Nikita Krivochéine, « La Pensée Russe » - 4 juin

Lors de sa dernière session tenue à Saint-Pétersbourg, le Saint Synode a décidé d’élever à la dignité épiscopale l’hégoumène Nestor (Sirotenko), recteur de l’église cathédrale des Trois-Saints-Docteurs à Paris, et de lui attribuer le titre « de Caffa », cité antique de Tauride située non loin de Chersonèse. Le procès-verbal de cette session du Saint Synode note que cette nomination répond à une demande de Mgr Innocent, archevêque de Chersonèse. C’est là la manifestation d’une grande proximité dans l’espace-temps, un signe de continuité spirituelle.

La Providence manifeste sa générosité : ceux qui, avec amour, s’écrieront « Aksios !» lors du prochain sacre se souviendront de l’expression anglaise « l’homme qu’il faut là où il faut » !
Les orthodoxes russes en France, une fois encore, se déchirent en querelles juridictionnelles, en batailles entre fidèles à la tradition et novateurs. Tout cela est, pour une grande part, dû au flux de nouveaux convertis, à la confusion linguistique, au désir d’élaborer en chemin une nouvelle formation ecclésiale, coupée de l’Église Mère.

Cinq minutes de surf sur Internet et l’on est horrifié devant les invectives réciproques que se lancent les différents clans en France.

Mgr Nestor n’est pas entravé par des séquelles de la peur soviétique dont il est si diffcile de se débarasser: il est de cette génération qui se souvient à peine avoir séjourné dans les rangs déjà insensés des pionniers. Il vient d’une famille d’intellectuels moscovites qui l’a élevé en ces temps où l’on n’avait plus peur d’être ouvertement orthodoxe. Il est de ces jeunes gens dont la vocation et l’entrée au grand séminaire ne venaient pas, comme ce fut souvent auparavant le cas pour beaucoup, du désir de trouver dans l’Église un refuge contre une société absurde. Ce furent sa volonté propre et son choix de servir Dieu. La connaissance du français l’a conduit à Paris où il a étudié à l’Institut Saint-Serge et été nommé à l’église des Trois-Saints-Docteurs.

Le père Nestor, du vivant de Mgr Serge (Konovalov), fut pendant plusieurs années recteur de la paroisse de l’Ascension à Asnières où il a acquis l’amour des paroissiens de l’Exarchat œcuménique. Ensuite il est devenu recteur de l’église des Trois-Saints-Docteurs de l’Église orthodoxe russe ; il a eu maintes fois l’occasion de sillonner la France en exerçant son ministère auprès de paroisses privées de prêtre. Et nombreuses sont ces paroisses, depuis maintenant dix ans que Mgr Innocent de Chersonèse est ordinaire des paroisses russes en France. Et que dire de l’Italie, de l’Espagne et du Portugal.
Sans hésiter, je dis que dans toute ma vie je n’ai jamais eu l’occasion d’entendre un meilleur prédicateur : le père Nestor transforme les théorèmes théologiques les plus complexes, les moments les plus secrets de la vie spirituelle en récits dont on ne peut se détacher, en préceptes salvateurs. Beaucoup rêvent d’une édition papier de ses homélies. Heureux sont ses enfants spirituels, espérons qu’il pourra à l’avenir recevoir leurs confessions.
L’homme qu’il faut, là où il faut. Grâce aux efforts de Mgr Nestor, je l’espère, l’apaisement reviendra parmi les orthodoxes russes de France.

Traduction Marc F.

Rédigé par Nikita Krivocheine le 10 Juin 2010 à 23:23 | 12 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par MARC le 10/06/2010 23:33
Est-ce que « frère » (français), « brat » (russe) ont encore un sens ? Une brève incursion sur quelques blogs où des orthodoxes, russes et français, s’invectivent à qui mieux mieux et échangent des noms d’oiseaux m’incite à en douter sérieusement.

Depuis mon baptême, relativement récent, je m’interroge sur l’existence du malin, du diable et aujourd’hui je tremble à l’idée d’avoir trouvé où il se terre…

Dieu merci, l’Évangile est un message d’Amour et j’y crois !

2.Posté par Daniel le 11/06/2010 07:51
Je lis dans l'article : "Tout cela est, pour une grande part, dû au flux de nouveaux convertis, à la confusion linguistique, au désir d’élaborer en chemin une nouvelle formation ecclésiale, coupée de l’Église Mère."

