Anniversaire de la Victoire et défaite de Staline
Vladimir Golovanow

J'ai fait un court séjour en Russie fin avril et j'ai été frappé par la lecture des journaux: de pleines pages étaient consacrées à la préparation du 65ème anniversaire de la Victoire, ce qui est habituel. Mais parmi les souvenirs de vétérans et de survivants du blocus de Leningrad il y avait aussi un très grand nombre d'articles dénonçant les fautes, les erreurs et les crimes de Staline (1).
Tout a commencé début avril, quand le maire de Moscou annonça vouloir décorer la ville pour le 9 mai avec de grands portraits des héros de la guerre, dont le généralisimus Staline. L'idée a provoqué un tollé dans la presse et l'ONG Mémorial annonça son intention de réaliser un contre affichage. Simultanément Poutine dénonçait le massacre des Polonais à Katyn (de façon ambiguë il est vrai), puis le film "Katyn" de Wajda, celui-ci sans ambiguïté, était montré en prime-time sur la chaine publique la plus regardée en Russie et la copie de l'ukase ordonnant l'exécution était publiée sur Internet sur ordre du président Medvedev. Fin avril la mairie annonçait l'abandon de l'affichage, sous la pression du Kremlin laissait entendre le quotidien Vedomosti.



Entre temps, le 140-ème anniversaire de la naissance de Lénine a été peu remarqué, contrairement aux années précédentes. Deux sondages récents du "Centre russe d'étude de l'opinion publique" (WCIOM) et du centre independent "Levada" montrent la baisse de sa notoriété et un autre sondage effectué parmi des enfants en école primaire montre même une complète méconnaissance du personnage (l'un des bambin a répondu que c'était un cosmonaute!)

Enfin la condamnation sans appel des crimes bolchéviques prononcée par le la patriarche Cyrille le 1 mai 2010 est venue clore ce mois d'avril qui a ainsi marqué une nouvelle avancée dans la débolchevisation de la Russie.

(1) Par exemple: ICI

Rédigé par Vladimir Golovanow le 6 Mai 2010 à 14:42 | 8 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par vladimir le 07/05/2010 10:21
2 textes importants viennent confirmer mon analyse:
- Une prise de position officielle de du Departement des Relations Extérieures de l'Église russe sur laquelle je reviendrai (cf. http://www.mospat.ru/ru/2010/05/06/news17638/)

- La dernière intervention de Dmitri Medvedev : le président russe a fustigé ce vendredi le régime "totalitaire" de l'URSS et les "crimes" commis par le dictateur soviétique Joseph Staline. Selon lui, droits et libertés élémentaires n'existaient pas.

"L'Union soviétique était un Etat très compliqué, et pour être honnête, le régime qui a été mis en place en Union soviétique (...) ne peut être qualifié autrement que totalitaire", a déclaré M. Medvedev dans une interview au quotidien russe Izvestia (http://izvestia.ru/pobeda/article3141617/).

"Malheureusement, c'était un régime où les droits et les libertés élémentaires étaient supprimés", a-t-il ajouté dans cet entretien publié à deux jours des cérémonies à Moscou du 65e anniversaire de la victoire des alliés sur les nazis, auxquelles assisteront de nombreux chefs d'Etat et de gouvernement étrangers.

"Staline a commis une quantité de crimes contre sa propre population, notamment au cours de la collectivisation des campagnes et des grandes purges. Et malgré le fait qu'il a beaucoup travaillé, malgré le fait que sous son leadership le pays a enregistré beaucoup de succès, ce qu'il a fait à son propre peuple ne peut être oublié", a souligné M. Medvedev.

Ce texte de romandie.com (http://www.romandie.com/infos/ats/display.asp?page=20100507093127550172019048164_brf017.xml&
associate=phf1723) est un résumé très condensé de l'article des Izvestia



2.Posté par vladimir le 07/05/2010 22:45
Voici l'adresse du site des archives russes où sont publiés les documents sur Katyn:
http://rusarchives.ru/publication/katyn/spisok.shtml

3.Posté par Xenia krivocheine le 08/05/2010 14:35
La Grande Guerre patriotique a été gagnée par le peuple et non par Joseph Staline qui a commis des crimes "impardonnables" contre ses compatriotes qui ont le droit de connaître toute la vérité sur le stalinisme dont le retour est exclu en Russie, a estimé vendredi le président russe Dmitri Medvedev.

