Dans le combat pour le maintien du jeûne, y a-t-il une issue ?
Archimandrite Savva (Majouko)

Le Typikon a été écrit pour les monastères, on y trouve même des paragraphes consacrés à la conduite à table, la tenue vestimentaire des frères. Mais nous ne pouvons pas vivre selon des établies au Moyen-Âge, pas pour les laïcs, mais pour les moines.

Ce n’est pas facile d’observer le jeûne, mais ce n’est pas seulement parce que nous sommes tous des bâfreurs.

Tout ce qui est beau est difficile, mais pour ce qui est de l’effort ascétique, c’est encore plus difficile. On est parfois au bord de la dépression ! Le problème est dans la non-adéquation des prescriptions de l’Église et les conditions dans lesquelles nous vivons. C’est un sérieux hiatus, non pas entre la loi et la grâce, comme on le dit souvent, mais la législation de l’Église et la réalité. Même si la très grande majorité des orthodoxes jeûne, ce n’est pas comme le prescrit le Typikon, c’est-à-dire les statuts de l’Église.

Oui, le confesseur peut conseiller, le médecin peut prescrire, les parents peuvent regretter, il reste toujours un sentiment de culpabilité, cela signifie donc que chaque période de jeûne, pour le laïc d’aujourd’hui, est un temps non pas d’exercices spirituels, mais de terrible stress moral : je ne fais pas comme il convient, je transgresse, je n’agis pas bien. Et nous avons du mal à nous concilier avec ce temps de culpabilité, ne serait-ce que parce que tout orthodoxe est coupable en tout.

Dans le combat pour le maintien du jeûne, y a-t-il une issue ?
Nous nous acharnons contre ce sentiment de culpabilité.

Vous voulez, sans risque de vous tromper, reconnaître un orthodoxe dans une foule anonyme, c’est facile. La femme orthodoxe ordinaire fait toujours une tête comme si son fils avait provoqué la Seconde Guerre mondiale.
Il est temps de rendre son honneur à la pratique du jeûne. Le jeûne n’est pas une affaire personnelle, mais la participation à l’ascèse une de toute l’Église. Jeûner est un grand honneur.

Nous vivons dans un autre monde, avec des sollicitations, des demandes, des tentations nouvelles. Le monde a changé, le rythme de la vie n’est plus le même, comme la nourriture. Nous sommes d’autres hommes, nous vivons plus longtemps, nous lisons plus, nous nous lavons plus souvent, nous avons des micro-ondes, des aspirateurs et il n’y a plus de servage.

La vie d’un informaticien de Saint-Pétersbourg n’a rien de commun avec celle d’un moine palestinien du Moyen-Âge.


Mais le croyant ne peut absolument pas se départir du règlement commun à toute l’Église sur le jeûne. Aujourd’hui, l’organisation du jeûne n’est plus adaptée. Il serait très salutaire qu’un organisme ecclésial, institué par nos évêques, établisse une Recommandation sur le jeûne où serait, précisément et avec mesure, indiqué quelle doit être la pratique du jeûne pour un laïc de nos jours.

Dans cette Recommandation devrait être décrites toutes les exigences, obligatoires pour tous, mais pondérées et justifiées, que l’Église propose aux chrétiens orthodoxes ; avec tous les cas de levée partielle, pour les malades, les enfants, les femmes enceintes, les voyageurs, les normes du jeûne avant la communion. C’est indispensable pour que les gens aient la conscience tranquille, ne souffrent pas du sentiment de culpabilité et de la dépression orthodoxe du temps de jeûne.

Dans le combat pour le maintien du jeûne, y a-t-il une issue ?
Une autre question très délicate doit être réglée, elle me concerne non pas en tant que moine, mais en tant que confesseur : la question des rapports entre les époux en période de jeûne.

J’ai eu à connaître de divorces, d’adultères, de violentes disputes dans des familles orthodoxes ! C’est un problème que rencontrent des familles pratiquantes. Souvent le problème est soumis au jugement du confesseur, mais ses conseils peuvent être tout à fait inattendus. S’il est en « crise de dévotion », alors il vaut mieux tout de suite divorcer et entrer dans les ordres.

Il est pénible de voir les gens souffrir quand des moyens accessibles de régler les questions douloureuses. Nous avons dans notre vie tant de souffrances et de difficultés pour ne pas en ajouter dans notre vie en l’Église ! Les gens veulent vivre selon les normes, « comme il faut », c’est ce qui caractérise les gens bien, c’est pourquoi, me semble-t-il, il est indispensable de trouver un moyen adéquat de régler ce problème. On ne peut le trouver dans les textes canoniques rédigés essentiellement par des moines ou des évêques célibataires. Il faut un très gros effort créatif de la pensée religieuse, nous ne devons pas en avoir peur, il y a déjà bien longtemps que l’on aurait dû régler bien des problèmes ecclésiaux accumulés au cours des siècles.

Un texte canonique peut-il résoudre tous les problèmes ? Bien évidemment non et il ne faut pas se faire d’illusions. Les gens resteront des gens, et le texte le plus attentivement élaboré ne répondra pas à toutes les nuances de la vie humaine. Mais nous devons débattre de tous nos problèmes, c’est indispensable et fructueux pour notre vie en Église.

Traduit pour Parlons d’orthodoxie.
Texte complet (en russe) sur PravMir Борьба с постом: есть ли выход?
АРХИМАНДРИТ САВВА (МАЖУКО)


Dans le combat pour le maintien du jeûne, y a-t-il une issue ?

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 4 Septembre 2017 à 11:12 | 43 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Daniel le 24/08/2017 15:43
En voilà des histoires..!!
Chacun doit jeûner au mieux de ses forces en tendant d'atteindre les objectifs prescrits, qui ne sont pas indiqués uniquement dans le Typikon mais aussi dans les canons et leurs commentaires... C'est cela depuis des siècles...

Le monde a en effet changé. On mange mieuy, on fait moins de travail dur physiquement, on a la climatisation, on se déplace plus facilement en voiture. Le jeûne aujourd'hui est donc plus facile physiquement que du temps de saint Grégoire Palamas... En revanche, comme le niveau spirituel a chuté, les gens trouvent peut-être que jeûner est particulièrement dur...

2.Posté par justine le 24/08/2017 20:41
Je ne vois vraiment pas où est le problème: le jeûne dans l'Eglise Orthodoxe, quoique réglé par les canons, est volontaire pour tous, sauf pour le clergé et pour les moines qui ont fait voeu de jeûner (c'est d'ailleurs la seule différence en matière de jeûne entre les moines et les laïcs). "Que Me suive celui qui le veut", dit le Christ. La règle des Saints Pères, c'est que chacun fasse ce qu'il peut, ce qui est à sa mesure.

Ils déconseillent meme explicitement de dépasser sa propre mesure, car ils savent d'expérience que cela conduit soit à l'orgueil et donc à la tentation démoniaque, soit à la maladie. Et il est clair que pour les malades, les fragiles, les vieux et les petits enfants, le jeûne doit être adapté à leur condition.

En principe, cette mesure et cette adaptation devraient être déterminées par le père spirituel qui est censé avoir le discernement nécessaire pour ces choses. Et si quelqu'un ne peut jeûner selon la règle, il n'a pas à se faire de reproches. Si par contre il le pourrait, mais n'en a pas envie, à cause d'un manque de zèle pour la vie spirituelle - puisque le jeûne est essentiellement un moyen pour purifier corps et esprit et pour progresser dans le combat contre les passions, et il y a d'ailleurs bien des laïcs qui, quoique vivant dans le monde et exerçant des professions très fatiguantes, vivent aussi ascétiquement que des moines, voire plus que certains parmi ces derniers! - , le fait qu'il se fait tout de même des reproches et se sent coupable, ne peut être que salutaire. C'est une façon de "payer sa dette" et contribue à le maintenir dans l'humilité. Mais si à cause de ce manquement il désespère et se déprime, c'est le signe d'un déséquilibre, d'une exagération, qui provient selon les Pères soit de l'égoïsme, soit de l'adversaire qui veut lui nuire par ce moyen.

Pour toutes ces raisons, l'Eglise a toujours maintenu ses règles de jeûne, non pas comme une massue, mais comme ligne directrice, bien qu'au long des âges, des arguments comme ceux avancés dans l'article ci-dessus, aient toujours existé.

