Interview exclusive du métropolite Hilarion de Volokolamsk: « Nous sommes non rivaux, mais frères » (partie 1)
Interview exclusive du métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Dépatement des relations ecclésiales extérieures accordée au portail « Pravoslavie i mir ».

Éminence, à la veille de la rencontre entre le Patriarche et le Pape, de nombreux commentateurs ont dit que l’important est le fait même de la rencontre, et non ce qui s’y est dit. Dites-nous quel a été le moment le plus important de cette rencontre.

Je suis d’accord que le fait même de cette rencontre est important, même s’il n’y avait pas eu la Déclaration commune, le fait que pour la première fois dans l’histoire le Pape de Rome et le Patriarche de Moscou et de toute la Russie se rencontrent est un pas en avant incontestable dans les relations réciproques entre nos deux Églises. N’oublions pas que la première tentative d’organiser une telle rencontre remonte à 1996, devaient se rencontrer le pape Jean-Paul II et le patriarche Alexis II. La date et le lieu étaient fixés. Cependant quelques jours avant qu’elle ne se produise, il a fallu l’annuler parce qu’il n’a pas été possible de s’accorder sur certains points du document final qui avaient pour nous une importance fondamentale. Dans les années qui ont suivi, cette tentative a été tantôt renouvelée, tantôt bloquée. Et enfin, vingt ans plus tard elle a eu lieu.

Qu’est-ce qui est le plus important dans la déclaration commune des deux pontifes ?

Je ne peux citer un point au détriment des autres. Tout y est important. Au début, il y est constaté que le Pape et le Patriarche « Avec joie, [se sont] retrouvés comme des frères dans la foi chrétienne qui se rencontrent pour se parler de vive voix (2 Jn 12), de cœur à cœur, et discuter des relations mutuelles entre les Églises », il y est relevé que la rencontre a lieu « loin des vieilles querelles de l’„Ancien Monde” ». Je voudrais, à ce propos, souligner que c’est le patriarche Cyrille qui a proposé que la rencontre ait lieu à Cuba, et non quelque part en Europe. Il a, dès le départ, souhaité que la rencontre entre le Pape de Rome et le Patriarche de Moscou ne soit pas entachée du souvenir des conflits qui ont opposé catholiques et orthodoxes durant des siècles sur le continent européen. Il fallait sortir de ce contexte et envisager plus largement les relations entre deux traditions et parler non tant du passé que du présent et de l’avenir.

Très importante est l’affirmation : « Nous partageons la commune Tradition spirituelle du premier millénaire du christianisme. Les témoins de cette Tradition sont la Très Sainte Mère de Dieu, la Vierge Marie, et les saints que nous vénérons. Parmi eux se trouvent d’innombrables martyrs qui ont manifesté leur fidélité au Christ et sont devenus „semence de chrétiens” ». Plus loin il est dit : « Orthodoxes et catholiques doivent apprendre à porter un témoignage unanime à la vérité dans les domaines où cela est possible et nécessaire » car « La civilisation humaine est entrée dans un moment de changement d’époque. Notre conscience chrétienne et notre responsabilité pastorale ne nous permettent pas de rester inactifs face aux défis exigeant une réponse commune. »

Le thème central de la rencontre a été celui des persécutions dont sont victimes les chrétiens. Y a—t-il eu des décisions pratiques ? Les pontifes envisagent-ils des perspectives de solutions ? Peut-on, selon eux, réduire ces persécutions ? Les pontifes s’adressent à l’opinion mondiale, est-ce que leur voix sera entendue ?


Effectivement la situation des chrétiens victimes de génocides de la part de terroristes qui se cachent derrière des slogans religieux a été au cœur de la rencontre. Le Pape et le Patriarche ont trouvé des mots forts : « Notre regard se porte avant tout vers les régions du monde où les chrétiens subissent la persécution. En de nombreux pays du Proche Orient et d’Afrique du Nord, nos frères et sœurs en Christ sont exterminés par familles, villes et villages entiers. Leurs églises sont détruites et pillées de façon barbare, leurs objets sacrés sont profanés, leurs monuments, détruits. En Syrie, en Irak et en d’autres pays du Proche Orient, nous observons avec douleur l’exode massif des chrétiens de la terre d’où commença à se répandre notre foi et où ils vécurent depuis les temps apostoliques ensemble avec d’autres communautés religieuses. »

