Diacre Andréï Kouraev: Revenir au denier du culte
Vladimir GOLOVANOW

"Chaque croyant doit donner une partie de son revenu de l'Eglise" a déclaré le père Vsevolod Tchaplin chef du Département synodal pour l'Eglise et la société. "Ceux qui se disent orthodoxes doivent prendre leurs responsabilités, y compris financières, pour leur paroisse, pour son prêtre et pour l'Eglise; le prêtre doit avoir ce dont il a besoin de ses paroissiens, et ne pas devoir quémander de l’aide auprès de grandes entreprises." Le diacre Andreï Kouraev, professeur de l'Académie théologique de Moscou, commente cette déclaration pour "Vesti FM"

Le denier n'est pas traditionnel en Russie
- Question: Père Andreï, quelle part des revenus devrait être donnée à l'Eglise par les fidèles?

- Diacre Andréï Kouraev : je ne pense pas que cela doive être réglementé. Il y a bien la règle biblique de la dîme, mais cela n'a jamais été appliqué dans l'Eglise orthodoxe russe. Même l'Eglise de la dîme à Kiev (1), construite par le prince Vladimir, a été financée par un dixième des revenus du prince lui-même et non de ses sujets.

Aujourd'hui la communauté paroissiale est purement fictive
- Q: Dites-nous, à quoi servira cet argent? Il s'agit quand même de dons.

- Diacre Andréï Kouraev : je ne pense pas que cela doive être réglementé. Il y a bien la règle biblique de la dîme, mais cela n'a jamais été appliqué dans l'Eglise orthodoxe russe. Même l'Eglise de la dîme à Kiev (1), construite par le prince Vladimir, a été financée par un dixième des revenus du prince lui-même et non de ses sujets.

Aujourd'hui la communauté paroissiale est purement fictive
- Q: Dites-nous, à quoi servira cet argent? Il s'agit quand même de dons.

- Diacre Andréï Kouraev : Oui, absolument. Mais je pense qu'il devrait y avoir une progression logique: D'abord le retour de l'appartenance individuelle à la communauté paroissiale. Car aujourd'hui, la communauté paroissiale est purement fictive: en fait les paroissiens ne savent qu'ils sont membres de telle ou telle paroisse, ils ne participent pas aux réunions paroissiales. Mais s'il y a adhésion individuelle, chacun aura ses droits et ses obligations. Et donc, par conséquent, l'obligation de ce fameux denier ou de quelque montant annuel, mais d'autre part, il aura le droit de contrôler l'utilisation de ces fonds. Et à l'avenir peut-être revenir à ce qu'il y avait dans l'église ancienne - l'élection des prêtres. Et, bien évidement, le droit de déléguer des membres de la paroisse pour participer aux assemblées ecclésiales des différents niveaux - du concile épiscopal au concile local.

Comme dans les "Églises indépendantes"

- Q: mais à quoi servira l'argent? A quoi faut-il le dépenser?

- Diacre A. Kouraev: C'est bien cela que contrôleront les paroissiens. Ce sera aussi bien la bienfaisance que des projets missionnaires et éducatifs, que tout ce qui concerne le bâti de l'église: restauration, réparation, construction de bâtiments paroissiaux. Évidement les salaires des servants, y compris le chœur, les gardiens, etc. C'est tout cela qui peut devenir transparent, enfin! Et alors, si cela devient réellement ainsi, si l'église pourra, comme c'est le cas, par exemple, dans ce qu'on appelle «les églises indépendantes» (appellation apparue en Europe occidentale pour les Églises néo-protestantes, qui, contrairement à l’Eglise luthérienne ou aux catholiques, par exemple, ne sont pas associées à l'Etat; elles sont appelées «indépendantes», et justement elles ont ce principe du denier (2)), si donc l'Eglise pourra s'appuyer sur les paroissiens et leurs donations, si vraiment il y aura tout cela, alors le père Vsevolod Tchapline a tout à fait raison, dans ces conditions ce sera réellement la base économique de l'indépendance politique de l'Eglise. Et du budget de l'Etat et des leaders politique set les sponsors influents.

Source: "Vesti FM"

Commentaire du rédacteur de ce texte V.G. : cette interview du père Andreï souligne à quel point la situation en Russie est différente de ce que nous connaissons en France. Le rôle du Conseil Paroissial a été réduit lors de la récente réforme des paroisses qui a vu s'accroitre le pouvoir directeur, lui-même totalement soumis à l'évêque nommé par le Saint Synode ("la verticale du pouvoir"), mais ce Conseil Paroissial n'est en rien représentatif des paroissiens puisque, héritage du système soviétique, il s'agit d'un groupe auto-désigné nécessaire à l'enregistrement de la paroisse auprès des autorités civiles et religieuses.

La majorité des fidèles n'est pas concernée par la vie de la paroisse: ils sont "consommateurs de services religieux" et ne participent financièrement qu'en fonction de cette "consommation": achats de cierges, commémorations (à tant le nom), services particuliers (tarifs affichés des baptêmes, mariages, panikhide…). Le clergé est salarié par le patriarcat (c'est pour cela que le père Andreï ne le mentionne pas dans les dépenses de la paroisse) et l'essentiel des ressources, surtout au niveau des éparchies et du patriarcat, provient du mécénat d'entreprises… Nous sommes donc très loin du système de fonctionnement de nos paroisses ici et c'est pour cela que les "nouveaux arrivants" ont du mal à le saisir et à s'y intégrer. Cela ne va pas sans poser des problèmes administratifs pour la tenue des assemblées générales, comme on l'a vu par exemple à Biarritz.


Notes
(1) L'église de la Dîme de Kiev, consacrée à Dormition de Notre Dame, est le premier édifice religieux en pierre dans le monde slave oriental. Détruite lors du sac de Kiev par les Tatars (1240), elle a été reconstruite en 1828-1842 dans un style complètement différent de l'original byzantin et détruite en 1935par le bolchéviques.

(2) Le père Andreï généralise visiblement le modèle allemand (aussi appliqué en Alsace et Lorraine…) et ne sait pas que nos paroisses ici sont très souvent sous ce statut des «églises indépendantes», mais sans en avoir les ressources! (Cf. ICI)








Rédigé par Vladimir GOLOVANOW le 14 Mai 2012 à 10:29 | 3 commentaires | Permalien



Recherche



Derniers commentaires


RSS ATOM RSS comment PODCAST Mobile