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L'un de nos auteurs, Vladimir G., nous envoie cet article de J.F. Colosimo (La Croix, 14 mars 2009): "Le vrai héros du Carême, c'est le corps".
Pendant cinq semaines, « La Croix » publie des entretiens consacrés au Carême. Cette semaine, Jean-François Colosimo explique le sens du Carême dans la tradition orthodoxe, où le jeûne tient une place toute particulière.
La Croix : Pourquoi, dans le Carême, les orthodoxes font-ils une si grande place au jeûne ?
Jean-François Colosimo : Le Carême, c’est une règle. Une règle de jeûne, universellement acceptée, très stricte : sept semaines d’abstinence de viande, de laitage, d’œufs et de poisson. Pendant deux mois, tout le monde renonce au sang, à l’animalité. Ce jeûne est accompagné de périodes d’abstinence sévère, où l’on ne mange pas du tout : ainsi, les trois premiers jours du Carême.
Beaucoup de gens le font. Eh bien, au premier repas après la communion eucharistique qui suit ces trois jours, le goût des choses est tout à fait extraordinaire ! On éprouve dans son corps l’idée même que nous sommes dans la main de Dieu. C’est une des premières leçons du Carême.
Pendant cinq semaines, « La Croix » publie des entretiens consacrés au Carême. Cette semaine, Jean-François Colosimo explique le sens du Carême dans la tradition orthodoxe, où le jeûne tient une place toute particulière.
La Croix : Pourquoi, dans le Carême, les orthodoxes font-ils une si grande place au jeûne ?
Jean-François Colosimo : Le Carême, c’est une règle. Une règle de jeûne, universellement acceptée, très stricte : sept semaines d’abstinence de viande, de laitage, d’œufs et de poisson. Pendant deux mois, tout le monde renonce au sang, à l’animalité. Ce jeûne est accompagné de périodes d’abstinence sévère, où l’on ne mange pas du tout : ainsi, les trois premiers jours du Carême.
Beaucoup de gens le font. Eh bien, au premier repas après la communion eucharistique qui suit ces trois jours, le goût des choses est tout à fait extraordinaire ! On éprouve dans son corps l’idée même que nous sommes dans la main de Dieu. C’est une des premières leçons du Carême.
Le jeûne ne peut-il pas, au XXIe siècle, se comprendre autrement que comme une privation de nourriture ?
Bien sûr qu’il n’y a pas que le jeûne de nourriture ! Il ne s’agit pas de jeûner et d’aller au bal tous les soirs… Mais commençons d’abord par le ventre, par l’instinct. Le Carême est un temps de deuil, mais un deuil joyeux, pacifié, apaisé, radieux. Il est bon que le corps paye son tribut.
Le jeûne de nourriture permet de rythmer différemment le temps. Il provoque des ruptures intéressantes : on ne peut plus sortir et recevoir. C’est un rappel extrêmement fort dans la quotidienneté. Surtout, il engage à penser à d’autres jeûnes : le jeûne de la chère invite à penser au jeune de la chair, y compris dans le mariage.
Il y a aussi le silence, ou encore le jeûne du temps : savoir ralentir les choses, au lieu d’être dans l’agitation. Mais on ne choisit pas son jeûne : il faut passer par la suspension de la Création dans la liturgie et par le jeûne vécu en communion.
Comment les orthodoxes vivent-ils le Carême au plan liturgique ?
C’est un temps d’offices spécifiques, avec des textes propres centrés sur le sens du retour à Dieu. La liturgie du Carême décrit la chute de l’homme, son histoire spirituelle et son salut. Le mélange du jeûne et de l’abondance des offices en fait un temps vraiment particulier pour l’orthodoxe. L’horizon de Pâques devient vraiment un horizon d’espérance, au sens le plus concret du terme : le temps après Pâques permettra de renouer avec une nourriture vivifiante et l’allégement de la liturgie.
Quelle est la place de la dimension de partage ?
Le Carême n’est pas seulement un temps fort de partage liturgique, mais aussi de partage communautaire où les orthodoxes se retrouvent. Et là, le personnage central, c’est le pauvre. En grec, il y a deux mots pour « pauvre » : pênes et ptokos. Le pênes, c’est celui qui manque de ce qu’on peut combler par la philanthropie.