La déclaration commune appelle la communauté internationale : i[« à des actions urgentes pour empêcher que se poursuive l’éviction des chrétiens du Proche Orient. […] à mettre fin à la violence et au terrorisme et, simultanément, à contribuer par le dialogue à un prompt rétablissement de la paix civile. », à accorder une aide humanitaire aux peuples de Syrie et d’Irak, aux nombreux réfugiés dans les pays voisins, à œuvrer pour la prompte libération des métropolites d’Alep Paul et Jean Ibrahim séquestrés depuis avril 2013.]i

Les derniers événements qui se sont développés autour de la Syrie sont évoqués dans la Déclaration commune. Je rappelle que ces derniers temps on a pu entendre en provenance de différentes parties de graves annonces d’une intention de certains pays de participer à des opérations terrestres dans ce pays. Se créent des coalitions qui risquent d’entrer en conflit direct les unes contre les autres. Qu’est-ce que cela signifie ?

Le début d’actions militaires d’envergure non plus contre les terroristes, mais l’un contre l’autre, un pas vers une troisième guerre mondiale.

De cela Sa Sainteté Cyrille a parlé ces derniers jours, alors que nous nous préparions à nous envoler pour Cuba. Selon lui, ce qui se produit actuellement rappelle ce qui s’est passé en octobre 1962 où ce que l’on a appelé la crise des Caraïbes a placé le monde au bord d’un conflit nucléaire. En ce moment critique une bonne volonté politique a permis, des deux côtés, d’éviter une catastrophe. Et aujourd’hui, devant les développements plus que dangereux de la situation qui peuvent conduire à un affrontement d’états possédant l’arme nucléaire il est indispensable d’appeler toutes les parties qui peuvent être entraînées dans le conflit à faire preuve de bonne volonté et à ne pas dépasser la limite fatale car cela peut mener à une tragédie d’ordre planétaire.

C’est dans ce contexte que la déclaration commune contient des appels aux politiques à se ressaisir et à garder la tête froide :
« Nous adressons un fervent appel à toutes les parties qui peuvent être impliquées dans les conflits pour qu’elles fassent preuve de bonne volonté et s’asseyent à la table des négociations. Dans le même temps, il est nécessaire que la communauté internationale fasse tous les efforts possibles pour mettre fin au terrorisme à l’aide d’actions communes, conjointes et coordonnées. Nous faisons appel à tous les pays impliqués dans la lutte contre le terrorisme pour qu’ils agissent de façon responsable et prudente. »

C’est en effet l’absence de coordination entre les forces engagées dans le conflit qui peut conduire à une guerre généralisée. Pour vaincre le terrorisme nul n’est besoin de plusieurs coalitions. Il n’en faut qu’une, celle qui réunit tous les gens de bonne volonté, elle doit ne pas compter que des politiques, mais comprendre des leaders religieux. C’est dans ce contexte qu’acquièrent une actualité toute particulière les paroles de la déclaration commune : « En cette époque préoccupante est indispensable le dialogue inter-religieux.
Les différences dans la compréhension des vérités religieuses ne doivent pas empêcher les gens de fois diverses de vivre dans la paix et la concorde. Dans les circonstances actuelles, les leaders religieux ont une responsabilité particulière pour éduquer leurs fidèles dans un esprit de respect pour les convictions de ceux qui appartiennent à d’autres traditions religieuses. Les tentatives de justifications d’actions criminelles par des slogans religieux sont absolument inacceptables. Aucun crime ne peut être commis au nom de Dieu. »

J’espère que la voix une des représentants des deux Églises, qui s’élève dans un moment si critique pour l’humanité, sera entendue.

Bien que la rencontre ait lieu loin de l’Europe, les problèmes européens n’ont pas été éludés…

Les changements qui sont intervenus en Russie et dans plusieurs pays d’Europe orientale où ont dominé des régimes athées sont évoqués dans la déclaration commune : « Aujourd’hui les fers de l’athéisme militant sont brisés et en de nombreux endroits les chrétiens peuvent confesser librement leur foi. En un quart de siècle ont été érigés là des dizaines de milliers de nouvelles églises, ouverts des centaines de monastères et d’établissements d’enseignement théologique. Les communautés chrétiennes mènent une large activité caritative et sociale, apportant une aide diversifiée aux nécessiteux. Orthodoxes et catholiques œuvrent souvent côte à côte. Ils attestent des fondements spirituels communs de la cohabitation entre les hommes, en témoignant des valeurs évangéliques. ».