Cela veut-il dire implicitement :

- refuser les conversions à l'orthodoxie, ce qui serait conforme d'ailleurs au Yalta ecclésiastique avec le Vatican (nous restons une église ethnique s'occupant de nos ressortissants et les autochtones qu'ils aillent à l'église catholique et en échange vous mettez un frein aux uniates)

- faire du 100% slavon dans les offices parce que prier en français, ce n'est pas bien

3.Posté par Nikita Krivocheine le 11/06/2010 08:36
@Daniel,
Pardonnez moi cette glose à propos de l'article:
"Confusion linguistique" = mélange de langues liturgiques, c'est fort souvent le cas. C'est bien plus que la lecture de l'Évangile dans la langue locale. Les offices monolingues (qu'ils soient en celte) sont psychologiquement bien plus "confortables" pour les orants;
"afflux de convertis" n'égale pas évitement de conversions mais implique la nécessité absolue d'efforts patients et pénétrés d'amour à l'égard des néophytes.
NK

4.Posté par Daniel le 11/06/2010 10:36
@ Nikita

Il doit y avoir une erreur dans l'article original car on y lit "flux de converti" et non "afflux" de convertis. Oui il faut des efforts patients car le catéchuménat prend du temps... mais si certains prêtres reçoivent à la va vite, c'est plus de la faute du prêtre que du converti (qui ignore que la chose n'est pas normale).

Pour la langue, je veux bien vous suivre mais en général, on ne prie que dans sa langue maternelle, de même qu'on ne rêve que dans sa langue maternelle... S'il y a une seule église dans la ville (cas typique en province) avec des gens des origines les plus variées, on est bien forcé d'utiliser 2 langues pour une même célébration et d'alterner un minimum.

5.Posté par Marie Genko le 11/06/2010 14:13
Cher Daniel,

Votre message 2 risque d'induire bien des lecteurs en erreur!
Je pense ne pas être le seul exemple d'une orthodoxe d'origine russe, qui récite ses prières quotidiennes en slavon, qui suit le dimanche une liturgie en slavon, mais qui suit tout aussi volontiers une liturgie en Français lorsque l'occasion s'en présente!
Et pour ce qui est des paroisses qui lisent l'évangile tout autant en Français qu'en Slavon, il me semble qu'elles sont tout à fait louables!
Et je suis loin d'être la seule à penser ainsi (allez donc à la paroisse d'Exelmans)

Pourquoi parlez-vous de Yalta ecclésiastique avec le Vatican?

Je n'ai jamais, jamais, eu l'impression que l'archevêché, ou toute autre juridiction orthodoxe en Europe occidentale, refusait de recevoir en son sein ceux des candidats sérieux qui souhaitaient se convertir à l'Orthodoxie!
Il ne faut pas confondre une traditionnelle attitude non prosélyte des Orthodoxes avec un "soit disant" accord tacite avec le Vatican!
Cette attritude non prosélyte est due à l'espoir de voir le retour de nos frères catholiques aux dogmes orthodoxes!
Et les Catholiques seront alors de toute évidence l'Église Locale Orthodoxe en Occident!
Et nous pourrons, au hasard de nos déplacements, communier dans leurs églises.
Quant à l'afflux des nouveaux arrivants dans nos églises, il s'agit surtout d'une émigration récente des pays russophones d'ex URSS, et ces gens là souhaitent des liturgies et des homélies qui leur soient compréhensibles, ce qui tombe sous le sens!
Et c'est entre autre pour pouvoir accueillir leur grand nombre qu'une cathédrale russe va se construire à Paris.
Personne ne prétend empêcher ceux, qui le souhaitent, de prier en français, et l'Église de Russie le sait parfaitement.

6.Posté par Daniel le 11/06/2010 15:45
@ Marie

Le Yalta ecclésiastique a bel et bien existé dans les faits. En Italie, il était impossible de devenir orthodoxe à moins de passer par les juridictions vétérocalendéristes ou par les Russes Hors Frontières, cadeau fait au Vatican en échange d'une modération des activités des uniates. En France, il y a eu aussi des refus de conversion de la part des oecuménistes pour lesquels tout se vaut (Jean-Louis Palierne en parle dans "Où se cache l'église orthodoxe") et de la part des phylétistes qui mettent l'ethnie avant toute chose. A l'heure actuelle, qu'en est-il?Cer

Par ailleurs, certaines déclarations comme celle du Métropolite Kirill de Smolensk lors de la consécration de l'église d'Alicante incitent implicitement les autochtones à demeurer catholiques car ils auraient déjà un évêque qui a la plénitude de l'épiscopat. Je ne suis pas optimiste sur ce sujet car je sais bien que les oecuménistes sont en général les plus réticents à accueillir des convertis...

«Avant de commencer la célébration liturgique, le métropolite Cyrille a salué l'évêque d'Orihuela-Alicante, Mgr Rafael Palmero Ramos, présent dans l'assemblée, par ces paroles : « Etant donné que nous sommes dans ce diocèse dont vous avez la charge, je vous demande de bien vouloir procéder à la bénédiction de cette église ».
« En disant cela, il avait voulu être explicite, et faire comprendre que Mgr Palmero est l'évêque du lieu et qu'en tant que successeur des apôtres, il préside la communauté chrétienne de l'Eglise d'Orihuela-Alicante », a expliqué le père Benedett ."

http://www.orthodoxie.com/2007/12/le-patriarcat-d.html

7.Posté par Irénée le 11/06/2010 17:52
Je répondrais à Marie que ces nouveaux immigrants cherchent plus des Liturgies proches de ce qu'ils ont connu dans leur pays d'origine ou dans leur enfance que des offices compréhensibles...Cette recherche est parfaitement légitime, mais il faut aussi essayer d'aider ces personnes à avoir une meilleure connaissance de leur Eglise, du sens de leurs usages et traditions.
Les besoins en terme catéchétiques sont très important, et il y a là un grand chantier à lancer ou à consolider.
L'accord tacite avec le Vatican ne me semble plus être très à la mode, mais il est vrai que dans les années 70, cette approche était très présente dans certains milieux orthodoxes parisiens.
J'ai retenu une phrase de cette période, venant de responsables catholiques romains : "Nous avons beaucoup de respect pour nos frères séparés, mais beaucoup moins pour nos frères qui se séparent".

