ENFIN! Le président Medvedev condamne clairement les crimes de Staline
L'article de son blog (cité par ailleurs) est historique: c'est la première fois que la plus haute autorité de l'état prend clairement le parti de condamner Staline et le stalinisme. Et Medvedev a écrit un véritable réquisitoire, contrant par avance les principaux arguments adverses et lançant aune véritable campagne pour le devoir de mémoire envers les victimes.

Dès le départ le président frappe un grand coup psychologique: il met la commémoration des "tragédies nationales" au même niveau "sacré" que les victoires. Quand on sait la vénération officielle et populaire dont bénéficie la Victoire (avec un V majuscule il s'agit de "la Grande Guerre Patriotique") on comprend l'importance du changement de discours: le 30 octobre serait-il en passe de devenir équivalent au 8 mai?

Car l'une des plus grandes tragédies de l'histoire russe – c'est la terreur stalinienne: après avoir cité "la Volga de la douleur du peuple" de A. Soljenitsine, parlant du "flot" des victimes, Medvedev insiste sur l'horreur des exactions et les millions de victimes des répressions et des fausses accusations; il se dit convaincu qu'aucun succès ou ambition nationale ne peut justifier cela. "Rien ne peut être mis plus haut que la valeur de la vie humaine" écrit-il, et c'est là le deuxième point clé de l'article car il attaque les défenseurs du stalinisme qui puisent leurs arguments dans le principe de la fin qui justifie les moyens: c'est la nécessité de bâtir un pays puissant pour se défendre et le succès final, industrialisation et Victoire de 1945, qui sont censés absoudre les criminels. Le président met fin à cette argumentation.

Medvedev déclare enfin nettement que "les crimes de Staline ne peuvent diminuer l'exploit du peuple russe qui a obtenu la victoire…". Et ce troisième point est aussi très important car il qualifie clairement Staline de criminel et met fin à un autre argument de ses défenseurs, celui qui fait de lui l'artisan de la Victoire et prétend que s'attaquer Staline s'est s'attaquer à tous les héros de la guerre…

Comme on voit, cet article du président Medevedev met clairement en place la condamnation définitive des horreurs du stalinisme au plus haut niveau de l'état et la réponse aux principaux arguments de ses partisans. Si tout se passe comme d'habitude en Russie, cet article devrait être suivi d'une véritable campagne d'opinion dénonçant le stalinisme.
D'ailleurs le président le laisse prévoir en écrivant qu'il faut savoir regarder son passé en face, avec ses cotés tragiques, vaincre la facilité de l'oubli et élever les enfants à respecter les droits de l'homme, la valeur de la vie humaine… etc. Medvedev emboite ainsi le pas à la campagne de plus en plus puissante de l'Église russe pour la déstalinisation et, comme je l'ai écrit précédemment, cela fait penser au début des années 60, en Allemagne: après plus de 15 ans de silence et d'oubli qui suivirent le procès de Nuremberg, les intellectuels et la population prirent alors réellement le parti de la dénazification avec le succès que nous connaissons. Les durées sont d'ailleurs très voisines, puisque le PCUS a été dissous et interdit il y a 18 ans tout juste (décret du 6 novembre 1991 de B. Eltsine).

Comme exemple de monuments qui doivent servir ce devoir de mémoire et d'éducation le président cite "le Masque de la détresse" (cf. photo /peintre et sculpteur Ernst Neisvestny/ ), qui l'a beaucoup impressionné l'an dernier, lors de sa visite à Magadan (port sur le Pacifique qui était "la capitale du GULAG de la Kolyma", comme le chantait Visotsky). Ce monument de 15 m de haut, situé sur une colline qui domine la ville, a été érigé avec des fonds publics et une souscription privée (Medvedev insiste sur ce point). Il est l'œuvre du sculpteur Ernst Neisvestny, qui a émigré aux USA en 1977. Khroutchev avait qualifié ses sculptures d'"art dégénéré" en 1962, ce qui ne l'a pas empêché de réaliser le monument pour la tombe de l'ancien Premier Secrétaire…

Rédigé par Vladimir Golovanow le 1 Novembre 2009 à 09:14 | 5 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par vladimir le 01/11/2009 11:28
01/11/2009
Le combat contre le bolchévisme n'est pas terminé en Russie: une session plénière du Comité central du Parti communiste de la Fédération de Russie (CC du KPRF) a statué samedi de célébrer le 130e anniversaire de Staline, le 140e anniversaire de Lénine, le 92e anniversaire de la Grande révolution socialiste d'Octobre et le 65e anniversaire de la Victoire.
"Utiliser les réunions solennelles et d'autres manifestations pour faire démontrer la portée historique de la révolution socialiste (de 1917), mener une propagande autour des acquis sociaux et économiques du socialisme et de son rôle capital dans la défaite imposée aux forces fascistes en Europe et Asie en 1945", a décidé le СС. MOSCOU, 31 octobre - RIA Novosti (cf. http://fr.rian.ru/russia/20091031/123790574.html).