Les deux pontifes se sont aussi préoccupés des pays « où les chrétiens se heurtent de plus en plus souvent à une restriction de la liberté religieuse, du droit de témoigner de leurs convictions et de vivre conformément à elles. », Ils s’inquiètent de « la transformation de certains pays en sociétés sécularisées, étrangère à toute référence à Dieu et à sa vérité, constitue un sérieux danger pour la liberté religieuse, [… de] la limitation actuelle des droits des chrétiens, voire de leur discrimination, lorsque certaines forces politiques, guidées par l’idéologie d’un sécularisme si souvent agressif, s’efforcent de les pousser aux marges de la vie publique. » Il est ici question de l’Europe qui « doit rester fidèle à ses racines chrétiennes. » Le Pape et le Patriarche appellent les chrétiens d’Europe occidentale et orientale « à s’unir pour témoigner ensemble du Christ et de l’Évangile, pour que l’Europe conserve son âme formée par deux mille ans de tradition chrétienne. »

Quels sont les autres points de la déclaration commune dont vous voudriez souligner l’importance ?

La déclaration commune aborde également le problème de la répartition injuste des ressources matérielles et celui des réfugiés « qui frappent à la porte des pays riches » Elle appelle les Églises chrétiennes « à défendre les exigences de la justice, le respect des traditions des peuples et la solidarité effective avec tous ceux qui souffrent. »

Ces derniers temps il a beaucoup été question dans les relations bilatérales de la défense de la famille.
La déclaration commune affirme : « La famille est le centre naturel de la vie humaine et de la société. Nous sommes inquiets de la crise de la famille dans de nombreux pays. Orthodoxes et catholiques, partageant la même conception de la famille, sont appelés à témoigner que celle-ci est un chemin de sainteté, manifestant la fidélité des époux dans leurs relations mutuelles, leur ouverture à la procréation et à l’éducation des enfants, la solidarité entre les générations et le respect pour les plus faibles. […] La famille est fondée sur le mariage, acte d’amour libre et fidèle d’un homme et d’une femme ». Aussi il est regrettable « que d’autres formes de cohabitation soient désormais mises sur le même plan que cette union, tandis que la conception de la paternité et de la maternité comme vocation particulière de l’homme et de la femme dans le mariage, sanctifiée par la tradition biblique, est chassée de la conscience publique. »

Le droit inaliénable de chacun à la vie est affirmé avec force en réaction à cette idéologie qui qui admet l’avortement, l’euthanasie, les technologies biomédicales de manipulation de la vie humaine : « Nous appelons chacun au respect du droit inaliénable à la vie. Des millions d’enfants sont privés de la possibilité même de paraître au monde. La voix du sang des enfants non nés crie vers Dieu (cf. Gn 4, 10). » Ici la déclaration commune utilise la métaphore du récit biblique de l’assassinat d’Abel par son frère Caïn : chaque enfant non parvenu à la naissance, tué dans le sein de sa mère, est comparé à l’innocent Abel dont le sang crie vers Dieu.

La déclaration commune appelle tout spécialement les jeunes chrétiens à ne pas craindre « d’aller à contre-courant, défendant la vérité divine à laquelle les normes séculières contemporaines sont loin de toujours correspondre. »

Peut-on dire que les deux Églises ont changé leur point de vue sur l’uniatisme ? Est-ce que les orthodoxes ont trouvé les mots d’apaisement et d’admission ? Les catholiques reconnaissent-ils les problèmes existants ?

Déjà en 1993, dans le document de la commission du dialogue orthodoxe-catholique signé à Balamand (Liban), les catholiques ont reconnu le problème et ont admis que la voie du catholicisme grec n’est pas une solution pour l’union. La déclaration commune des deux pontifes reprend ce texte presque mot pour mot : « Il est clair aujourd’hui que la méthode de l’« uniatisme » du passé, comprise comme la réunion d’une communauté à une autre, en la détachant de son Église, n’est pas un moyen pour recouvrer l’unité. »

Mais nous devons comprendre que reconnaître l’erreur de l’uniatisme, utilisé par le passé, comme méthode n’est pas suffisant. Les effets de cette erreur du passé se font sentir encore de nos jours et l’uniatisme est une plaie ouverte sur le corps du christianisme. Les événements récents en Ukraine où les gréco-catholiques ont pris des positions très agressives et extrêmement politisées l’attestent de toute évidence. La déclaration des deux pontifes évoque la mission commune d’annonce de l’Évangile qui suppose le respect réciproque des communautés chrétiennes et exclut toute forme de prosélytisme. « Nous sommes non rivaux, mais frères » affirment le Pape et le Patriarche en s’adressant aux croyants des deux Églises. Cette affirmation est importante, elle va changer la perception réciproque des croyants des deux traditions. D’une relation de rivalité qui a assombri les relations entre les deux Église durant des siècles, nous devons passer à une relation de partenariat dans tous les domaines où cela est possible et souhaitable.

