"On rappelle, enfin, que le Concile de Constantinople, célébré conjointement par les deux Eglises en 879-880, a établi que chaque siège conserverait les anciennes coutumes de sa tradition, l’Église de Rome conservant les coutumes qui lui sont propres et l’Église de Constantinople les siennes, et également les trônes de l’Orient (cf. Mansi XVII, 489 b)."
"Foi, sacrements et unité de l'Eglise" Texte adopté par la "Commission mixte internationale pour le dialogue théologique entre l’Église catholique et l’Église orthodoxe", à la session plénière de Bari (9-16 juin 1987).

En ces temps où le dialogue théologique bute sur la question de la primauté (le problème principal étant le désaccord entre Orthodoxes!), il est intéressant de revenir aux textes sur lesquels il y a eu un accord complet. Je ne parlerai donc pas du "document de Ravenne" (2007), officiellement rejeté par plusieurs Églises orthodoxes lors de la dernière réunion de la Commission mixte, ni du précédant "document de Balamand" (1993), qui n'a pas été mis en œuvre, mais sur les premiers documents adoptés dans les années 1980 à l'unanimité des délégués dument mandatés par les Églises orthodoxes et catholique.


Foi, sacrement et l’unité de l’Église
Le baiser de paix entre Pierre et Paul; fresque du mont Athos

Le deuxième document, "Foi, sacrements et unité de l'Eglise" (16 juin 1987) illustre le chemin parcouru en sept ans, après la première réunion en 1980 à Rhodes comme le rappelle l'introduction. Il avait alors été convenu "de partir de ce que nous avons en commun et, en le développant, d’aborder de l’intérieur et progressivement tous les points sur lesquels nous ne sommes pas en accord"(1) et que «l’étude des sacrements de l’Église est propice pour examiner à fond et d’un manière positive les problèmes du dialogue»(2). Et un grand pas vers la compréhension mutuelle est franchi avec ce document qui montre combien nous avons de foi en commun! En voici le texte.
VG

(1) "Le mystère de l'Église et de l’Eucharistie à la lumière du mystère de la Sainte Trinité" Texte adopté par la "Commission mixte internationale" à la session plénière de Munich (6 juillet 1982)
(2) "Document préparatoire commun" cité dans "Foi, sacrements et unité de l'Eglise".


Bari, juin 1987

La commission mixte internationale pour le dialogue théologique entre l’Église catholique et l’Église orthodoxe, à la session plénière de Bari (9-16 juin 1987), a approuvé un nouveau document sur les rapports entre «Foi, sacrements et unité de l’Église».

Le thème avait été établi lors de la session plénière de Munich (1982). Après l’étude parallèle de trois sous-commissions mixtes, le comité mixte de coordination (Nicosie, Chypre, 1983) avait élaboré une synthèse organique présentée et discutée à la session plénière de Crète (1984). Ensuite, ce même comité mixte (Opole, Pologne, 1985) avait revu ce projet, y apportant les modifications demandées par la session plénière. Le texte qui en est issu, a été de nouveau examiné lors de la session plénière qui s’est déroulée en deux phases, celle de 1986 et celle de 1987. Le texte approuvé, et qui va maintenant être publié, est le second document de la commission mixte. Il fait suite et est étroitement lié au document publié en 1982, qui portait sur «Le Mystère de l’Église et de l’Eucharistie à la lumière du Mystère de la Sainte Trinité».

Ces deux documents répondent aux exigences du «Plan pour la mise en route du dialogue théologique entre l’Église catholique romaine et l’Église orthodoxe», approuvé à la première session plénière de Patmos-Rhodes (1980). Ce document préparatoire commun considère que «l’étude des sacrements de l’Église est propice pour examiner à fond et d’un manière positive les problèmes du dialogue».

Foi, sacrement et l’unité de l’Église

Introduction
1. Après notre réunion à Munich en 1982 et en accord avec le Plan adopté par notre Commission lors de sa première réunion à Rhodes en 1980, cette quatrième session de la Commission a entrepris de considérer la question de la relation entre foi et communion sacramentelle.

