Higoumène George Leroy: L'Église comme réalité spirituelle
Vladimir Golovanow

Chroniques d'Abitibi 1.

C'est grâce à "PO" que je suis entré en contact épistolaire avec le père George, qui est intervenu récemment. Il assure une présence orthodoxe au bout du monde, à 600 Km au nord-est de Montréal, en plein dans ce "Wild" que connaissent les lecteurs de Jack London ou Curwood. Il s'est installée dans l'Abitibi, dont l'Orthodoxie est pratiquement absente car la région est nominalement catholique, et y a construit une chapelle dédiée à Sainte Marie Madeleine pour y chanter l'Office divin quotidien. Les lecteurs intéressés trouveront plus de détails sur le site que le père George a réalisé et où il raconte le court passé orthodoxe de la région dont il ne reste que deux églises vides, transformées en musée ou monument historique.

J'ai demandé au père George de retracer le parcours qui l'a amené de Belgique au fin fond du Canada et il n'as pas dit non... En attendant je vous propose cette page de réflexion sur notre Eglise extraite de son site

L'Église comme réalité spirituelle.

Les immigrants qui avaient fondé les églises russes en Abitibi percevaient l'Orthodoxie essentiellement comme un ensemble de coutumes ethniques et familiales. Ils n'avaient guère idée des richesses spirituelles de leur propre Tradition.

Ils étaient orthodoxes parce que leurs aïeux l'étaient, et l'Orthodoxie leur servait de conservatoire de leurs propres coutumes culturelles. Contrairement à la présence de l'Orthodoxie russe en Europe occidentale, il n'existait pas d'« intelligentsia » qui ait été capable de voir plus loin, de discerner la Foi au-delà des habitudes ethniques. Il s'agissait d'une immigration dont les motifs étaient purement économiques, et dont le niveau d'éducation était faible. Sur de telles bases, la présence de l'Église orthodoxe en cette contrée ne pouvait pas franchir la barrière des générations. La communauté russe s'est éteinte, incapable de transmettre un bagage spirituel à la génération suivante. Suivant une logique purement humaine, cela aurait dû en rester là. Grâce à la puissante intercession de sainte Marie-Madeleine, il a été possible de construire une Chapelle qui lui est dédiée.

La Chapelle sainte Marie-Madeleine ne correspond à aucune nécessité culturelle ou ethnique. Ce n'est pas une paroisse, et pas davantage un monastère. C'est une chapelle votive, construite afin que la petite lumière d'une prière quotidienne luise discrètement au milieu de cette grande région de l'Abitibi. Il s'agit simplement d'une présence de prière aussi constante que possible. Les Vêpres et les Matines y sont chantées pratiquement chaque jour, et la Divine Liturgie célébrée le Dimanche.

Nous vivons dans un monde qui définit l'être humain comme une unité qui produit des biens, et les consomme ensuite.

Dans cette perspective, celui qui ne produit pas de façon performante est mis à l'écart, et la seule vertu reconnue est la consommation. L'unique dimension de l'existence est l'Economie. L'absurdité d'une telle vision des choses risque bien de mener au désespoir, dès que l'on se pose la question du « pourquoi » de l'existence : « qu'est-ce que je fais dans cet univers ; quel est le sens de mon existence ? » Le Christ nous montre que l'être humain est à l'image de son Créateur; c'est un être en quête d'absolu et d'éternité. Il tient sa valeur de Dieu auquel il tend à ressembler. Sa prière illumine l'univers, car elle est la voie par laquelle Dieu agit dans sa création. La prière qui s'élève devant Dieu dans la Chapelle sainte Marie-Madeleine contribue à tout ce qui se fait de bien dans le monde, et détient une réelle portée cosmique.

Cette petite église n'est pas seulement un local : c'est un espace sacré, où nous expérimentons la présence d'une autre dimension. Les icônes que cette église contient sont autant de fenêtres ouvertes sur l'Absolu. Les services liturgiques nous mettent en présence de l'univers divin, nous entraînent à devenir familiers avec cette dimension spirituelle, précisément comme l'entraînement à un sport permet de franchir les obstacles de la piste...

Cette accoutumance à la spiritualité nous sera d'un précieux secours au moment où il faudra passer au-delà des apparences de cette vie - moment que chacun connaîtra. Il est certainement préférable de franchir cette limite dans la joie et la sérénité, plutôt que dans l'appréhension devant un Inconnu auquel on s'est efforcé de ne pas penser pendant toute sa vie, en se dispersant dans mille et une distractions...

Cette perspective spirituelle est tout-à-fait étrangère à la grande majorité de nos contemporains, solidaires d'une société très « horizontale », où seul importe le profit matériel. C'est pourquoi le surgissement de cette petite chapelle dans le paysage abitibien représente pour beaucoup une énigme difficile à comprendre : l'existence de la vie de prière et l'expérience de la Présence divine.

Rédigé par Vladimir GOLOVANOW le 28 Mars 2013 à 09:45 | 2 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Vladimir le 29/03/2013 23:18
Extrait d'un courriel du père George: "Le Dimanche de l'Orthodoxie se passa chez nous de façon calme et sereine. Toute la théologie de l'Église est condensée dans l'icône du Christ Pantocrator. Quel cadeau, et quelle parure de l'Église sont pour nous les saintes icônes ! - Au "nouveau calendrier", nous avons célébré la fête de l'Annonciation, avec des Offices qui nécessitent une attention particulière, car c'est un subtil mélange de la fête et du Carême. J'ai l'impression que ces irrégularités liturgiques ont été posées là par nos Pères, afin d'éveiller notre vigilance, et d'éviter que nous ne répétions par cœur toujours les mêmes textes, sans leur prêter l'attention qu'ils méritent."

2.Posté par Vladimir le 11/04/2013 09:32
Extrait d'un courriel que je viens de recevoir: nous sommes loin des querelles Picrocholines du microcosme parisien...
Citation:
- Comme nous suivons ce qu'il est convenu d'appeler le « nouveau calendrier », nous avons célébré cette belle fête de l'Annonciation un lundi. Cela n'a donc pas occasionné trop de complications liturgiques… Quant au Dimanche de la Croix, nous l'avons célébré dans la sérénité et le recueillement. - Le samedi 6 avril, il faisait -21° le matin, ce qui est très exceptionnel pour cette période. Ensuite, nous avons eu droit à une importante tempête de neige. Maintenant, les températures sont passées modestement au-dessus de zéro, et la neige fond progressivement. Nous avons eu beaucoup plus de neige que les autres années, au point de ne plus savoir trop où la mettre, en fin de parcours… Le dégel se poursuit lentement, car le sol est gelé en profondeur, et il faudra pas mal de temps pour évacuer tout ce froid accumulé. Notre lac est toujours gelé, bien sûr, et présente une surface blanche, immaculée, striée des traces du passage des motoneiges. Bien certainement, on se souviendra de cet hiver 2013 ! Ce matin, nous avons célébré la Liturgie des Présanctifiés, qui est assurément le Service le plus "mystique" - si j'ose dire, et même si l'on n'aime pas trop ce qualificatif - de toute la liturgie byzantine. C'est vraiment une intimité avec le Seigneur, et avec les saints Anges. Le Carême est une si belle période, avec une atmosphère toute particulière.

Avec vous dans le Christ : P. Georges.

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