Remarquons l'amalgame entre la Victoire et les "hauts faits" bolchéviques que Medvedev a justement voulu contrer.

Et chez nous, peu de média occidentaux ont (pour le moment?) commenté cette déclaration de Medvedev: je n'ai trouvé que 20 mn (cf. http://www.20min.ch/ro/news/monde/story/Medvedev-condamne-la--terreur--sovietique-11335179). Par contre toute information inverse est immédiatement reprise et amplifiée. Ainsi le 26 octobre dernier un article mis en ligne sur le site EUobserver.com, affirme que RIA Novosti a conclu un contrat avec une société de communication occidentale afin de lancer "une campagne visant à justifier les ambitions impériales de la Russie et à améliorer l'image de Joseph Staline" (http://euobserver.com/?aid=28883) avec forces détails mêlant le vrai et le faux. "C'est du délire… " dément le directeur général adjoint de RIA Novosti, Valeri Levtchenko. "L'article montre que le journaliste d'EUobserver.com a mélangé des informations de différentes provenances, dont les rumeurs qu'il avait recueillies au sujet de RIA Novosti à l'étranger". "Dommage que les médias qui ont repris cette information pour la relayer à leurs lecteurs n'aient pas trouvé le temps de remplir leur devoir professionnel, à savoir vérifier les faits exposés et s'adresser à RIA Novosti pour obtenir des commentaires", a continué Valeri Levtchenko. (cf. http://fr.rian.ru/world/20091030/123777917.html). EUobserver.com n'a pas jugé utile de publier un démenti…

2.Posté par T.Schakhovskoy le 01/11/2009 22:41
Vous avez raison d'insister sur l'importance exceptionnelle de cette intervention du Président Medvedev et, hélas, sur le silence assourdissant des media français (et autres sans doute) à ce sujet. L'exemple de désinformation caractérisée que vous nous signalez (EUObserver) parle de lui-même. Si la Russie s'engage enfin avec énergie sur ce chemin, nous verrons nos prières, au moins partiellement, exaucées.
C'est un grand jour pour nous tous, et notre devoir est certainement de faire connaître cette information autour de nous, partout où nous pouvons nous faire entendre. Que Dieu guide la Russie, et son courageux président.

3.Posté par TCHAVTCHAVADZE NICOLAS le 03/11/2009 18:11
Merci d'avoir signalé cette déclaration du président actuel de la Fédération de Russie condamnant Staline et le stalinisme. Le Premier Ministre actuel de la Fédération partage-t-il cet avis ?

4.Posté par vladimir le 03/11/2009 22:13
Le vent a décidément tourné en Russie: défendre Staline est tellement mal vu, parmi les gens sérieux, que RIA Novosti s'est senti insulté par le bobard journalistique que je rapporte plus haut. Sa rédactrice en chef a écrit un long article pour se disculper (cf. http://fr.rian.ru/discussion/20091102/185446025.html pour la version française) dans lequel elle dit "Imaginez la réaction des journalistes d'information, si un média allemand tout à fait respectable avait l'intention de réhabiliter l'image d'Hitler; ou si une célèbre agence espagnole expliquait à l’Europe les aspects positifs du régime de Franco; ou bien si les Italiens s'apprêtaient à lancer une campagne nationale de réhabilitation de Mussolini." et elle termine en appelant "un traité interdisant la révision de l'histoire et son utilisation comme instrument pour atteindre des objectifs purement pragmatiques". Voilà donc Staline identifié à Hitler &Co et la "lutte contre la falsification de l'histoire", qui servait de paravent à la glorification du Petit Père du peuple, retournée contre lui, et ce par le plus officiel des média russes. La campagne annoncée se développe et la résistance du Parti communiste devient de plus en plus minoritaire... mais les média occidentaux ne remarquent toujours rien: je n'ai pas relevé un seule mention de ce phénomène historique!

5.Posté par vladimir le 03/11/2009 22:23
@TCHAVTCHAVADZE NICOLAS: vous avez raison de remarquer le silence de Poutine sur ce sujet... Il faudrait lui poser la question s'il vient prochainement à Paris, comme on l'entend dire dans certains couloirs...

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