8.Posté par vinika le 11/06/2010 23:06
je connais de "vrais russes " qui pensent que la langue du pays doit être celle de la liturgie! et non le slavon qui peut être "exotique " moi en tous les cas j'aime entendre le slavon qui me plonge au plus loin de moi même et en moi même et dans une insondable profondeur, pourtant je prie en français ! tout ça encore querelle de clochetons !

9.Posté par Fabre le 12/06/2010 09:28
tout à fait 'accord avec Daniel, l'autre pas moi..., pour le yalta catholique je suis ancien KTO et cela est vrai ! et d'autre part ceci en est bien un exemple :
" le métropolite Cyrille a salué l'évêque d'Orihuela-Alicante, Mgr Rafael Palmero Ramos, présent dans l'assemblée, par ces paroles : « Etant donné que nous sommes dans ce diocèse dont vous avez la charge, je vous demande de bien vouloir procéder à la bénédiction de cette église ».
« En disant cela, il avait voulu être explicite, et faire comprendre que Mgr Palmero est l'évêque du lieu et qu'en tant que successeur des apôtres, il préside la communauté chrétienne de l'Eglise d'Orihuela-Alicante », a expliqué le père Benedett ." "

10.Posté par Marie Genko le 12/06/2010 10:03

@Daniel,

Vous avez peut-être raison en ce qui concerne un hypothétique accord tacite avec le Vatican, mais à ma perception des choses, il s'agit d'avantage d'un respect traditionnel de l'Église russe pour le territoire canonique de l'évêque de Rome, toujours à cause de cette certitude que nous soyons appelés à ne devenir à nouveau qu'une seule et même Église!


Irénée,
Oui, vous avez raison, les nouveaux arrivants des pays de l'Est cherchent des liturgies proches de celles qu'ils ont connues dans leur enfance!
Mais un sermon en russe le dimanche matin est pour moi le catéchisme par excellence pour ces gens surchargés de travail et qui viennent assister à une liturgie dominicale.
Ils sont rarement disponibles en semaine, et les efforts pour le grand chantier de catéchèse, dont vous parlez, commence par un sermon en russe aux nombreux fidèles des offices du dimanche matin!
C'est presque toujours le cas à la rue Daru, sauf les jours où Mgr Gabriel prêche en français, et il est dommage qu'il ait abandonné la coutume de se faire traduire consécutivement en russe par le diacre André.

11.Posté par Daniel le 12/06/2010 10:44
Une homélie bilingue est en effet nécessaire... ou deux homélies. Un évêque roumain avait fait la blague suivante : ils font la première homélie en français après l'Evangile et la seconde en roumain après la communion car les Roumains ont tendance à arriver en retard. Pourquoi ne pas demander à l'archevêque Gabriel de faire traduire en russe?

12.Posté par vladimir le 15/06/2010 18:24
@Daniel
Pourquoi cette tendance à l'exagération? La position de l'Église russe est parfaitement claire: "nous ne ne sommes pas ici pour convertir des Catholiques, mais pour nous occuper de nos ouailles". Pour autant il n'est question ni de refuser des conversions ni de refuser de s'adapter au pays: je tiens à rappeler que c'est l'Église russe qui a autorisé les premiers offices orthodoxes en français (dans les années 30) et, tout au long de ma pratique orthodoxe (60 ans), j'ai vu des conversions dans toutes les juridictions que j'ai fréquentées (Daru, Hors-frontières, Moscou...).

Pour les nouveaux-arrivant, il y a un triple effort à faire:
- les accueillir et leur offrir un environnement fraternel pour atténuer le choc du dépaysement,
- les catéchiser, car la plupart n'ont aucune base religieuse,
- les aider à trouver une place, provisoire ou définitive, ici.
Vaste projet pour lequel chaque paroisse cherche des réponses adaptées... et personne n'a encore trouvé la formule magique! Mais il est claire que cela passe par l'usage du russe et du français.
Le slavon, lui, est un cas à part: c'est un trésor qui seul peut nous permettre d'approcher et d,approfondir le vrai sens de nos textes, car il constitue un calque sue le grec, langue d'origine des textes, et évite donc les trahisons inhérentes à toutes les traductions (sans compter les horreurs spécifiques aux traductions françaises: "siècles de cyclamens, et rends nous odieux, Nouki comme les Chérubins...etc")

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