Au-delà de la religion: présentation du film "Au-delà des collines" à Cannes
V.G.

"Il me paraît important que les croyants en Roumanie aillent le voir et en jugent après l’avoir vu."Prenant pour thème un sujet difficile, le film suscite des réactions très diversifiées dont je propose un florilège:

Exigeant et sans concession
Par Camille Esnault
Avec Au-delà des Collines, Cristian Mungiu nous plonge dans le quotidien d’un monastère roumain Orthodoxe. Il nous met à l’épreuve en nous faisant endurer le poids du quotidien de ces nonnes et montre ainsi la haute exigence qu’il met dans son cinéma, qui représente la vie, sans concession, sans artifice.

Mungiu revient à Cannes après avoir remporté la Palme d’or en 2007 pour son "4 mois, 3 semaines, 2 jours", portrait terrible d’une femme obligée d’avorter illicitement sous le régime de Ceausescu. Cette fois dans Au-delà des Collines, il nous raconte l’histoire d’une jeune fille qui revient dans son pays natal, après avoir passé quelques années en Allemagne et découvre que son amie la plus chère à son cœur, l’a remplacée par Dieu.

C’est bien d’amour qu’il s’agit dans le film de Mungiu, d’amour terrestre pour Alina, qui se meurt sans Voichita et d’amour céleste pour Voichita, qui ne peut aimer personne d’autre si elle veut ouvrir son cœur à Dieu. Mungiu nous montre dans les deux cas auxquels extrémités, auxquels abandons de soi, l’être humain est prêt à aller par amour. Alina donne tout ce qu’elle a, oublie tout ce en quoi elle croit et sacrifie sa liberté, jusqu’à sa vie pour Voichita. Elle a renoncé à tout autre amour, à tout autre désir et liberté de penser pour tromper la solitude aux côtés de Dieu et pouvoir prononcer « papa » et « maman », mots qu’elle n’a jamais pu dire étant enfant. Les deux êtres ne sont jamais irréconciliables, elles ne cessent de se séparer pour toujours se retrouver jusque dans un dernier sourire presque divin.


Au-delà de la religion: présentation du film "Au-delà des collines" à Cannes
Mungiu est un réalisateur exigeant, il met le spectateur à l’épreuve, comme Alina le fait avec les nonnes du monastère orthodoxe, filmé pendant 2h30.
YOU TUBE "Au-delà des collines"

Il nous fait pénétrer dans leur austère quotidien et nous fait ressentir ces heures qui s’écoulent au rythme des repas passés tous ensemble ou des prières récitées et encore des tâches ménagères à accomplir. Comment mieux nous faire ressentir ce poids des heures et du devoir à Dieu, que par cette longueur de l’histoire, cette lenteur de l’intrigue ? Par cette mise en scène dépouillée, sans artifice, couleur, ni musique, austère ? Le film exige de nous cette même patiente que les nonnes, cette même passion pour l’art, qu’elles ont pour Dieu, qui nous permettra de déceler la beauté dans les compositions de cadres absolument parfaits, du premier qui suit Voichita au dernier qui se ressert progressivement sur le pare-brise de la camionnette. Mungiu réalise un travail d’orfèvre qui trouvera dans la démesure son ennemie principal et nous montrera la vie sans concession, sans déguisement.

"Une absence de parti pris", ARNAUD SCHWARTZ, "La Croix"

notamment au bien, au mal qu’on cherche à combattre, à l’amour et à ses différentes formes, au libre arbitre et aux conséquences des choix, à l’erreur, la culpabilité, la superstition… Elle parle aussi, en creux mais de manière très prégnante, d’une insondable solitude existentielle, celle que bien des enfants grandis dans les orphelinats roumains ont connue. Et brosse chemin faisant un portrait de la société roumaine contemporaine. Cristian Mungiu, dont le film est coproduit par les frères Dardenne, a expliqué qu’il s’attendait à ce que "Au-delà des collines" ne soit pas reçu partout et par tous de la même manière. "Il me paraît important, a-t-il répété avec insistance, que les croyants en Roumanie aillent le voir et en jugent après l’avoir vu."

… une absence de parti pris qui, même si un certain visage de l’orthodoxie roumaine ne sort pas valorisé de ce récit, préserve de toute tentative de jugement, généralisation ou condamnation facile. "J’essaie dans ce film de ne critiquer personne, a- confié Cristian Mungiu en conférence de presse. Il s’agit de personnages donnés dans une situation donnée et il n’a jamais été question de viser la religion orthodoxe dans son ensemble." Enfin, cette œuvre remarquablement interprétée ouvre sur des questions très profondes, touchant

Abrutissement religieux le Figaro.fr
Cristian Mungiu dresse un portrait féroce de l'abrutissement religieux et convainc la critique.
Énorme gifle à l'Église orthodoxe…

Superstitions et péché d'indifférence, Fance24.
Pour le cinéaste, il ne s'agit pas de "critiquer la religion" ou de "trouver des coupables" au sein de la religion orthodoxe. Les "vrais responsables", dans l'enfance, de l'éducation de ces orphelines, n'apparaissant pas à l'écran.

