"La marche de l’histoire" par Jean Lebrun avec Georges Nivat écouter cette émission !!!

Le vénérable Alexis II, prédécesseur de l'actuel patriarche, avait certes dit que la coopération de l'Eglise et de l'Etat ne constituait pas un mariage. En tout cas, avec la hiérarchie ecclésiastique actuellement en place à Moscou, il n'y a pas de risque de divorce. Dans le scrutin présidentiel verrouillé du 4 mars, Poutine n'a pas à compter l'Eglise parmi ses opposants; davantage, il la considère comme son alliée dans sa lutte contre toute évolution trop libérale ou trop occidentale du pays. En apparence, tout se passe comme si la Russie, revenue de son voyage au bout de l'athéisme, retrouvait son assiette traditionnelle : le trône et l'autel.

En apparence seulement. D'une part, la pratique et l'instruction religieuses ne retrouveront pas le niveau d'avant la Révolution. D'autre part, avant la Révolution, sauf exception, le tsar ne se posait pas en guide religieux non plus que le patriarche ne prétendait à la conduite de l'état: c’était tout le pays qui se concevait comme une société de chrétienté, ce n'est certes plus ainsi que la Russie peut être unie.

Ce qui demeure en revanche et se renouvelle en profondeur, c'est le courant "spirituel", souvent radical. Il a surgi tout de suite, dès la naissance de la chrétienté russe. Il a fait éclore au long de l'histoire mille fleurs de sainteté que les Russes respirent d'âge en âge: moines, pères spirituels, pèlerins miraculeux et autres fols en Christ... Il existe peut-être 700 monastères maintenant à travers le pays. Le clergé visible peut, comme à l'accoutumée, bénir le pouvoir; la direction spirituelle de l'Eglise passe, comme à l'accoutumée, par les monastères et la parole la plus influente par le silence.

France-inter

Rédigé par Vladimir Golovanow le 6 Février 2012 à 15:00 | 9 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Mischa le 06/02/2012 20:07
Спасибо что поместили эту передачу! Я сегодня слушал её по радио. Как хорошо, умно, а главное с любовью к России и Русской Церкви говорит профессор ЖОРЖ НИВА!
Всем советую послушать!

2.Posté par Marie Genko le 06/02/2012 21:18
Excellente émission!
Je viens de l'écouter avec un grand plaisir!

Marie G.

3.Posté par Volkoff le 07/02/2012 09:47
Optimal, dans le cadre d'un court oral bruité, récit de la foi en Russie, de son martyre, de sa providentielle et éblouissante renaissance.
Une juste part est faite par cet éminent slavisant aux reproches de concordat "collaborationniste". Le meilleur connaisseur de l’œuvre de Soljenitsyne explique fort bien que dans ce "sorabotnitchestvo" (travail de concert Eglise-administration) c'est l’État, orphelin du "communisme scientifique" qui est preneur et... gagnant. Donc plus qu’accommodant.
Intéressants récits de séjour dans les monastères opérant à nouveau.

4.Posté par Gueorguy le 07/02/2012 13:49
Cet interview de Georges Nivat est d'une très bonne teneur et effectue la prousse, dans un temps très court, d'aborder, effectivement,quelques facettes des relations entre l'Eglise et l'Etat, tout au long de l'histoire russe. Je suis, juste, dubitatif sur un point quand Georges Nivat, dans le long débat opposant Saint Joseph de Volokolamsk et Saint Nil de Sora, semble identifier un vainqueur dans le premier et un vaincu dans le second. Je pense plutôt que, tous deux faits saints dans l'Eglise orthodoxe russe, c'est la présence de ces deux faces de l'Eglise qui est mise en valeur.

Par ailleurs, je pense que Georges Nivat qui est un grnad spécialiste de Soljénitsyne a, peut-être, puisé aussi quelques références dans cet ultime entretien que Soljénitsyne avait accordé au journal allemand DER SPIEGEL où il évoque l'importance de l'Eglise dans la société russe dans la forme suivante.

