Bernard Kouchner vient de créer un pôle religions au Quai d’Orsay, une première en France
Le quotidien Le Monde publie le 26 juillet un article sur une nouvelle initiative du Ministère français des affaires étrangères:

Certains ne manqueront pas d'y voir un nouveau signe de la "laïcité positive" prônée par le président de la République, Nicolas Sarkozy. D'autres, un esprit du temps qui confère aux religions un rôle-clé dans le supposé clash des civilisations. Depuis le 1er juin, un pôle religions s'est installé au sein de la direction de la prospective du ministère des affaires étrangères, une première en France.

Le ministre Bernard Kouchner, à l'origine de cette création, y voit, lui, "un effet de la mondialisation" et une nécessaire "modernisation" des mentalités. La réflexion pour une prise en compte de paramètres religieux était "insuffisante" au sein de la diplomatie française, assure le ministre. "On a intégré la démographie, l'écologie et les pandémies à la réflexion stratégique, pourquoi pas les religions ? Toutes les guerres que j'ai connues comportaient à des degrés divers des histoires de religion", assure-t-il, dans une allusion aux conflits du Kosovo, du Sri Lanka ou du Liban, qu'il a particulièrement suivis.

"Dans certains pays, faire de la politique, c'est parler religion, et inversement. On ne peut pas l'ignorer", défend aussi le responsable du nouveau pôle, Joseph Maïla, spécialiste de l'islam et de la sociologie des conflits, fondateur de l'Institut de formation à la médiation et à la négociation. Et de citer les points chauds de la planète que sont l'Afghanistan, le Pakistan, l'Irak ou l'Iran.

Pas question pour autant d'accréditer l'idée que la plupart des conflits actuels trouvent leur origine ou leur explication unique dans des différends religieux : "Le pôle religions, c'est 6 personnes pour 16 000 diplomates !", relativise le ministre. Mais ses promoteurs soulignent que la diplomatie française, imprégnée des principes de laïcité, se montre parfois en retrait par rapport aux questions religieuses. Aussi le pôle religions devra-t-il sensibiliser les diplomates de la nouvelle génération aux questions religieuses.

"Comment faire de la médiation dans un conflit si on ne connaît pas la différence entre chiisme et sunnisme, entre un grec-orthodoxe et un maronite ?", s'interroge M. Maïla. D'origine libanaise, cet intellectuel catholique, ancien recteur de l'Institut catholique de Paris, s'est intéressé de près à l'accord de Taëf, qui, en 1989, a mis fin à la guerre civile libanaise en redistribuant les pouvoirs au sein des différentes communautés religieuses. "Certains conflits sont résolus par un accommodement entre communautés religieuses", insiste-t-il, tout en précisant : "La finalité du pôle demeure politique et diplomatique, et la diplomatie reste régulée par des valeurs laïques."

En s'appuyant sur des experts, le pôle religions devra mener une réflexion en amont, suivre les grands mouvements religieux à travers le monde et leurs éventuelles implications politiques pour, le cas échéant, accompagner la diplomatie active de la France. Ce travail de prospective devrait ainsi s'intéresser aux évolutions du protestantisme évangélique, aux différentes facettes de l'islam et de l'islamisme à travers le monde, au poids de l'orthodoxie en Russie, aux vagues de prosélytisme… Le pôle religions devra aussi centraliser les réactions internationales à la suite de déclarations ou de décisions de la France sur des sujets religieux. L'une de ses premières missions a consisté à donner aux ambassadeurs des éléments de langage commun après les propos critiques du président de la République sur le port de la burqa en France. Il leur a été conseillé de mettre en avant la dignité de la femme, la sécurité et la spécificité culturelle française… Le pôle travaille aussi sur les questions touchant le fondement théologique de la Constitution iranienne dans la crise actuelle. Dans les prochaines semaines, les experts pourraient être amenés à évaluer les conséquences d'une condamnation de l'Eglise de scientologie sur les relations avec les Etats-Unis. Ou à s'interroger sur les rapports de la France avec un groupement comme l'Organisation de la conférence islamique (OCI), fédération de 57 pays fondée sur la religion.

Jusqu'à présent, l'expérience diplomatique de la France en matière religieuse était cantonnée à ses relations avec le Vatican et à sa responsabilité vis-à-vis des congrégations religieuses. Depuis les années 1920 et la normalisation des rapports diplomatiques entre la France et le Vatican, un conseiller pour les affaires religieuses est en effet rattaché au ministère des affaires étrangères.

Censée élargir son champ d'action aux autres religions, la fonction est restée marquée par le contexte historique de sa création. Diplomate, le conseiller est chargé de l'accueil des personnalités religieuses en France et représente la France dans les organismes internationaux. Il fut à la manœuvre lors de la visite du pape à Paris et à Lourdes en septembre 2008. Il a aussi joué un rôle central dans la conclusion de l'accord signé entre la France et le Vatican sur les diplômes universitaires.

