Cisjordanie: le père Alexis Eliseev et des  prêtres russes gardiens de la foi chrétienne au milieu du tumulte
Le père Alexis Eliseev, un des six prêtres russes, vivant dans l'église Mamré à Hébron

Ce dimanche matin, le père Eliseev pénètre dans son église sépulcrale, assez vaste pour accueillir 200 fidèles. C’est l’heure où, ailleurs dans le monde, les autres prêtres mettent la dernière touche à leur oraison ou saluent leurs ouailles, mais lui n’a pas ce genre d’obligations.

Le père Eliseev, prêtre orthodoxe russe, est à la tête de l’unique église de Hébron en Cisjordanie, où les chrétiens ne sont qu’une poignée. Il ne prononcera pas de sermon cette semaine ni aucune autre semaine.

Hébron, la plus grande ville du territoire palestinien occupé par Israël, est sacrée pour les juifs et les musulmans qui y révèrent Abraham et les patriarches, enterrés dans le centre historique dans un monument antique et colossal aux allures de forteresse, appelé tombeau des Patriarches par les juifs, mosquée d’Abraham par les musulmans.

Cisjordanie: le père Alexis Eliseev et des  prêtres russes gardiens de la foi chrétienne au milieu du tumulte
La cité est à la croisée des passions, 500 colons juifs y vivent retranchés sous haute protection militaire au milieu de 200.000 Palestiniens. Les violences y sont permanentes.

La vague actuelle d’affrontements entre Palestiniens et soldats israéliens et d’attentats anti-israéliens aura encore davantage éloigné les pèlerins chrétiens qu’aurait pu attirer le site.

Hébron ne signifie pas grand-chose pour les chrétiens, sur une terre où abondent les lieux saints: Bethléem où le Christ est né selon la tradition biblique, Jérusalem où il a été crucifié, sont à quelques dizaines de kilomètres au nord.

Le père Eliseev, 46 ans, joues roses et visage rond souligné d’une barbe, trouve ce désintérêt plutôt injuste. Dans les jardins se dresse la carcasse décharnée du Chêne de Mamré, également appelé Chêne d’Abraham, sous lequel Abraham se serait entretenu avec les anges et qui donne son nom à l’église construite tout près, au XIXe siècle.

Cisjordanie: le père Alexis Eliseev et des  prêtres russes gardiens de la foi chrétienne au milieu du tumulte
Maintenu vertical par des étais métalliques, l’arbre, vieux de plusieurs milliers d’années selon la légende, semble mort, un peu comme la communauté.

Dans sa longue robe noire, le prêtre dresse le parallèle entre la persistance de la présence chrétienne et les visites d’Abraham à Hébron. Quand le patriarche est venu acheter à prix d’or un terrain où enterrer sa femme Sarah, «les gens lui ont dit: 'tu es fou ? où vas-tu ?'» raconte-t-il à l’AFP. Le patriarche «n’a pas répondu».

Et le père A. Eliseev a fait de même quand il est venu s’installer en 2010 dans les Territoires palestiniens.

L’église, bâtiment blanc supportant deux dômes surmontés d’une croix, s’élève derrière un porche sous lequel le visiteur passe de la rue bruyante à un silence presque total, plus évocateur d’un monastère que d’une église.

Eliseev et cinq autres prêtres russes qui vivent avec lui dans le bâtiment attenant, se réveillent chaque jour à 06h00, prient pendant une heure, petit-déjeunent ensemble et retournent à la prière. Après le déjeuner, dernier repas de la journée, l’heure est de nouveau à la prière.

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Aucun ne parle arabe. Mohammed, un Palestinien du coin qui a vécu en Russie, les aide à communiquer les rares fois où ils sortent.

«Parfois, je vais en ville m’acheter un chawarma», sandwich typique du Moyen-Orient, raconte Dmitry Dub, prêtre de 29 ans, «ou pour faire un tour en bicyclette».


"S’il y a la guerre..."

