Hégoumène Philippe (Riabykh): Table ronde "Orthodoxie et Etat russe: dialogue ou instrumentalisation ?" à l’Université de Strasbourg
Le 30 novembre 2011 la table ronde "Orthodoxie et Etat russe: dialogue ou instrumentalisation ?" a eu lieu à l’Université de Strasbourg. Elle est organisée par le Forum Carolus, en partenariat avec l’Association Rhin-Volga, l’ITI-RI et l’Université de Strasbourg.
Hégoumène Philippe (Ryabykh), représentant du Patriarcat de Moscou auprès du Conseil de l’Europe, a intervenu à la conférence sur le sujet: « Passé et présent des relations entre Etat et Eglise russe, dans la tradition orthodoxe russe »


A travers de l’histoire russe on peut identifier au moins deux niveaux des rapports entre Etat et Eglise en Russie. Le niveau de la norme et celui de la pratique qui correspond aux normes ou n’y correspond pas. Si l’on divise l’histoire des relations entre Etat et Eglise en Russie en périodes qui représentent la domination d’un modèle particulier de ces relations on en aura quatre.

La première période a dure depuis le baptême de la Russie jusqu’au temps de l’empereur Pierre le Grand c’est-à-dire jusqu’au début du 17-ème siècle

Pendant ces siècles la Russie essayais de batir les relations entre Eglise et Etat selon le modèle byzantin, celui de « symphonie » (συμφωνία) ce qui sinifiait la harmonie des activités des deux institutions. Cette norme fut formulée au VIe siècle par l’empereur Justinien dans le préambule de la novelle 6 du Digeste. Le pouvoir impérial et le sacerdoce y sont appelés deux charismes (dons) provenant de Dieu et ayant des compétences distinctes. Si vous voulez, devant nous la première declaration de la séparation d’Eglise et Etat dans leurs institutions et leurs compétences. De plus ici il n’y a pas de dispute sur la question quelle institution est supétieure. On constate que l’une et l’autre sont les dons de Dieu.

Mais dans ce modèle quand même existe l’affirmation de l’unité des valeurs pour Eglise et Etat. Dans son axiologie le message chrétien comporte une distinction claire entre ce qui est « céleste » et ce qui « terrestre », « spirituel » et « matériel ». Pourtant le chrétianisme ne nie pas l’un ou l’autre mais propose l’expérience de les accorder pas seulement dans la vie de l’individu mais aussi dans la collectivité. Pour plus d’information sur ce sujet il faut bien étudier les œuvres de Saint Augustin. Mais dans la pratique on n’a pas suivi ce grand auteur qui affirmait que sur la terre on ne sait jamais ou est la Cité de Dieu et ou se trouve la cité terrestre. Au contraire les certains penseurs identifient l’État avec les valeurs terrestres et l’Église avec les valeurs célestes. Dans cette logique pour assurer la primauté des valeurs célestes il faut établir la primauté de l’Eglise sur l’Etat. À une étape historique, cela a conduit à une lutte pour la précellence institutionnelle de l’Église sur l’État en Occident. Plus tard la Réforme affirmait la précellence de l’Etat sur l’Eglise en soulignant de l’égalité des laïcs et des ministres.

La particularité du système byzantin et, par la suite, du système russe des rapports entre l’Église et l’État consistait dans le fait que la précellence du spirituel sur le temporel se traduisait non pas par la supériorité d’une institution sur l’autre – de l’Église sur l’État ou de l’État sur l’Église – mais par la prééminence des valeurs spirituelles et morales aussi bien pour le corps ecclésial que pour la volonté étatique. Tandis que la hiérarchie ecclésiale avait pour devoir d’incarner ces valeurs dans la vie de l’Église, le pouvoir séculier devait faire de même dans la société. Le devoir des laïcs d’organiser le temporel selon les principes chrétiens n’a jamais été contesté par l’Église russe.

C’est pourquoi, le métropolite Alexis de Moscou, tout en étant régent au XIVe siècle sous la minorité du prince Dimitri Donskoï, ne cherchait pas à attribuer à l’Église des prérogatives du pouvoir séculier. Il dirigea tous ses efforts à édifier un pouvoir étatique fort et autonome, mais fondé sur les valeurs chrétiennes. Au temps du patriarche Nicon, on constate des tentatives d’affirmer une suprématie de l’Église sur le pouvoir temporel ce qui lui vaut des accusations de suivre le modèle romain. Cependant, on peut considérer que le patriarche Nicon, tout comme auparavant le métropolite Philippe, sous le règne d’Ivan le Terrible, ne cherchait pas à usurper le pouvoir séculier pour le compte de l’Église, mais de rappeler à l’État la supériorité des valeurs chrétiennes. Une telle pratique ne fut pas rare dans l’Empire byzantin.