Stéphanie Le Bars

Rédigé par l'équipe de rédaction le 26 Juillet 2009 à 15:36 | 11 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Marie Genko le 27/07/2009 10:27
L'article de Stéphanie Le Bars suscite plusieurs remarques.
Je ne citerai que celles qui me sautent de prime à bord aux yeux pour ne pas fatiguer les lecteurs.
Ma première réflexion est que depuis la révolution française, c'est bien la Laïcité, fille de la Déesse Raison, qui est devenue la religion de la France.
En 1685, Louix XIV, au nom de la religion d'État, supprimait l'édit de Nantes.
Comme nous le savons tous, cette révocation causa un grave préjudice à la France.
Aujourd'hui, au nom de la Laïcité, l'État français veut tomber dans le même piège!
Supprimer la burqa veut dire priver l'industrie de luxe française d'une partie non négligeable de ses ressources!
Et ce qui est infiniment plus grave, supprimer la burqa, veut dire nier au Musulmans leur approche de la spiritualité!
Si les femmes voilées iront faire leurs courses dans les grands hôtels de New York ou de Moscou, une partie des Musulmans de France, celle qui en a les moyens, émigrera.
Resteront sur ce sol les délinquants athées!
Quant aux gouvernements des États musulmans, ils deviendront eux, d'irréductibles ennemis de la France!
Il est hélas évidant, que des concepts d'attachement à sa foi religieuse sont difficilement concevables pour les fonctionnaires laïcisés qui gouvernent ce pays!
Respecter la spécificité des différentes religions sur son sol, voilà ce qui a permis, et permet encore à la Russie de gérer en paix les nombreuses confessions de ce pays.

2.Posté par vladimir le 27/07/2009 18:54
Je trouve tout à fait intéressant de suivre la prise en compte croissante du fait religieux par l'administration française sous l'impulsion de Sarkozy. Après un siècle de laïcité militante, dont le dogme était bien proche de "l'opium du peuple" léniniste, nous avons vu le discours du Latran et le diner du CRIF(1), la création du CFCM(2), la loi sur le foulard à l'école et la condamnation de la burka, maintenant ce pôle religion… Personnellement je trouve la démarche cohérente et positive et j'en veux pour preuve les levées de boucliers que chacune de ces initiatives soulèvent dans le camp laïcard (je me sers de ce néologisme pour qualifier les intégristes de la laïcité, majoritaires dans l'intelligentsia française).

L'approche de l'Islam est tout à fait remarquable puisqu'elle vise à promouvoir un Islam français modéré en écartant les extrémistes. Je vais assez souvent en Turquie pour voir à quel point le foulard islamique (interdit dans les universités turques) et la burka sont leurs moyens privilégié de promotion: ils peuvent ainsi exercer une pression claire et précise sur tous ceux qui refusent leur extrémisme (je pense que tous les lecteurs de ce blog savent qu'il ne s'agit pas d'un dogme religieux mais d'une coutume variable selon les pays et qui, actuellement en France comme en Turquie et au Maghreb, est principalement revendiquée par les tenants d'un Islam intolérant et revendicatif – les islamistes.)

Notes
(1) Conseil représentatif des institutions juives de France
(2) Conseil français du culte musulman

3.Posté par Marie Genko le 27/07/2009 23:35
@Vladimir
Pour une fois, je ne partage pas votre avis en ce qui concerne l'Islam!
Les femmes musulmanes pieuses se voilent parce ce qu'elle croient qu'il s'agit d'un acte nécessaire qui engage la proclamation de leur Foi.
Les empêcher de se voiler, c'est porter atteinte à leur liberté religieuse!
Si nous voulons la paix dans un pays devenu pluriconfessionnel, il faut que nous respections les usages des autres religions.
les juifs portent des Kipa ou des chapeaux noirs dans les rues et personne ne proteste!
Nos prêtres sont encore en soutane et de nombreuses religieuses portent leur habit.
Pourquoi ne pas tolérer le foulard ou la burqa?
Plus nous essayerons de briser les usages musulmans, plus ils nous haïront et se radicaliseront
dans un Islam vengeur et extrémiste!

4.Posté par Anna Rotnov le 28/07/2009 12:32
Cher Vladimir ,
Loin de moi l' idée de donner des leçons ou d' essayer d' enseigner quoi que ce soit aux personnes bien plus érudites que moi qui participent à ce forum . Il me semble , toutefois , que nous parlons beaucoup des autres religions ( et même chrétiennes ) et pas assez des problèmes que nous avons et vivons au quotidien dans la notre . Le titre de ce forum est ' Parlons d' Orthodoxie ' ... parlons - nous réellement de notre Orthodoxie ? Parlons - nous ouvertement et franchement de nos problèmes ? A mon point de vue - non , on préfère regarder la paille dans l' oeil du voisin et ne pas mentionner ce qui nous dérange et déplaît .
Mais si je me trompe je vous remercie de bien vouloir me corriger .

