné), mais il semblerait que certains pères l'aient assimilés au Père.

Mais cette représentation se trouve au-delà de la Crète et est très ancienne. J'en avais vu une dans un livre de fresques en Géorgie et cela daterait du 11e siècle.
12. Tchetnik le 04/04/2016 15:13
A noter qu'on ne trouve pas ou peu ce genre de déviance dans l'Art Roman ou pré-Roman.
13. Vladimir. G: C''''est plutôt pré-gothique le 05/04/2016 10:03
merci pour cette judicieuse remarque, bien cher Tchetnik,

Voici néanmoins une "Paternité Divine" de la fin du XIIe siècle (Tympan de l’Église Saint Nicolas, Tudela, Navarre, Espagne ): http://www.petruspapa2.org/pin/temps_antiques_fichiers/paternite_divine_st_nicolas,_tudela_espagne_navarre.jpg... C'est plutôt pré-gothique!
14. justine le 05/04/2016 11:11
Ce relief espagnol de la "Paternité Divine" est en effet ce qu'il y a de plus naif et matérialiste! Il en dit long sur l'ignorance théologique de son auteur. C'est d'ailleurs parce que les Occidentaux envisagent si physiquement la Naissance du Fils du Père qu'ils continuent jusqu'à ce jour à traduire, dans la Confession de Foi, le "né du Père avant tous les siècles" ("εκ του Πατρος γεννιθεντα προ παντων των αιωνων") par "engendré par le Père"; suivis malheureusement en cela par les Orthodoxes, alors que nos Saints Théologiens illuminés par le Saint Esprit nous enseignent si bien (dans nos textes liturgiques notamment) qu'il s'agit d'une Naissance non-physique, immatérielle, atemporelle. En fait, c'est une représentation tout à fait hérétique, car elle proclame qu' "il fut un temps où le Fils n'était pas" - adage des hérétiques ariens!
15. Affeninsel le 05/04/2016 11:18
Oui, je confonds toutes les cathédrales qu'on trouve dans la seule ville de Moscou. Je sais bien que c'est par influence italienne que ce "Père" s'est retrouvé représenté dans la cathédrale de Moscou. Je critiquais simplement en passant le choix qui a été fait lors de la reconstruction de la reproduire à l'identique, choisissant par là la nostalgie historique à la reconstruction d'une foi plus solide (ce qui manquait tellement en Russie tsariste que l'on en est arrivé à vouloir faire le concile de 1917). C'est un peu la même chose qui, malheureusement, préside à l'attachement des vieilles paroisses à leurs affreuses décorations. Rue Lecourbe, le recteur, lorsqu'il est arrivé il y a 12 ans, a immédiatement commencé à retirer les choses baroques qu'il y a trouvées.

@Daniel : la fresque d'Urbnisi, en Géorgie, où figure l'Ancien des Jours, est bien une représentation du Fils, à tel point que l'image est entourée du nom de Jésus Christ, ce qui est un peu étrange puisque l'Ancien des Jours est le Verbe non icarné. Certains s'amusent parfois, effectivement, à contourner l'interdit canonique en montrant l'Ancien des Jours dans des représentations bibliques autres que celles de Daniel. Mais lorsqu'on voit "l'Ancien des Jours" entouré du Christ et d'une colombe, on sait qu'on verse dans la déviation.
16. Vladimir.G: icône "qui a été beaucoup priée" (намолена). le 05/04/2016 18:21
Et vos confusion sortent de Moscou: l'église du Sauveur sur le Sang versé (ni cathédrale ni patriarcale) se trouve à St Petersbourg....

Je vous suis en général sur le rejet des icônes "baroques" mais pas dans tous les cas particuliers: sur un autre fil nous avons cité des cas où ce icônes se révèlent miraculeuse et il y a chez nous le concept d'une icône "qui a été beaucoup priée" (намолена). Ces prières sincères que de nombreux croyants ont élevé devant elle lui confèrent une consécration particulière qui justifie l'attachement des croyants. C'est le cas de notre iconostase dont je parle en 10: si nous la remplaçons un jour pat une iconostase canonique, nous lui réserverons une place d'honneur pour garder ce lien avec nos aïeux qui ont fondé cette paroisse et nous l'ont transmise et dont les prières nous accompagnent toujours...

Donc je suis pour éviter la reproduction de ces erreurs (horreurs?) mais pour la conservation des reliques... Et la coupole du Christ Sauveur tiens de cela: c'est le témoin de son époque et de la victoire sur le régime athée. Il fallait la refaire, mais il ne pas la reproduire en icônes...
17. Vladimir. G: Toutes ces peintures ne sont pas des icônes, mais la plupart proviennent d'églises où elles sont assimilées à des icônes, le 07/04/2016 12:19
Toutes ces peintures ne sont pas des icônes, mais la plupart proviennent d'églises où elles sont assimilées à des icônes, ce qui illustre encore une fois la décadence de l'iconographie russe soulignée sur http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Les-Icones-Deviantes-article-de-Ludmilla-Garrigou-Titchenkova_a4663.html?com#com_5070697. Et, malheureusement, c'est ce style là qui domine toujours l’iconographie de masse...

Notons que la peinture russe a sauté la période spirituelle de la Renaissance pour passer directement au style sulpicien avec tous ses excès...
18. Affeninsel le 08/04/2016 11:45
Autant je suis d'accord pour dire que certaines icônes, quoique surprenantes, sont parfois sources de miracles (il y a notamment une icône très tragique de la Déipare au pied de la Croix devant laquelle pria un saint ascète roumain du XIXe siècle), autant, je ne le suis pas du tout pour le reste.
Après tout, vous montrez vous même la voie à suivre quant aux fausses icônes qui gardent une dimension affective : il faut les conserver, peut-être, mais pas dans l'église, et pas comme support à la prière. De plus, arguer que refaire à l'identique la cathédrale est un signe de triomphe sur le communisme, c'est un peu court. N'oubliez pas que parfois, le Seigneur se sert de l'endurcissement des méchants pour purifier le cœur des gentils. La destruction passée de la cathédrale aurait dû être comprise comme l'occasion de la reconstruire dans des normes plus orthodoxes. Et donc de la débarrasser de cet affreux "père" qui est vraiment une atteinte à la piété orthodoxe.
19. Vladimir. G: Toutes ces peintures ne sont pas des icônes, mais la plupart proviennent d'''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''' le 08/04/2016 15:16
Je sais bien, cher Affeninsel, que les Chrétiens détruisirent temples grecs et égyptiens dès qu'ils eurent le pouvoir pour lutter contre l’idolâtrie... mais je ne pense pas qu'aucune œuvre doive être détruite et que chaque icône consacrée par la prière participe au salut.

Mon commentaire 17 commente un autre un article posté récemment et reproduisant de nombreuses peintures russes du XIXe dont la plupart se trouvent dans ses églises et sont considérées comme des icônes. On peut le regretter (et personnellement je le regrette!), mais cela fait partie de notre histoire et, je ne suis pas de ceux qui veulent la réécrire: je préfère la réexpliquer! Il est vrai que c'est plus difficile...
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