------------ EXTRAIT de l'entretien: ------------------------------------

SPIEGEL : L'idée de l'influence qu'exerce l'orthodoxie sur le monde russe est, on peut le dire, omniprésente dans votre oeuvre. Que peut-on dire aujourd'hui du degré de compétence morale de l'Église orthodoxe russe ? Nous avons le sentiment d'assister à une nouvelle étatisation de l'église, à un retour à la situation d'il y à quelques siècles. L'église n'est-elle pas l'institution qui a de fait légitimé le potentat du Kremlin, l'a déclaré être l'envoyé de Dieu ?

SOLJENITSYNE : C'est tout à fait le contraire de ce que vous venez de dire. On ne peut que s'étonner de l'étendue de l'indépendance que l'Eglise a réussi à obtenir pendant les quelques années qui la séparent d'une soumission totale à l'égard de l'Etat communiste. N'oubliez pas que l'Eglise Orthodoxe Russe a subi de terribles pertes humaines au cours, pratiquement, de tout le Vingtième siècle. L'Eglise commence à peine à se remettre. Et ceci alors que le jeune Etat postsoviétique commence à peine à apprendre à respecter en l'Eglise un organisme autonome et indépendant. « La doctrine sociale » de l'Eglise orthodoxe Russe va bien plus loin que les programmes du gouvernement. Le Métropolite Cyrille, porte-parole éminent des approches de l'Eglise, appelle avec insistance à revoir le système fiscal en vigueur, bien loin de partager les vues du gouvernement en la matière. Il dit tout cela sur les principales chaînes de télévision.

« Légitimation du potentat du Kremlin » ? Vous pensez sans doute aux obsèques religieuses de Eltsine dans la basilique du Christ Sauveur et au refus de procéder à une cérémonie civile ?

SPIEGEL : A cela également.

SOLJENITSYNE : C'était probablement le seul moyen de contenir, d'éviter de probables manifestations lors des funérailles d'une colère populaire encore vivante. Je ne vois là aucune raison d'estimer que c'est ainsi que se dérouleront les futures obsèques des présidents russes.

Pour ce qui est du passé, c'est vingt-quatre heures sur vingt-quatre que l'Église élève ses prières pour le repos des âmes des victimes exécutées par les communistes au champ de tir de Boutovo, dans la banlieue de Moscou, dans les camps des îles Solovki, dans d'autres lieux de martyr.

5.Posté par vladimir le 07/02/2012 23:38
Merci Gueorguy pour ce très intéressant article qui complète bien ce que dit Georges Nivat.

Vous avez bien raison aussi de souligner que le grand débat qui opposa à la fin du XVe siècle Saint Joseph de Volokolamsk et Saint Nil de Sora est escamoté par Georges Nivat (on ne peut tout dire en si peu de temps). Comme je le crois assez peu connu, j'en propose un résumé.

Le XVe siècle en Russie fut la grande époque de floraison de la vie monastique qui suivit le départ donné par Saint Serge de Radonège (1314-1392) et c'est pendent cet essor que se passe cette grande dispute théologique et vitale entre « non-possédants » (nestjajateli) et des «possédants» (stjajateli) menés respectivement par Saint Nil de Sora(1433-1508), fondateur d'un Skite perdu sur la rivière Sorska (dans la région du Lac blanc), et Saint Joseph de Volokolamsk (1439-1515), Higoumène du monastère de Volokolamsk (près de Moscou). Les premiers condamnaient la propriété ecclésiastique, notamment celle des grands monastères et séparaient l'Église de l'État alors que les seconds prônaient la nécessité d'une Église puissante et riche en parfaite « symbiose » avec le souverain.

