"Parlons d'orthodoxie" met en ligne cette analyse de l'émission hostile « Russie : l’influence de l’Église orthodoxe » la chaîne de télévision Public Sénat (13e chaîne), dans le cadre de l’émission " Un monde en docs". Il a été diffusé samedi 9 février et rediffusé le lendemain.

L'un des deux réalisateurs du documentaire est un journaliste catholique à La Croix et au Pèlerin, qui se présente par ailleurs comme œcuménique mais, qui comme beaucoup d'œcuménistes catholiques, se révèle être au fond hostile à l'Église orthodoxe.

Le documentaire est très tendancieux, partial et malveillant. Se limitant à l'aspect politique et accumulant des petits morceaux de reportages sur des rencontres du patriarche Kirill avec Vladimir Poutine ou d'autres chefs d'État, il donne très largement une vision fausse de ce qu'est l'Église russe. Il est cependant en tout point conforme à la "pensée unique" véhiculée par les médias occidentaux "mainstream". Bien sûr Poutine est diabolisé, est présenté comme manipulant l'Église russe et le patriarche est présenté comme son complice et comme un serviteur du pouvoir.

Il n'y a aucun effort de compréhension de la situation politique et religieuse de la Russie. On ne se demande pas pourquoi Vladimir Poutine est régulièrement réélu démocratiquement avec 85% des voix (on tait que par comparaison en France aucun leader politique ne dépasse les 25% d'opinions favorables). On se désole des bonnes relations qui existent entre l'Église et l'État, et c'est comme si l'on souhaitait que l'Église et l'État soient absolument en conflit, comme à "la bonne vieille" époque du communisme où l'État étouffait l'Église et travaillait à l'affaiblir et à la détruire. On ne se préoccupe pas de savoir comment, en Russie, la très grande majorité des gens perçoit les choses.

Dans le documentaire, en dehors du patriarche Kirill, on interroge uniquement des gens hostiles à la Russie et à l'Église russe (ce qui est le cas aussi des orthodoxes français interrogés /J.-F. Colosimo, et N. Kazarian qui est prêtre mais se présente en vêtements séculiers et est présenté comme un expert indépendant alors qu'il est la plume du métropolite Emmanuel.../

Tout journaliste qui veut garder son poste, progresser dans sa carrière, faire de l'audience et avoir l'estime de ses confrères est obligé de penser ainsi et de présenter les choses ainsi. Il n'est donc pas
étonnant que le débat qui a suivi ait été de même teneur.

Les invités étaient :

- Cécile Vaissié, spécialiste de la dissidence et de la "diversité" russes, auteur de "Les réseaux du Kremlin en France" (qui s'est montrée hostile à l'Église russe tout au long du débat), n'hésitant pas à
proférer des contrevérités (comme la grande majorité des russes ne vont pas l'église, ne lisent pas, font le carême parce que c'est la mode..., ou encore : l'Église ne s'occupe pas des pauvres) ; visiblement cette personne ne va pas souvent en Russie, et n'y fréquente pas les églises ni les paroisses, et limite très certainement ses contacts à quelques dissidents ; Le jeudi 14 mars à 13h30, débutera le 1er procès en diffamation contre Cécile Vaissié, pour son livre “Les réseaux du Kremlin en France ” - Audiences le 14 et 15 mars Cécile Vaissié et son éditrice Marie-Édith Alouf seront donc à la barre des prévenus au tribunal de Paris les 14 et 15 mars

- Antoine Arjakovky, grand défenseur de la cause politique et ecclésiale ukrainienne, collaborateur de l'Église catholique uniate de Lviv, qui communie avec son épouse catholique dans les églises catholiques, et est passionnément (on pourrait même dire maladivement) hostile à la Russie et à l'Église russe ; il se présente et est présenté comme historien, mais, comme le montrent ses livres et ses articles, il est peu familier avec la méthode historique et avec l'objectivité qu'elle requiert. Il affirme avec beaucoup d'aplomb des contrevérités : l'Église ukrainienne qui a récemment obtenu l'autocéphalie de Constantinople serait selon lui majoritaire, et toutes les paroisses de l'Église ukrainienne canonique seraient en train de migrer vers elle ; l'Église orthodoxe pendant la période orthodoxe aurait été persécutrice (affirmation particulièrement choquante quand on sait qu'elle a été la principale victime des persécutions communistes voir par exemple : ICI


