Dans un décret présidentiel publié vendredi au Journal officiel turc, Recep Tayyip Erdogan ordonne d’« ouvrir au culte » musulman l’ancienne église Saint-Sauveur-in-Chora, située dans un quartier excentré d’Istanbul, s’appuyant sur une décision du Conseil d’État rendue dans ce sens en novembre dernier. L'église byzantine de la Chora est connue pour ses mosaïques et fresques datant du 14ème siècle Construite par les Byzantins au 5ème siècle, l'église Saint-Sauveur-in-Chora, aussi appelée église de la Chora, a été convertie en mosquée après la prise de Constantinople par les Ottomans en 1453, puis en musée après la Seconde Guerre mondiale.

***
Oh ! Saint Sauveur In Chora ! Mon amour ! Provocations turques et compromissions européennes ! A quand le réveil orthodoxe ?

Le papier ce matin de ma chère amie Alexia Kefalas qui rend compte de la décision Erdoganienne publiée au JO Turc, après Sainte Sophie, de transformer le célèbre monastère byzantin In Chora, de musée en mosquée, nous met les larmes aux yeux et une lourde peine au cœur ! Quelle dommage ! Quelle honte ! Quelle honte pour l'Europe et pour le respect des droits fondamentaux et des libertés essentielles !
Et pour Mme Merkel dont l'attitude ambiguë depuis des années à l'égard de "cette" Turquie, et qui ne fait qu'envenimer les choses, n'est pas à son honneur ! Elle vient de le prouver encore par son manque de soutien à la Grèce, dans l'épisode des atteintes turques aux eaux territoriales du plateau continental grec (à la recherche du Gaz perdu!), la Grèce qui a été soutenue par notre président Macron, ce qui honore la France !

Faut-il rappeler à ces gouvernants éclairés que les compromis ne signifient pas compromissions, aujourd'hui plus que jamais ? S'agit-il là de reculades européennes honteuses par manque d'audace et/ou par déficit de visions géopolitiques des manœuvres néo-impériales (turques, perso-iraniennes, russes, américaines ...) en Méditerranée orientale ? L'Europe n'est pas qu'un amas d'intérêts économiques mais doit être aussi l’expression d'une théologie de l'histoire qui la fondée et qui lui a permis d'être ce quelle est aujourd’hui ! L'amnésie du récit national européen, avec certes, ses parts d'ombre et de lumières, n'est que l'annonce d'une mort certaine de l'Europe qui recule. Il y a des civilisations qui meurent avant d'être tuée ! Parfum de compromission et de manque d'audace qui rappellent les reculades malsaines devant la montée des dictatures du XX siècle ?

Et l'OTAN ? Que dit l'OTAN ?

Dirait-elle comme cela a été dit dans le temps, "le Pape combien de divisions ?" ?

Et aujourd’hui, au Patriarche Œcuménique de Constantinople, Sa Sainteté Bartholomée 1er, qui résiste dans les eaux troubles turques et que Mme Merkel disait aimer bien le rencontrer !: "combien de divisions" ?

Et la France, notre douce et bonne France, porteuse des valeurs universelles d'égalité, de liberté et de fraternité, que dit-elle devant une telle nouvelle provocation qui porte atteinte à l'héritage byzantin qui est un héritage universel fondateur de l'Europe et de la conscience universelle de l'humanité ?

Un autre communiqué du Quai ?

Et la Russie éternelle de notre Général de Gaulle, la protectrice de l'orthodoxie de l'Orient, que va t'elle faire ? Continuer le jeu des ambivalences, du "je t'aime moi non plus" avec la Turquie actuelle et ses ambitions néo-ottomanes en Méditerranée orientale ?!

Et le monde orthodoxe, si faible et si fort, si uni et si divisé, va t'il se réveiller de sa torpeur et de son encens enivrant, de sa léthargie actuelle meurtrière de l'Orthodoxie ?!

Attendons de voir ... Mais notre espérance est ailleurs ! Elle réside dans l'espérance d'une autre théologie de l'histoire à laquelle les gesticulations d'ici bas, des uns et des autres, n'échapperont pas ! Il y a une seule Vérité dans ce monde et elle ne manquera pas de triompher !

Carol Saba Avocat à la Cour au Barreau de Paris
Carol Saba: Turquie, l'église byzantine de la Chora  reconvertie en mosquée

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 21 Août 2020 à 13:49 | 20 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Gilles le 21/08/2020 22:01 (depuis mobile)
Ce ne.sont que des provocations . Résister en raison gardée et Espérance

2.Posté par Nicodème le 22/08/2020 12:29
Est-ce que se coucher , est assimilable à "résister" ?

3.Posté par Boris le 22/08/2020 12:56
Merci Mr Saba! Beaux textes à méditer!