Je voudrais insister sur la concordance de vue du Pape et du Patriarche sur la situation en Ukraine. Cette concordance s’est déjà exprimée auparavant quand le Pape a exprimé des idées conformes à celles formulées par le Patriarche, mais la déclaration commune affirme avec force cette identité de vues : « Nous déplorons la confrontation en Ukraine qui a déjà emporté de nombreuses vies, provoqué d’innombrables blessures à de paisibles habitants et placé la société dans une grave crise économique et humanitaire. Nous exhortons toutes les parties du conflit à la prudence, à la solidarité sociale, et à agir pour la paix. Nous appelons nos Églises en Ukraine à travailler pour atteindre la concorde sociale, à s’abstenir de participer à la confrontation et à ne pas soutenir un développement ultérieur du conflit. »

Dans la discussion avec le Patriarche, le Pape François a clairement affirmé qu’il considère le Patriarche de Moscou et de toute la Russie comme seule autorité canonique de tous les orthodoxes d’Ukraine. Le thème du schisme est présent dans la déclaration commune : « Nous exprimons l’espoir que le schisme au sein des fidèles orthodoxes d’Ukraine sera surmonté sur le fondement des normes canoniques existantes, que tous les chrétiens orthodoxes d’Ukraine vivront dans la paix et la concorde et que les communautés catholiques du pays y contribueront. »

La déclaration commune exprime le regret de la perte de l’unité, est-ce à dire que des pas vont être faits pour le rétablissement de la communion eucharistique ?

La déclaration commune n’aborde pas les problèmes théologiques. Et cela n’était pas prévu. Les divergences dogmatiques bien connues qui séparent les catholiques des orthodoxes n’ont pas fait l’objet de discussions entre le Pape et le Patriarche. Cependant on ne pouvait pas ne pas mentionner que « Malgré cette Tradition commune des dix premiers siècles, catholiques et orthodoxes, depuis presque mille ans, sont privés de communion dans l’Eucharistie. » La perte de l’unité est la conséquence « de la faiblesse humaine et du péché, qui s’est produite malgré la Prière sacerdotale du Christ Sauveur : „Que tous soient un. Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu’eux aussi soient un en nous” (Jn 17, 21). »

Dites-nous comment a été préparée cette déclaration commune, la langue et le style en sont étonnamment beaux.

La déclaration a été rédigée dans la plus stricte confidentialité. Sa rédaction a été assurée par le cardinal Koch, pour l’Église catholique romaine, et par moi pour l’Église russe. Même mes collaborateurs les plus proches qui suivent au Département des relations ecclésiales extérieures les affaires de l’Église catholique ont tout ignoré jusqu’à la dernière minute et du texte de la déclaration et de la rencontre envisagée. Les vrais auteurs de cette déclaration sont le Patriarche et le Pape. C’est leur point de vue sur la situation qui s’exprime dans ce texte. En automne le Patriarche m’a fait part de ses idées concernant ce texte, puis j’ai rencontré le Pape François et je lui ai fait part du contenu global du document. Puis le texte a été rédigé et il a été, par l’intermédiaire du cardinal Koch, mis au point avec le Pape. Les dernières mises au point ont été faites juste avant notre départ pour La Havane. Le cardinal Koch était à l’aéroport quand nous avons mis le point final (il s’est envolé pour La Havane le 10 février au soir, et nous le 11 au matin).

La 2e partie suivra ...

Traduction "Parlons d'orthodoxie"




Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 15 Février 2016 à 16:52 | 6 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Vladimir.G: Coalition avec "des leaders religieux" ? le 15/02/2016 10:59
Coalition avec "des leaders religieux" ?

Le métropolite Hilarion va plus loin que la déclaration commune quand il appelle à une coalition unique contre le terrorisme (proposition déjà formulée par le président Poutine...) qui doit "comprendre des leaders religieux"! Voilà un engagement quasi-militaire des Églises plutôt inattendu! Heureusement que cet idée est tempérée par "les leaders religieux ont une responsabilité particulière pour éduquer leurs fidèles dans un esprit de respect pour les convictions de ceux qui appartiennent à d’autres traditions religieuses."

Notons aussi une petite inexactitude historique: "la première tentative d’organiser une telle rencontre remonte à 1996." En fait la possibilité d'une visite du Pape en URSS avait été officieusement posée dès 1967, lors de la première conférence théologique mixte qui se tint à l'Académie de théologie de Leningrad...