Le ptokos, c’est le pauvre absolu, dont on ne peut combler l’attente. On ne peut pas se débarrasser de lui en lui donnant, sinon ce qui nous coûte. Or, qu’est-ce qui nous coûte, si ce n’est nous-mêmes ? Ce pauvre, c’est l’image de Dieu sur terre. Toutes les privations du Carême n’ont d’autre sens que la charité.
Le Carême est donc aussi un temps de conversion ?
Le grand mot, c’est métanoïa : le renversement, en grec, c’est-à-dire le repentir, le retour à Dieu (le contraire de métanoïa, c’est paranoïa !). C’est donc une invitation à découvrir que je ne suis pas le centre du monde : plutôt que de juger les autres, je dois me juger moi-même.
Le Carême est le temps du jugement. Il nous faut faire cette expérience du jugement de nous-mêmes pour en arriver au pardon. Non qu’il soit bon en soi de se juger, mais il nous faut comprendre à quel point nous sommes infirmes pour éprouver combien nous sommes pardonnés et combien nous devons pardonner.
C’est ce que les Pères du désert appellent le penthos, « tristesse radieuse » ou « joie douloureuse ». Douloureuse, parce qu’on l’éprouve dans la patience, comme le Christ dans sa Passion. Mais cette souffrance d’être loin de Dieu devient aussi une joie, car elle nous rapproche de Dieu qui nous affranchit. Le Carême est l’expérience de cette libération. Au désert, nous faisons l’expérience de nos limites, et voici que la grâce lève nos limites.
N’y a-t-il pas alors le risque d’un certain dolorisme ?
Absolument pas ! Se cogner anthropologiquement sur la limite, découvrir sa finitude et voir comment y habite l’infini de Dieu, ce n’est pas souffrir. Le dolorisme, c’est encore trop le moi. Or, justement, le Carême nous invite à suspendre notre psychologie, ce dialogue perpétuel du moi avec le moi. La radieuse tristesse, c’est comprendre que nous sommes libérés.
Nous découvrons combien, dans le sommeil et la satiété, nous avons oublié Dieu. Nous pourrions nous en affliger, mais la redécouverte de sa présence est tellement bonne que nous sommes dans un dépassement. Ce n’est donc pas une glorification de la souffrance mais, au contraire, la redécouverte de l’amour fou de Dieu.
Le jeûne et la veille permettent d’être attentifs, dans le corps et dans le temps, à la présence de Dieu. Pourquoi jeûne-t-on ? Pour apprendre à avoir faim et soif autrement, sortir du biologique. Pourquoi veillons-nous ? Pour apprendre à attendre, vaincre la nuit et l’obscurité, vaincre l’oubli et ce qui ressemble le plus à la mort : le sommeil. Pour vaincre l’irréalité du songe.
Ainsi, nous faisons le deuil de l’illusion que représente notre vie biologique. Voilà que nous nous croyions immortels, que nous nous jetions sur les aliments, que nous nous jetions dans notre lit. Or, le Carême est cette suspension : je ne me jette plus, mais je me retiens et je me demande : « Où est-Il ? », « Que fait-Il ? », « Que dit-Il ? ». C’est un temps d’attente. Nous rompons avec la mort que représentent nos habitudes.
Comment cela se traduit-il dans la liturgie orientale ?
Le Carême est l’occasion de deux grands textes de la tradition orthodoxe. D’abord le grand canon de saint André de Crète, qu’Olivier Clément appelle le « chant des larmes ». Il évoque les larmes joyeuses qui marquent le recommencement du monde. C’est l’eau de la Genèse, les eaux de la mer Rouge, l’eau maternelle.
C’est l’eau vive qui sort du côté du Christ sur la croix. Ces larmes de l’homme sont le signe du retour vers Dieu. L’homme se redécouvre capable de rendre grâces pour avoir compris qu’il était inutile de s’apitoyer sur soi-même. Il a compris que la Résurrection n’attend pas, que la grâce n’attend pas.