"Il y a des choses tout à fait évidentes. La Grande Guerre patriotique a été gagnée par notre peuple et non par Staline ni même par des chefs militaires aussi importante leur mission fût-elle. En effet, leur rôle a été grand (…) mais ce sont les hommes qui ont gagné la guerre au prix d'incroyables efforts, au prix d'une multitude de vies humaines", a indiqué le chef de l'Etat dans un entretien au quotidien russe Izvestia à deux jours de la commémoration du 65e anniversaire de la victoire sur les nazis en présence d'invités étrangers.
M.Medvedev a reconnu que le rôle de Staline était différemment perçu au sein de la société.
"Certains estiment que le rôle du Généralissime était extraordinaire, d'autres ne le pensent pas. (…) Quoi qu'il en soit, l'évaluation de Staline par les autorités du nouvel Etat russe est évidente et se résume comme suit: Staline a commis une quantité de crimes contre son propre peuple.
Et malgré le fait qu'il a beaucoup travaillé, malgré le fait que sous son leadership le pays a enregistré beaucoup de succès, ce qu'il a fait à son propre peuple ne peut lui être pardonné", a souligné le président russe.

RIA Novosti

4.Posté par vladimir le 08/05/2010 19:23
Comme on voit, cette longue interview du président Medvedev permet à différents média de se différencier. Mais la condamnation de Staline est reprise par tous...

Voici deux autres commentaires:
Courrier International:
Le président Dmitri Medvedev a accordé, à l’occasion du soixante-cinquième anniversaire de la victoire de 1945, célébré en grande pompe le 9 mai sur la place Rouge en présence d’une quarantaine de chefs d’Etat et de gouvernement, mais aussi du deuxième anniversaire de sa prise de fonctions à la tête de l'Etat, une interview fleuve au quotidien national Izvestia.

Tout en rappelant fermement, à l’intention de ceux qui tentent de “falsifier” l'histoire, le rôle décisif de l’armée soviétique dans l’écrasement des nazis, et le “caractère indéfectiblement négatif du nazisme et du fascisme”, à l'époque comme de nos jours ; tout en soulignant que “sans l'Union soviétique et les pays de l’alliance anti-hitlérienne, l’Europe serait devenu un grand camp de concentration, au service d’un seul Etat”, et que “l’Europe moderne, prospère et florissante que nous connaissons n’existerait pas”, il a introduit des nuances tout à fait significatives concernant les auteurs de la victoire et l’après-guerre.

Il a notamment reconnu que les événements de l’après-guerre n’avaient pas apporté que du bonheur aux pays libérés : “Pour parler sans équivoque, le régime qui s’est mis en place en URSS ne peut être qualifié autrement que comme totalitaire. Toute personne raisonnable doit séparer la mission de l’Armée rouge et de l'Etat soviétique pendant la période de la guerre, de ce qui s'est passé par la suite.” Selon lui, il est stupide d'idéaliser le rôle de l’URSS dans la période de l’après-guerre, mais il ne faut pas non plus qualifier les “bourreaux” de “victimes”. En effet, ceux qui font mine de mettre sur le même plan le rôle de l’Armée rouge et celui de l’envahisseur nazi commettent un “crime moral”.

Quant à Staline et au stalinisme, Dmitri Medvedev a proclamé : “La victoire n’était pas celle du généralissime, mais celle du peuple. […] Les crimes massifs que Staline a commis contre son peuple sont impardonnables.” Pour conclure que, en aucun cas, on ne peut parler comme le font certains de retour du stalinisme en Russie. “Cela n’est pas et ne sera pas. C’est absolument exclu.”