4.Posté par Lara le 22/08/2020 16:27
Triste nouvelle pour l’Église du Christianisme Céleste

La Grèce a d'ailleurs vivement dénoncé vendredi la reconversion de l'église de la Chora, y voyant « une autre provocation envers les croyants et la communauté internationale ».

Selon une journaliste de l'Agence France-Presse qui a visité le site juste après la publication vendredi du décret du président turc, l'édifice était toujours ouvert aux visiteurs, contrairement à Sainte-Sophie qui avait immédiatement été fermée avec l'annonce de sa reconversion.

Anna Naumova, une touriste russe âgée de 25 ans, s'interroge aussi sur le sort des fresques chrétiennes. « On dit que certaines mosaïques vont être recouvertes parce qu'elles ne sont pas islamiques. Cela pourrait poser problème aux gens qui aiment ce genre de choses et qui, par conséquent, ne viendront plus ici », dit-elle.


5.Posté par Tchetnik le 22/08/2020 17:56
@Nicodème

Bonne question, à laquelle la réponse est "non".

6.Posté par Alexis le 22/08/2020 22:01
C'est bien sur très triste pour nous en tant que Chrétiens Orthodoxes, mais prenons un peu de la hauteur. Erdogan est chez lui, il sait très bien qu'en dehors de quelques molles réprobations, rien ne se passera... Alors pourquoi se priverait-il de cette provocation? On ne vit pas dans un monde bisounours. Les réactions des démocraties sont faibles face aux provocations des dictateurs, jusqu'à ce que le verre soit trop plein et que la goutte déborde...

7.Posté par IVAN le 22/08/2020 23:40
@Nicodème
@Tchetnik
La critique est facile.
1- Quelle action de" rétorsion" préconisez-vous ?
2- Si vous étiez "au pouvoir", comment auriez-vous réagi?
3- De votre place actuelle, en qualité de citoyen français orthodoxe, avez-vous signé la Pétition faite par nos amis grec-orthodoxes pour la défense de Hagia Sophia? c'est tout ce qui est actuellement en notre pouvoir.
Merci d'avance pour votre réponse
Cordialement en Christ

8.Posté par Tchetnik le 23/08/2020 09:04
@Ivan

Aucune "critique", simplement un constat. Je ne fais pas la liste des pétitions que j'ai signées pour Sainte Sophie, pour la reconnaissance du génocide grec pontique, pour l'installation d'un Khatchkar dans telle ville de France, pour la protection des trésors artistiques de Chypre...Les pétitions sont peu de choses, mais il est vrai que les signer est déjà en soi un acte que certains ont pu payer de leurs vies.
Les puissances publiques "occidentales", si elles étaient Chrétiennes et non mammoniques, pourraient justement faire une chose. Taper au portefeuille, notamment en organisant un boycott systématique de la Turquie, de son économie, de ses produits, de ses capitaux et appareil de production. C'est en général très efficace. Les Russes le firent après que les Turcs aient abattu un de leurs avions sans raison valable et rien que le manque à gagner dans le tourisme a poussé Erdo à de meilleurs sentiments. Et, si j'avais été au pouvoir, comme Chrétien et homme d'Honneur et de Fidélité, je ne serais certainement pas resté silencieux. Ce juste avant le boycott.

9.Posté par Nicodème le 23/08/2020 16:14
Je réédite la première partie de mon commentaire (censuré):

"France, porteuse des valeurs universelles d'égalité, de liberté et de fraternité" . D'abord , ces valeurs ne sont pas "universelles" . Elles prétendent l'être , et , pour cela , Napoléon a fait la guerre à toute l'Europe . Ces valeurs sont des fausses valeurs franc-maçonnes , et , lorsque JP II , ci-devant évêque latin de Rome , avait dit , par démagogie que "au fond , ce sont des valeuls chlétiennes" (avec l'accent) , il se trompait . Ce sont , comme aurait dit Chesterton , des valeurs chrétiennes devenues folles . Perso , je préfère "Travail , famille , patrie" , mais bon cette formule a été mise en place par des gens et à une époque qui la discréditent pour plusieurs siècles , et c'est bien dommage .