- Galia Ackerman, juive émigrée en 1984, traductrice, mais aussi auteur de quelques études sur les dissidents et les dictatures, connue pour avoir écrit une tribune dans le Monde visant à interdire la chaîne Russia Today, qui montre que si elle écrit contre les dictatures elle est aussi une utilisatrice de leurs méthodes... ;

Enfin il y avait aussi et heureusement, Christophe Levalois. Il n'est pas dans l'Église russe, ne la connaît guère de l'intérieur et n'était donc sans doute pas le meilleur invité pour la défendre, mais il essaie néanmoins de faire de son mieux, et en tant qu'historien a un souci d'objectivité. Il signale d'emblée, la faiblesse du documentaire (sans avoir la possibilité de préciser sa pensée). Il signale aussi en cours de débat le rayonnement de l'Église russe en France à travers son émigration, Arjakovsky récupérant cependant la mise en attribuant ce rayonnement à Saint-Serge ; Christophe Levalois aurait dû répondre que Saint Serge n'est pas la seule institution russe en France à y avoir rayonné, mais que ce fut le cas aussi de nombreux membres de l'Église russe rattachée au patriarcat de Moscou (V. Lossky en théologie, N. Berdiaev en philosophie, L. Ouspensky et Grégoire Kroug en iconographie, le P. Sophrony Sakharov, le Père Serge Chévitch ou le métropolite Antoine Bloom dans le domaine de la spiritualité...).

Mais placé dans la cage aux fauves – avec un journaliste qui mène le débat de manière tendancieuse, et trois autres invités hostiles à la Russie et à l'Église russe (dont deux : Cécile Vaissié et Antoine Arjakovsky sont particulièrement agressifs), il reste timide, ne parvient souvent pas à terminer ses phrases et finalement à lui seul ne peut pas grand chose pour rééquilibrer le débat... Il ne parvient pas non plus à montrer que les relations de l'Église avec le pouvoir sont souvent difficiles, ce que signale Mgr Hilarion Alfeyev en donnant des exemples concrets dans son interview à orthodoxie.com : ICI à partir de 17'50, où il réfute aussi l'affirmation d'une ingérence réciproque de l'Église et de l'État.

Dans les médias, on privilégie bien sûr l'intervention d'Arjakovsky, conforme à l'esprit anti-russe ambiant. Nul dans le débat qui traitait de l'influence du pouvoir russe sur l'Église russe n'a évoqué, quand il s'est agi de l'Ukraine, l'influence du pouvoir ukrainien sur la constitution et la direction de la nouvelle église ukrainienne autocéphale, le président Porochenko étant visiblement (c'est-à-dire dan une multitude de vidéos facilement trouvables sur le Web) présent dans toutes les instances de l'Église, y compris conciliaires, là où en Russie le président russe n'est jamais...

On n'évoque pas non plus l'influence et l'action évidentes des États-Unis dans la constitution de cette église autocéphale (en poursuivant le but politique d'affaiblir la Russie), par leur pression sur le patriarcat de Constantinople qui a organisé l'octroi de cette autocéphalie contre toutes les règles ecclésiales orthodoxes en vigueur depuis près de deux millénaires...

Il n'y a eu personne pour répondre à l'affirmation d'Arjakovsky que le deuxième échec subi par l'Église russe (le premier étant la prétendue la perte de l'Église d'Ukraine - point sur lequel Christophe Levalois a tenté de répondre, aussitôt étouffé par les contre-vérités d'Arjakovsky) est le schisme au sein de l'Orthodoxie provoqué par la Russie, alors qu'il est manifeste que ce schisme a été provoqué par Constantinople, dont aucune Église autocéphale orthodoxe n'a soutenu et ne soutient actuellement l'action en Ukraine.

En signalant sans réflexion critique ce documentaire tendancieux et ce débat qui, globalement, ne l'est pas moins, orthodoxie.com ne rend pas service à l'Église russe ni à l'Église orthodoxe en général, car cela conforte l'hostilité envers l'Église orthodoxe en général de tout un public dont la vision est formatée négativement par les médias mainstream.

source : Ορθόδοξη Αντίσταση

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 9 Mars 2019 à 09:53 | 10 commentaires | Permalien



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