2. Comme il a été établi dans le Plan de notre dialogue, approuvé à Rhodes, l’unité dans la foi est un présupposé pour l’unité dans les sacrements et spécialement dans la sainte eucharistie. Mais ce principe communément accepté soulève quelques points fondamentaux qui demandent considération. La foi se ramène-t-elle à adhérer à des formulations ou est-elle aussi quelque chose d’autre? La foi, qui est don divin, doit être comprise comme un engagement du chrétien, engagement de son intellect, de son cœur et de sa volonté. Dans sa réalité profonde elle est aussi un événement ecclésial, réalisé et accompli dans et par la communion de l’Église, en son expression liturgique et spécialement eucharistique. Ce caractère ecclésial et liturgique de la foi doit être pris sérieusement en considération.

3. Etant donné ce caractère fondamental de la foi, il faut affirmer que la foi doit être prise comme une condition préalable, déjà complète en elle-même, avant la communion sacramentelle, et aussi qu’elle est augmentée par la communion sacramentelle, expression de la vie même de l’Église et moyen de la croissance spirituelle de chacun de ses membres. Cette question doit être posée afin d’éviter une approche déficiente du problème de la foi comme condition de l’unité. Elle ne devrait cependant pas servir à obscurcir le fait que la foi est une telle condition, et qu’il ne peut y avoir de communion sacramentelle sans communion dans la foi, tant au sens large qu’au sens de la formulation dogmatique.

4. Outre la question de la foi comme présupposé de la communion sacramentelle et en rapport étroit avec elle, suivant le Plan du dialogue, nous avons également examiné dans nos réunions la relation des sacrements dits de l’initiation — c’est-à-dire le baptême, la confirmation ou chrismation et l’eucharistie — entre eux et avec l’unité de l’Église. A ce point il faut examiner si nos deux Églises sont confrontées simplement à une différence dans la pratique liturgique au aussi dans la doctrine étant donné que la pratique liturgique et la doctrine sont liées l’une à l’autre. Devons-nous considérer ces trois sacrements comme appartenant à une seule réalité sacramentelle, ou comme trois actes sacramentels autonomes? On doit aussi se demander si pour les sacrements de l’initiation une différence dans la pratique liturgique entre les deux traditions soulève un problème de divergence doctrinale, qui pourrait être considéré comme un obstacle sérieux à l’unité.

Foi et communion dans les sacrements

5. La foi est indissociablement don de Dieu qui se révéle et réponse de l’homme qui accueille ce don. C’est la synergie de la grâce de Dieu et de la liberté humaine. Le lieu de cette communion c’est l’Église. En celle-ci, la vérité révélée est transmise selon la tradition des Apôtres, sur la base de l’Ecriture, par les conciles œcuméniques, la vie liturgique, les Pères de l’Église, et elle est mise en œuvre par les membres du Corps du Christ. La foi de l’Église constitue la norme et le critère de l’acte de foi personnel. La foi n’est pas le produit d’une élaboration et d’une nécessité logiques, mais de l’influence de la grâce de l’Esprit Saint. L’Apôtre Paul a reçu la grâce «dans l’obéissance de la foi» (Rom 1,5). Saint Basile dit à ce sujet: «La foi précède les discours sur Dieu; la foi et non la démonstration. La foi étant au-dessus des méthodes logiques amène à consentir. La foi ne naît pas de nécessités géométriques, mais des énergies de l’Esprit» (In Ps 115,1).

6. Tout sacrement présuppose et exprime la foi de l’Église qui le célèbre. En effet, dans le sacrement l’Église fait plus que confesser et exprimer sa foi: elle rend présent le mystère qu’elle célèbre. L’Esprit Saint révèle l’Église comme le Corps du Christ qu’il constitue et fait croître. Ainsi l’Église par les sacrements nourrit et développe la communion de foi de ses membres.