Libération donne plus de commentaires:
Il se démarque de son mentor Vladimir Poutine. Le président russe Dmitri Medvedev a fustigé vendredi le régime «totalitaire» de l'URSS et les crimes «impardonnables» commis par le dictateur soviétique Joseph Staline, dans un geste hautement symbolique visant à moderniser l'image de la Russie.

Dans une interview fleuve au quotidien Izvestia à deux jours de la commémoration du 65e anniversaire de la victoire sur les nazis en présence d'invités étrangers, Dmitri Medvedev a explicitement séparé l'exploit de l'Armée rouge qui «avec les Alliés a libéré l'Europe» des nazis et les méfaits de l'Union soviétique qui ont suivi.

«L'Union soviétique était un Etat très compliqué, et pour être honnête, le régime qui a été mis en place en Union soviétique (...) ne peut être qualifié autrement que de totalitaire» où «les droits et les libertés élémentaires étaient supprimés», a-t-il déclaré.

Le président russe a concédé à demi-mot que la mainmise soviétique sur l'Europe de l'Est après la victoire pouvait être mal vécue dans ces pays. «Il est insensé d'affirmer que la période de l'après-guerre n'a apporté aux pays libérés que de la prospérité», a-t-il dit.

Ces déclarations vont dans le même sens que les signes d'ouverture à Moscou sur le dossier de l'exécution d'officiers polonais à Katyn sur l'ordre de Staline qui empoisonnait les relations entre Moscou et Varsovie, à travers la publication d'archives sur l'Internet.

Le chef de l'Etat russe a également condamné une nouvelle fois les crimes staliniens, alors que la polémique faisait rage en Russie ces dernières semaines sur fond d'initiatives de certains anciens combattants et de la mairie de Moscou de glorifier le dictateur en affichant ses portraits le 9 mai.
«Staline a commis une quantité de crimes contre son propre peuple»

«Staline a commis une quantité de crimes contre son propre peuple. Et malgré le fait qu'il a beaucoup travaillé, malgré le fait que sous son leadership le pays a enregistré beaucoup de succès, ce qu'il a fait à son propre peuple ne peut être pardonné», a souligné Dmitri Medvedev.

Le règne de Staline fut marqué par un régime de terreur et par l'exécution sommaire ou l'envoi dans les goulags de millions de personnes. L'attitude est pourtant ambiguë à son égard en Russie où il est vu à la fois comme un tyran et comme le père de la victoire sur les nazis, et où 54% de la population admire encore son leadership, selon un récent sondage.

«Tout le monde comprend que le pays aurait pu se préparer mieux à la guerre s'il n'y avait pas eu de répressions contre les chefs militaires», a poursuivi Dmitri Medvedev. Son prédécesseur, l'actuel Premier ministre Vladimir Poutine, a rarement critiqué le régime soviétique et a même qualifié en 2005 la chute de l'URSS comme «la plus grande catastrophe géopolitique» du XXe siècle.

Dmitri Medvedev «a fait une déclaration très forte, attendue depuis longtemps», a réagi le défenseur des droits de l'homme Lev Ponomarev, l'un des critiques les plus virulents du Kremlin. Pour le politologue Alexandre Konovalov, les déclarations de Dmitri Medvedev, diffusées en boucle sur les principales chaînes de télévision russes, «vont contribuer à rétablir la vérité historique».

«Il s'efforce petit à petit de changer l'opinion publique», poursuit Alexandre Konovalov de l'Institut des évaluations stratégiques, qui souligne aussi l'importance de la présence pour la première fois au défilé sur la place Rouge de soldats de pays de l'Otan.

Les déclarations de Dmitri Medvedev «visent à améliorer l'image de la Russie. Elles sont destinées à l'Occident et aux libéraux russes, mais sans poids pour les élites russes», nuance Nikolaï Petrov du centre Carnegie.