Les conciles de 1503 et de 1504 reconnurent que les deux tendances peuvent et doivent coexister dans l'Eglise; Joseph et Nil furent tous deux canonisés… Mais de fait les grands monastères conservèrent leurs richesses et la « symbiose » fit tomber l'Eglise sous la domination totale de l'état… Je suis donc assez la conclusion de Georges Nivat et je trouve que sa comparaison de ce qui reste des monastères est parlante: on peut toujours voir les trésors de Volokolamsk, mais il ne reste pas trace du skite de Sora…

6.Posté par Alexandre de Miller de La Cerda le 08/02/2012 11:10
A propos de Soljenitsyne

D’après une dépêche de l’agence AFP du 7 février, « le Conseil de Paris a voté mardi sans enthousiasme l'attribution du nom d'Alexandre Soljenitsyne » à une place Porte Maillot (XVIe) : alors que Christophe Girard, adjoint PS à la culture, accusait d’homophobie le Prix Nobel de littérature, pour sa part, l’élu du Parti de gauche Alexis Corbière déplorait ce choix car l’écrivain « était clairement antisémite et nostalgique de la monarchie tsariste et violemment opposé à la Révolution russe et française ».

Tout est dit dans ces griefs de toujours exprimés à l’égard de la Russie éternelle incarnée miraculeusement par Soljenitsyne. Litanies très représentatives de la « civilisation » (?) élaborée par les élitocrates qui nous gouvernent à tous les échelons, de part et d’autre de l’Atlantique, et au-delà…

Or, il faut relire l’extraordinaire discours prononcé par Soljenitsyne en septembre 1993 pour l'inauguration de l'Historial de Vendée aux Lucs-sur-Boulogne. A propos de la révolte des paysans contre la Révolution, il avait souligné « que toute révolution déchaîne chez les hommes, les instincts de la plus élémentaire barbarie, les forces opaques de l'envie, de la rapacité et de la haine, cela, les contemporains l'avaient trop bien perçu. Ils payèrent un lourd tribut à la psychose générale lorsque fait de se comporter en homme politiquement modéré - ou même seulement de le paraître - passait déjà pour un crime.
C'est le XXe siècle qui a considérablement terni, aux yeux de l'humanité, l'auréole romantique qui entourait la révolution au XVIIIe. De demi-siècles en siècles, les hommes ont fini par se convaincre, à partir de leur propre malheur, de que les révolutions détruisent le caractère organique de la société, qu'elles ruinent le cours naturel de la vie, qu'elles annihilent les meilleurs éléments de la population, en donnant libre champ aux pires. Aucune révolution ne peut enrichir un pays, tout juste quelques débrouillards sans scrupules sont causes de mort innombrables, d'une paupérisation étendue et, dans les cas les plus graves, d'une dégradation durable de la population ». Et, Soljenitsyne qui aimait « la France des cathédrales, des villages, de la campagne », de conclure : « En inaugurant aujourd'hui le mémorial de votre héroïque Vendée, ma vue se dédouble. Je vois en pensée les monuments qui vont être érigés un jour en Russie, témoins de notre résistance russe aux déferlements de la horde communiste. Nous avons traversé ensemble avec vous le XXe siècle. De part en part un siècle de terreur, effroyable couronnement de ce progrès auquel on avait tant rêvé au XVIIIe siècle ».
A méditer en cette époque de « printemps des révolutions arabes », également annonciateur d’« hiver rigoureux » pour les chrétiens d’Orient, et que d’aucuns rêvent d’importer en Russie…

7.Posté par Marie Genko le 08/02/2012 12:43
Merci Alexandre,

Pour votre excellent message N° 6!
Je reprends votre dernière phrase pour m'assurer que tout le monde se donnera la peine d'y réfléchir:

"A méditer en cette époque de « printemps des révolutions arabes », également annonciateur d’hiver rigoureux » pour les chrétiens d’Orient, et que d’aucuns rêvent d’importer en Russie…"

Ce que rêvent tous ceux qui veulent mettre la main sur les richesses du sol russe, c'est justement d'une nouvelle révolution en Russie!