"C'est aussi un film sur l'abandon", le "pire péché de tous" étant peut-être "le péché d'indifférence". "Faut-il se garder de faire des erreurs en ne tentant rien?", interroge-t-il encore.
Les sœurs et le pope du monastère "agissent peut-être mal, mais ils interviennent quand il n'y a personne d'autre pour le faire".

Une vision de la Roumanie contemporaine qui évoque la France du Moyen-Âge Evene.fr
… En devenant la proie d’un exorcisme, Alina devient martyre d’une foi obscurantiste. De la lecture des 464 péchés référencés par l’Eglise Orthodoxe à l’entravement du corps, tout est bon pour chasser le malin. Quant à Voichita, dont Mungiu adopte le point de vue, belle incarnation de servitude volontaire, elle s’affranchit quand il est déjà trop tard. De la même manière que 4 mois, trois semaines, 2 jours était plus subtil qu’un film pro-avortement (au point de passer pour ambigu pour certains) , Au-delà des collines s’avère plus complexe qu’un pamphlet anti-clérical. Si le cinéaste, iconoclaste au sens premier du terme, dénonce les pratiques religieuses d’un autre temps, il vise plus largement la société roumaine et son délitement total. En confiant les orphelines Alina et Voichita à ce couvent sectaire, seul échappatoire à une vie de misère, toutes les institutions (école, hôpital, police) sont démissionnaires. Une métaphore parfaite d’un pays postcommuniste qui ne peut et ne sait guérir de ses plaies.

«Difficile de distinguer le bien du mal» Le Figaro.fr

LE FIGARO. - Quelle est l'origine d'Au-delà des collines?

- Cristian MUNGIU.- C'est un fait divers qui a défrayé la chronique en Roumanie en 2005. Une jeune fille (interprétée à l'écran par Cristina Flutur), qui était venue rendre visite durant trois semaines à une amie (Cosmina Stratan) dans un petit monastère reculé de Moldavie, est décédée des suites de ce que la presse a appelé un exorcisme. Un prêtre avait essayé de chasser le malin qui était en elle. Elle en est morte. On l'avait enchaînée à une croix en bois, sans nourriture, ni eau, durant trois jours tout en pratiquant la lecture des prières de saint Basile, censées lutter contre le diable.

Pourquoi en est-on arrivé là?

- Au monastère, le prêtre lui avait demandé de se confesser. Mais, après la confession, son comportement est devenu étrange. Si étrange qu'elle a été conduite à l'hôpital où on l'a assommée de fortes doses de médicaments provoquant des effets néfastes sur sa santé. L'hôpital ne voulant plus la garder, elle est retournée au monastère. Le prêtre pour l'aider a pris des risques en l'exorcisant. C'était un orthodoxe radical en conflit avec l'église locale. Il prônait les valeurs traditionnelles et intégristes.

Que sont devenus le pope et les nonnes?

-L'évêque les a excommuniés. Après une enquête, et un long procès, le prêtre a été condamné à sept années de prison, relâché au bout de cinq ans. La dernière religieuse emprisonnée a été libérée en août 2011. L'Église orthodoxe a interdit ces pratiques considérées comme dangereuses; cependant, elles sont toujours utilisées.

Quelles libertés avez-vous prises par rapport à cette histoire?
-Je suis les faits. Les deux jeunes filles étaient amies depuis l'orphelinat. Elles étaient très liées, l'une protégeant l'autre, aussi bien mentalement que physiquement, face à la violence des garçons à l'orphelinat. J'ai préservé cette relation-là tout en lui donnant une dimension amoureuse. C'est une histoire d'amour et d'abandon. L'amour de Dieu doit-il être si fort qu'il vous pousse à abandonner les êtres de chair et de sang?

Pourquoi avoir voulu faire un film sur la religion, ses extrêmes, ses dérives?
-Le film parle non seulement de l'obscurantisme de l'Église, mais de l'aveuglement d'une partie de la société roumaine. Cela vient à la fois d'un manque d'éducation et d'empathie. J'ai été frappé de voir que sur la liste des 464 péchés référencés par l'Église orthodoxe, aucun ne parle du péché d'indifférence. Autre détail frappant, il y a quinze ans, la liste de ces péchés était plus courte, ce qui en dit long sur l'état de notre société! Après cinquante ans de communisme, les gens ont perdu leur libre arbitre. Ils sont anesthésiés…

Croyez-vous en Dieu?
-Nous avons tous notre idée de Dieu. Je crois en des valeurs profondes qui sont pour certaines liées à la religion. Je n'en fais pas une interprétation littérale. Le diable se manifeste de façon subtile. Il est parfois difficile de distinguer le bien du mal.