2.Posté par Vladimir.G: Entre le pape François et le patriarche orthodoxe Kirill, un rapprochement politique (L'Express) le 16/02/2016 11:26
Entre le pape François et le patriarche orthodoxe Kirill, un rapprochement politique

Par Christian Makarian, publié le 15/02/2016 à 15:43 , mis à jour le 16/02/2016 à 08:47

La fraternisation entre le pape François et le patriarche de l'Eglise russe, Kirill ne vise pas l'unité des Eglises, mais la conjonction de leurs actions contre le péril djihadiste qui vise la disparition des chrétiens du Moyen-Orient.

Il ne s'agit pas seulement de religion, mais véritablement de géopolitique. La rencontre - annoncée en boucle comme historique - entre le pape François et le patriarche de l'Eglise russe, Kirill, sonne comme le grand réveil d'une conscience chrétienne, qui se conçoit par essence comme universelle (ainsi que l'est le salut).

Les deux Eglises, séparées depuis le Grand schisme de 1054 ne s'étaient pas officiellement rencontrées depuis un millénaire. En tout cas, pas au niveau du souverain pontife et du patriarche de Moscou et de toutes les Russies. Car, en 1964, l'autre grande autorité de l'orthodoxie, le patriarche oecuménique de Constantinople (en l'occurrence Athénagoras) avait déjà donné l'accolade au pape Paul VI, à Jérusalem, avant le revoir en 1967, à Istanbul. C'est grâce à ce rapprochement - le premier entre Latins et Grecs depuis le Concile de Florence (1439) - que les deux primats avaient décidé réproquement de lever les anathèmes médiévaux qui pesaient sur chaque Eglise.
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Un enjeu à la fois externe et interne

Cette fois-ci, il ne s'agit pas spécifiquement d'oecuménisme, malgré la présentation très empathique qui est faite de la rencontre entre François et Kirill. D'une part, il existe entre les deux Eglises un enjeu crucial relatif à la situation des chrétiens d'Orient - mais aussi au sujet des grecs catholiques d'Ukraine, qui ont pris fait et cause pour le gouvernement de Kiev, au grand dam de Moscou.

D'autre part, le patriarche russe doit répondre au défi de l'unité religieuse dans la perspective du Concile panorthodoxe, qui se tiendra en Crête, du 16 au 27 juin 2016: or il y a plusieurs sujets de divergence entre les Russes (principale communauté orthodoxe mondiale, mais d'orientation nationale) et le patriarcat grec de Constantinople (oecuménique, très international et concurrent de Moscou sur plusieurs territoires), qui demandent à être aplanis.

Cette double dimension, à la fois externe et interne, doit servir de grille de lecture de l'événement; mais c'est de loin la première qui l'emporte, avec le statut de leader de l'orthodoxie qu'acquiert par la force des choses le patriarche de Moscou.
Entre la guerre et la survie

Par une réalité très cruelle, le XXIe siècle du christianisme est caractérisé par la persécution de ses fidèles partout où ils sont confrontés au dévoiement de la religion musulmane par les islamistes. Du Pakistan au Nigeria, en passant par l'ensemble du Moyen-Orient, leur sort oscille entre la guerre et la survie. Après l'exode massif auquel ils ont été durement contraints en Irak, c'est évidemment en Syrie que leur situation est actuellement la plus dramatique.

Ce pays, où ils représentent 10% de la population, est au coeur de la déclaration commune signée par le pape et le patriarche Kirill, car catholiques et orthodoxes syriens appartiennent à deux sphères qui ne collaborent pas vraiment entre elles, alors même que les deux confessions subissent le même calvaire, tant de la part de certains groupes islamistes (dits "modérés" par les diplomates) que de l'Etat Islamique.

On compte en Syrie 290000 catholiques et 242000 Grecs orthodoxes, sans compter les chrétiens orientaux séparés (Syriaques, Assyriens et Arméniens), qui ne se rattachent ni aux Latins ni aux orthodoxes, mais que la Russie affirme volontiers prendre sous son aile. Dans leur ensemble, les dignitaires chrétiens de Syrie sont effrayés par la perspective de voir le régime d'Assad s'effondrer pour laisser la place aux factions ennemies de l'islam djihadiste, qui a pour dénominateur commun de s'en prendre aux églises (en maints endroits détruites) et aux lieux communautaires chrétiens. Ce qui tient les chrétiens syriens près de la Russie, seule puissance "chrétienne" à intervenir militairement contre les opposants à Assad...
Derrière les croix pectorales, des vues politiques

D'où la partie politique, cachée sous les croix pectorales, qui se joue en secret. Il existe, depuis 1969, une "Organisation de la Conférence islamique" (OCI), qui regroupe 57 Etats et qui possède même une délégation permanente à l'ONU. Il n'existe aucune autre organisation confessionnelle internationale dont les membres sont des Etats! Que dirait-on, en Occident comme dans le reste du monde, s'il existait une "Conférence chrétienne mondiale"?

