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par Rémi Brancato
La guerre en Ukraine divise le monde orthodoxe. Le patriarche de Moscou, qui a affiché son soutien à Vladimir Poutine, se retrouve de plus en plus isolé. Dans une interview à France Inter, le métropolite Jean de Doubna, archevêque à Paris des églises orthodoxes russes en Europe occidentale dénonce "une erreur".
Depuis le début de la guerre en Ukraine, les divisions se montre au grand jour au sein du monde orthodoxe, troisième branche religieuse de la chrétienté. Le patriarche de Moscou, Kirill, que l'on dit proche de Vladimir Poutine, a pris ouvertement position en faveur de la guerre, dénonçant des "forces du mal", "qui combattent l'unité" entre Ukraine et Russie. Depuis, les églises orthodoxes rattachées à Moscou expriment leurs critiques.
C'est le cas des églises orthodoxes de tradition russe en Europe occidentale. Leur archevêque, le métropolite Jean de Doubna, basé à Paris, a écrit une lettre ouverte au patriarche de Moscou pour s'opposer à la guerre. Il explique pourquoi pour la première fois lors d'une interview, à France Inter.
La guerre en Ukraine divise le monde orthodoxe. Le patriarche de Moscou, qui a affiché son soutien à Vladimir Poutine, se retrouve de plus en plus isolé. Dans une interview à France Inter, le métropolite Jean de Doubna, archevêque à Paris des églises orthodoxes russes en Europe occidentale dénonce "une erreur".
Depuis le début de la guerre en Ukraine, les divisions se montre au grand jour au sein du monde orthodoxe, troisième branche religieuse de la chrétienté. Le patriarche de Moscou, Kirill, que l'on dit proche de Vladimir Poutine, a pris ouvertement position en faveur de la guerre, dénonçant des "forces du mal", "qui combattent l'unité" entre Ukraine et Russie. Depuis, les églises orthodoxes rattachées à Moscou expriment leurs critiques.
C'est le cas des églises orthodoxes de tradition russe en Europe occidentale. Leur archevêque, le métropolite Jean de Doubna, basé à Paris, a écrit une lettre ouverte au patriarche de Moscou pour s'opposer à la guerre. Il explique pourquoi pour la première fois lors d'une interview, à France Inter.
FRANCE INTER : Vous avez écrit au patriarche Kirill de Moscou, dont dépend votre archevêché ici à Paris et en Europe occidentale, suite à l'invasion russe le 24 février. Que lui avez-vous exprimé dans cette lettre ouverte ?
Mgr JEAN DE DOUBNA PM : "Tout d'abord, nous avons écrit cette lettre face au silence qui devenait très pesant de notre patriarche qui ne condamnait pas cette guerre et cette invasion de l'Ukraine par la Fédération de Russie. Et petit à petit, nous avons découvert que le patriarche, à travers certains propos qu'il tenait soit dans des prédications, soit dans des conversations, qu'il soutenait implicitement cette invasion, au nom de cette idée de rassembler la Russie, ce monde imaginaire de la Russie qui s'étende de Moscou à Kiev en passant par la Biélorussie. Ce que nous avons demandé spécialement au patriarche, c'est d'intervenir auprès de la Fédération de Russie de façon à ce que cesse cette guerre et ce massacre de tous ses enfants, ces femmes, ces hommes, ces soldats qui s'entretuent et qui sont eux mêmes issus du même baptême de la Russie."
Selon vous, pourquoi le patriarche Kirill évoque la "résistance au consumérisme" occidental, la résistance aux tentatives d'imposer des gay pride en Ukraine ?