3.Posté par Daniel le 25/08/2017 00:43
@ Justine (2)

Le jeûne est obligatoire pour tous y compris les laïcs. Le canon des saints Apôtres 69 excommunie un laïc qui ne jeûne pas mercredi et vendredi.

69. If any Bishop, or Presbyter, or Deacon, or Subdeacon, or Anagnost, or Psalt fails to fast throughout the forty days of Holy Lent, or on Wednesday, or on Friday, let him be deposed from office. Unless he has been prevented from doing so by reason of bodily illness. If, on the other hand, a layman fail to do so, let him be excommunicated.

4.Posté par justine le 25/08/2017 07:19
A Daniel: Merci de m'avoir rappelé ce canon. Dans la pratique évidemment, quel laïc aujourd'hui est excommunié quand il ne jeûne pas selon les règles? Ce qui fait que ce canon tombe dans l'oubli. Mais de toute manière, nous ne devrions pas jeûner parce qu'on y est obligé, mais volontairement, par amour pour le Seigneur qui a jeûné absolument pendant 40 jours et 40 nuits; et pour les Saints qui ont passé leur vie dans le jeune, afin de nous purifier et nous sanctifier.

5.Posté par Tchetnik le 25/08/2017 09:42
On peut rappeler des extraits de règles monastiques qui parlent en effet de ce discernement et de cette bienveillance dans l'application du jeun:

la Règle de Saint Benoit:

""Chapitre 39 : LA MESURE DE LA NOURRITURE
~1 Il suffit, nous semble-t-il, pour le repas quotidien - qu'il ait lieu à la sixième heure ou à la neuvième - à toutes les tables, de deux mets cuits, à cause des infirmités diverses.
~2 Ainsi celui qui ne pourra s'accommoder d'un mets pourra manger l'autre.
~3 Deux mets cuits devront donc suffire à tous les frères. De plus, s'il se trouve des fruits ou des légumes frais, on ajoutera un troisième plat.
~4 Une livre de pain, à bon poids, sera suffisante pour la journée, soit qu'il n'y ait qu'un repas, soit qu'il y ait dîner et souper. [1]
~5 Si l'on doit souper, le cellérier réservera un tiers de cette livre de pain pour la servir alors.
~6 S'il arrive que les frères ont travaillé plus qu'à l'ordinaire, l'abbé pourra, s'il le juge opportun, ajouter encore quelque chose,
~7 pourvu qu'on évite tout excès et que jamais un moine ne soit surpris par l'indigestion.
~8 Rien, en effet, n'est aussi contraire à tout chrétien que l'excès de table,
~9 comme dit Notre-Seigneur : "Prenez garde que vos coeurs ne s'appesantissent par l'excès." (Luc 21, 34)
~10 Aux enfants on ne servira pas la même quantité de nourriture, mais une plus petite qu'aux adultes, en gardant la sobriété en tout.
~11 Mais tous s'abstiendront absolument de la chair des quadrupèdes, excepté les malades très affaiblis.
Chapitre 40 : LA MESURE DE LA BOISSON
~1 Chacun "a reçu de Dieu son don particulier : l'un celui-ci, l'autre celui-là." (1 Cor 7, 7)
~2 Aussi avons-nous quelque scrupule à régler l'alimentation d'autrui.
~3 Toutefois, ayant égard au tempérament des faibles, nous pensons qu'une "hémine" [1] de vin par jour suffit à chacun.
~4 Ceux à qui Dieu donne la grâce de s'en abstenir, sauront qu'ils recevront une grâce particulière.
~5 Si la situation du lieu, ou le travail, ou l'ardeur de l'été demandent davantage, le supérieur en décidera ; mais il veillera en tout à ce qu'on ne tombe ni dans la satiété ni dans l'ivresse.
~6 Nous lisons, il est vrai, que le vin ne convient aucunement aux moines. Mais comme on ne peut le persuader aux moines de notre temps, accordons-nous du moins de ne pas boire jusqu'à satiété, mais avec sobriété :
~7 parce que "le vin fait apostasier même les sages." (Sir 19, 2)""

Et de Saint Basile: "" QU : 19 : Quelle est la norme de la tempérance ? R. : Pour ce qui est des passions de l'âme il n'y a qu'une mesure à fixer à la tempérance : c'est le renoncement complet à toutes celles qui tendent au plaisir coupable. Quant aux aliments, au contraire, comme les besoins diffèrent pour les uns et les autres selon l'âge, les occupations et la constitution physique, il faut des régimes et des traitements divers. Il en résulte qu'on ne peut, dans une seule règle, embrasser toutes celles qui s'imposent dans l'exercice de la piété, mais en fixant ce qui convient aux santés normales, nous permettons aux supérieurs d'établir prudemment des exceptions pour les cas particuliers. Il n'est pas possible en effet de parler de chacun ; il faut se borner à donner des directives communes et générales.D'accord en cela avec celui qui a dit : "On donnait à chacun selon ses besoins" (Ac 2, 45), les supérieurs tiendront toujours raisonnablement compte des nécessités, pour procurer des soulagements dans la nourriture aux malades, à ceux qu'un travail soutenu aura épuisés, et à ceux qui se préparent à une grande fatigue, comme un voyage ou tout autre effort pénible. Il n'est pas possible de déterminer pour les repas ni l'heure, ni la qualité, ni la quantité, mais on aura généralement en vu de satisfaire aux besoins. Se remplir le ventre et s'alourdir par les aliments mérite cette malédiction du Seigneur : "Malheur à vous qui êtes maintenant rassasiés !" (Lc 6, 25) ; le corps en est du reste rendu incapable d'énergie et disposé au sommeil ou aux maladies. Il ne faut pas non plus manger par gourmandise, mais pour vivre, en évitant de s'adonner au plaisir, car être esclave de la volupté n'est autre chose que se faire un Dieu de son ventre. Parce que notre corps se dépense et s'épuise constamment, il a besoin de réfection, et c'est pour cela que le besoin de nourriture est dans la nature elle-même, mais la juste norme que la raison nous fixe est de boire et de manger pour autant qu'il est nécessaire, afin de soutenir le corps en lui restituant ce qu'il a perdu.""

Le Canon 69 des Apôtres rappelé par Daniel dit bien "Sauf s'il en est empêché par une maladie corporelle" .
Canon 8 de Saint Timothée Question. Si une femme doit mettre un enfant au monde vers Pâques, doit-elle observer le jeûne et ne pas boire de vin, ou bien est-elle dispensée du jeûne et de ne pas boire de vin, à cause de sa délivrance imminente ?
Réponse : Le jeûne fut institué pour humilier le corps; si donc le corps est déjà humilié et se trouve bien affaibli, il peut prendre et nourriture et boisson, autant qu'il peut en supporter.

Comme quoi, la pratique du jeun au sein de l'Eglise a toujours été accompagnée de bienveillance comme d'intelligence des situations. Ce qui permet de tenir compte des forces, faiblesses, et situations particulières de chacun sans pour autant remettre en cause l'utilité de cet exercice.

6.Posté par Daniel le 25/08/2017 11:11
Je rejoins Justine et Tchtenik... Il ya toujours eu une adpatation au cas par cas... Il me semble donc inutile de venir avec une règle nouvelle générale et imposée et naturellement allégée dans le plus pur esprit Vatican II.

7.Posté par Daniel le 25/08/2017 11:20
@Justine (4)

Dans les faits, de nos jours, dans certaines églises, dans la checklist pour pouvoir communier, on mentionne explicitement les jeûnes à respecter : communier à jeûn, avoir jeûner conformément aux règles. Cel est même rappelé oralement avant la communion.

8.Posté par Vladimir G: l’inadaptation des prescriptions moyen-nageuses le 25/08/2017 15:37
La père Sabba (né en 1976) est un missionnaire trés connu en Biélorussie. Supérieur du monastère de St Nicolas à Gomel, docteur en théologie de l'École doctorale St Cirile et Méthode du patriarcat de Moscou (2011), il est vice-recteur des cours biblique et théologique du diocèse de Gomel et professeur à la faculté de théologie de l'université de Gomel. Il dirige aussi l'émission "La Lumière sans déclin" sur la chaine orthodoxe Soyouz.

Il est tout à fait remarquable que ce moine érudit souligne l’inadaptation des règles monacales aux laïcs, en particulier pour ce qui concerne le jeune. Comme missionnaire, il voit évidement les problèmes que cela pose et il propose logiquement d’élaborer des règles adaptées plutôt que de laisser faire n'importe quoi.