La fraternisation entre François et Kirill ne vise pas l'unité des Eglises, mais la conjonction de leurs actions contre le péril djihadiste, qui vise la disparition de tous les chrétiens du Moyen-Orient pour affirmer une fois pour toutes l'unité - totalement fictive et fantasmée - de la terre de l'islam. A ce titre, il paraît impensable que Vladimir Poutine (reçu deux fois par le pape) n'ait pas parrainé ce rapprochement. Lequel a savamment été organisé à Cuba, si loin du Moyen-Orient et de l'Ukraine...

3.Posté par Vladimir.G: Un point de vue catholique intéressant: Quels sont les points communs et les différences entre catholiques et orthodoxes ? le 16/02/2016 16:28
Quels sont les points communs et les différences entre catholiques et orthodoxes ?
Le point avec Mgr Manuel Nin **

Pour la première fois dans l’Histoire, le Pape catholique et le patriarche orthodoxe russe vont se rencontrer, ce vendredi 12 février à Cuba.

Plus que « prophétiser », il est intéressant de voir « l’importance d’une rencontre fraternelle », loin d’Europe (depuis le schisme de 1054), et du Vatican et de Moscou, sur un « terrain neutre », explique Mgr Manuel Nin, OSB*, nommé le 2 février 2016 Exarque apostolique** pour les fidèles de rite byzantin en Grèce, jusqu’alors recteur du Collège pontifical grec de Rome. Une déclaration commune entre les primats de l’Église devrait être signée.

Aux dires du prélat, l’enjeu est de taille : « Souligner l’unité, ce vers quoi doivent tendre tous les chrétiens ». Car l’Église orthodoxe russe est importante : entre 165 et 250 millions de fidèles.

Du point de vue de la foi cette rencontre est importante pour l’ensemble des fidèles chrétiens. « Nous chrétiens avons entretenu depuis 1 000 ans ces ignorances mutuelles au mépris de l’Évangile, regrette Mgr Nin ; par la parole de Jésus nous devons retrouver cette pleine communion, celle de l’Évangile de Jean : ‘que tous soit un' ».

Jean Paul II et Benoît XVI, qui a connu le patriarche Cyrille, montrent le chemin de l’œcuménisme dont le pape François ne s’est pas écarté. « C’est une rencontre, la plus positive qu’il y ait eu eue », se réjouit le nouvel Exarque apostolique.

La rencontre avec le patriarche Cyrille a été plus compliquée qu’avec le patriarche de Constantinople Bartholomée. « Chaque Église Orthodoxe est autocéphale, indépendante ; ainsi la relation avec les autres églises chrétiennes a son propre rythme », explique Mgr Manuel Nin.

Une nouvelle étape dans les relations entre catholiques et orthodoxes

Le spécialiste le confirme, il y a un face à face entre cardinaux et métropolites russes ces dernières années. « Ce moment est important car les dirigeants des Églises se rencontrent approfondissant la fraternité. »

Des discussions au sujet du « primat du Successeur de Pierre » ont commencé. « Les Églises orthodoxes reconnaissent un primat d’honneur et non de juridiction au Pape, et les discussions des commissions théologiques se fondent dessus. (…) Je parle de siècles de séparations ; nous ne pouvons prétendre que cela se résolve en quelques jours. »

Le Pape a donné un signal positif en affirmant, dès novembre 2014, « Il existe la volonté de nous rencontrer ».
À gauche, le pape François, 79 ans né en Argentine, à la tête d'une Église de 1,2 milliard de catholiques. À droite, le patriarche Cyrille, 69 ans, né en Russie, à la tête d'une Église de 165 millions d'orthodoxes russes
À gauche, le pape François, 79 ans né en Argentine, à la tête d'une Église de 1,2 milliard de catholiques. À droite, le patriarche Cyrille, 69 ans, né en Russie, à la tête d'une Église de 165 millions d'orthodoxes russes

Les points communs

La Vierge

Pour les catholiques, Marie est considérée comme la mère de Dieu de l’Église et pour les orthodoxes, elle inspire de nombreuses fêtes et célébrations, même si les sensibilités sont différentes selon l’image que les croyants ont d’elle et des événements qui s’y rapportent.