L’autre texte que l’on récite pendant le Carême, c’est la prière de saint Éphrem (lire ci-contre). Elle s’accompagne de grandes génuflexions (les métanies), qui soulignent ce corps qui prie, supplie et demande à devenir le corps glorieux. On découvre l’opacité du corps, pour se rendre compte combien il a soif et faim de devenir glorieux. Le grand héros du Carême, c’est le corps, parce que le grand héros de Pâques c’est le corps.
Car pour l’orthodoxe, le Carême est indissociable de la joie pascale…
Qui n’a pas vécu la nuit pascale dans l’Orient chrétien ne sait pas ce qu’est Pâques ! Il n’a pas connu cette liesse communautaire, il n’a pas éprouvé ce corps qui, après des semaines de privation, renoue avec l’huile et le vin, avec l’agneau gras et tout ce que la terre porte de bon.
C’est le banquet du Royaume au cri de « Christ est ressuscité ! », jusqu’au matin qui est le nouveau matin du monde. On ne peut pas comprendre le Carême sans cette joie pascale, sans cette explosion pascale, sans cette irradiation pascale. Dans cette nuit, au cœur de la ténèbre c’est la lumière qui s’impose, au cœur de la tristesse c’est la joie qui s’impose : la vie triomphe définitivement de la mort.
Dans l’iconographie orientale, le Christ sort du tombeau comme un fiancé, vêtu d’une pourpre de la vengeance : cette nuit-là, Dieu venge l’homme en s’offrant à l’enfer. Et l’enfer découvre qu’il ne peut pas retenir Dieu. Le Carême est un voyage qui nous a préparés à comprendre cela.
Qu’entendez-vous par « voyage » ?
Le Carême est un exode, un pèlerinage. Le judaïsme et l’islam sont des religions à pèlerinage. Moins le christianisme, où ce n’est pas une obligation. Car notre pèlerinage est spirituel : comme nous ne pratiquons plus le pèlerinage comme une obligation, c’est Pâques qui est ce voyage.
Nous allons vers Pâques, qui est le lieu même du passage, l’achèvement de toute chose, la réconciliation de Dieu et de l’homme dans le Christ ressuscité parce que nous acceptons de passer à travers la mort avec lui. La quarantaine de l’Exode et celle du Christ au désert s’articulent parfaitement : dans l’Exode, on va vers la Terre promise et Dieu est au-devant de nous, alors que le Christ part au désert pour descendre au-dedans de lui.
Ce sont là les deux grandes dimensions du Carême : Dieu comme notre horizon et Dieu comme notre tréfonds. Le Carême, c’est donc quarante jours de désert, quarante jours de mort, où nous partons retrouver la vie nouvelle. On se lève et on part, mais on ne sait pas où. Il y a ici une dimension abrahamique : c’est tout le problème de ce voyage qui, comme celui du Fils prodigue, est un retour d’Exil.
On part dans le voyage, mais sans bagage. C’est parce que nous avons accepté de nous lever que nous participons de cette relevaille du monde, de cette re-Création qu’est la Résurrection. Il n’est pas innocent que, dans l’Église primitive, le Carême préparait au baptême. Le sens du baptême est celui de la résurrection : mourir et renaître avec le Christ.
Recueilli par Nicolas SENÈZE
Bien sûr qu’il n’y a pas que le jeûne de nourriture ! Il ne s’agit pas de jeûner et d’aller au bal tous les soirs… Mais commençons d’abord par le ventre, par l’instinct. Le Carême est un temps de deuil, mais un deuil joyeux, pacifié, apaisé, radieux. Il est bon que le corps paye son tribut.
Le jeûne de nourriture permet de rythmer différemment le temps. Il provoque des ruptures intéressantes : on ne peut plus sortir et recevoir. C’est un rappel extrêmement fort dans la quotidienneté. Surtout, il engage à penser à d’autres jeûnes : le jeûne de la chère invite à penser au jeune de la chair, y compris dans le mariage.
Il y a aussi le silence, ou encore le jeûne du temps : savoir ralentir les choses, au lieu d’être dans l’agitation. Mais on ne choisit pas son jeûne : il faut passer par la suspension de la Création dans la liturgie et par le jeûne vécu en communion.