Bien entendu, ce missionnaire efficace est la cible de cette "subculture normative" qui fait son miel ses prescriptions moyen-nageuses que dénonce aussi le père Pierre Mechtcherinov dans son plaidoyer pour la mission: "une piété liturgique rigide, des pratiques de direction spirituelle autoritaires et mystificatrices, une morale et une spiritualité altérées, une pratique ascétique fondée sur le principe « l’homme pour le sabbat »" http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Hegoumene-Pierre-Mechtcherinov-Debat-sur-l-etat-de-l-Eglise_a198.html?com

9.Posté par Daniel le 25/08/2017 17:15
@ Vladimir

Il ne s'agit pas de laisser faire n'importe quoi car chaque orthodoxe irait voir son père spirituel et confesseur ou prêtre pour adapter à son propre cas... la règle générale, ce qui se fait depuis belle lurette. Mais une adpatation ne peut être faite qu'au cas par cas et non via une généralisation abusive. Je peux être dans exactement la même situation que mon voisin a priori mais reveoir une règle différente. C'est comme un traitement médical.

10.Posté par justine le 25/08/2017 20:02
Post 8: Chrétiens Orthodoxes du 21e siècle et vous autres tous qui désirez approcher l'Eglise Orthodoxe parce que vous sentez et voyez que là existe encore la vraie vie spirituelle et le christianisme authentique, ascétique! Laissez-vous instruire! Cette vie spirituelle dont vous parlent les Saints Pères et les saints ascètes dans la Philocalie, le Pèlerin Russe etc. - ce n'est rien qu'une "subculture normative" et des prescriptions moyen-nageuses (nageant dans la moyenneté...)! Détournez-vous donc tranquillement de cette voie étroite et retournez courageusement à la voie large (l'aboutissement de chacune est révélé en Mt 7,13-16)! Dixit Vladimir G. et un "missionnaire efficace" de Biélorussie.

11.Posté par Tchetnik le 25/08/2017 21:25
Un missionnaire efficace est censé expliquer les enseignements et idéaux de l'Eglise, pas les annuler.

Un couple homme-femme est-il une "exigence moyenageuse"?

12.Posté par Affeninsel le 25/08/2017 22:42
On vient pourtant de montrer à Vladimir en quoi a consisté, de tout temps, la sagesse de l’Église, face à la faiblesse humaine. Les apophtegmes des Pères du désert, entre autres, nous montrent tant les bénéfices spirituels qu'il y a à jeûner, et de manière stricte : pourquoi toujours concevoir, comme le rappelle Justine, la règle comme un cordon d'entrée sadique ? Si on ne veut pas se sanctifier, on ne va pas à l'Eglise, ou bien on fonde un culte à côté (les protestants auront des choses à vous apprendre sur le sujet) : sinon, on accepte que l'Eglise sait de quoi elle parle et que le jeûne fait partie des armes qui nous sont données pour suivre le Christ... c'est Lui-même qui nous l'a dit (cf l'épisode de démon que les apôtres n'avaient pas pu exorciser).

Mais je pense qu'il faut distinguer deux choses : le jeûne lors des périodes désignées, qui n'est "obligatoire" nulle part (j'ai entendu dire que certains monastère refusaient la communion à ceux qui n'ont pas suivi intégralement le jeûne prescrit lors d'un carême, connait-on beaucoup d'exemples de cela ?), et le jeûne préparatoire à la communion. On sait que dans le cas de ce dernier, l'église en Russie impose des exigences déraisonnables et dépourvues de tout fondement canonique à ses fidèles : de ce point de vue, il serait normal d'alléger ce fardeau insupportable. Si en outre on considère la propension qu'on a là-bas à considérer l'autorité cléricale comme un pouvoir temporel, il se peut fort qu'il y ait des situations dans lesquelles des fidèles sont totalement empêchés d'accéder à la communion. Bien évidemment, ce problème là se règle avant tout par une vraie formation spirituelle du clergé.

13.Posté par Vladimir G: les missionnaires les plus éclairés de l'Église russe. le 28/08/2017 22:33
Il faut connaitre le contexte de la mission en ex-URSS pour comprendre l'importance du texte du père Sabba et c'est le plaidoyer du père Pierre Mechtcherinov cité plus haut (http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Defense-de-la-desecclesialisation_a1878.html)) qui le met crument en lumière. Le père Sabba fait partie de ces "quelques rares travailleurs dans le champ de la mission /qui/ nous parlent des formes que prend cette démarche, de ses procédés actuels, enfin (ce qui est le plus important) de son contenu". (http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Hegoumene-Pierre-Mechtcherinov-Debat-sur-l-etat-de-l-Eglise_a198.html?com); mais en face, il y a les tenants de cette "subculture normative" qui font de l'Orthodoxie un épouvantail, qui se servent du Typicon rédigé au moyen-age (pour les moines et non pour les laïcs) pour contraindre les croyants en les "coinçant" (sic) dans des "règles", "une ecclésiologie purement superficielle": "une piété liturgique rigide, des pratiques de direction spirituelle autoritaires et mystificatrices, une morale et une spiritualité altérées, une pratique ascétique fondée sur le principe «l’homme pour le sabbat»..." (in http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Hegoumene-Pierre-Mechtcherinov-Debat-sur-l-etat-de-l-Eglise_a198.html?com ).

Les deux missionnaires cherchent la même chose pour rendre l'Orthodoxie ouverte et accueillante à tous et le père Pierre dresse une liste des choses qui doivent changer dans l'église: "modifier les offices, les approches en matière de direction spirituelle, supprimer ou alléger à l’extrême les périodes de jeûne, renoncer au lien Orthodoxie-Empire, constituer des communautés..."

Ainsi les propositions du père Sabba pour le jeune sont une part d'une grande réflexion d'ensemble sur l'avenir de la pratique orthodoxe que proposent les missionnaires les plus éclairés de l'Église russe.

14.Posté par Père Luc le 30/08/2017 21:13
« Ils aiment l'orthodoxie, disent-ils, mais ils se plaignent que ses jeûnes soient trop longs. Ils aiment l'orthodoxie, mais les offices sont trop longs. Les barbes sont trop longues aussi, et les soutanes sont de trop. De plus, l'orthodoxie a trop de vigiles, trop de prosternations, trop d'épitimies, trop de saints canons dans le Pedalion… Et enfin, elle a trop d'anathèmes, contre trop d'hérésies. »
(Photios Kontoglou)

15.Posté par Tchetnik le 31/08/2017 09:25
Ce sont souvent les mêmes fausses réponses aux mêmes vrais problèmes.

Comme on le dit souvent, il y a chez les gens comme Père Sabbas du neuf et du bon. Mais le bon n'est pas neuf et le neuf n'est pas bon...

16.Posté par Vladimir G: les zèlotes le 08/09/2017 22:31
Les tenants de la "subculture normative"qui fait des ravages en Russie, comme le dénonce le père Pierre Mechtcherinov, et se retrouve aussi chez certains commentateurs, me font irrésistiblement penser à cette définition du zélote: "non comme celui qui adopte un genre de vie conforme à la Loi, mais comme celui qui l'impose à tous, par tous les moyens". (Pierre Vidal-Naquet, préface à "La guerre de Juifs")

17.Posté par Clovis le 09/09/2017 13:59
Et quid de ceux qui au nom de tous veulent réformer la "loi" (le mot ne convient pas) pour tout le monde ? Surtout quand celle-ci s'applique à chacun selon sa conscience et selon ses forces ?

Personne n'impose rien, vous êtes libre de manger ce que vous voulez quand vous voulez, de priez quand vous le voulez comme vous le voulez et itou pour les offices. La seule recommandation étant de mettre sur la balance ce que vous aimez sur cette terre d'un côté et de l'autre votre Amour de Dieu un et Trine.

18.Posté par Daniel le 09/09/2017 17:09
En politique, pour décrédibilier son adversaire, il faut l'accuser d'être d'extrême droite. Dans le domaine religieux, d'être un intégriste, un zélote, un fanatique... Quant aux réformateurs exaltés, n'auraient-ils pas un côté saduccéen ?

19.Posté par Tchetnik le 09/09/2017 18:24
Dans ce cas, il faudrait considérer que les Prophètes, les Apôtres et le Christ Lui-même étaient des "zélotes"...