La symphonie suppose une assurance et un contrôle mutuel des deux pouvoirs. Cela découle du fait qu’aucune des deux institutions n’est à l’abri de l’erreur dans l’accomplissement de sa mission. Dans ce cas, l’autre peut la corriger. L’État peut agir de façon amorale dans son domaine, de même que des membres du clergé peuvent se conduire de manière contraire à la vérité et à la piété. Ainsi, chaque côté doit contrôler ou servir de garde fou à l’autre et avoir pour cela le droit d’intervenir si les valeurs chrétiennes ne sont plus respectées. En même temps, ce droit d’intervention doit s’exercer en parité et dans des cadres strictement définis.

Le modèle de la symphonie est très équilibré mais dificile à suivre.
Comme en Byzance tant en Russie on a violait cette norme beaucoup de fois mais on la gardait pendant les siècles. Enfin Pierre le Grand a changé de norme sous l’influence des idées d’absolutisme étatique qui ne tolérait pas aucun contrepoid. Pourquoi cela s’est passé sans l’opposition forte de l’Eglise? Je crois, parce que l’on ne voyait pas de danger dans le changemant structurel car l’Etat n’a pas changé de valeurs. J’ai déjà dit que la question des valeurs est considérée dans le modèle byzantin comme la plus importante. D’un certain point de vue dans l’Eglise on povait intrépéter les réformes de Pierre le Grand comme un renforcement nécessaire de l’Etat chrétien. Pourtant en réalité dans la Russie impériale l’Eglise est devenu une partie de l’appareil étatique déprivé de sa liberté. Ainsi son institution et ses fonctions ont été perversés. Dans cette époque l’Eglise était beaucoup lié avec l’Etat. Ce n’est pas par hasard qu’après la révolution russe éclatée en octobre 1917 l’Eglise a été détruite pas seulement comme une institution religieuse mais aussi comme un des pilers du régime politique.

L’Etat bolchevique est devenu le contraire de l’Etat tsariste.
Il a declaré l’athéisme une de ses valeurs. Ainsi la percécution et la supression de l’Eglise étaient un des charactéristiques principaux du régime soviètique. Dans les premières decennies on a tué des milliers de clergé et de fidèles, on a détruit la majorité des églises et des monastaires, on a fermé les séminaires, les écoles et les imprémries. Pendant longtemps l’Eglise n’était pas juridiquement reconnu et le clergé était déprivé de tout droit. L’activité de l’Eglise était limitée par le culte dans les lieux de culte. Mais aussi les autorités ont crée le système de l’athèisme agressive. Par exemple le système d’instriction et d’information était plein de contenu antireligieux. On a vécu en Russie la lutte contre la religion dans la forme extrême. C’est pourquoi les russes si sensibles à toute mésure d’écarter par les décisions politiques et juridiques la religion de la sphère publique. Comme par exemple cela s’est passé dans l’affaire de Laoutsi contre l’Italie quand la Court européenne des droits de l’homme a prescrit à ce pays d’enlever les crucifixes dans les écoles publiques.

Après la disparition de l’athéisme et l’adoptation des normes démocratiques en Russie on cherche l’aplication de ces normes de telle manière qui permettra d’assurer la liberté religieuse et à la fois de refléter le nivaeu élevé de la réligieusité des citoyens.
L’Eglise a adopté en 2000 dans les Fondements de la doctrine sociale et, en 2008 dans les Fondements de l’enseignement sur la dignité, la liberté et les droits de l’homme. On reconnait le principe de laicité comme séparation des institutions et des fonctions d’Eglise et Etat. Cela tout-à-fait s’inscrit dans la tradition orthodoxe de la symphonie. En meme temps l’Eglise constate la possibilité de la coopération avec l’Etat dans les sphères de commun intéret - cohésion sociale, instruction, culture et autre. Dans la société plurielle l’Eglise accepte la possibilité d’une pareille coopération d’Etat avec d’autres religions qui se trouvent dans la société selon leurs besoins et leurs dimensions.

Mais la question principale de la présence de l’Eglise dans la société c’est la possibilité d’apporter sa contribution au système des valeurs communes et leur application dans la vie. Cela ne concerne pas les convictions religieuses ou la pratique religieuse qui restent une affaire personelle. On parle de la perception de telles valeurs comme solidarité, liberté, justice et autres. L’Eglise ne veut pas imposer à la société son compréhension. L’Eglise affirme son droit d’influencer la vie sociale dans la voix démocratique : par l’éducation libre, les médias libres, le dialogue avec le pouvoir et les parties des sociétés non-orthodoxes.

Strasbourg REOR
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Rédigé par REOR le 1 Décembre 2011 à 20:47 | 3 commentaires | Permalien



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