10.Posté par IVAN le 23/08/2020 23:08
@Tchetnik
Merci pour votre réponse: j'y adhère totalement.
"Les pétitions sont peu de choses", affirmez-vous, et vous avez bien raison.
Cependant - et j'entre là dans la fiction pure, ou pourquoi- pas un Miracle ?- une personne dotée d'un charisme certain, pourrait alerter un personnage politique, par exemple ( en France) un ambassadeur, ou bien un député en vue à l'Assemblée Nationale, ou (en Russie ) un membre de la Douma, avec une pétition, afin que ce dernier contacte et alerte à son tour, avec cette pétition, les ambassadeurs et les médias des pays de culture et de tradition judeo- chrétienne, slaves, greco-latins, arabes du Moyen-Orient etc... etc.. (une sorte de Greta Thùnberg, quoi(?!,), pardonnez-moi cette plaisanterie douteuse, mais bien sûr en plus sérieux et plus crédible!!! )
"I make a dream...".
Mais au fait, j'y pense tout à coup, il existe en France un juif pro-chrétien ( et oui !): le grand éditorialiste,éssaiyste, écrivain et historien objectif , très courageux et risquant sa vie tous les jours ; Eric Zemmour. Il s'exprime 4 jours par semaine dans "CNEWS", avec la remarquable journaliste Christine Kelly, excellente"débateuse", pleine de calme et de sagesse :
.Pourquoi ne pas les contacter directement , après avoir concocté une pétition dans un style court et percutant ( j'en connais parmi ceux de "Parlons d'Orthodoxie", de très doués pour cela ) et après avoir
fait signer cette pétition dans tous les nombreux milieux que nous connaissons bien les uns et les autres?
Car Hagia Sophia va nous unir tous dans l'action, quelques soient nos différences par ailleurs.

: - D'autres hommes de bienveillance ,même agnostiques ou athées, mais de culture judeo-chrétienne peuvent être également contactés: je pense par exemple à Michel Onfray) .
P.S."pour l'installation d'un "Khatchkar" dans telle ville de France" pouvez-vous S.V.P. me traduire ce terme que je ne connais pas ? Merci.

11.Posté par IVAN le 24/08/2020 01:05
@Nicodème message No 9
Cher Niicodème,
Pardonnez-moi, mais vous sortez là du sujet:
Hagia Sophia doit nous unir tous, quelques soient nos tendances politiques et je dirais même quelque soit notre choix religieux ou agnostique ou athée ou philosophique. Nous devons nous débarrasser de toute passion, hormis la Passion de Hagia Sophia. La cathédrale Sainte Sophie de Constantinople redeviendra un Jour, de toute façon et je le crois profondément, l'Eglise Orthodoxe qu'elle a été sur terre pendant des siècles et qu'Elle est déjà de Toute éternité dans le Royaume, rayonnant sur le Monde entier, convertissant les envoyés de Vladimir, prince de la Russie Kièvienne.
Pardon pour mon style un peu trop doctoral et sentencieux, un peu emphatique, "à la russe", mais c'est hélas le mien et il correspond sur le fond à ce que je ressens.
Sans vouloir vous provoquer, et je suis sincère, il y eu un chrétien , invité par l'état turc en 1966 à istamboul, qui , entrant dans la Cathédrale Sainte Sophie de Constantinople, tomba à genoux, face contre terre : Le Pape de Rome Paul VI, béatifié par la suite par l'Eglise Catholique Romaine.
Décidément je crois que je n'aurai cette fois-ci aucune chance auprès de vous en proposant Eric Zemmour pour interlocuteur: c'est un bonapartiste invétéré!!!...

12.Posté par Tchetnik le 24/08/2020 07:51
@Nicodème


En fait, "Travail, Famille, Patrie", en effet excellente devise, a été empruntée à Saint Eloi de Noyon. Les gens qui l'ont ensuite utilisée ont été ce qu'ils ont été, mais avec leurs qualités comme leurs défauts, de manière bien plus complexe que ce qu'une certaine historiographie républicaine tente d'enseigner dans ses écoles. (Historiographie par ailleurs très silencieuse sur les atrocités des différentes révolutions "françaises").

13.Posté par IVAN le 24/08/2020 10:59
@Tchetnik
je ne savais pas que cette devise appartenait en premier à Saint Eloi de Noyon et je vous remercie de me l'avoir appris; nos médias semblent l'ignorer; mais c'est encore plus grave en ce qui concerne les profs d'Histoires et...nos gouvernements successifs ! je suis d'accord avec le reste de votre message No 12

14.Posté par Tchetnik le 24/08/2020 12:43
@Ivan

En effet, vous développez bien le reste, rien à ajouter.

Un Khatchkar est une sculpture arménienne représentant une Croix comme arbre de vie, pour simplifier la chose, dans la tradition de la christologie de l'Eglise Apostolique Arménienne. Ils sont en général en bas relief sur une stèle mais peuvent être en ronde-bosse. on les appelles alors Khatchkars (Pierre à croix, si on traduit littéralement) "aux bras libres". Il n'est pas courant, toujours dans la christologie arménienne, de représenter le Christ dessus, mais certains le font et sont dits "amenaprkich".
En gros, c'est l'objet le plus représentatif de la foi Chrétienne en Arménie ainsi que du génie artistique et esthétique de ce peuple. On en trouve en Occident, à Venise, chez les Mékhitaristes, mais aussi en France, notamment à Coulaines, justement.

15.Posté par Tchetnik le 24/08/2020 17:00 (depuis mobile)
Dommage qu'on ne puisse charger des photos dans les messages.