Il n’en a pas toujours été ainsi. Quand l’Eglise russe a acheté le lieu de culte en 1868, il attirait un petit nombre de pèlerins, de Russie ou d’ailleurs.

Après la Révolution russe de 1917, l’église est passée entre les mains de l’Eglise orthodoxe hors de Russie. A la fin des années 1990, après des décennies d’âpres disputes entre deux communautés orthodoxes russes rivales, l’Autorité palestinienne a expulsé les moines et les religieuses et rendu l’église aux représentants du Patriarche russe de Moscou.

La nuit du Noël orthodoxe le 6 janvier, le père Eliseev a eu l’occasion rare de célébrer le culte en public. Mais Hébron est plus que jamais au cœur des violences israélo-palestiniennes.

«On a peur», dit Larissa Loukianova, Russe orthodoxe mariée a un musulman palestinien, qui vit à Hébron depuis 25 ans.

A l’intérieur de l’église, on oublierait presque le tumulte extérieur. Mais le prêtre Dub n’est pas dupe. «S’il y a la guerre ici, nous devrons peut-être repartir» pour la Russie.

Alors que dans la plupart des églises des Territoires occupés, fréquentées par les chrétiens palestiniens, on défend la cause palestinienne, le père Eliseev, lui, tient un langage apolitique.

«Nous prions pour le calme sur cette terre jusqu’à ce que Dieu guide les hommes et que la paix revienne», dit-il. «Pouvons-nous abandonner la tradition de Noël ? Ce serait une erreur - tout comme la célébrer de manière trop ostensible le serait aussi».

Il s’attendait à ce qu’on ne se bouscule pas dans l’église le soir de Noël. Quatre prêtres ont préparé l’église pour les fidèles. Trois personnes sont venues.

Lien AFP
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Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 17 Janvier 2016 à 18:27 | 8 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Irénée le 17/01/2016 20:38
L'article a le mérite de parler d'un lieu assez peu connu.

Mais c'est un peu dommage que PO aie besoin de l'AFP pour ça !
Les tournures de phrases sont maladroites, la méconnaissance de l'orthodoxie manifeste, et tout ceci donne une image très imparfaite de la vie et de la situation de cette communauté.
Le pèlerinage organisé en Terre Sainte chaque année par l'Exarchat propose toujours la visite de ce lieu.
Les photos et les témoignages ne manquent pas !

2.Posté par Micha le 18/01/2016 10:09
Irénée: Mais c'est un peu dommage que PO aie besoin de l'AFP pour ça !
Если бы я знал французский как вы, то я помогал бы РО с переводами интересных текстов, а не критиковал бы этот прекрасный Блог.

3.Posté par Irénée le 18/01/2016 12:30
@Micha
Je ne critique pas PO, je signale simplement qu'il y a, selon moi, des sources plus intéressantes d'information sur le monde orthodoxe que l'AFP. Cet article en est simplement une bonne illustration !

Par ailleurs, je ne pense pas que PO soit à la recherche de publications à diffuser. Je n'ai jamais eu connaissance "d'appels à contribution".

4.Posté par Vladimir.G: Précisions historiques le 18/01/2016 12:51
Merci à PO de nous faire connaitre ce lieux effectivement oublié... Avant la dépêche de l'AFP, reprise par quelques media, il n'y avait strictement aucune information sur le Web à propos de ce monastère orthodoxe russe. L'article de Wikipédia consacré à Hébron ne le mentionne pas ... L'expulsion des moines et des religieuses de l'EORHF (1997) avait soulevé les passions dans certains milieux ... mais là aussi c'est oublié!