(Source AFP)

5.Posté par Cathortho le 08/05/2010 22:13
On ne peut que se réjouir des déclarations venant aussi bien du Patriarcat de Moscou que du pouvoir politique russe. Ce 65 ème anniversaire de la victoire sur les racistes déments de la bande à Hitler marque ainsi une nouvelle étape, importante, dans le dégagement par la Russie de ce qui restait en elle d'emprise fantomatique et fantasmatique de l'ancien pouvoir hérité du coup d'état bolchévique de 1917.
Ce dégagement, intervenant tout de suite après les prises de position sans équivoque du pouvoir russe à propos de Katyn et après le rapprochement russo-polonais suite au tragique accident d'avion qui a provoqué la disparition du président du grand état slave d'Europe centrale, favorisera peut-être la mise en œuvre d'une Grande Europe de l'Atlantique au Pacifique via l'Oural, une Europe Catholique-Orthodoxe témoignant de la vraie foi chrétienne face à sa caricature néo-évangélique américaine.

6.Posté par Daniel le 10/05/2010 15:30
On ne peut limiter la désoviétisation à la critique de Staline. Les soucis remontent à Lénine... Que fait-il d'ailleurs encore sur la Place Rouge? Ne serait-il pas décent de rendre ses restes à d'éventuels héritiers afin qu'ils les enterrent de façon convenable?

Je me demande si ce désir de momifier Lénine et ne le conserver incorrompu exposé à la vénération des fidèles communistes n'était pas une volonté de copier l'orthodoxie avec ses reliques de saints incorrompues. De même, quand je vois ces défilés communistes de l'époque avec bannières, je ne peux m'empêcher de penser aux processions dans l'église où il y a aussi des bannières... Cette image très connue de Lénine, Marx et Engels (?) n'est pas sans me rappeler le fait que l'église orthodoxe use d'icônes.

C'est peut-être une impression personnelle mais le communisme me semble avoir voulu s'ériger en nouvelle religion en copiant des aspects de l'orthodoxie...

7.Posté par vladimir le 10/05/2010 16:31
1/ Vous avez totalement raison pour le communisme = copie de religion et Lénine = icône/relique. Mais tous les régimes ont totalitaires ont fait de même: regardez les "grand-messes" nazies à Nuremberg, les défilés fascistes... jusqu'au mausolée de Mohamet V à Rabat, ou celui d'Ataturk...
2/ Il parait logique de terminer d'abord la condamnation du stalinisme, commencée par Khrouchtchev en 1956 mais pas encore menée à terme (n'oublions pas que Staline a été sorti du mausolée!). C'est une étape essentielle de la débolchevisation et on passera ensuite à Lénine. Il y a en effet encore beaucoup d'adeptes, essentiellement parmi les anciens (cf. photo illustrant mon article), car 70 ans de propagande ne s'effacent pas en un jour et les autorités russes ont d'autres chats à fouetter que de se battre contre ces deux générations qui s'éteindront toutes seules . De toute façon, comme je le précise dans mon article, l'image de Lénine est en train de s'effacer...

8.Posté par Cathortho le 10/05/2010 17:15
@ Daniel

Tout peut arriver : pour une fois, je suis d'accord avec vous ! Vous avez raison, tout commence en effet avec Lénine, et sa momification ainsi que la présence de ce sinistre "marout" - paix malgré tout à son âme - au coeur de Moscou est néfaste pour l'environement.
Il y a effectivement dans cette momification, comme vous le pressentez, une parodie sinon de l'orthodoxie en particulier du moins de la religion en général, et le communisme, votre impression est fondée, est ce que l'on pourrait appeler une religion athée, cela a d'ailleurs été relevé par de nombreux auteurs dont Nicolas Berdiaev ; quant au regrété Vladimir Volkoff, il avait écrit un excellent petit essai : " La trinité du mal : Lénine, Trotsky, Staline ".
Mais aujourd'hui que le communisme s'est effondré une autre parodie de la religion, plus insidieuse et en cela peut-être plus redoutable, se manifeste dans la société libérale-libertaire qui est la nôtre avec les " nouveaux mouvements religieux" et le néo-évangélisme d'outre-atlantique.

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