16.Posté par Guillaume le 24/08/2020 17:13
Tendons l'autre joue et offrons la basilique St-Pierre de Rome au grand turc. Je plaisante à demi en disant cela.
Prions, prions, prions

17.Posté par Nicodème le 24/08/2020 17:28
@Ivan (message 9) : ne me caricaturez pas . Bien évidemment , je suis pour l'unité en la matière , et le bonapartisme , réel , d'EZ , que je n'approuve pas , ne m'empêche pas de le soutenir, même s'il lui arrive de sortir des âneries . Rarement .

Sur Hagia Sophia , qqn avait fait connaître les prédictions (ce ne sont pas des "prophéties") du père Païssos . Je ne les connaissais pas . C'est impressionnant . Et si cela doit arriver , je crois que c'est le seul chemin pour récupérer HS , et bien plus encore .

Beaucoup de souffrances en perspective pour nous , et , surtout , nos enfants et petits enfants , qui n'auront pas mérité cela .

18.Posté par IVAN le 25/08/2020 01:33
@Nicodème
"Bien évidemment , je suis pour l'unité en la matière":
Merci pour votre réaction et pardon, si j'ai pu exagérer.
Totalement d'accord avec vous au sujet d'E.Z.
Merci de me donner le site ou je pourrais prendre connaissance des Prédictions de PaÏssos.

19.Posté par Nicodème le 25/08/2020 22:13
"pardon, si j'ai pu exagérer." Meuh non , meuh non ...:-))

C'est sur PO que j'ai découvert ces prédictions . Je vous en donne le lien ci-après :

http://www.lalorgnettedetsargrad.gr/2016/03/10/le-metropolite-de-morphou-et-les-propheties-de-saint-paissios/

De toutes façons , vrai ou pas , on va morfler , et nos amis grecs et syriens (c'est déjà fait) en premier .

20.Posté par Carol SABA : LIBAN, 2ème lettre ouverte à Emmanuel Macron le 31/08/2020 15:41
LIBAN : 2ème lettre ouverte à l’occasion du 2ème voyage d’Emmanuel Macron au Liban qui commence lundi soir. Une lecture de la situation contextuelle actuelle et des raisons d’espérer. Cet article est un ensemble composé de la lettre elle-même plus et de trois annexes qui constituent une analyse de fond.

Par Carol SABA, Avocat franco-libanais au Barreau de Paris et de Beyrouth, Vice-président de la Commission internationale « Paris-Beyrouth » de l’Ordre des Avocats de Paris, Responsable de la Communication de l’Assemblée des Evêques Orthodoxes de France, écrivain et chroniqueur (Il s’exprime ici en son nom personnel)



Lettre ouverte à M. Emmanuel MACRON :

« Oui, M Macron, Ecoutez FAYROUZ ! Elle vous dira ce qu’est vraiment le Liban ! Mais de grâce, M le Président, ne soyez pas contaminé par nos politiciens ! »

« Monsieur le Président. Je vous fais une lettre, Que vous lirez peut-être, Si vous avez le temps ». Sans être « déserteur », j’emprunte à Boris VIAN, ces paroles pour vous adresser un salut républicain franco-libanais et pour vous parler du LIBAN.

Cette lettre ouverte, à la veille de votre voyage à Beyrouth, n’a d’autres ambitions que de rappeler l’essentiel de certains CONSTATS de la situation de crise libanaise, complexe et dramatique, et à formuler des PROPOSITIONS qui seraient nécessaires pour aider les libanais à s’en sortir, par le haut.

« Vers l’Orient compliqué, je m’envole avec des idées simples ». La formule célèbre du Général de Gaulle en 1941, à la veille de son voyage en Orient, est un paradigme de volontarisme politique. Aujourd’hui, vous semblez emboiter le pas, M. le Président, à votre célébrissime prédécesseur, non sans détermination ni courage, en vous rendant au Liban, ce 1er septembre 2020, à un moment crucial et dramatique de la vie politique et sociétale de cette nation fière et aimante.

Cette visite devait répondre à l’invitation, plus ancienne, des autorités libanaises, pour venir participer aux festivités commémoratives du 100ème anniversaire de la déclaration du « Grand Liban » par un des grands commis de la France, le Général Henri GOURAUD, « un chef et un homme de caractère », disait de lui son maître dans l’art de la guerre, le Maréchal Lyautey. Mais c’était sans compter sur l’explosion criminelle du 4 août dernier au vieux port de Beyrouth qui a bouleversé cet agenda mais aussi, a planté un « avant » et un « après » 4 août 2020, dans la vie politique et nationale libanaise. Une nouvelle et grande fracture est née. Une plaie profonde s’est ouverte. Elle ne se renfermera pas de sitôt.

