Je voudrais réfléchir au commentaire de Vladimir Golovanow et l'interroger à ce sujet.
Ce passage m'a fait bondir de ma chaise, passage que je trouve caricaturale je qualifierai donc de façon caricaturale de schmemannien.
"Et nous voyons en fait se concrétiser les deux réalités de l'Orthodoxie actuelle qu'avait déjà soulignées le père Alexandre Schmemann: - d'une part cette "subculture normative", conservatrice, cherchant à imposer à tous des règles et des recettes qui ont en fait été développées par et pour les moines; l'accent est mis sur le respect des normes de l'ascèse corporelle pour accéder au Salut et l'attente du Jugement Dernier en craignant la punition des fautes.

Le premier point qui me titille est ceci : "cette subculture normative, conservatrice, cherchant à imposer à tous des règles et des recettes qui ont en fait été développées par et pour les moines". Il m'est difficile à ce stade de me prononcer sur ces règles et recettes comme elles ne sont pas décrites mais en revanche, je trouve dommageable la fin de la phrase "qui ont été en fait développés par et pour les moines". Cela laisse à penser que pendant ces siècles d'existence, l'église n'a pensé qu'aux moines et ne s'est pas penché sur la majorité du troupeau qui est quand même composé de gens mariés ou en attente de mariage... C'est inexact car tous les évêques (des moines donc) qui ont parlé de diverses choses dont l'ascèse le faisaient dans des homélies qui s'adressaient à tous les fidèles moines et laïcs.

Il y a ainsi une homélie de Saint Basile sur le jeûne. Sans compter qu'au début de l'église, certains évêques, comme Saint Grégoire de Nysse étaient mariés (et donc pas des moines). Votre phrase donne l'impression que l'église a été une institution par les moines pour les moines.

Mais la phrase laisse aussi à penser que la vie des moines et des gens mariés serait fondamentalement différente et que chacun devraient avoir ses propres "règles et recettes".
Je ne partage pas cette opinion car moines et gens mariés sont appelés à la sainteté et cette sainteté est impossible sans ascétisme, le christianisme est d'ailleurs une religion ascétique aussi bien pour les moines que pour les gens mariés. Le jeûne physique est une dimension de cette ascèse et n'a pas été institué par des moines pour des moines mais par l'église pour le salut des hommes. On peut rappeler que le Christ commence par jeûner après son baptême, qu'il apprend à ses disciples que tels démons ne peuvent être expulser que par le jeûne et la prière. Les canons des apôtres rappellent que le jeûne des mercredi et vendredi est vital car ne pas le respecter empêche le laïc de communier et entraîne la déposition du clerc... En somme, il n'y a pas de vie chrétienne sans jeûne (sur 365 jours, il y a une majorité de jours de jeûne ) pour la simple raison que l'homme est un tout, corps et âme et non un pur esprit et que l'un a un effet sur l'autre.

Si les règles du jeûne impose de se priver de tels aliments très précis, c'est parce que l'Eglise inspirée par Dieu sait bien que tels aliments excitent les passions... Il est donc vain comme le veulent le faire les modernistes d'aujourd'hui de vouloir prétendre à un jeûne à la carte où chacun suivrait ses propres désirs. Que je sache, l'Eglise est l'hôpital où l'homme malade vient pour sa guérison et ce n'est tout de même pas l'homme malade qui va déterminer sa propre prescription! Entre les débuts de l'église et aujourd'hui, la nature humaine n'a pas changé, le remède demeure donc le même : prier, jeûner, garder ses pensées etc et cela aussi bien pour les laïcs que les moines.

Cette dimension ascétique se manifeste il est vrai dans la dimension corporelle mais aussi spirituelle, car jeûner, c'est aussi garder ses pensées, son comportement etc, choses d'ailleurs plus faciles à faire si justement on jeûne physiquement. Sans ascèse corporelle, pas de sainteté, pas de salut car comme le dit Saint Théophane le Reclus : "personne n’est parvenu à dominer les passions charnelles ou à mener une vie intérieure ordonnée sans jeûne." En créant cette différence entre laïcs et moines, qui devraient avoir des règles (de jeûne je suppose) différentes, on incite les laïcs à l'indolence et à la paresse en leur instillant dans le tête que l'ascétisme n'est bon que pour les moines et qu'eux laïcs en sont dispensés ce qui est absolument faux

Je vous rejoins en revanche quand vous dites que le discours orthodoxie n'est pas fondée uniquement sur la menace des punitions lors du Jugement dernier, punitions éternelles qui sont réelles... Elle est plus fondée à lire les textes liturgiques sur un appel à la repentance avant la fin...

Ceci dit, le respect des règles générales n'est pas antinomyque avec une appréhension individuelle car ces règles générales doivent être intériorisées, être vécues de façon intime et dès lors, elles ne restent pas quelque chose d'extérieur et d'étranger mais quelque chose de très personnel. Si on en reste au jeûne, celui-ci, à force doit devenir idéalement quelque chose de naturel et bien sûr source de joie comme le rappelle l'ode 8 des matines du premier lundi de carême : "Dans la joie, recevons ce Carême commençant : point de triste mine, mais lavons notre visage au flot qui nous libère des passions, bénissant le Christ et l'exaltant pour les siècles".

Dès lors, je ne vois pas ce qu'est cette " Orthodoxie ouverte, plus libérale, où l'accent est mis sur la recherche personnelle et l'appréhension individuelle des consignes traditionnelles permettant une authenticité de la vie quotidienne en Jésus Christ; ses tenants mettent en avant les réponses que l'Orthodoxie doit apporter aux défis du monde actuel et sur la joie du Chrétien comme témoignage du Règne présent et à venir: "L’eucharistie c’est l’Église qui entre dans la joie de son Maître" écrit le père Alexandre Schmemann (4). "

Daniel

Rédigé par Parlons d'orthodoxie le 10 Septembre 2011 à 18:54 | 4 commentaires | Permalien



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