Pâques

Les événements clés : pour un catholique comme pour un orthodoxe, l’événement pascal (Passion, mort et Résurrection du Christ) est fondamental et la messe qui le commémore, le sommet de la vie chrétienne : la liturgie orthodoxe est centrée autour de la consécration du pain et la communion au Christ, comme la messe catholique.

Saints

Le culte des témoins de la foi est commun aux deux Églises. Il existe néanmoins une différence entre les critères pour lesquelles une personne est déclarée bienheureuse ou sainte.

Trinité

La Trinité est un mystère fondant le culte commun des chrétiens orthodoxes et catholiques au Dieu « un et trine », Dieu unique en trois personnes : le Père, le Fils et le Saint-Esprit, même s’il existe des divergences sur la façon dont les « énergies divines » infusées chez le fidèle par l’Esprit Saint circulent au sein de la Sainte Trinité, procédant du Père par le Fils (chez les orthodoxes) ; ou dont la « grâce » opère par l’action du Saint-Esprit procédant du Père et du Fils (chez les catholiques). C’est la querelle du Filioque (et du fils en latin), un obstacle théologique qui demeure : « Je suis sceptique, malgré le travail des théologiens, Athenagoras a dit : “Laissons les théologiens sur une île discuter et partons” » reprenait récemment à son compte le Pape François. Le Filioque a vu le jour en 589 face à l’hérésie arienne niant le caractère divin du Christ en Europe occidentale et s’est ajouté au Credo (le symbole de foi que les chrétiens prononcent durant la messe). Les orthodoxes ne l’acceptent pas et s’en tiennent aux symboles des Conciles de Constantinople de 381 puis d’Éphèse en 481.

Les sacrements

Catholiques et orthodoxes ont pour référence les sept sacrements : Baptême, Confirmation, Eucharistie, Réconciliation, Onction des Malades, Ordre, Mariage.

Les différences

L’Immaculée Conception

Les orthodoxes ne considèrent pas l’Immaculée Conception comme un dogme mais reconnaissent la maternité divine de la Toute Pure Vierge-Marie, Mère de Dieu. Le Pape Pie XII a quant à lui consacré, en 1950, le dogme de l’Immaculée Conception confessé par les fidèles catholiques.

Le Pape

Pour les catholiques, le Pape est vicaire du Christ et préside la charité de toutes les Églises. Il est l’autorité supérieure. Les orthodoxes ne reconnaissent pas cette juridiction supérieure mais une primauté d’honneur et n’acceptent pas le dogme de l’infaillibilité pontificale telle que définie par le Concile Vatican I en 1870. Dans le monde orthodoxe, le Saint Synode (l’assemblée des évêques) a une autorité supérieure au patriarche qui le préside.

Le célibat

L’Église orthodoxe accepte les prêtres mariés mais refuse le mariage après l’ordination. L’Église catholique impose le célibat.

Les calendriers grégorien et julien

L’Église catholique utilise le calendrier grégorien depuis 1582 (introduit par le pape Grégoire XIII au XVIème siècle) fort différent du calendrier julien qui prévaut chez les orthodoxes (un calendrier solaire introduit par l’empereur Jules César en 46 avant J.-C.).


* Ordre de Saint Benoît, moine bénédictin.

** Chef de l’Église catholique byzantine grecque, c’est à dire des catholiques de rite byzantin vivant en Grèce, l’une des plus petites parmi les Églises catholiques orientales : 6 000 membres. Il a sa résidence à Athènes.

4.Posté par Gilles (Bourges) le 21/02/2016 12:54
de la moisson de quarante , roman et titre au sens large , retour en consciences à temps et à contretemps ou derechef la grande faucheuse en pire et de petits en grands morceaux ? Œcuménisme , et jusqu' en actes , sans rien imposer ni heurter régimes temporels ni laïcité , appels et même parfois en silence , appels et rappels de journées d' Assise aussi , et qui n' a pas dit son dernier mot , longue patience

5.Posté par L’Église orthodoxe russe veut ouvrir ses lieux de pèlerinages aux catholiques le 27/02/2016 11:18
Le métropolite Hilarion, qui préside le département des relations extérieures du Patriarcat de Moscou, a annoncé pour la fin de l’année l’ouverture des sanctuaires aux pèlerins catholiques

Souvent commentée sous le seul angle géopolitique, la rencontre historique entre le Pape François et le patriarche Cyrille pourrait aussi avoir des conséquences au plan spirituel : les sanctuaires de l’Église orthodoxe russe seront ouverts d’ici la fin de l’année aux pèlerins catholiques.