"Il y a en Russie, à l'heure actuelle, le développement d'un anti occidentalisme effréné où le monde occidental est considéré comme dépravé. Mais, en Russie, le consumérisme est pire que chez nous. Il suffit d'aller à Moscou pour le voir. Tout n'est pas blanc, tout n'est pas noir. Mais il y a cette idéologie que la Russie est persécutée par l'Europe, par l'Occident. Mais ici, personne n'est contre la Russie. Tout le monde est contre la guerre, mais pas contre la Russie. La Russie est toujours le pays que nous portons dans notre cœur, nous aimons la tradition spirituelle de la Russie, la tradition littéraire, tout ce qui fait la richesse de la Russie. Nous l'aimons, mais nous ne voulons pas de cette guerre."
Vous avez donc écrit cette lettre ouverte au patriarche de Moscou dont vous dépendez. Avez vous eu une réponse?
"Non, je n'ai pas eu de réponse."
Aujourd'hui, d'autres églises orthodoxes en Europe se positionnent assez clairement en désaccord avec le patriarche de Moscou...
"Toutes les églises orthodoxes à l'heure actuelle ont pris position contre cette guerre. On ne veut pas qu'on utilise le mot guerre. Or, c'est une guerre et une invasion d'un pays frère, d'un pays ami. Pourquoi ? Parce que ce pays veut vivre la démocratie. Parce que ce pays veut se rapprocher de l'Europe. Donc, c'est une agression. Et tout ça est dément."
Y a-t-il dans le discours et les prises de position du patriarche de Moscou un dévoiement du message religieux ?
"Par certains côtés, oui. Par certains côtés, le fait d'approuver cette invasion, cette guerre, comme il l'a dit, cette guerre "métaphysique", c'est pour nous très difficile à vivre. Il n'y a pas de guerre métaphysique. La guerre métaphysique c'est la guerre spirituelle, celle du jeûne, de la prière, guerre de l'amour du frère. Ça, c'est la guerre métaphysique de chaque chrétien. En même temps, le chrétien doit être un homme de paix. À chaque liturgie, nous chantons. "bienheureux les artisans de paix". Le chrétien doit être un artisan de paix. Qui plus est un prêtre, qui plus est un évêque, qui plus est un patriarche. Mais prêcher et soutenir une vision nationaliste d'agressivité vis à vis à vis d'un peuple qui, dans le fond, cherche sa voie, qui veut vivre selon sa propre dynamique, l'empêcher de vouloir vivre ça et le tuer par la guerre ? Personne ne peut justifier ça. Aucun chrétien ne peut justifier ça."
L'Église orthodoxe d'Amsterdam a annoncé qu'elle ne mentionnerait plus le nom de Kirill lors des célébrations, mais aussi qu'elle quittait le patriarcat de Moscou. Êtes vous prêt à quitter le patriarcat de Moscou ?
"Pour l'instant, il n'est pas question pour nous de quitter le patriarcat de Moscou. Nous sommes dans un lien canonique avec le Patriarcat de Moscou. Nous restons en lien canonique avec le Patriarcat de Moscou. Nous ne partageons pas certaines visions du patriarche de Moscou. Mais autour de lui, il y a beaucoup de personnes qui ne partagent pas cette vision. Et notre humble lettre a permis à beaucoup d'autres voix d'écrire et de demander au patriarche qu'il intercède pour que la paix revienne en Ukraine. Qu'on arrête ce massacre d'innocents en Ukraine, c'est un massacre au nom d'une vision nationaliste et et qui n'a aucune justification."
Y a-t-il un risque pour le patriarche Kirill de Moscour de se retrouver isolé ?
"Je pense que c'est un grand risque d'isolation. Et au niveau de toutes les églises orthodoxes. C'est un grand risque. Le patriarcat de Moscou fait autorité. Nous gardons des liens avec les théologiens, avec ses pères spirituels de très grande valeur, avec ses monastères, des lieux de prière, de charité. Nous gardons le lien avec tous, mais nous ne partageons pas cette vision de conquête par la violence."
Est ce qu'il y a un risque de scission aujourd'hui de certaines églises? Est-ce que la situation risque de déstabiliser l'organisation des églises orthodoxes?