C’est donc votre deuxième visite en tant que chef d’Etat, en moins d’un mois ! Votre premier déplacement, M le Président, a été au surlendemain de l’explosion criminelle du 4 août dernier au vieux port de Beyrouth. Ce séisme, un véritable crime contre l’humanité, a littéralement soufflé des pans entiers des beaux quartiers traditionnels du front de mer de cette belle ville côtière ancestrale qui, ancrée en Orient, ne cesse de regarder l’Occident.

Vous avez été, avec compassion et attention, au chevet d’une nation amie meurtrie par une explosion criminelle sans précédent. Vos mots et gestes ont marqué les esprits et les cœurs de tous les libanais. Ils ont mis du baume sur les blessures ouvertes des libanais et ont apaisé quelque peu les visages crispés et ensanglantés mais n’ont pas pu, cependant, éponger la colère incommensurable d’une population aussi bien meurtrie que trahie et qui demande, une fois pour toute, justice, réparation morale et matérielle, et solution politique définitive.

A corps défendant, vous vous êtes jeté, M. le Président, manches retroussées à la manière d’un KENNEDY, dans les ruines de Beyrouth détruite, blessée et meurtrie. La ville qui accueillie jadis la première école de droit dans le monde, la Cité des milles senteurs d’encens et d’agrumes, celle qui chante aussi bien PIAF, AZNAVOUR, MACIAS, les BEATLES que FAYROUZ, OUM KOULTHOUM et CHEIKH IMAM, est pied à terre sans être à terre. Elle vous a été reconnaissante d’avoir parlé avec force et émotion, à la douleur de ses enfants renversés par le drame, et encore drapés de la digne poussière de l’indigne et innommable explosion du 4 août 2020.

Sur les ruines de la ville de Beyrouth encore dévastée, vous avez évoqué M le Président, la nécessité d’un nouveau Pacte social et politique au Liban. Oui, cela est indispensable ! Au juste, le Liban a besoin d’un « renouveau » de son Pacte qui a été dévoyé par toutes les forces politiques depuis l’indépendance, au profit du népotisme et du clientélisme, exception faite du Général CHEHAB, le seul président qui a voulu moderniser le pays, asseoir la citoyenneté par des institutions républicaines, supprimant les liens d’intermédiation communautaire, entre le citoyen et l’Etat. Il a été empêché par la classe politique conservatrice de l’époque, aussi bien musulmane que chrétienne, soucieuse de ses privilèges, ce qui n’a pas tardé à fragiliser l’Etat Central, à favoriser les replis identitaires, à faire monter davantage les communautarismes et les séparatismes, et à précipiter le Liban progressivement vers l’abîme.

La fragilisation de l’Etat central a ouvert ainsi le pays, et a rendu le Liban perméable à toutes les formes d’instrumentalisation de ses faiblesses par les conflits régionaux et internationaux. Le Liban est devenu alors une caisse de résonance des tensions explosives de la région. Vers la fin des années 60 du siècle passé, le Liban a entamé alors ses multiples descentes aux enfers. Il est temps qu’il s’en sorte !

Pour sauver le Liban, M. le Président, il faut libérer les libanais des poids internes de cette classe politique corrompue et insensible qui empêche tout renouveau d’une part, et de toutes les influences étrangères et des ingérences externes, quelles qu’elles soient, qu’elles viennent de l’Occident ou de l’Orient, qui les pèsent et les empêchent de vivre dans la liberté et la dignité.

Votre volontarisme politique, aux élans gaullistes, M le Président, à vouloir aider le peuple libanais pour mettre fin à ses souffrances et pour remettre les choses à l’endroit dans sa vie politique nationale, ne nous a pas laissé insensibles. Il nous touche au plus profond de nous-mêmes, et nous donne espoir. Les libanais aussi, M le Président, sont exemplaires de volontarisme. Il a fallu quelques jours pour que les expressions apolitiques de solidarité des jeunes et des moins jeunes, viennent aider à relever la capitale de ses ruines et à déblayer non seulement les débris de l’innommable, mais aussi, la crasse de leur classe politique pointée du doigt.

Mais, SACHEZ M LE PRESIDENT que, s’il est vrai que les libanais sont exemplaires, de courage et de résilience, et qu’ils renaissent tel un phénix de leurs cendres après avoir été consumés par les flammes des drames sans nom qu’ils éprouvent à chaque fois dans leurs chairs et leurs biens, SACHEZ M LE PRESIDENT, qu’ils ont atteint là, avec ce drame innommable, un paroxysme irrémédiable et un degré insondable dans le vécu de la douleur, dans le ressenti du dégoût et dans l’expression de la colère. Plus rien ne sera comme avant M. le Président, même si nos politiciens, insensibles et manquant d’empathie, rêvent encore de reprendre le dessus et de poursuivre leur commerce politique.