Condamnez-vous ce prêtre et ces religieuses?
-Bien sûr! Ils ont eu tort de se comporter ainsi. Mais il existe des gens bien plus coupables dans l'histoire, le médecin comme les infirmières.

Le film ne risque-t-il de provoquer une polémique?
-Je l'espère bien! Ce serait normal. Il va être considéré de façon différente par les croyants et les agnostiques. Je veux qu'il vous interpelle, vous questionne, vous secoue dans vos convictions. C'est ce qui fait le sel et la complexité de la vie.







Rédigé par Vladimir GOLOVANOW le 23 Mai 2012 à 12:21 | 2 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par vladimir le 23/05/2012 16:11
"AU-DELA DES COLLINES" : UN FILM ANTI-CLERICAL ?
Deux amoureuses se sont perdues de vue, l’une est devenue nonne. C’est le point de départ du film roumain Au-delà des collines, présenté au festival de Cannes le 19 mai. Alina revient d’Allemagne, où elle s’était expatriée pour trouver du travail.

Quand elle retrouve Voichita sur le quai de la gare, elle ne parvient pas à contenir son émotion, malgré les exhortations de son amie. Elles ont suivi des routes différentes et cette scène en est la première image. L’écart se creuse encore lorsque Voichita emmène Alina dans le couvent où elle est accueillie.

Alina juge le lieu moyen-âgeux et presse Voichita de partir. Cette dernière hésite mais l’amour de dieu est le plus fort, l’emportant sur cette relation teintée d’homosexualité. "Alina, c'est l'amour terrestre porté jusqu'à l'oubli de soi", analyse Pierre Murat dans Télérama (…) Mais Voichita a basculé ailleurs ; du côté de la loi, de la foi. Car il est doux, parfois, d'obéir aux certitudes des autres..."

Alina sombre peu à peu dans l’hystérie. Dans le couvent, un diagnostic se répand comme une traînée de poudre : possession démoniaque. Le réalisateur, Cristian Mungiu, s’est inspiré d’un fait divers : en 2005, en Moldavie, une femme victime de schizophrénie est retrouvée morte après qu’un prêtre et quatre religieuses ont voulu l’exorciser.

L’ex-journaliste roumaine Natiana Niculescu Bran y a consacré un livre et a participé à l’écriture du scénario. "Ce n’est pas un film anti-clérical, estime-telle dans un entretien rapporté par LePetitJournal.com (…) C'est une histoire sur la solitude, l'abandon, la peur, la mort, une histoire dans laquelle chaque personnage a sa part de vérité et de raison."

La plupart des critiques confirment que le film suspend tout jugement moral pour s’atteler à l’observation minutieuse des personnages. Selon le journal La Croix, il y a "une absence de parti pris qui, même si un certain visage de l’orthodoxie roumaine ne sort pas valorisé de ce récit, préserve de toute tentative de jugement, généralisation ou condamnation facile."

Quelques critiques de presse jugent néanmoins que le film charge pesamment l’Église, pour se contenter de rappeler que l’enfer est pavé de bonnes intentions : "La religion fait le mal au nom du bien, ironise Florence Colombani dans Le Point, 2h30 pour nous marteler ce message, c'est trop. "

Dans une interview accordée au Figaro, le réalisateur Cristian Mungiu se défend : "Le film parle non seulement de l'obscurantisme de l'Église, mais de l'aveuglement d'une partie de la société roumaine. Cela vient à la fois d'un manque d'éducation et d'empathie. J'ai été frappé de voir que sur la liste des 464 péchés référencés par l'Église orthodoxe, aucun ne parle du péché d'indifférence."

S’il croit en Dieu, il se méfie dogmatisme : "Je n'en fais pas une interprétation littérale, explique-t-il. Le diable se manifeste de façon subtile. Il est parfois difficile de distinguer le bien du mal. " Lui exhorte les spectateurs, notamment roumains, à voir le film et à se forger leur opinion propre. En France, la date de sortie n’a pas encore été communiquée.

2.Posté par rares le 31/05/2012 02:41
Pour l’éducation, oui, M.Mungiu a reçu une belle éducation . Mais dans son cas, on parle d'une éducation athée.
M. Mungiu est surtout le frère d'une dramaturge, Alina Mungiu Pippidi qui a publiée la pièce de théâtre intitulée,"les Évangélistes" à caractère blasphématoire pour les chrétiens.
La fondation Soros doit être contente de nouveaux, pour le succès de ses disciples. Ils n'ont ni peur de Dieu, ni honte devant le peuple.

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