C’est le métropolite Hilarion qui l’a annoncé dans une interview, rapporte Radio Vatican. Hilarion préside le Département pour les relations extérieures du Patriarcat de Moscou, charge occupée de 1989 à 2009 par l’actuel Patriarche Cyrille 1er.

À l’exemple de ce qui se produit déjà à Bari, dans le sud de l’Italie, où de nombreux orthodoxes vont vénérer les reliques de Saint Nicolas, le métropolite Hilarion souhaite voir s’intensifier l’échange réciproque des pèlerinages. « Nous devons augmenter ces flux, a-t-il insisté, car il est important que les fidèles des deux Églises se rencontrent et qu’ils aient accès aux sanctuaires des uns et des autres ».
Rencontre oecuménique

À noter que les Églises orientales ont une grande dévotion pour saint Nicolas le thaumaturge. Lui sont dédiés les autels de nombreuses églises russes. Patron des Russes, mais aussi des Lorrains – d’où le nom d’une des églises françaises de Rome –, saint Nicolas a été évêque de Myre sur la côte sud-ouest de l’Anatolie, au IVe siècle. Lorsque la Turquie passa sous la domination des Seldjoukides musulmans, les habitants de la ville italienne de Bari décidèrent d’abriter ses reliques chez eux, pour assurer leur sécurité sur une terre chrétienne.

Aujourd’hui la ville de Bari attire de nombreux pèlerins du monde orthodoxe, particulièrement de Russie. Chaque année, des délégations des Églises orthodoxes viennent se joindre au pèlerinage des catholiques latins dans le cadre d’une rencontre œcuménique qui a joué un rôle moteur dans la construction d’une meilleure confiance et connaissance réciproques entre l'Église catholique et l'Église orthodoxe russe.

6.Posté par Une conférence pour réfléchir sur le bilan de la rencontre entre le Patriarche et le Pape le 07/03/2016 12:57
Une conférence a eu lieu à Beyrouth (Liban) le 3 mars pour réfléchir au bilan de la rencontre du Primat de l’Église orthodoxe russe avec le Chef de l’Église catholique romaine à Cuba, le 12 février 2016.

Organisée par la société libanaise « Liqaa Orthodoxe » (Concile orthodoxe), la conférence avait lieu dans les locaux de cette organisation. L’higoumène Arsène (Sokolov), représentant du Patriarche de Moscou et de toute la Russie auprès du Patriarche d’Antioche la Grande et de tout l’Orient, le prêtre Georges Berbari (Patriarcat d’Antioche) et l’évêque Camille Moubarak, professeur à l’université « La Sagesse » (Église maronite) sont intervenus chacun à leur tour.

L’allocution de l’higoumène Arsène était consacrée à l’analyse de la Déclaration commune des Primats des Églises orthodoxe russe et catholique romaine, et plus spécialement aux points évoquant la situation au Proche Orient et contenant un appel à agir pour défendre les chrétiens de cette région et à prendre des mesures pour empêcher qu’ils soient chassés de Syrie et d’Irak.

Le représentant de l’Église orthodoxe russe a aussi évoqué plusieurs thèses contenues dans le discours du ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, à la réunion du Comité de la 31e session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, qui s’est déroulée le 1er mars à Genève. Dans ce discours, le responsable de la politique étrangère russe appelait la communauté internationale à « prendre des mesures immédiates pour arrêter l’exode massif des chrétiens des pays du Proche Orient ».

Concluant, l’higoumène Arsène (Sokolov) a dit : « Indubitablement, la rencontre des chefs des Églises orthodoxe russe et catholique romaine aura eu une importance exceptionnelle pour la défense de la population chrétienne du Proche Orient. Cette rencontre sans précédent et la signature de la Déclaration commune ont eu une résonnance positive dans le monde. La trêve en Syrie tant attendue, instaurée la semaine dernière, en est un exemple évident. La déclaration commune du Patriarche Cyrille et du Pape François est d’une brûlante actualité pour les populations du Proche Orient, y compris pour nous, participants de cette conférence. Le Proche Orient est le berceau de la religion et de la culture, la terre biblique. C’est ici qu’est né Abraham, le père de tous les croyants. Aujourd’hui, l’œuvre commune de tous ceux qui se considèrent comme enfants d’Abraham – chrétiens, musulmans, juifs – est de travailler avec tous les hommes de bonne volonté à l’instauration de la paix au Proche Orient. »

La conférence, qui a rassemblé un grand nombre de participants – représentants des différentes confessions chrétiennes présentes au Liban, diplomates, personnalités – était couverte par les principales chaînes de télévision libanaises.

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