De grâce, M le Président, écoutez ce que notre icône nationale, FAYROUZ, notre ambassadrice aux étoiles, qui porte le vrai Liban éternel et réel dans sa voix et dans sa conscience, vous dira et ne vous laissez pas contaminer par nos politiciens, anciens féodaux et néo-féodaux de toutes espèces, qui se battent entre eux et qui cherchent, ensemble, continuellement, quand ils sont attaqués, des « arrangements » pour se régénérer et garder le pouvoir qu’ils ne lâchent pas depuis des décennies. Comble de la schizophrénie et du déni de réalité, ils continuent à évoquer devant vous et la communauté internationale, les vertus de notre système parlementaire et notre gouvernance … comme s’ils n’avaient pas mis en panne notre démocratie centenaire et l’ont dévoyée.

Faites attention, M. le Président, que cette classe politique qui cherche à sauver sa peau, ne vous dévoie de l’essentiel. La question n’est plus, aujourd’hui, celle de la nomination d’un nouveau premier ministre. Quel qu’il soit, et quelles que soient ses expertises, sa compétence et/ou incompétence, il ne pourra rien faire si les mêmes causes qui produisent les mêmes effets, sont toujours là. La question n’est pas, non plus, dans la forme du gouvernement, de « mission » comme vous le souhaitez, ou de (fausse) entente nationale, comme le souhaitent certains. La question n’est plus celle d’un calendrier de réformes à mettre en œuvre, pourtant indispensables. La seule question est de déterminer qui empêche la mise en œuvre des réformes et pourquoi !

Au-delà même des compromissions qui sont les siennes, la classe politique actuelle, M. le Président, est « captive » d’équations internes et d’allégeances externes qui la rendent réticente à agir d’elle-même. Le Liban vit ainsi depuis des années dans le dévoiement par cette classe politique, de la notion de démocratie « consensuelle » qu’elle a transformée en un système de « géopolitique à somme nulle » où toutes les forces qui se partagent le pouvoir, croisent le fer entre elles et quand elles sont attaquées, elles s’allient entre elles contre tous les autres tiers, même s’il s’agit du peuple libanais lui-même, toutes communautés et appartenances confondues. C’est ainsi que, à chaque drame, tout le monde est « responsable » mais personne n’est « coupable » ! Obliger cette classe politique à appliquer les réformes, c’est lui faire signer son arrêt de mort ! Elle fera tout pour l’en empêcher.

La question essentielle aujourd’hui, M. le Président, est celle de savoir comment sauver le Liban et non pas, comment sauver sa classe politique. Cela ne peut plus se passer autrement que par la mise en œuvre d’un PLAN DE SALUT NATIONAL, avec la désignation d’une nouvelle gouvernance politique « transitoire » qui reçoit les pleins pouvoirs législatifs pour pouvoir agir selon un agenda de salut national sur des sujets et des thématiques bien spécifiques avec pour objectif de renouer avec la confiance du peuple et de la communauté internationale (passation des réformes les plus urgentes, reconstruction de Beyrouth, l’enquête et les responsabilités, les élections législatives anticipées, la sauvegarde de l’économie et les finances publiques, etc.), avec un calendrier limité dans le temps, comme l’a fait le Général de Gaulle dans un autre contexte, pour sortir la France de la corruption de la IVème République française, et renouer avec la confiance et le redressement national.

Ce PLAN DE SALUT doit être mis en œuvre avec les libanais de bonne volonté, de l’intérieur et de la diaspora, et qui sont nombreux sans attaches ni allégeances politiques, avec le « soutien » de la communauté internationale, en prenant bien soin, ce qui est capital, de respecter les fondements et fondamentaux de la « souveraineté » de l’Etat libanais et dans le respect du droit national et international. Si la gouvernance politique libanaise actuelle est en défaut, M. le Président, le Liban en tant que sujet de droit international public, ne l’est pas. C’est ce sujet-là, et pas la classe politique libanaise, qu’il convient d’aider aujourd’hui à franchir cette crise en vue de la reconstitution démocratique du pouvoir.

Relayant les craintes de beaucoup de mes compatriotes, il y a lieu de dire, haut et fort, NON au soutien de la France, si celle-ci doit se plier aux petits arrangements d’une classe politique totalement déconsidérée par l’ensemble du peuple libanais. Cette classe a perdu toute crédibilité aux yeux des libanais, qu’il convient de remplacer sans provoquer un désordre national, voire même de juger, en fonction des responsabilités qui sont les siennes. La France doit œuvrer pour une sortie de crise, radicale et pérenne, pour le Liban.

Mais on ne peut, M. le Président, avancer vers une solution pérenne de la crise libanaise sans en situer le contexte historique et les fondamentaux de la « question libanaise ».