Comment les orthodoxes vivent-ils le Carême au plan liturgique ?
C’est un temps d’offices spécifiques, avec des textes propres centrés sur le sens du retour à Dieu. La liturgie du Carême décrit la chute de l’homme, son histoire spirituelle et son salut. Le mélange du jeûne et de l’abondance des offices en fait un temps vraiment particulier pour l’orthodoxe. L’horizon de Pâques devient vraiment un horizon d’espérance, au sens le plus concret du terme : le temps après Pâques permettra de renouer avec une nourriture vivifiante et l’allégement de la liturgie.
Quelle est la place de la dimension de partage ?
Le Carême n’est pas seulement un temps fort de partage liturgique, mais aussi de partage communautaire où les orthodoxes se retrouvent. Et là, le personnage central, c’est le pauvre. En grec, il y a deux mots pour « pauvre » : pênes et ptokos. Le pênes, c’est celui qui manque de ce qu’on peut combler par la philanthropie.
Le ptokos, c’est le pauvre absolu, dont on ne peut combler l’attente. On ne peut pas se débarrasser de lui en lui donnant, sinon ce qui nous coûte. Or, qu’est-ce qui nous coûte, si ce n’est nous-mêmes ? Ce pauvre, c’est l’image de Dieu sur terre. Toutes les privations du Carême n’ont d’autre sens que la charité.
Le Carême est donc aussi un temps de conversion ?
Le grand mot, c’est métanoïa : le renversement, en grec, c’est-à-dire le repentir, le retour à Dieu (le contraire de métanoïa, c’est paranoïa !). C’est donc une invitation à découvrir que je ne suis pas le centre du monde : plutôt que de juger les autres, je dois me juger moi-même.
Le Carême est le temps du jugement. Il nous faut faire cette expérience du jugement de nous-mêmes pour en arriver au pardon. Non qu’il soit bon en soi de se juger, mais il nous faut comprendre à quel point nous sommes infirmes pour éprouver combien nous sommes pardonnés et combien nous devons pardonner.
C’est ce que les Pères du désert appellent le penthos, « tristesse radieuse » ou « joie douloureuse ». Douloureuse, parce qu’on l’éprouve dans la patience, comme le Christ dans sa Passion. Mais cette souffrance d’être loin de Dieu devient aussi une joie, car elle nous rapproche de Dieu qui nous affranchit. Le Carême est l’expérience de cette libération. Au désert, nous faisons l’expérience de nos limites, et voici que la grâce lève nos limites.
N’y a-t-il pas alors le risque d’un certain dolorisme ?
Absolument pas ! Se cogner anthropologiquement sur la limite, découvrir sa finitude et voir comment y habite l’infini de Dieu, ce n’est pas souffrir. Le dolorisme, c’est encore trop le moi. Or, justement, le Carême nous invite à suspendre notre psychologie, ce dialogue perpétuel du moi avec le moi. La radieuse tristesse, c’est comprendre que nous sommes libérés.
Nous découvrons combien, dans le sommeil et la satiété, nous avons oublié Dieu. Nous pourrions nous en affliger, mais la redécouverte de sa présence est tellement bonne que nous sommes dans un dépassement. Ce n’est donc pas une glorification de la souffrance mais, au contraire, la redécouverte de l’amour fou de Dieu.
Le jeûne et la veille permettent d’être attentifs, dans le corps et dans le temps, à la présence de Dieu. Pourquoi jeûne-t-on ? Pour apprendre à avoir faim et soif autrement, sortir du biologique. Pourquoi veillons-nous ? Pour apprendre à attendre, vaincre la nuit et l’obscurité, vaincre l’oubli et ce qui ressemble le plus à la mort : le sommeil. Pour vaincre l’irréalité du songe.
Ainsi, nous faisons le deuil de l’illusion que représente notre vie biologique. Voilà que nous nous croyions immortels, que nous nous jetions sur les aliments, que nous nous jetions dans notre lit. Or, le Carême est cette suspension : je ne me jette plus, mais je me retiens et je me demande : « Où est-Il ? », « Que fait-Il ? », « Que dit-Il ? ». C’est un temps d’attente. Nous rompons avec la mort que représentent nos habitudes.
