Vladimir GOLOVANOW

NB : faute de ressources statistiques, l’analyse suivante n’est pas basée sur des données scientifiques mais uniquement sur des appréciations personnelles de différents contacts en France et des ressources Internet. Il s’agit donc d’une approche très empirique et je serais heureux de tout commentaire complétant ou modifiant mon analyse.

Deux approches différentes pour un objectif commun

Tout le monde semble d’accord pour considérer que l’unification de l’Orthodoxie occidentale sur une base canonique est nécessaire. Ainsi dans son appel historique de 2003 le patriarche Alexis II parlait, en conclusion, de "l’organisation de la future Eglise orthodoxe Locale multiethnique en Europe Occidentale, construite dans un esprit de conciliarité par tous les fidèles orthodoxes se trouvant dans ces pays." De même Mgr Kallistos Ware expliquait lors de la première conférence diocésaine de Daru (2005) « Nous sommes d’accord sur [...] notre objectif à long terme : un seul évêque dans chaque lieu ; et tous les évêques dans chaque pays, ou région, unis autour du même métropolite local, selon les principes du 34e canon apostolique. » Et le dernier communiqué du "bureau de la Fraternité Orthodoxe" parle de "l'aspiration légitime des fidèles à l'unité visible" (2011).

"Mais nous ne sommes pas encore d’accord sur la voie qu’il faut suivre pour atteindre cet objectif." continuait Mgr Kallistos (ibidem) et, de fait, deux approches différentes se dessinent clairement comme je l’avais montré dans deux articles précédents:

• "L'ambition de créer une orthodoxie sui generis, occidentale et européenne", est essentiellement portée par "La Fraternité orthodoxe" et l'Archevêché de Daru, où "ce courant minoritaire détient un pouvoir réel": je pense ce projet irréaliste car, en faitni la majorité des fidèles ni aucune Eglise ne s'y reconnaissent.

• La " … création en Europe Occidentale d’une Métropole réunissant plusieurs diocèses et incluant toutes les paroisses, les monastères et les communautés orthodoxes d’origine et de tradition russe qui souhaiteraient la rejoindre. Nous prévoyons d’accorder à cette Métropole les droits de l’Autonomie avec élection du Métropolite par le Concile Métropolitain (…) Nous fondons notre espoir que la Nouvelle Métropole autonome, qui réunira tous les fidèles de tradition orthodoxe russe des pays d’Europe Occidentale, servira au moment choisi par Dieu, de creuset à l’organisation de la future Eglise orthodoxe Locale multiethnique en Europe Occidentale, construite dans un esprit de conciliarité par tous les fidèles orthodoxes se trouvant dans ces pays."(ibid.) Je trouve ce projet pragmatique mais peu précis et de toute façon lointain…

La modification de la composition ethnosociologique des Orthodoxes français risque d’approfondir encore les divergences.
• La croissance probable du nombre de conversions, qui devrait logiquement suivre la croissance du nombre des clercs convertis (1), de même que l’assimilation progressive des anciennes émigrations, va augmenter le nombre d’Orthodoxes peu attachés aux Eglises-mères et donc partisans d'une Eglise locale totalement indépendante.
• A contrario, l’arrivée massive de nouveaux migrants des Pays de l’Est, et en particulier des migrants temporaires, va augmenter le nombre de ceux pour qui l’Eglise doit permettre de maintenir un lien avec leurs racines culturelles. Ils tiendront donc au maintien de liens étroits avec les Eglises-mères

Trouver un modèle commun permettant de répondre aux attentes de tous sera donc le défi des Orthodoxes occidentaux. Il est important, pour cela, que chacun se mette à l’écoute de l’autre plutôt que de s’enfermer dans sa propre logique en essayant de démontrer que c’est la seule qui respecte les canons, comme c’est le cas actuellement. Et c’est le modèle de l’OCA (Eglise orthodoxe en Amérique) qui me parait représenter le seul exemple conciliant les attentes qui semblent opposées :

• c’est clairement une Eglise d’Américains pour les Américains: ce modèle convient donc aux tenants de la première approche
• elle intègre aussi des èparchies non géographiques, roumaine, bulgare et albanaise, qui permettent de préserver les particularismes culturels et de garder des liens particuliers avec les Eglises-mères, comme le demandent les partisans du maintien de ces liens.

Nous savons bien toutefois que l'autocéphalie de l'OCA est loin d'être unanimement admise et nous pouvons aisément imaginer comme il sera difficile de reprendre ce modèle, même s'il parait théoriquement acceptable. De plus nous avons une autre question à surmonter en Europe:

Quel rôle pour le Catholicisme?

Les Orthodoxes reprochent suffisamment aux Latins d’avoir implanté des hiérarchies parallèles dans leurs territoires canoniques, que ce soit au Moyen-Orient ou en Europe de l’Est, pour ne pas faire exactement la même chose dans l’autre sens. Malgré cela, je ne connais aucun théologien orthodoxe défendant le respect scrupuleux du territoire canonique de Rome défini au premier millénaire et ce principe a subi bien des accrocs : plusieurs dizaines de diocèses orthodoxes sont établis en Europe occidentale, sans parler des deux Eglises autocéphales de Pologne et des Terres Tchèques et Slovaques.

Toutefois, la plupart des Eglises orthodoxes marquent un certain pour l’évêque catholique titulaire : ainsi les évêques orthodoxe ne portent pas les titres des villes épiscopales catholiques mais soit des titres «in partibus» (2), soit de pays qui ne représentent pas des diocèses catholiques (de France, d’Allemagne…) (3). De plus, certains évêques orthodoxes (en particulier ceux de l’Eglise russe) ne manquent pas de rendre visite au titulaire catholique quand ils visitent une ville de province ni de l’inviter pour les grandes occasions (bénédiction d’une église, fête patronale…).

Mais rien de cela n’est concerté ni entre Eglises Orthodoxes ni avec l’Eglise romaine et il me semble que, si l’on en vient à la mise en place d’une ou plusieurs Eglises autocéphales en Europe occidentale, cela ne devrait pas se faire sans un accord avec Rome.

Notes
(1) Voir par exemple le dynamisme de la fraternité de l’Eglise de Serbie en Languedoc-Roussillon
(2) Villes dont le siège épiscopal orthodoxe a été historiquement supprimé, exemple Chersonèse , Comane ou Souroge.
(3) Les nouveaux diocèses catholiques en territoire orthodoxe semblent obéir au même principe : leurs diocèses en Russie s’appellent « de Notre Dame » ou « de Saint Nicolas »…


Rédigé par Vladimir GOLOVANOW le 5 Janvier 2012 à 15:01 | 53 commentaires | Permalien



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