Les trois annexes, ci-joint, proposent donc une lecture globale qui se développe selon TROIS AXES. En premier, (ANNEXE I) il y a lieu de bien comprendre l’enjeu libanais comme un enjeu français, voir même européen, qui concerne tout le monde libre et de situer la diplomatie d’influence française, ses forces et ses faiblesses, au regard de la situation géopolitique complexe en Méditerranée orientale. Un deuxième axe, (ANNEXE II) mettra en relief à votre attention, vous qui êtes dans la filiation de la pensée du grand maître PAUL RICOEUR, l’importance du « récit national » libanais comme vecteur de choix et facteur d’éclairage des bonnes politiques et décisions nationales. Il est temps de bien situer le récit national libanais qui n’a pas débuté qu’en 1920, pour connaître la perspective historique qui est celle du Liban, passé, présent et avenir. In fine, (ANNEXE III), il y a lieu de tirer les leçons essentielles de la crise libanaise, et de déterminer, aujourd’hui, les raisons d’espérer et les sorties de crise, pérennes.

Le Liban, M. le Président, riche de ses ressources humaines et naturelles, reste et demeure avant tout, un paradigme à préserver. Un pays « message » disait de lui le Pape Jean Paul II.

M. le Président, la refondation de la gouvernance nationale au Liban implique, en interne, un repositionnement du rapport hiérarchique de l’appartenance nationale au regard de l’appartenance communautaire, au profit de la première, mais sans supprimer la seconde, et sur le plan externe, une distanciation qui permet au Liban de se préserver des secousses régionales et internationales et d’éviter toute instrumentalisation du Liban à des fins contraires à ses intérêts. Cela implique un renforcement de l’unité nationale par une sortie progressive, bien pensée et ciblée, de la société « confessionnelle » et de l’Etat « communautaire » dans lesquels nous nous sommes installés avec complaisance, vers une « société civile laïque », un Etat qui fonde un rapport « citoyen » avec ses sujets.

La laïcité à la libanaise, doit être une laïcité « contextualisée » au vécu libanais, en séparant le religieux du politique sans le séparer de la société. Si en Occident l’accent est mis sur les droits de l’homme, au dépend des droits des communautés, parfois, et en Orient, inversement, l’accent est mis constamment sur les droits des communautés au détriment des droits de l’individu, l’expérience libanaise devrait combiner les deux et poursuivre un double objectif de préservation et d’harmonisation des rapports entre ces deux sphères de droits. Une telle laïcité devrait garantir les mêmes droits et les mêmes obligations à tous les citoyens individus mais aussi garantir les droits fondamentaux des communautés et groupements historiques du Liban. C’est ainsi que nous pourrons éviter les risques des communautarismes et des séparatismes (vous en parlez pour la France aussi) mais aussi les risques des replis identitaires, si le citoyen n’est pas reconnu dans ce qu’il « est » dans la Cité.

C’est ainsi aussi qu’une démocratie majoritaire pourrait alors coexister harmonieusement avec une démocratie consensuelle. Au Liban, la constitution unique de TAEF avait vocation à le faire. Elle a été dévoyée par la classe politique qui a détruit, pour des raisons de corruption, la démocratie « majoritaire » au profit d’une démocratie « consensuelle », dévoyée aussi. La France, forte de son expérience de la laïcité, a une grande contribution à apporter sur ce plan.

Mais, la stabilisation de la gouvernance libanaise n’est possible que si les libanais se mettent d’accord aussi sur une « formule », garantie par la communauté internationale, qui permet réellement de préserver le Liban des influences et des ingérences étrangères, aussi bien celles de l’Est que celles de l’Ouest et de faire reconnaître au Liban, un rôle spécifique de « médiateur », qui correspond à sa vocation essentielle de pays « message », un pont entre l’Orient et l’Occident. Il n’est pas aisé, mais ce n’est pas impossible, d’y arriver. Mais il faut certainement le tenter et œuvrer dans ce sens. Le Patriarche maronite en pose des jalons, pour la discussion, tous les jours. De telles vocations, dans le monde, n’ont été reconnus qu’au prix de beaucoup de larmes et de sangs versés.

M. le Président, les libanais ont traversé le Rubicon du non-retour à la situation antérieure ! Plus rien ne sera comme avant après le 4 août 2020 ! Les libanais attendent aujourd’hui, plus que jamais, de votre part, et de celle de la communauté internationale, un dénouement radical de la crise majeure que traverse le Liban.

M. le Président, les libanais refusent aujourd’hui tous les « arrangements-compromis » qu’ils ont déjà expérimentés avec cette classe politique corrompue depuis plus de trois décades, arrangements qui, même s’ils étaient garantis aujourd’hui par la France (que Dieu ne plaise !), ne tarderont pas à s’avérer être des compromissions encore plus meurtrières que les précédentes.

Les libanais veulent une sortie de crise, radicale et pérenne, M. le Président. Ne les décevez pas !