20.Posté par Vladimir G: "Le sabbat a été fait pour l'homme..." le 10/09/2017 09:39
D'après le peu que je connaisse de la situation en Judée à l'époque du Christ, je ne vois aucune tendance réformatrice chez les Saducéens. Le Christ, Lui, était évidemment un dangereux réformiste, voire un révolutionnaire, et c'est pour cela qu'ils L'ont condamné à mort...

Il y a ainsi plusieurs commandements du Christ que nos "zélotes" non plus ne peuvent accepter:
- Le sabbat a été fait pour l'homme, et non l'homme pour le sabbat, (Marc 2:27)
- Ce n'est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l'homme; mais ce qui sort de la bouche, c'est ce qui souille l'homme. (Mt 15:11)
... etc.

Et vous, bien cher Clovis, votre 17 semble montrer que vous ne connaissez pas la situation que vit le p. Savva et que dénonce le père Pierre Mechtcherinov: pour les tenants de la "subculture normative" il n'est pas question que le Typicon "s'applique à chacun selon sa conscience et selon ses forces", mais bien de "contraindre les croyants en les "coinçant" (sic) dans des "règles", "une ecclésiologie purement superficielle... une piété liturgique rigide, des pratiques de direction spirituelle autoritaires et mystificatrices, une morale et une spiritualité altérées, une pratique ascétique fondée sur le principe « l’homme pour le sabbat »..." Relisez bien ces textes du p. Pierre pour comprendre de quoi il s'agit (http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Defense-de-la-desecclesialisation_a1878.html et http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Hegoumene-Pierre-Mechtcherinov-Debat-sur-l-etat-de-l-Eglise_a198.html?com).

21.Posté par Affeninsel le 10/09/2017 17:19
Se pose ici néanmoins une question intéressante, que mes principes opposés à ceux de Vladimir ne servent pas à vider : concernant la pratique, ou la non-pratique du jeûne, à partir de quoi, ou quand, pensez-vous qu'un prêtre peut refuser la communion à un fidèle, ce qui s'apparenterait plus ou moins à "imposer" le jeûne ? (le reste n'ayant rien d'un passage en force, c'est souvent la mauvaise conscience des uns et des autres qui les font parler d'intégrisme des autres...)

22.Posté par Daniel le 10/09/2017 20:52
@ Affeninsel (21)

Ces choses-là sont guidées par les canons en partie et la situation personnelle du fidèle. Une personne ne jeûnant pas selon les règles (notamment mercredi et vendredi) ne peut normalement communier. C'est d'ailleurs pour cela que pour les personnes ne suivant pas ce jeûne normal, il y a parfois des jours de jeûne supplémentaire (parfois toute la semaine) quand ils veulent communier. Ne jeûnant pas, elle est don censée se confesser. Après c'est vraiment du cas pas par cas... fait-elle des efforts ou pas, est-elle malade, est-elle un nouvel orthodoxe qui n'a jamais jeûné...

Je rappelle que si on suit la règle stricte du jeûne, un jour de jeûne normal signifie un repas par jour pris après 15 heures et sans huile et sans vin. Dans une de ses homélies, saint Grégoire Palamas s'adressant aux fidèles de Thessalonique disait que c'était une chose facile que tout un chacun pouvait faire et il semble donc qu'à l'époque la chose semblait absolument naturelle et facile.

Aujourd'hui, il y a des fidèles consciencieux et qui sont au courant de cette définition du jeûne qui confesse cela, notamment avoir mangé plus d'un repas... En général, ça passe à la confession. Pour l'huile et le vin, je ne sais. Mais comme nous l'avons déjà dit et répété, cela se répète depuis 2000 ans, les règles sont en apparence dure mais en réalité, le principe est de faire au mieux de ses forces, sachant que l'incapacité flagrante à progresser doit inviter à s'interroger sur la qualité de sa vie spirituelle...

Voici une citation de saint Séraphin de Sarov, pharisien bien connu : à une mère lui demandant comment s'assurer que sa fille trouverait un bon mari, il lui di de s'assurer que le dit futur mari respecte le jeûne, sans quoi on ne pourrait le considérer comme chrétien.

https://abbamoses.wordpress.com/2012/01/12/st-seraphim-of-sarov-on-fasting/

23.Posté par Tchetnik le 11/09/2017 09:31
Le premier "commandement" ne vise pas l'abolition des différentes exigences, mais la miséricorde dans leur mise en application et le second montre simplement que le temps de l'Ancienne loi est aboli et qu'il est temps de passer à l'Ere du Salut, en comprenant les idéaux de fond des préceptes législatifs.

Contresens -volontaires...

24.Posté par Tchetnik le 11/09/2017 11:04
@Affeninsel

Il y a le mélange d'intelligence, de discernement et de bienveillance, de piété, miséricorde, justice et fermeté, pour paraphraser Bossuet. Chose qu'en effet, tous les prêtres n'ont pas au même degré, mais que les exemples de règles monastiques que j'ai cités montrent bien.

Il est évident qu'on ne peut imposer à une femme enceinte, un travailleur de force ou un homme qui a été opéré, à un militaire - dont le mode de vie est déjà un carême en soi - les mêmes règles qu'à une personne bien-portante. Quand un fidèle fait le maximum, donne le maximum de ses forces, même si cela ne correspond pas exactement aux exigences de l'Eglise, ses efforts sont toujours accueillis avec encouragements et bienveillance. De la même manière qu'un enseignant mettra une bonne appréciation sur un 8/20 à un élève qui l'a obtenu avec travail et efforts quand un 15/20 aurait été obtenu dans la dilettante.
Cependant, il est évident qu'un "fidèle" qui joue les super-orthodoxes de par son origine ethnique mais refuse de jeuner, de prier, de lire la Bible, de faire le moindre effort spirituel comme corporel en prétextant - comme Vladimir - que ces exigences relèvent d'une église ancienne et poussiéreuse, on lui dira clairement - si le prêtre a un minimum de courage et de conscience de son rôle - qu'il est en rupture avec l'Eglise.

On doit comprendre avec bienveillance la faiblesse et la fragilité, mais on doit aussi combattre avec fermeté la paresse. Et certains manifestement, ne veulent pas faire la différence entre les deux.

Après, il est hélas clair que certains prêtres, souvent hiéromoines, qui n'ont pas une connaissance claire et nette des enjeux d'une vie dans le monde, donnent souvent des conseils décalés et trop lourds à porter par rapport aux forces de chacun. mais que certains prêtres abusent en effet de leur autorité n'annule pas et n'a jamais annulé les exigences tant spirituelles que corporelles - vu que l'Homme est une unité de personne - de l'Eglise. Eglise qui contient déjà, comme Daniel l'a rappelé au début, toute la marge de manœuvre de bienveillance et d'intelligence nécessaire pour pouvoir s'adapter à chacun.

25.Posté par Affeninsel le 11/09/2017 22:22
Merci pour ces réponses. Sauriez-vous m'indiquer, Daniel, les canons dont vous mentionnez l'existence ?

26.Posté par Vladimir G: "l'arbitraire disciplinaire" et "l'anarchie"? le 12/09/2017 16:03
"La vie d’un informaticien de Saint-Pétersbourg n’a rien de commun avec celle d’un moine palestinien du Moyen-Âge"

NON, bien cher Daniel (22), pas 2000 ans! Les règles du jeune étaient multiples et ont changé durant les 12-13 premiers siècles, nos canons actuels étant en fait relativement tardifs! L'Évangile dit "le sabbat a été fait pour l'homme, ..." et " Ce n'est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l'homme ... " St Paul écrit carrément qu'on peut manger n'importe quoi et c'est plus de 700 ans après que les règles que nous connaissons "ont été composées non pour les laïcs, mais pour les moines, et pas simplement pour les moines, mais pour les moines d'un monastère palestinien particulier," comme écrit le p. Savva (paragraphe non traduit ci-dessus.)