Et je suis certaine que bien des efforts vont être mis en oeuvre pour y parvenir!

Comme toujours, comme en Afrique du Nord dernièrement, et en Syrie aujourd'hui, aucune considération ne rentre en compte pour la tragédie humaine qui se déroule dans toutes ces révolutions!

La Russie a déjà payé son tribut à la folie révolutionnaire!
Puisse le Seigneur la préserver dans l'avenir de la folie des hommes!


8.Posté par Gueorguy le 08/02/2012 15:21
A mon tour, Merci à Vladmir pour son intéressante contribution.

Je voudrais juste indiquer que le fait que le monastère de Volokolamsk subsiste alors que celui de la Sora a disparu me parait un critère bien réducteur et, justement, assez peu parlant.

S'il fallait ne retenir les enseignements dans la vie orthodoxe que de ce qui reste de matériellement visible, je crains que nous serions dans une vision particulièrement tronquée de cet enseignement.
Et c'est vraiment l'un des rares écueils que j'ai relevé dans la présentation du professeur Georges Nivat. Mais sans le juger, je conçois une réserve du au fait que l'émission vraiment trop courte n'a pas laissé le temps de développer la pensée sur ce point.

Retenons plutôt l'essentiel que vous formulez si bien :
"Les conciles de 1503 et de 1504 reconnurent que les deux tendances peuvent et doivent coexister dans l'Eglise; Joseph et Nil furent tous deux canonisés…"

9.Posté par justine le 08/02/2012 19:34

"mais il ne reste pas trace du skite de Sora...."
Sans doute, sa reconstruction et son repeuplement ne vont pas tarder, si ce n'est au meme endroit - au cas où la solitude et le silence ne seraient plus assurés -, alors à un autre endroit. De telles perles ne se perdent pas à jamais!

10.Posté par vladimir le 08/02/2012 21:04
Vous avez raison cher Gueorguy et je faisais de l'humour en reprenant l'image simplificatrice de Georges Nivat.

Toutefois, je veux d'abord lui tirer mon chapeau encore une fois pour avoir réussi à faire passer autant de choses en si peu de temps. Même pour ce sujet, qu'il ne fait qu’effleurer, il le sort de l'oubli où le laissent trop de commentateurs qui ne voient que le brillant essor du monachisme au XVe siècle et oublient ce débat qui aura de graves répercussions...

Il me parait trop simple de mettre les deux saints à égalité car le débat qui les opposa est toujours en cours dans l'Eglise. Oui, Nil fut désapprouvé au synode de 1503 et les théories de Joseph concernant les possessions monastiques triomphèrent… et triomphent encore. Joseph fut canonisé 3 fois au XVIe siècle, Nil seulement inscrit dans le calendrier ecclésiastique officiel en 1903. Joseph affirmae que les abbayes doivent posséder des biens pour venir en aide aux nécessiteux et pour jouer leur rôle de centres civilisateurs; il professait que les moines, tout en menant une vie austère, devaient secourir les hommes moralement et socialement… et l'Eglise le suit toujours. Nil se désintéresse complètement de ces problèmes: il propagea en Russie la grande tradition de l'hésychasme, considérant que la vie monastique a pour but une liberté spirituelle absolue, le moine devant par conséquent être exempt de toute préoccupation terrestre. Pour lui la vie spirituelle se déroule dans la paix, sans tension, mais avec l’accompagnement d’un père choisi librement comme conseiller; « Un seul est notre maître, Notre Seigneur Jésus-Christ », écrira-t-il. Cette approche de la spiritualité rencontre beaucoup d'écho actuellement… de même que sa contestation des richesses, de la puissance, voire du rôle social de l'Eglise et aussi son approche miséricordieuse des hérétiques, refusant au nom de Christ miséricordieux les méthodes de l’Inquisition espagnole, que certains volaient appliquer, et réprouvant toute cruauté.

Ce débat est en fait si riche qu'il faudrait lui consacrer au moins un article!

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