5.Posté par Anne O'Nem le 28/07/2009 15:46
Le problème, c'est l'islamisation de l'Europe du fait de l'invasion migratoire et de la fécondité accrue des femmes musulmanes. Dans quelques années, ils imposeront la burka à toutes les femmes comme en Arabie, en Iran et feront fi de notre liberté religieuse. Il suffit de voir le sort des minorités chrétiennes en terre d'islam. Déjà, il est impossible de se promener en minijupe à Paris sans subir des agressions verbales ou pire de personnes influencées par l'islam... qui vous prennent pour des filles faciles... Ce n'est plus l'Europe, c'est l'Eurabia.

6.Posté par Jean Vanders le 28/07/2009 22:54
Je suis d'accord avec Marie Genko, l'Etat n'a pas à intervenir dans le choix vestimentaire des croyants de quelque religion que ce soit. Mais il faut espérer que les femmes musulmanes porteront le voile sans cacher leur visage. Dans de nombreux cas, il faut montrer son visage (contrôle à 'aéroport etc.)
@Anne O'Nem: vous confondez burqa et foulard ou voile car en Iran, les femmes se coiffent d'un foulard mais aucune me semble-t-il ne porte la burqa, coutume pré-islamique surtout en usage en Afghanistan. Donc, je ne vois pas les Musulmans imposer cette burqa ici puisqu'elle n'est pas oblgatoire au Maghreb et encore moins en Turquie.

7.Posté par Anne O'Nem le 29/07/2009 11:44
Pour l'heure, la Turquie et les pays du Maghreb ne sont pas des républiques islamiques. Donc aucune imposition de la burka ou du voile légalement. Il ne faut pas néanmoins négliger la pression de la société et des islamistes, parfois violente pour obliger les femmes (musulmanes ou pas) à porter la burka ou le voile ou tout autre vêtement islamiquement correct, pour quiconque a vécu dans ces pays et pour quiconque connait un peu les banlieues françaises.

N'oubliez pas le sens du voile. La femme se voile pour ne pas "exciter" l'homme. Je trouve cela insultant pour l'homme d'être réduit à un tas d'hormones incapables de se contrôler, et la femme à une allumeuse. D'ailleurs n'était-ce pas un imam australien qui avait implicitement justifié le viol des femmes non voilées en disant qu'elles étaient comme de la viande. Manifestement, l'avenir multiculturel et multireligieux sera radieux. Bon je vais arrêter car il faudrait dire que l'islam est plus une idéologie politico-religieuse qu'une religion... et le site a pour nom "Parlons orthodoxie", pas "Parlons islam".

8.Posté par Marie Genko le 29/07/2009 22:49
@Anne O'Nem
Si nous voulons que notre religion orthodoxe, ses prêtres, ses usages soient respectés, nous devons nous aussi respecter la liberté des usages des autres religions. C'est en cela que je pense comme Jean Vanders que l'Etat ne doit pas légiférer pour nous interdire les soutanes, les croix pectorales, les cornettes chez les religieuses catholiques ou l'uniforme de l'armée du Salut chez les protestants.
Si une coutume religieuse et identitaire pousse les femmes musulmanes à se voiler, cela ne devrait nous concerner en rien!
Nous n'avons pas à nous sentir insultées dans notre état de femme par des paroles prononcées par un Imam australien, ou tout autre.
Nous avons notre dignité de chrétiennes et cela devrait nous suffire.
Hélas, comme nous le savons fort bien, les musulmans n'ont pas l'exclusivité des paroles malheureuses! Il arrive que certains prêtres disent aussi des énormités!
J'espère que je ne vous choque pas en écrivant cela? Il me semble si nécessaire en ces temps de désastres en ce qui concerne les relations entre les chrétiens et les musulmans, que les États ne jettent pas de l'huile sur le feu en promulguant des lois inacceptables pour toute une frange de la population de la France.
Jean Vanders a raison de faire une distinction entre foulard, voile et burqa! Il est vrai que cette dernière est quasiment inusitée dans notre pays.