Puis le p. Savva explique que les canons monastiques ont été étendus dans l'empire byzantin au cours du deuxième millénaire (d'où les références de Daniel à St Grégoire Palamas ...; l’application aux laïcs a donc bien moins de mille ans). Après avoir expliqué que le nouveau contexte demande une nouvelle approche (citation en exergue), le p. Savva explique (non traduit): "Faut-il en conclure que puisque tout cela n'est pas pour les laïcs on peut tranquillement passer outre tous ces canons cléricaux avec bonne conscience? Surtout pas! L'Église est incompatible avec l'anarchie. Le fait que nous ne disposions pas de canon de jeûne pour laïcs ne doit pas promouvoir l'arbitraire disciplinaire. Au contraire, un tel canon donnera une impulsion à la créativité de l'église. Nous ne pouvons pas nous passer d'un canon de jeûne pour toute l'église." On voit donc bien que c'est dans l'intérêt de l'Église et de sa mission dans la société que le p. Savva propose d'élaborer un canon de jeune spécifiques pour les laïcs.

Rappelons à ce propos que la question avait été débattue au niveau panorthodoxe durant le processus préconciliaire (http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Comprendre-l-ordre-du-jour-du-Concile_a4602.html, pt. 4); le rapport de l’Église orthodoxe serbe fut adopté comme base de la décision en 1971. Il proposait "une réforme substantielle de la discipline du jeûne" en se fondant sur le fait que les dispositions en vigueur s’adressent principalement aux moines et que de nombreux autres chrétiens éprouvent des difficultés à les observer « pour diverses raisons – climat, façon de vivre, difficultés de se procurer de la nourriture de carême, etc. ». La commission préparatoire inter-orthodoxe a constaté que « la majorité des fidèles dans la société contemporaine n’observe pas toutes les dispositions concernant le jeûne en raison des difficultés des conditions de la vie contemporaine. Tout cela exige que les carêmes deviennent plus faciles et, en partie, que leur durée soit abrégée, afin que les fidèles ne se posent pas « des questions de conscience » pour avoir transgressé les strictes dispositions ecclésiales, qui enveniment leur vie spirituelle»." On voit que ces arguments correspondent à ceux du p. Sabba ... plus de 45 ans plus tard! Mais ce projet fut profondément remanié en 1986 et le texte alors finalement adopté, et en grande partie repris par le concile de Crête en 2016, ne modifie pas les règles du jeune mais entérine la souplesse de leur application: "8. C’est un fait qu’aujourd’hui nombre de fidèles, soit par négligence soit à cause des conditions de vie, quelles qu’elles soient, ne respectent pas toutes les prescriptions concernant le jeûne. Tous ces cas de non-observance des prescriptions sacrées concernant le jeûne, qu’ils soient généraux ou individuels, doivent être traités par l’Église avec un souci pastoral, car Dieu « ne désire pas la mort du pécheur, mais sa réintégration et sa vie » (cf. Ez 33, 11), sans que la valeur du jeûne soit dédaignée. Or, pour ceux qui ont des difficultés à respecter les prescriptions en vigueur concernant le jeûne, soit pour des raisons personnelles (maladie, service militaire, conditions de travail etc.), soit pour des raisons générales (conditions climatiques ou socio-économiques propres à certains pays, impossibilité de trouver certains aliments maigres), il laisse aux Églises orthodoxes locales le soin de fixer la mesure d’économie miséricordieuse et d’indulgence à appliquer afin d’alléger éventuellement la « rigueur » des jeûnes sacrés. Ceci toujours dans l’esprit et dans le cadre de ce qui précède, et dans le but d’éviter d’affaiblir l’institution sacrée du jeûne. Cette clémence miséricordieuse doit être appliquée par l’Église avec une grande circonspection et surtout avec plus d’indulgence pour les jeûnes sur lesquels la tradition et la pratique de l’Église ne sont pas toujours uniformes. « … Jeûner tous les jours est un bien, mais celui qui jeûne ne doit pas blâmer celui qui ne jeûne pas. Dans ces cas il ne faut pas légiférer, ni contraindre ; il ne convient pas non plus de conduire par la force le troupeau confié par Dieu ; il faut plutôt faire usage de persuasion, de douceur et de bonne parole… (Jean Damascène, De sacris jejuniis 3. PG 95, 68B)." (https://www.holycouncil.org/-/fasting).

On voit donc que l'application des canons et la réponse à la question d' Affeninsel (21) vont continuer à différer d'une Église à l'autre, d'un diocèse à l'autre, voire d'une paroisse à l'autre comme on le constate chez nous... Cela illustre probablement "l'arbitraire disciplinaire" et "l'anarchie" que dénonce le p. Savva, mais en fait cela correspond à la situation qui prédominait au cours des premiers siècles, avant le centralisateur "règne des moines" à Byzance.

27.Posté par Tchetnik le 13/09/2017 10:07
L'histoire des moines qui auraient imposé les exigences du jeun au peuple, explication marxisante s'il en est, a une barbe longue comme ça (c'est de circonstance, en l'occurrence).

Canon 69 des Saints Apôtres : Si un évêque, un prêtre, un diacre, un sous-diacre, un lecteur ou un pré chantre ne jeûne pas le saint carême, ou le vendredi ou le mercredi, qu'il soit déposé, sauf s'il en était empêché par une maladie corporelle. Si c'est un LAÏC, qu'il soit excommunié.
Canon 8 de Saint Timothée Question. Si une femme doit mettre un enfant au monde vers Pâques, doit-elle observer le jeûne et ne pas boire de vin, ou bien est-elle dispensée du jeûne et de ne pas boire de vin, à cause de sa délivrance imminente ?
Réponse : Le jeûne fut institué pour humilier le corps; si donc le corps est déjà humilié et se trouve bien affaibli, il peut prendre et nourriture et boisson, autant qu'il peut en supporter.

Le premier Canon est Apostolique et date largement d’avant la constitution d’un monachisme organisé. Le second aussi et concerne une femme enceinte, ce qui est (relativement) peu le cas des Moniales.

On peut aussi ajouter les exhortations de Saint Paul :
1 Thessaloniciens 4, 4 que chacun de vous sache user du corps qui lui appartient avec sainteté et respect, 5 sans se laisser emporter par la passion comme font les païens qui ne connaissent pas Dieu; 6 que personne en cette matière ne supplante ou ne dupe son frère. Le Seigneur tire vengeance de tout cela, nous vous l'avons déjà dit et attesté. 7 Car Dieu ne nous a pas appelés à l'impureté mais à la sanctification.
Romains 8, 2 La loi de l'Esprit qui donne la vie dans le Christ Jésus t'a affranchi de la loi du péché et de la mort. 3 De fait, chose impossible à la Loi, impuissante du fait de la chair, Dieu, en envoyant son propre Fils avec une chair semblable à celle du péché et en vue du péché, a condamné le péché dans la chair, 4 afin que le précepte de la Loi fût accompli en nous dont la conduite n'obéit pas à la chair mais à l'esprit. 5 En effet, ceux qui vivent selon la chair désirent ce qui est charnel; ceux qui vivent selon l'esprit, ce qui est spirituel. 6 Car le désir de la chair, c'est la mort, tandis que le désir de l'esprit, c'est la vie et la paix, 7 puisque le désir de la chair est inimitié contre Dieu: il ne se soumet pas à la loi de Dieu, il ne le peut même pas, 8 et ceux qui sont dans la chair ne peuvent plaire à Dieu. 9 Vous, vous n'êtes pas dans la chair mais dans l'esprit, puisque l'Esprit de Dieu habite en vous. Qui n'a pas l'Esprit du Christ ne lui appartient pas, 10 mais si le Christ est en vous, bien que le corps soit mort déjà en raison du péché, l'Esprit est vie en raison de la justice. 11 Et si l'Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité le Christ Jésus d'entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous. 12 Ainsi donc, mes frères, nous sommes débiteurs, mais non point envers la chair pour devoir vivre selon la chair.

28.Posté par Affeninsel le 14/09/2017 19:07
Si la discipline du jeûne, dans sa forme actuelle, remonte effectivement (Mgr Job de Telmessos le rappelle sur son blog) à la réforme hésychaste, et a bien pour source le monde monastique, il ne faut pas pour autant en déduire que le monde laïc avait jusqu'alors une règle totalement différente perçue comme telle : les preuves d'une telle situation manquent. Bien plutôt, c'est tout le monde orthodoxe qui a connu cette réforme, d'abord dans le monde monastique puis dans le reste de l'Eglise. Quoiqu'elle tranche avec les pratiques précédentes, moins strictes, cette réforme a été sanctionnée de l'approbation conciliaire de l'Eglise (et non populaire, comme Vladimir voudrait souvent que cela soit...) : elle est marquée du sceau de la Providence, de l'Inspiration divine, et de la Sagesse de Dieu. Les moines n'ont rien imposé : par des voies historiques qui sont ce qu'elles sont, l’Église s'est imposé cette règle.