"Les églises orthodoxes étaient déjà dans une situation difficile à cause de l'Ukraine, à cause de la création de cette Eglise ukrainienne dans le cadre du patriarcat de Constantinople. Cela a été très mal fait et très mal ficelé. Moi, je n'ai jamais approuvé. Même quand j'étais dans le patriarcat de Constantinople, je n'ai jamais approuvé cette façon de faire. Mais maintenant, toutes les églises sont bloquées. Et maintenant, qu'est ce qui va se passer en Ukraine ? Imaginez que l'Église ukrainienne se détache du patriarcat de Moscou. Le patriarcat de Moscou va perdre plus des deux tiers de ce qui fait sa vie, de son être profond.
L'Église d'Ukraine est la première à souffrir. Elle est sous les bombes. Les hiérarques ont coupé la commémoration du patriarche de Moscou. Le métropolite Onuphre, qui est le chef de cette Eglise qui est une grande église, avec 12 500 paroisses, est dans une situation épouvantable. Nous lui avons envoyé une lettre de soutien pour lui dire notre amitié. Cette Église va probablement échapper au patriarcat de Moscou et va se reconstituer en Ukraine. C'est une erreur à la fois la Fédération de Russie et de notre patriarcat. C'est une erreur d'appréciation. C'est une erreur historique monumentale, ce qui se passe en ce moment."
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Mgr JEAN DE DOUBNA PM : "Tout d'abord, nous avons écrit cette lettre face au silence qui devenait très pesant de notre patriarche qui ne condamnait pas cette guerre et cette invasion de l'Ukraine par la Fédération de Russie. Et petit à petit, nous avons découvert que le patriarche, à travers certains propos qu'il tenait soit dans des prédications, soit dans des conversations, qu'il soutenait implicitement cette invasion, au nom de cette idée de rassembler la Russie, ce monde imaginaire de la Russie qui s'étende de Moscou à Kiev en passant par la Biélorussie. Ce que nous avons demandé spécialement au patriarche, c'est d'intervenir auprès de la Fédération de Russie de façon à ce que cesse cette guerre et ce massacre de tous ses enfants, ces femmes, ces hommes, ces soldats qui s'entretuent et qui sont eux mêmes issus du même baptême de la Russie."
Selon vous, pourquoi le patriarche Kirill évoque la "résistance au consumérisme" occidental, la résistance aux tentatives d'imposer des gay pride en Ukraine ?
"Il y a en Russie, à l'heure actuelle, le développement d'un anti occidentalisme effréné où le monde occidental est considéré comme dépravé. Mais, en Russie, le consumérisme est pire que chez nous. Il suffit d'aller à Moscou pour le voir. Tout n'est pas blanc, tout n'est pas noir. Mais il y a cette idéologie que la Russie est persécutée par l'Europe, par l'Occident. Mais ici, personne n'est contre la Russie. Tout le monde est contre la guerre, mais pas contre la Russie. La Russie est toujours le pays que nous portons dans notre cœur, nous aimons la tradition spirituelle de la Russie, la tradition littéraire, tout ce qui fait la richesse de la Russie. Nous l'aimons, mais nous ne voulons pas de cette guerre."
Vous avez donc écrit cette lettre ouverte au patriarche de Moscou dont vous dépendez. Avez vous eu une réponse?
"Non, je n'ai pas eu de réponse."
Aujourd'hui, d'autres églises orthodoxes en Europe se positionnent assez clairement en désaccord avec le patriarche de Moscou...
"Toutes les églises orthodoxes à l'heure actuelle ont pris position contre cette guerre. On ne veut pas qu'on utilise le mot guerre. Or, c'est une guerre et une invasion d'un pays frère, d'un pays ami. Pourquoi ? Parce que ce pays veut vivre la démocratie. Parce que ce pays veut se rapprocher de l'Europe. Donc, c'est une agression. Et tout ça est dément."
Y a-t-il dans le discours et les prises de position du patriarche de Moscou un dévoiement du message religieux ?