1. La foi véritable est don divin et réponse libre de l’homme

7. La foi est don de l’Esprit Saint. Par la foi Dieu accorde le salut. Par elle l’humanité a accès au mystère du Christ, qui constitue l’Église et que l’Église communique par l’Esprit Saint qui l’habite. L’Église ne peut que transmettre ce qui la fait exister. Or, il n’y a qu’un mystère du Christ et le don de Dieu est unique, intégral et sans repentance (Rom 11, 29). Quant à son contenu la foi embrasse la totalité de la doctrine et de la pratique de l’Église relative au salut. Le dogme, la conduite et la vie liturgique s’imbriquent en un tout unique et constituent ensemble le trésor de la foi. Liant d’une façon remarquable le caractère théorique et pratique de la foi Saint Jean Damascène dit: «Cette [foi] est rendue parfaite par tout ce que le Christ a décrété, la foi par les œuvres, le respect et la pratique des commandements de Celui qui nous a renouvelés. En effet, celui qui ne croit pas selon la tradition de l’Église catholique ou qui par des œuvres incorrectes est en communion avec le diable, est un infidèle» (De fide orthodoxa IV, 10,83).

8. Donnée par Dieu, la foi qu’annonce l’Église est proclamée, vécue et transmise dans une Église locale visible en communion avec toutes les Églises locales dispersées de par le monde, c’est-à-dire l’Église catholique de tous les temps et de partout. L’homme est intégré au Corps du Christ par sa «koinônia» à cette Église visible qui, par la vie sacramentelle et la Parole de Dieu, nourrit en lui cette foi et dans laquelle agit en lui l’Esprit Saint.

9. On peut dire que, de cette façon, le don de la foi existe dans l’unique Église dans sa situation historique concrète, déterminée par le milieu et le temps, donc dans tous et chacun des croyants sous la conduite de leurs pasteurs. A travers le langage humain et sous la variété des expressions culturelles et historiques, l’homme doit rester toujours fidèle à ce don de la foi. On ne peut certes prétendre que l’expression de la vraie foi, transmise et vécue dans la célébration des sacrements, épuise la totalité de la richesse du mystère révélé en Jésus-Christ. Toutefois, dans les limites de sa formulation et des personnes qui l’accueillent, elle donne accès à la vérité intégrale de la foi révélée, c’est-à-dire à la plénitude du salut et de la vie dans l’Esprit Saint.

10. Selon l’Épître aux Hébreux, cette foi est la «substance des biens que l’on espère, la vision des réalités qu’on ne voit pas» (11,1). Elle donne part aux biens divins, On la comprend aussi en termes de confiance existentielle en la puissance et en l’amour de Dieu, dans l’acceptation des promesses eschatologiques telles qu’accomplies dans la personne du Seigneur Jésus-Christ. Mais comme l’indique encore cette Lettre aux Hébreux, la foi exige en outre une attitude à l’endroit de l’existence et du monde. Cette attitude est marquée par la disponibilité à sacrifier sa propre volonté et à offrir sa vie à Dieu et aux autres comme le Christ l’a fait sur la croix. La foi associe au témoignage du Christ et «à la nuée des témoins» (12,1) qui enveloppent l’Église.

11. La foi implique donc une réponse consciente et libre de la part de l’homme et un changement continuel de cœur et d’esprit. Par conséquent elle est un changement intérieur et une transformation, elle fait demeurer dans la grâce du Saint-Esprit qui renouvelle l’homme. Elle veut la réorientation vers les réalités du Royaume qui vient et qui, dès maintenant, commence à transformer les réalités de ce monde.

12. La foi est présupposée au baptême et à toute la vie sacramentelle qui le suit. Par le baptême, en effet, on participe à la mort et à la résurrection de Jésus-Christ (Rom 6). Ainsi débute un processus qui se poursuit à travers toute l’existence chrétienne.


Foi, sacrement et l’unité de l’Église
2. L’expression liturgique de la foi

Suite: "Foi, sacrements et unité de l'Eglise"

La rencontre historique de Jérusalem entre Paul VI et le Patriarche Œcuménique Athénagoras (5 janvier 1964. Photo paxchristi.cef.)



Rédigé par Vladimir GOLOVANOW l le 27 Octobre 2014 à 12:58 | 1 commentaire | Permalien



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