29.Posté par Vladimir G: un très gros effort créatif de la pensée religieuse le 25/09/2017 16:59
Le débat semble s’apaiser et on peut tirer quelques conclusions de ces échanges:

1. Comme le confirme Affeninsel (28) l'actuelle discipline du jeûne ne date effectivement que du moyen-âge byzantin et a été prévue pour les moines(réforme liturgique hésychaste (XIVe siècle qu'on qualifie souvent de "pouvoir des moines", car nombre d'empereurs avaient des moines pour principaux conseillers et adoptaient des règles monastiques): "Par l’introduction d’un ordo palestinien considéré comme reflétant l’authentique tradition patristique, les hésychastes vont prôner une façon beaucoup plus rigoureuse d’observer le jeûne que la tradition observée jusque là par les moines stoudites constantinopolitains…" (http://www.telmessos.eu/2016/04/15/renouveau-hesychaste-et-reforme-dans-leglise-orthodoxe/.)

Soulignons que même les monastères avaient des règles moins strictes auparavant: "Deux siècles avant que les hésychastes imposent à l’Église tout entière trois périodes de jeûne supplémentaires dans l’année, venant s’ajouter au carême pré-pascal, l’éminent canoniste et patriarche d’Antioche Théodore Balsamon (11e siècle) écrivait qu’il ne reconnaissait qu’une seule période de jeûne dans l’année — le sainte quarantaine (le carême) puisqu’il n’y avait aucun témoignage écrit concernant la pratique de jeûner pendant d’autres périodes dans l’année" (ibid.)

Ainsi, ce qui été introduit à un moment donné et dans des circonstances particulières ("à une époque tourmentée de l’histoire byzantine," ibid.) peut tout à fait être remis en question quand l'Église doit faire face à des défi d'une toute autre nature…

2. Ces règles ne sont à l'évidence pas "reçues" par l'Église puisque la grande majorité des croyants ne les applique pas: les seules études fiables que nous ayons sur le sujet portent sur la Russie (qui regroupe plus de 60% des Orthodoxes); elles montrent systématiquement que moins de 5% ces croyants suivent les règles de jeune. Et il ne s'agit pas uniquement des laïcs: je connais plusieurs prêtres et moines qui appliquent une très grande "flexibilité". Est-ce vraiment différent dans les autres pays? Je n'en ai pas eu l'impression durant mes voyages en Grèce mais je n'ai là aucune donnée fiable et suis preneur de toute information mais le fait que le sujet a été mis à l'ordre du jour du Concile panorthodoxe montre bien que le problème est général…

Il est clair que le p. Savva se fait l'écho de cette Église réelle qui ne peut se satisfaire de cette "anarchie" qui débouche sur "l'arbitraire disciplinaire" comme il écrit; cette situation, exacerbée par les "zélotes" de la "subculture normative" fait de l'Orthodoxie un repoussoir qui réduit à néant les efforts des missionnaires dont il fait partie et dont la société actuelle a tellement besoin. Le texte qui a été adopté en Conférence préconciliaire et confirmé par le concile de Crête ne règle malheureusement rien en laissant aux évêques le soin d'adapter la règle inapplicable à l'économie de la réalité. Et c'est pour cela que le père Savva en appelle aux évêques: "il faut un très gros effort créatif de la pensée religieuse, nous ne devons pas en avoir peur, il y a déjà bien longtemps que l’on aurait dû régler bien des problèmes ecclésiaux accumulés au cours des siècles."

30.Posté par Vladimir G: un très gros effort créatif de la pensée religieuse le 25/09/2017 17:14
Le débat semble s’apaiser et on peut tirer quelques conclusions de ces échanges:

1. RÈGLES RÉCENTES: Comme le confirme Affeninsel (28) l'actuelle discipline du jeûne ne date effectivement que du moyen-âge byzantin et a été prévue pour les moines(réforme liturgique hésychaste (XIVe siècle qu'on qualifie souvent de "pouvoir des moines", car nombre d'empereurs avaient des moines pour principaux conseillers et adoptaient des règles monastiques): "Par l’introduction d’un ordo palestinien considéré comme reflétant l’authentique tradition patristique, les hésychastes vont prôner une façon beaucoup plus rigoureuse d’observer le jeûne que la tradition observée jusque là par les moines stoudites constantinopolitains…" (http://www.telmessos.eu/2016/04/15/renouveau-hesychaste-et-reforme-dans-leglise-orthodoxe/.)

Soulignons que même les monastères avaient des règles moins strictes auparavant: "Deux siècles avant que les hésychastes imposent à l’Église tout entière trois périodes de jeûne supplémentaires dans l’année, venant s’ajouter au carême pré-pascal, l’éminent canoniste et patriarche d’Antioche Théodore Balsamon (11e siècle) écrivait qu’il ne reconnaissait qu’une seule période de jeûne dans l’année — le sainte quarantaine (le carême) puisqu’il n’y avait aucun témoignage écrit concernant la pratique de jeûner pendant d’autres périodes dans l’année" (ibid.)

Ainsi, ce qui été introduit à un moment donné et dans des circonstances particulières ("à une époque tourmentée de l’histoire byzantine," ibid.) peut tout à fait être remis en question quand l'Église doit faire face à des défi d'une toute autre nature…

2. RÈGLES INADAPTÉES: Ces règles ne sont à l'évidence pas "reçues" par l'Église puisque la grande majorité des croyants ne les applique pas: les seules études fiables que nous ayons sur le sujet portent sur la Russie (qui regroupe plus de 60% des Orthodoxes); elles montrent systématiquement que moins de 5% ces croyants suivent les règles de jeune. Et il ne s'agit pas uniquement des laïcs: je connais plusieurs prêtres et moines qui appliquent une très grande "flexibilité". Est-ce vraiment différent dans les autres pays? Je n'en ai pas eu l'impression durant mes voyages en Grèce mais je n'ai là aucune donnée fiable et suis preneur de toute information mais le fait que le sujet a été mis à l'ordre du jour du Concile panorthodoxe montre bien que le problème est général…

Il est clair que le p. Savva se fait l'écho de cette Église réelle qui ne peut se satisfaire de cette "anarchie" qui débouche sur "l'arbitraire disciplinaire" comme il écrit; cette situation, exacerbée par les "zélotes" de la "subculture normative" fait de l'Orthodoxie un repoussoir qui réduit à néant les efforts des missionnaires dont il fait partie et dont la société actuelle a tellement besoin. Le texte qui a été adopté en Conférence préconciliaire et confirmé par le concile de Crête ne règle malheureusement rien en laissant aux évêques le soin d'adapter la règle inapplicable à l'économie de la réalité. Et c'est pour cela que le père Savva en appelle aux évêques: "il faut un très gros effort créatif de la pensée religieuse, nous ne devons pas en avoir peur, il y a déjà bien longtemps que l’on aurait dû régler bien des problèmes ecclésiaux accumulés au cours des siècles."

31.Posté par Affeninsel le 25/09/2017 22:13
Ces règles ONT été reçues par l'Eglise, puisqu'elles font partie d'un ensemble de pratiques sanctionnées par des conciles ! Que des fidèles refusent de suivre cette tradition est quelque chose de tout à fait différent : renoncez une bonne fois pour toutes à faire de l'acceptation par les fidèles le critère ultime du discernement ecclésial. Il y a des moments de l'histoire où pareille pratique ferait de vous un arien.
Il est vrai que l'Eglise pourra à l'avenir se poser la question d'une modification de la règle du jeûne : mais cela ne pourra certainement pas venir de la volonté des fidèles de pouvoir se bâfrer sans mauvaise conscience. En attendant, c'est une très mauvaise idée que de "prendre de l'avance" sur ce qu'on croit devoir être les décisions futures de l'Eglise à ce sujet.

32.Posté par Tchetnik le 26/09/2017 09:51
Ah, les "fidèles" Orthodoxes, Américains et Protestants pendant les carêmes et Orthodoxes à Pâques...

33.Posté par Daniel le 26/09/2017 10:41
@ Vladimir

Sachant qu'aujourd'hui la majorité des gens n'arrivent plus vierge au mariage, que dans la très orthodoxe Bulgarie (ironie), il y a plus de naissance hors mariage que de naissance dans le mariage, ne devrait-on pas considérer que les règles sur la moralité sexuelle ne sont plus réceptionnées ? Histoire que l'on puisse pratiquer la fornication avec une bonne conscience...