9.Posté par eugenia le 02/08/2009 18:24
J'espère que Kouchner se rend compte du fait qu'il a perdu toute crédibilité concernant sa bonne volonté et son indépendance politique.
Les chrétiens orthodoxes ont été trahis trop souvent par leurs frères. La Croisade de 1204, la chute de Constantinople et la guerre contre le peuple serbe sont des moments historiques tragiques et je ne crois pas que M. Kouchner est la personne qui doit approcher un domaine dans le quel, il a eu une contribution néfaste.
C'est pas très simple d'effacer des décennies d'histoire très, très récente pendant lesquelles des centaines de milliers de chrétiens orthodoxes ont été abandonnés derrière le rideau de fer, dans les bras d'un pouvoir politique diabolique, par ceux avec lesquels ils partagent la même prière 'Notre Père'.
Tous ces organismes dirigés de Washington, savent pertinemment que les musulmanes, les francs-maçons et les libres penseurs de toute orientation sexuelle, veulent détruire l'âme chrétienne de l'Europe.
Les cathédrales catholiques tombent en ruine ou sont transformés en piscines pendant que les mosquées envahissent notre vieux continent.
Parler du voile c'est une façon de dissimuler les vraies problèmes et les mouvement sur une table d'échec qui est notre continent et ou les 'Maîtres du jeu' sont des fous.

10.Posté par vladimir le 06/08/2009 16:20
Le meilleur commentaire sur la burqa, à mon avis. Rien à rajouter.
Mais je reviendrai sur la question du 'dress code' chez nous, orthodoxes
Adresse à celles qui portent volontairement la burqa

Après que les plus hautes autorités religieuses musulmanes ont déclaré que les vêtements qui couvrent la totalité du corps et du visage ne relèvent pas du commandement religieux mais de la tradition, wahhabite (Arabie Saoudite) pour l'un, pachtoune (Afghanistan/Pakistan) pour l'autre, allez-vous continuer à cacher l'intégralité de votre visage ? Ainsi dissimulée au regard d'au- trui, vous devez bien vous rendre compte que vous suscitez la défiance et la peur, des enfants comme des adultes. Sommes-nous à ce point méprisables et impurs à vos yeux pour que vous nous refusiez tout contact, toute relation, et jusqu'à la connivence d'un sourire ? Dans une démocratie moderne, où l'on tente d'instaurer transparence et égalité des sexes, vous nous signifiez brutalement que tout ceci n'est pas votre affaire, que les relations avec les autres ne vous concernent pas et que nos combats ne sont pas les vôtres. Alors je m'interroge : pourquoi ne pas gagner les terres saoudiennes ou afghanes où nul ne vous de mandera de montrer votre visage, où vos filles seront voilées à leur tour, où votre époux pourra être polygame et vous répudier quand bon lui semble, ce qui fait tant souffrir nombre de femmes là- bas? En vérité, vous utilisez les libertés démocratiques pour les retourner contre la démocratie. Subversion, provocation ou ignorance, le scandale est moins l'offense de votre rejet que la gifle que vous adressez à toutes vos sœurs opprimées qui, elles, risquent la mort pour jouir enfin des libertés que vous méprisez. C'est aujourd'hui votre choix, mais qui sait si demain vous ne serez pas heureuses de pouvoir en changer. Elles ne le peuvent pas... Pensez-y.
Elisabeth Badinter

Le Nouvel Observateur
http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p2331/articles/a405327-.html?xtmc=adresseacellesquiportentlaburqa&xtcr=1

11.Posté par Marie Genko le 07/08/2009 09:16
Cher Vladimir,
Merci d'avoir mis sur ce forum cet intéressant texte d'Élisabeth Badinter,
Elle a parfaitement raison d'écrire, qu'en France, les burquas n'ont pas lieu d'être et que femmes qui souhaitent la porter peuvent retourner dans leur propre pays.
C'est plutôt contre l'interdiction du foulard, que je me suis de prime à bord élevée, car si ne ne voulions pas de musulmans dans notre pays, il ne fallait pas les encourager à venir s'installer en France.
Pour moi, les droits de l'homme et l'égalité des sexes, tel qu'ils sont perçus dans notre pays, sont l'héritage de Robespierre et des révolutionnaires français. Ils ne sont pas du tout inspirés pas la Parole du Christ qui nous parle d'Amour et de devoirs les uns envers les autres.
Je m'élève contre l'uniformisation des cultures voulues par l'internationale socialiste, sous couvert de droits de l'Homme!
C'est en cela que les chrétiens, les juifs et les musulmans ont le droit de porter leurs croix, leur Kipa ou leur foulard!
Quant aux sœurs opprimées, dont parle Élisabeth Badinter, je regrette de ne pas me souvenir des statistiques sur les femmes battues et même mortes de sévices conjugaux dans notre pays si démocratique!
C'étaient des chiffres tout à fait impressionnants!
La législation d'un pays est une chose, mais elle ne peut en rien remplacer une solide éducation spirituelle qui forme les individus au respect des uns envers les autres. Et seul le creuset d'une spiritualité bien enseignée et bien comprise, c'est celle transmise par un enseignement religieux.

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