De la parole dans la prière de Saint Ephrem le Syrien (306 - 373)
Saint Ephrem nous apprend à remplacer l’Esprit de bavardage par l’esprit de chasteté, d’humilité, de patience et de charité. L’esprit de ces vertus est laconique.

Protopresbytre André Tkatchev
Traduction Elena Tastevin

Selon Saint Innocent traitant de la prière de Saint Ephrem le Syrien, l’orant prononce un mot et il croit que sa parole se dissout dans l’air et s’y dilue. Alors que ce faisant celui qui prie se met en voyage pour traverser les jours, les siècles et les esprits. Il demeure avec nous jusqu’au Jugement Dernier pour que l’Evangile s’accomplisse : « par tes paroles tu seras justifié et par tes paroles tu seras condamné ».

Selon Saint Jean Chrysostome, la charité de Dieu est grande parce qu’Il nous jugera sur nos propres paroles et non pas sur celles des autres. Selon l’un des textes messianiques d’Isaïe: « Il ne jugera point sur l'apparence, Il ne prononcera point sur un ouï-dire. Mais il jugera les pauvres avec équité, Et il prononcera avec droiture sur les malheureux de la terre; Il frappera la terre de sa parole comme avec une verge, Et du souffle de ses lèvres il fera mourir le méchant (Is 11 :2 – 4) ». Autrement dit, nos propres paroles seront notre verdict.

Selon Saint Innocent, nos paroles établissent le véritable portrait de notre « moi », celui qui sera jugé.

Que pouvons- nous dire pour nous justifier ?

Nous sommes nés à l’époque du verbiage où la parole a perdu de sa valeur. Le vocabulaire dévalorisant de notre époque nous est familier et nous le considérons comme sain. A mesure que l’Esprit qui « souffle où il veut » (Jn 3 :8) touche nos cœurs nous reconsidérons nos valeurs et réalisons que nous nous exprimons mal. Nous ne disons pas ce qu’il faut et nous disons ce qu’il ne convient pas. Quand on doit de l’argent il faut rendre son dû. Quand on a péché par la parole il faut se justifier par la parole. Il faut substituer un mot par un autre, effacer carrément certains mots de notre conscience et faire dans la mesure du possible l’apprentissage du silence.

Il faut rendre au verbe sa dignité initiale. Si nous n’écoutons pas la sagesse de Salomon, de David, de Pierre et de Jacques nous devrions prêter l’oreille aux lacédémoniens ou aux indigènes de la jungle. La richesse des premiers n’était pas la devise nationale (les pièces étaient lourdes et épaisses ce qui faisait rire les peuples voisins) mais leur don oratoire. Dès leur enfance les hommes tâchaient d’attribuer beaucoup de sens à un petit nombre de sons pour que la parole s’identifie à un acte. Un ennemi écrivait aux habitants de Sparte « Si nous entrons dans votre ville nous brûlerons vos maisons, nous emporterons tout ce que nous verrons, nous violerons vos femmes et emmènerons les jeunes gens en esclavage ». Les spartiates on répondu : « Si… ».

Quant aux habitants des forêts tropicales, malgré leur éloignement de la civilisation, ils ont une perception très profonde de la vie. Ils connaissent bien la force destructrice et/ou thérapeutique de la parole. Certaines tribus, avant de couper un arbre poussent un cri. Ce cri « tue l’âme » de l’arbre, et ce n’est qu’ensuite que les hommes abattent « le corps mort ». La naïveté des hommes primitifs nous fait sourire. Mais est-ce que nous ne blessons pas tous les jours l’autre par la parole?

Nous le faisons naturellement et inconsciemment par méchanceté alors qu’eux, ils le font à bon escient et pour survivre. D’autres aborigènes, ayant attrapé un animal pour le vendre ensuite aux européens, le domptent d’abord par la conversation. Ils l’attachent à un poteau et se mettent à côté pour lui parler. Ce sont souvent des femmes qui le font tout en s’occupant d’une besogne ménagère. Quelques jours après l’animal devient apprivoisé.

Je cite cet exemple au cas où nous devenons insensibles à la Bible et aux Ecritures. Mais il vaut mieux écouter Dieu et sa parole.

L’Ecclésiaste dit qu’ « à toute affaire sous les cieux, son temps … un temps pour démolir, et un temps pour bâtir; un temps pour pleurer, et un temps pour rire; un temps pour jeter des pierres, et un temps pour les ramasser; un temps pour se taire, et un temps pour parler ».

Notons que l’on ne peut pas exercer les deux activités en même temps. Seule la langue peut dire beaucoup sans rien dire. Nous connaissons tous des débats, des spectacles et des conférences inutiles. Pour résister à l’attaque des paroles inutiles l’âme de l’homme moderne doit se revêtir d’une carapace et s’endurcir.
De la parole dans la prière de Saint Ephrem le Syrien (306 - 373)

Le Carême est la période la plus appropriée pour apprendre à se taire comme à parler.

Saint Ephrem nous apprend à remplacer l’Esprit de bavardage par l’esprit de chasteté, d’humilité, de patience et de charité. L’esprit de ces vertus est laconique.

La chasteté, l’humilité et la patience sont silencieuses contrairement à la luxure, l’orgueil et l’impatience. « L’amour ne périt jamais. Les prophéties prendront fin, les langues cesseront, la connaissance disparaîtra » (1 Cor 13 :8).

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De la parole dans la prière de Saint Ephrem le Syrien (306 - 373)

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 10 Février 2022 à 14:33 | -7 commentaire | Permalien



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