34.Posté par Vladimir G: "le gardien de la foi est le peuple lui-même... " le 27/09/2017 22:36
"... , ni les patriarches, ni les Conciles n'ont jamais pu introduire quelque innovation que ce soit car, chez nous, le gardien de la foi {uperaspistis tis thriskias) est le corps de l'Eglise, c'est-à-dire le peuple lui-même, qui vient préserver sa foi immuable et conforme à celle de ses Pères..."
"Encyclique des patriarches orientaux", 1848.

Voilà qui semble clair pour la "réception" par l'Église; alors quid de cette "innovation" concernant les règles du jeunes introduite par les moines après le XIVe siècle et que "le peuple lui-même" n'applique pas ?

En revanche, je serais intéressé à connaitre quels conciles ont sanctionné ces pratiques là. Le concile de Crête a bien tenté de le faire, mais le résultat n'est pas réellement probant puisqu'il reconnait la nécessité "d’alléger éventuellement la «rigueur» des jeûnes sacrés"...

35.Posté par Tchetnik le 28/09/2017 09:09
Le "Peuple" comprend les laïcs ET le clergé, pas uniquement les laïcs. Et encore faut-il savoir ce qu'on appelle "laïcs" dans le "peuple" de l'Eglise, et ce n'est certainement pas les personnes qui se prétendent "Orthodoxes" mais ne pratiquent ni ne croient. Tous les éléments du "peuple" n'y ont pas la même place ni la même légitimité. Cet argument a déjà été débunké. Les patriarches avaient avancé cet argument, non pas pour donner aux laïcs un pouvoir décisif de décision mais pour contrer les prétentions d'infaillibilité pontificale. L'article 17 concernait d'ailleurs la défense par le peuple d'une Tradition de dogmes, d'idéaux et d'enseignements qui avaient déjà été validés par l'Eglise comme l'incarnation de la Vérité.

36.Posté par Daniel le 28/09/2017 10:50
@ Vladimir

Je ne vois pas de quelle innovation vous voulez parler car comme l'indiquait Tchetnik, les canons des saint Apôtres et ceux de saint Thimothée sont bien antérieurs au XIVe siècle et ont été validés par des conciles oecuméniques. Ils établissent bien que le jeûne du mercredi et du vendredi s'applique aux fidèles et que le jeûne suppose bien de s'abstenir de viande, poisson, huile et vin, y compris pour les fidèles car le canon de saint Thimothée évoque une femme enceinte.

Vous parlez du peuple qui ne l'applique pas, mais quel peuple? Le peuple du 20e siècle, celui du 19e siècle, du 17e siècle, du 14e siècle, du 8e siècle ? Le degré de fidélité du peuple aux pratiques est trés variable selon les temps et les lieux... Pourquoi prendre alors comme exemple les périodes ou les personnes les plus laxistes ?

La critère de la vérité n'est pas le synode (car un synode peut basculer dans l'hérésie) ni le peuple de grandes po pulations peuvent aussi basculer dans l'hérésie. Simple exemple, lors de la crise momothélite, les orthodoxes se comptaient sur les doigts de quelques mains.

37.Posté par Vladimir G: "vous laissez de côté le commandement de Dieu ... " le 30/09/2017 12:19
"Vous aussi, vous laissez de côté le commandement de Dieu, pour vous attacher à la tradition des hommes.
...
vous annulez ainsi la parole de Dieu par la tradition que vous transmettez. Et vous faites beaucoup de choses du même genre.
...
Ne voyez-vous pas que tout ce qui entre dans l’homme, en venant du dehors, ne peut pas le rendre impur, parce que cela n’entre pas dans son cœur, mais dans son ventre, pour être éliminé ?" (marc, 7: 8-15)

Jusqu'au "règne des moines", les laïcs n'avaient pas à suivre les règles des moines, St Paul disant clairement que les Chrétiens n'avaient pas à changer de façon de vivre et rejetant spécifiquement les limitations alimentaires. De plus, même pour les moines, "les hésychastes vont prôner une façon beaucoup plus rigoureuse d’observer le jeûne que la tradition observée jusque là par les moines stoudites constantinopolitains," comme l'écrit Mgr Job (cf. commentaire 30).

Il s'agit donc bien d'innovations majeures qui ne sont pas (n'ont jamais été?) respectées par le Peuple de Dieu, laïcs ET clergé (et même moines...), comme le montrent bien les débats actuels à tous les niveaux...

38.Posté par Tchetnik le 30/09/2017 16:01
Mais le jeun fait bien partie des "commandements de Dieu", Vladimir.

Saint Paul lui-même le mentionne en 2 Corinthiens 6 :5, 11 : 27. Il ne faut pas confondre la révélation de la pureté de tous les aliments - symbole métaphorique de la promesse de Salut de toute l'Humanité et pas seulement des Juifs - avec le fait de se priver pendant certaines périodes de certains aliments pour pouvoir se purifier, comme un avion trop lourdement chargé a du mal à décoller.

Depuis les Deutéronomes (9 : 18), le Jeun est un élément important de la sanctification de l’Homme, un commandement Divin qui permet à l’être humain de se détacher de son aspect prédateur, de ses besoins purement physiques et corporels, non pour les détruire ou les nier, mais les dominer par les aspirations et vocation divines, spirituelles. Les Prophètes jeûnaient (Jonas 3 : 5-9, Isaïe 58 : 4-10, où Isaïe, tout en affirmant l’institution du jeun, affirme aussi qu’elle ne vaut rien sans les idéaux de Vertu qu’elle doit susciter et renforcer et qu’elle est même nocive et négative en cas de péché contraire comme l’orgueil et le mépris), Jésus Christ a jeuné 40 jours dans le désert (Matthieu 4 : 1-2-11, Luc 4 : 1-2) et a réaffirmé l’institution du jeun tout en rappelant qu’elle n’est qu’un instrument pour l’acquisition de vertus plus grandes en Matthieu 6 : 16-18. Il convient donc de ne pas nier, rejeter ou abolir cet instrument qui reste important dans la sanctification de l’être humain qui, étant une unité de personne, ne peut sanctifier l’âme si le corps ne participe pas et ne suit pas. Lors de la guérison de l’enfant lunatique en Matthieu 17 : 14-21, Jésus répond Ses disciples qui n’avaient pu guérir l’enfant que ce genre de démon ne sort que par la prière et par le jeun, ce qui confirme encore l’importance de ces institutions, le jeûne ne signifiant pas interdiction permanente d’aliments considérés comme impurs, mais privation pendant certaines périodes d’aliments considérés comme purs d’habitude (Attention donc au contresens concernant Actes 10 : 11-16 qui annonçait en fait que l’Ère de la Loi avait fait place à l’Ère du Salut qui n’avait aboli aucune exigence de Vertu et de Sainteté mais rendu néanmoins caducs certains préceptes législatifs préparatoires pour désormais ne mettre en valeur et ne pratiquer que l’idéal de Vertu qu’ils étaient censés enseigner et insuffler en l’Homme. Passage qui indique aussi que l’Ère du Salut est enfin destinée à toute l’Humanité destinée au Salut, à la Sainteté, à la Résurrection et qui, entièrement aimée de Dieu, ne contenait rien d’impur par nature.).