Comment cela se traduit-il dans la liturgie orientale ?
Le Carême est l’occasion de deux grands textes de la tradition orthodoxe. D’abord le grand canon de saint André de Crète, qu’Olivier Clément appelle le « chant des larmes ». Il évoque les larmes joyeuses qui marquent le recommencement du monde. C’est l’eau de la Genèse, les eaux de la mer Rouge, l’eau maternelle.
C’est l’eau vive qui sort du côté du Christ sur la croix. Ces larmes de l’homme sont le signe du retour vers Dieu. L’homme se redécouvre capable de rendre grâces pour avoir compris qu’il était inutile de s’apitoyer sur soi-même. Il a compris que la Résurrection n’attend pas, que la grâce n’attend pas.
L’autre texte que l’on récite pendant le Carême, c’est la prière de saint Éphrem (lire ci-contre). Elle s’accompagne de grandes génuflexions (les métanies), qui soulignent ce corps qui prie, supplie et demande à devenir le corps glorieux. On découvre l’opacité du corps, pour se rendre compte combien il a soif et faim de devenir glorieux. Le grand héros du Carême, c’est le corps, parce que le grand héros de Pâques c’est le corps.
Car pour l’orthodoxe, le Carême est indissociable de la joie pascale…
Qui n’a pas vécu la nuit pascale dans l’Orient chrétien ne sait pas ce qu’est Pâques ! Il n’a pas connu cette liesse communautaire, il n’a pas éprouvé ce corps qui, après des semaines de privation, renoue avec l’huile et le vin, avec l’agneau gras et tout ce que la terre porte de bon.
C’est le banquet du Royaume au cri de « Christ est ressuscité ! », jusqu’au matin qui est le nouveau matin du monde. On ne peut pas comprendre le Carême sans cette joie pascale, sans cette explosion pascale, sans cette irradiation pascale. Dans cette nuit, au cœur de la ténèbre c’est la lumière qui s’impose, au cœur de la tristesse c’est la joie qui s’impose : la vie triomphe définitivement de la mort.
Dans l’iconographie orientale, le Christ sort du tombeau comme un fiancé, vêtu d’une pourpre de la vengeance : cette nuit-là, Dieu venge l’homme en s’offrant à l’enfer. Et l’enfer découvre qu’il ne peut pas retenir Dieu. Le Carême est un voyage qui nous a préparés à comprendre cela.
Qu’entendez-vous par « voyage » ?
Le Carême est un exode, un pèlerinage. Le judaïsme et l’islam sont des religions à pèlerinage. Moins le christianisme, où ce n’est pas une obligation. Car notre pèlerinage est spirituel : comme nous ne pratiquons plus le pèlerinage comme une obligation, c’est Pâques qui est ce voyage.
Nous allons vers Pâques, qui est le lieu même du passage, l’achèvement de toute chose, la réconciliation de Dieu et de l’homme dans le Christ ressuscité parce que nous acceptons de passer à travers la mort avec lui. La quarantaine de l’Exode et celle du Christ au désert s’articulent parfaitement : dans l’Exode, on va vers la Terre promise et Dieu est au-devant de nous, alors que le Christ part au désert pour descendre au-dedans de lui.
Ce sont là les deux grandes dimensions du Carême : Dieu comme notre horizon et Dieu comme notre tréfonds. Le Carême, c’est donc quarante jours de désert, quarante jours de mort, où nous partons retrouver la vie nouvelle. On se lève et on part, mais on ne sait pas où. Il y a ici une dimension abrahamique : c’est tout le problème de ce voyage qui, comme celui du Fils prodigue, est un retour d’Exil.
On part dans le voyage, mais sans bagage. C’est parce que nous avons accepté de nous lever que nous participons de cette relevaille du monde, de cette re-Création qu’est la Résurrection. Il n’est pas innocent que, dans l’Église primitive, le Carême préparait au baptême. Le sens du baptême est celui de la résurrection : mourir et renaître avec le Christ.
Recueilli par Nicolas SENÈZE
Rédigé par Nikita Krivochéine le 30 Mars 2009 à 10:45
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