En vous souhaitant bon voyage au pays des Cèdres, veuillez recevoir, M. le Président, l’expression de mes sentiments les meilleurs et les plus respectueux.

Carol SABA

21.Posté par Tchetnik le 31/08/2020 18:08
Amis Libanais,

La solution à vos problèmes ne viendra que de vous-mêmes. Pas d'une "communauté internationale" protéiforme et dans les faits ne regroupant qu'une dizaine de pays sur 200. Et encore moins d'un "président" "français" qui se révèle déjà ou incapable ou non désireux de faire régner l'ordre dans un pays qu'il déteste, à savoir la France.

22.Posté par Théophile le 02/09/2020 08:00
@ Tchetnik
Exactement!
Le président Macron semble se vouloir empereur romain. Mais son intérêt n'est qu'opportuniste (repositionner la France au centre du Proche-Orient après ses échecs en Syrie, Libye et avec la Turquie).
Prions pour le Liban, afin que les Libanais ne tombent pas dans cette friandise remplie d'arrières-pensées.
L'expérience laïque française est une catastrophe et les Libanais feraient bien de ne pas s'en inspirer.

23.Posté par Tchetnik le 02/09/2020 11:33
Le micr0n n'est ni le Tsar Nicolas II, ni l'amiral Louis Dartigue du Fournet.

24.Posté par Nicodème le 02/09/2020 12:35
Certes , la "laïcité" ripoux-blicaine , en France , n'est qu'un athéisme d'Etat à peine camouflé . Mais il reste que l'adhésion à une "confession" est , comme son nom l'indique la reconnaissance publique de la foi que l'on a , en son coeur , et en son esprit . Cela n'est pas une propriété de naissance et ne saurait l'être . Cela résulte d'un choix éclairé , même si c'est le plus souvent le résultat d'un formatage depuis l'enfance , voire la toute petite enfance ds le cas de l'islam . C'est pourquoi le système confessionnel est idiot et immoral . On se retrouve avec des "chrétiens" qui ignorent tout ou presque du christianisme . Evidemment , lorsque le confessionnalisme sautera , la "foi" de ces braves gens s'effondrera ou tombera encore plus en superstition . Cela va être difficile à "gérer" . Mais avec le poids démographique actuel des muz , un Etat unitaire n'est pas viable . Mieux vaudrait une séparation et la création d'un petit Liban à majorité chrétienne d'où toute présence muz serait bannie .

Il reste que , oui , ils devraient se méfier de Macron . le mal qu'il a fiat à la France devriat les prévenir .

25.Posté par Théophile le 02/09/2020 18:51
@ Nicodème
Non, la République n'est pas qu'un athéisme déguisé, c'est une religion avec ses rites et ses prophètes, ses docteurs, son catéchisme (l'école républicaine), ses pseudo-martyrs et ses pseudo-saints ("immortels").

Un enfant ne naît pas républicain, il le devient à travers l'école républicaine.

Et je ne vois pas en quoi cette école serait neutre, et lui permettrait de choisir de manière éclairé et libre une fois adulte.
Tous les parents ont vocation à transmettre les valeurs et la foi qu'ils portent, à enseigner la prière. C'est ainsi depuis toujours. Et c'est ainsi que l'humanité a traversé les siècles. Cela n'a jamais empêché les adultes de changer, d'évoluer ou de rester fidèles à leurs parents.

Mais notre système est devenu si prétentieux, qu'il se prétend supérieur à la famille, à la foi et à la transmission des langues et des cultures au sein d'un cadre qui lui échappe. Et on voit où cela nous mène: à l'abomination spirituelle, au néant, à l'adoration de faux-dieux.

Donc, malgré toutes leurs misères, je souhaite vraiment aux Libanais de ne pas suivre ce chemin de destruction - qui fait que nos pays tombent en lambeaux sur le plan spirituel. L'école ne peut jouer son rôle que dans les limites de ses compétences propres.
Par ailleurs, le Liban appartient aux Libanais, et c'est à eux de définir dans quel état ils veulent vivre - même si c'est difficile - et non pas à nous dans ce forum, ni à l'UE ou à Macron.

26.Posté par Tchetnik le 03/09/2020 08:07
Disons que même l'athéisme peut être érigé en religion quand il est imposé comme une vérité indépassable. Et la république est bien une religion, sans aucun doute parmi les plus criminogènes.

Même le système soviétique avait fait un mea culpa dans les années 1950. Timide et avec arrière-pensées, mais mea culpa quand-même. La république athée, maçonnique et relativiste, au service des banksters sous couvert d'idéologie pseudo-humaniste" n'a jamais renié aucun de ses crimes.

Nouveau commentaire :



Recherche



Derniers commentaires


RSS ATOM RSS comment PODCAST Mobile