Quelques précisions historiques méritent d'être apportées:

Une église existait là au IVe siècle et c'était un lieu de pèlerinage au Moyen-Age; "le 'Pèlerin de Bordeaux' (aussi appelé 'anonyme de Bordeaux', il décrit un pèlerinage en Terre sainte effectué en 333) précise que l'église de Mamré était « belle »" et elle est encore mentionnée par Philippe de Savone à la fin XIIe siècle (Aryeh Graboïs, "Le pèlerin occidental en Terre sainte au moyen âge." Paris/Bruxelles, De Boeck Univers., 1998, p110, note 57.) Ensuite - c'est le silence durant prés de 1500 ans, jusqu'à ce que l'archimandrite Antonin, chef de la mission impériale russe en Terre Sainte, découvre le Chêne de Mamré, achète le terrain (1868) et y construit une maison pour les pèlerins(1874). En 1847 les patriarche de Constantinople* et le patriarche de Jérusalem font un pèlerinage sur les lieux et bénissent la fondation d'une église. L'autorisation des autorités turques n'est obtenue qu'en 1914 et l'église n'est terminée et consacrée aux Saints Anciens Patriarches Abraham et Sarah qu'en 1925 par le patriarche de Jérusalem. Un monastère s'y établit et passa dans l'obédience de l'Église Orthodoxe Russe Hors Frontières (EORHF) après sa rupture avec Moscou (1926). En 1997 il fut remis au patriarcat de Moscou**. Actuellement ses résidents suivent la règle monacale et il a le statut de métochion de la Mission Russe en Terre Sainte.

Source: http://rusdm.ru/pace/481
Notes:
* Le patriarche de Constantinople était ethnarque des orthodoxes de l'empire ottoman, c'est à dire chef de la "nation" chrétienne, au sens musulman pour lequel le civil et le religieux sont inséparables. Titre accordé par le sultan...
** Après l'expulsion des moines qui avaient refusé l'accès au patriarche de Moscou Alexis II en 1996

5.Posté par Micha le 18/01/2016 14:22
@Irénée: Je n'ai jamais eu connaissance "d'appels à contribution".

Я внимательно читаю РО и вижу, что здесь есть авторы которые часто пишут комментарии.
Думаю, что если у вас есть интересные идеи, то Блог разместит такой текст. Даже мои комментарии РО иногда ставит на главную страницу как самостоятельный текст ( в переводе конечно на французском)

6.Posté par Irénée le 19/01/2016 16:38
@Vladimir
Je crains que vous ayez fait une petite erreur de calcul : il n'y a pas 1500 ans entre le XIIè siècle et l'arrivée de la mission russe vers 1850 !
Pour le reste vous avez raison, le site a été abandonné pendant une très longue période.
Mais il est intéressant de voir que même s'il n'y avait sans doute plus d'église sur ce site pendant des siècles, le lieu du chêne de Mambré a continué à être l'objet de pèlerinage pour les orthodoxes. Les chypriotes qui sont toujours venus nombreux enTerre Sainte mentionnent l'existence du chêne entre le XVè et XVIIè siècle régulièrement.

Rappelons aussi que l'actuelle grande mosquée d'Hébron qui abrite le tombeau d'Abraham et d'autres prophètes a été une église construite à l'époque constantinienne et restaurée par Justinien.

7.Posté par Vladimir.G: Coquille! le 19/01/2016 18:52
Très juste, bien cher Irénée, je pensais "plus de 500 ans"...

Et merci pour les informations sur les Chypriotes que je ne connaissais pas. Vous avez des sources?

8.Posté par Irénée le 19/01/2016 20:58
Pas de sources au sens universitaire du terme, mais les guides destinés aux pèlerins de langue grecque publiés au début XIXè siècle mentionnent le lieu comme étant sur l'itinéraire des pèlerins depuis toujours... C'est tout à fait possible.
Les lieux sans construction visible mentionnés dans les récits de pèlerinage ne manquent pas.

9.Posté par Vladimir.G: Coquille (suite) le 22/01/2016 15:46
Et de deux: les lecteurs auront corrigé que c'est en 1874 (et non 47!) que les patriarches de Constantinople et de Jérusalem font un pèlerinage...

Et encore merci bien cher Irénée: avez-vous les référence de ces "guides destinés aux pèlerins"? Ce sont des sources aussi valables que "l'Anonyme de Bordeaux"! Donc pas d'église mais un courant continu de pèlerins qui a probablement permis à l'archimandrite Antonin de trouver le Chêne ...

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