En Actes 13 : 2, 14 : 23, Romains 14 : 21, l’institution du Jeun est confirmée avec les idéaux de Vertu et les principes d’intelligence des situations, de bienveillance et de discernement qui doivent impérativement l’accompagner, bienveillance et miséricorde confirmée à son tour en 1 Timothée 5 : 23. A l’époque Apostolique, les Didascalies 8 : 1 instituaient le mercredi et le vendredi comme jours de Jeun et Saint Irénée de Lyon le carême avant Pâques (dans Eusèbe, Historia Ecclesiastica 5, 24. PG 20, 497 B- 508 AB). Les Didachè 6 : 1-3 mentionnaient aussi le jeun en indiquant qu’il fallait le réaliser selon ses forces. Dans « De Jeujunio », Saint Basile le Grand montrait aussi comment le jeun ne valait rien sans bienfaisance, consistait surtout à se débarrasser de tout péché, tentation, faiblesse, fragilité spirituelle (médisance, mensonge, parjure, colère malveillante, orgueil, mépris…) mais aussi comment le jeun, de par l’effort qu’il implique, de par le renoncement et la difficulté corporelle qu’il suscite, servait aussi à authentifier le repentir. Il existait en revanche une certaine diversité de disciplines sur les durées des jeuns, en particulier pascal (Denys d’Alexandrie, Epist. ad. Episc. Basilidem, PG 10, 1277), mais le principe même du jeun non comme une fin en soi mais comme instrument porteur de Vertus et de rapprochement de Dieu a toujours existé dès le départ dans l’Église, avec l’affirmation de son inutilité s’il n’était porteur de Vertus de Charité, de Justice, de Dévouement et s’il menait à l’orgueil et à la malveillance. Le jeun a aussi toujours été accompagné depuis le début par les principes de discernement, d’intelligence des situations, de bienveillance et de miséricorde qui faisaient que cet instrument pouvait être adapté dès le départ aux forces, capacités, faiblesses, fragilités de chacun. Il est donc aussi inutile et nuisible de l’abolir que de vouloir l’imposer de la même manière à tous (Les deux attitudes relevant d’un même pharisaïsme malveillant et orgueilleux, mais simplement pas dans les mêmes choses.).

39.Posté par Tchetnik le 30/09/2017 16:02
Après, je ne crois pas que vous soyez habilité à juger 2000 ans de pratiques populaires, cléricales et monastiques qui, comme Daniel l'a bien dit, fut très variable d'une époque à l'autre.
Ne jugez pas d'après vous-même, voyons.

40.Posté par Daniel le 30/09/2017 16:07
Je ne vois pas ce que la question sur la pureté ou pas des aliments vient faire ici :"Ne voyez-vous pas que tout ce qui entre dans l’homme, en venant du dehors, ne peut pas le rendre impur, parce que cela n’entre pas dans son cœur, mais dans son ventre, pour être éliminé ?" (marc, 7: 8-15)". Le jeûne n'est pas justifié par le fait que la viande deviendra soudain impure entre le dimanche de carnaval et Pâques. Ce point est hors sujet, nous ne sommes pas juifs ou des musulmans.

Quant à l'affirmation gratuite que la règle achangé au 14e siècle, elle est invalidée en partie par les 2 citations du concile qui décrivent bien une règle comme celle connue en ce jour. A savoir l'abstention des aliments précités.

Concernant le nombre de périodes de jeçune dans l'année, le pape Léon le Grand vers 450 mentionne déjà les 4 périodes de jeûne que nous connaissons, un pour chaque saison, c'est ce qu'indique ce lien http://orthochristian.com/38700.html

J'en ai pu trouver des traces après un survol rapide dans les homélies suivantes :

- homélie 17 qui évoque le jeûne de Noël
http://www.ancient-future.net/leosermonxvii.html

- homélie 78 qui évoque le jeûne des apôtres suivant la Pentecôle
http://www.ancient-future.net/leosermonxvii.html

Je n'ai pas fait de recherches plus poussées. Mais Léon le Grand, c'est 450 et non le 14e siècle.

Si l'on veut revenir aux premiers chrétiens, je rappele qu'ils vivaient dans la menace quasi permanente du martyr ce qui était en soi un grand effort ascétique.

Si vous voulez revenir à tous les usages anciens, supprimez aussi les iconostases, et bien d'autres choses qui vous sont chères ; permettez-aux hommes mariés de devenir évêques, n'oubliez pas la confession publique etc. Tout cela est bien schmémanien...

41.Posté par Tchetnik le 01/10/2017 10:49
@Daniel

On peut ajouter toutes les homélies de saint Grégoire sur le jeûne, de 39 à 49.

http://www.ccel.org/ccel/schaff/npnf212.pdf

42.Posté par Vladimir G: clairement des innovations le 01/10/2017 16:00
Personne ne nie l'a tradition du jeune, mais le durcissement des règles par la réforme hésychaste au XIVe siècle et leur extension aux laïcs constituent bien des innovations clairement exposées dans l'article de Mgr Job (cf. 30):

"Dès lors, le monachisme et les règles monastiques sont envisagées comme paradigmatiques pour l’ensemble du corps ecclésial.

... Par l’introduction d’un ordo palestinien considéré comme reflétant l’authentique tradition patristique, les hésychastes vont prôner une façon beaucoup plus rigoureuse d’observer le jeûne que la tradition observée jusque là par les moines stoudites constantinopolitains.

... si l’on revient sur la pratique du jeûne qui a été l’un des objets de la réforme, on s’aperçoit d’une part que seul le jeûne alimentaire est allégé par la consommation de poisson les seuls jours de l’Annonciation et du dimanche des Rameaux, et que d’autre part le jeûne est observé les mercredis et les vendredis de la cinquantaine pascale par l’abstinence d’œufs et de produits laitiers. Or, d’après l’antique tradition de l’Église, il est interdit de jeûner tous les samedis et les dimanches de l’année à l’exception du grand samedi (veille de Pâques), de même que durant cinquantaine pascale tout entière, comme en témoignent les Constitutions apostoliques qui s’expriment en ces termes : « Chaque samedi, sauf un, et chaque dimanche, tenez vos assemblées dans la joie ; car il sera coupable d’un péché celui qui jeûnera le dimanche, jour de la résurrection, ou celui qui s’afflige pendant la cinquantaine ou tout autre fête du Seigneur, car il faut vous réjouir ces jours-là et non pas pleurer »[11].

De même, deux siècles avant que les hésychastes imposent à l’Église tout entière trois périodes de jeûne supplémentaires dans l’année, venant s’ajouter au carême pré-pascal, l’éminent canoniste et patriarche d’Antioche Théodore Balsamon (11e siècle) écrivait qu’il ne reconnaissait qu’une seule période de jeûne dans l’année — le sainte quarantaine (le carême) puisqu’il n’y avait aucun témoignage écrit concernant la pratique de jeûner pendant d’autres périodes dans l’année[12].

... En voulant ainsi restaurer la tradition des Pères, les hésychastes ont en fait innové sans le savoir et sont devenus, nous pouvons le dire, de vrais réformateurs de la liturgie ! Alors qu’ils s’imaginaient restaurer ce qui avait été cru partout, toujours et par tous sur la base des Typika manuscrits qu’ils avaient tenus entre leurs mains au Mont Athos, ils ignoraient qu’ils allaient contribuer à la genèse de ce que nos contemporains considèrent être le « rite byzantin » sur la base d’une synthèse initiée dès le 11e siècle. Les érudits liturgistes contemporains pourraient leur reprocher qu’une connaissance de l’histoire des textes, sur la base d’une étude attentive des manuscrits de diverses époques, leur échappait."

Et ces réformes se heurtent dès le début à une résistance certaine puisque saint Grégoire Palamas (XIVe siècle) s'adressant aux fidèles de Thessalonique doit argumenter en disant que c'est facile et que tout un chacun pouvait le faire comme le rappelle Daniel...

43.Posté par Affeninsel le 01/10/2017 20:12
Daniel, il semble que vous ayez donné deux fois le même lien dans votre dernier message, car rien ne renvoie vers une mention du carême des apôtres. Je serais très intéressé à l'idée de voir le texte que vous évoquez, car cela irait à l'encontre de ce que dit Mgr Job sur l'institution plutôt récente de ce carême. Merci.

44.Posté par Tchetnik le 01/10/2017 21:08
@Affeninsel

http://www.ccel.org/ccel/schaff/npnf212.pdf

Vous trouverez l'homélie 78 à la page 318.

45.Posté par Daniel le 01/10/2017 22:08
@ Affeninsel

Je me suis en effet trompé, le jeûne des Apôtres est mentionné dans l'homélie 78 de saint Léon le Grand. Il dit en anglais:

"Today's festival, dearly-beloved, hallowed by the descent of the Holy Ghost, is followed, as you know by a solemn fast, which being a salutary institution for the healing of soul and body, we must keep with devout observance. "

Lien correct: http://www.newadvent.org/fathers/360378.htm

46.Posté par Affeninsel le 05/10/2017 10:24
Merci à tous les deux. Pour Noël comme pour les saints Apôtres, voilà qui contredit totalement ce que disait Mgr Job. Non pas que cela aurait changé quoi que ce soit à la pratique prônée par l'Eglise, cela dit. Je serais curieux de voir si les restrictions alimentaires étaient différentes du reste du temps jeûné.

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