"Par certains côtés, oui. Par certains côtés, le fait d'approuver cette invasion, cette guerre, comme il l'a dit, cette guerre "métaphysique", c'est pour nous très difficile à vivre. Il n'y a pas de guerre métaphysique. La guerre métaphysique c'est la guerre spirituelle, celle du jeûne, de la prière, guerre de l'amour du frère. Ça, c'est la guerre métaphysique de chaque chrétien. En même temps, le chrétien doit être un homme de paix. À chaque liturgie, nous chantons. "bienheureux les artisans de paix". Le chrétien doit être un artisan de paix. Qui plus est un prêtre, qui plus est un évêque, qui plus est un patriarche. Mais prêcher et soutenir une vision nationaliste d'agressivité vis à vis à vis d'un peuple qui, dans le fond, cherche sa voie, qui veut vivre selon sa propre dynamique, l'empêcher de vouloir vivre ça et le tuer par la guerre ? Personne ne peut justifier ça. Aucun chrétien ne peut justifier ça."
L'Église orthodoxe d'Amsterdam a annoncé qu'elle ne mentionnerait plus le nom de Kirill lors des célébrations, mais aussi qu'elle quittait le patriarcat de Moscou. Êtes vous prêt à quitter le patriarcat de Moscou ?
"Pour l'instant, il n'est pas question pour nous de quitter le patriarcat de Moscou. Nous sommes dans un lien canonique avec le Patriarcat de Moscou. Nous restons en lien canonique avec le Patriarcat de Moscou. Nous ne partageons pas certaines visions du patriarche de Moscou. Mais autour de lui, il y a beaucoup de personnes qui ne partagent pas cette vision. Et notre humble lettre a permis à beaucoup d'autres voix d'écrire et de demander au patriarche qu'il intercède pour que la paix revienne en Ukraine. Qu'on arrête ce massacre d'innocents en Ukraine, c'est un massacre au nom d'une vision nationaliste et et qui n'a aucune justification."
Y a-t-il un risque pour le patriarche Kirill de Moscour de se retrouver isolé ?
"Je pense que c'est un grand risque d'isolation. Et au niveau de toutes les églises orthodoxes. C'est un grand risque. Le patriarcat de Moscou fait autorité. Nous gardons des liens avec les théologiens, avec ses pères spirituels de très grande valeur, avec ses monastères, des lieux de prière, de charité. Nous gardons le lien avec tous, mais nous ne partageons pas cette vision de conquête par la violence."
Est ce qu'il y a un risque de scission aujourd'hui de certaines églises? Est-ce que la situation risque de déstabiliser l'organisation des églises orthodoxes?
"Les églises orthodoxes étaient déjà dans une situation difficile à cause de l'Ukraine, à cause de la création de cette Eglise ukrainienne dans le cadre du patriarcat de Constantinople. Cela a été très mal fait et très mal ficelé. Moi, je n'ai jamais approuvé. Même quand j'étais dans le patriarcat de Constantinople, je n'ai jamais approuvé cette façon de faire. Mais maintenant, toutes les églises sont bloquées. Et maintenant, qu'est ce qui va se passer en Ukraine ? Imaginez que l'Église ukrainienne se détache du patriarcat de Moscou. Le patriarcat de Moscou va perdre plus des deux tiers de ce qui fait sa vie, de son être profond.
L'Église d'Ukraine est la première à souffrir. Elle est sous les bombes. Les hiérarques ont coupé la commémoration du patriarche de Moscou. Le métropolite Onuphre, qui est le chef de cette Eglise qui est une grande église, avec 12 500 paroisses, est dans une situation épouvantable. Nous lui avons envoyé une lettre de soutien pour lui dire notre amitié. Cette Église va probablement échapper au patriarcat de Moscou et va se reconstituer en Ukraine. C'est une erreur à la fois la Fédération de Russie et de notre patriarcat. C'est une erreur d'appréciation. C'est une erreur historique monumentale, ce qui se passe en ce moment."
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Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 28 Mars 2022 à 21:19
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