"L'Esprit n'est pas seulement là par son action; il nous est uni substantiellement", homélie pour la Pentecôte
Instituée dans la première alliance, par la loi de Moïse, la fête de la Pentecôte – fête de la plénitude – reçoit enfin un sens concret par la venue de l’Esprit Saint sur les apôtres. En effet, le symbolisme du nombre « sept », chiffre de la plénitude, de l’intégrité, était au centre de la Pentecôte de l’ancienne alliance.

De quelle plénitude s’agissait-il ? On ne le savait pas vraiment. L’événement survenu le cinquantième jour après la résurrection du Seigneur Jésus explique en quoi consiste la plénitude du cinquantième jour : c’est la plénitude de la révélation de Dieu aux hommes. C’est la plénitude de la manifestation de l’unique divinité dans son incroyable Trinité de Lumières et de Personnes.

Cette plénitude qu’on célébrait depuis des millénaires sans en savoir le contenu est la révélation de l’Esprit divin, non plus d’une manière cachée, mais cette fois-ci pleinement visible, éblouissante. Elle s’inscrit dans la même perspective que la révélation du Verbe éternel par l’incarnation dans la nature humaine. De même que le Verbe créateur, le Fils du Père invisible, s’est découvert aux hommes en devenant homme ; de même, l’Esprit de Dieu s’est révélé aux hommes en s’unissant à eux d’une manière aussi intime et inséparable qu’un feu s’unit à la matière qu’il embrase.

"L'Esprit n'est pas seulement là par son action; il nous est uni substantiellement", homélie pour la Pentecôte
Ainsi, lorsque Dieu se révèle à nous, ce n’est pas comme une force qui nous est totalement étrangère et extérieure, mais en créant avec nous une alliance, une union, qui manifeste et renforce notre qualité d’image et de ressemblance de la divine Trinité.

L’Esprit divin agit de toute éternité ; il a toujours empli le monde ; il n’a jamais été absent de l’histoire de l’humanité, depuis les premiers instants où l’homme a acquis la conscience de soi-même. Quand il se manifeste le jour de la Pentecôte et descend, tel un feu, sur les apôtres, ce n’est pas pour faire croire qu’il fût absent auparavant, mais pour signifier une intimité nouvelle entre lui et l’humanité, pour inaugurer une étape nouvelle dans la croissance du genre humain désormais apte non seulement à accomplir la volonté de l’Esprit, mais aussi à en être le réceptacle. Avant la Pentecôte de l’Église, l’Esprit s’était manifesté, il avait parlé par les prophètes, il avait accompli des miracles par des saints, il avait inspiré des philosophes et des sages de tout temps, dans toute civilisation. Il était là quand le Verbe prenait chair de la Vierge sainte ; il guidait les apôtres avant et après la résurrection du Seigneur Jésus. Mais maintenant il ne se limite plus à nous guider, mais il vient nous remplir, nous transformer, il s’unit à nous aussi intimement et inséparablement que le Verbe quand il est devenu homme.


Saint Grégoire de Nazianze, le Théologien, a cru dans cette nouvelle révélation de l’Esprit et l’a exposée avec beauté : « L’Esprit a d’abord exercé son action dans les puissances angéliques et célestes, et dans toutes celles qui sont les premières après Dieu et qui sont autour de Dieu {…}. Puis il a agi dans les patriarches et les prophètes {…}. Puis il opère dans les disciples du Christ {…}. Et c’est maintenant la division en langues de feu, ce que nous célébrons. La première manifestation était obscure ; la seconde plus expressive ; celle d’aujourd’hui est plus parfaite : l’Esprit n’est plus seulement là par son action, comme précédemment, mais c’est substantiellement, pourrait-on dire, qu’il est présent aux Apôtres et réside avec eux. Et de fait il convenait, puisque le Fils avait habité parmi nous corporellement, que l’Esprit se manifestât aussi corporellement » (Or 41, 11).

Grâce soit rendue à notre Dieu qui, étant invisible et insaisissable par nature, a trouvé le moyen de se révéler à l’homme qu’il avait façonné à son image et à sa ressemblance.

Homélie prononcée par le père Alexandre (Siniakov), recteur du Séminaire orthodoxe russe - Maison Sainte-Geneviève

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 21 Juin 2021 à 10:33 | -6 commentaire | Permalien



1.Posté par Père Joachim le 13/06/2014 09:14
Pendant cette fête de pentecôte des fondamentalistes ont profané et saccagé près du Mont Sion les très précieuses catacombes où se trouve un oratoire qui remonte aux temps apostoliques.

La tradition rituelle ancienne retient qu'en ce lieu s'est déroulé la première eucharistie en présence de la Très Sainte Mère de Dieu.
Une religieuse très respectée et spécialiste de Terre Sainte du Couvent d'Eleon nous a exposé sur les bases textuelles l'authenticité du lieu.
Cet évènement significatyifs en ces jours saints est particulièrement navrant d'autant que ce n'est pas le premier incident qui se produit dans ce site sacré où cohabitent de hautes traditions religieuses qui devraient se respecter mutuellement de par leur grande proximité spirituelle au delà des fanatismes réducteurs et imbéciles.

2.Posté par Vladimir.G : C''''est qui le barbu ? le 01/07/2014 21:29
Avec prés d'un mois de retard. j'ai trouvé cette brillante explication sur le site, toujours passionnant et vivant, d'Albocicade (lien). Je propose le texte in extenso, mais je ne saurais trop conseiller de se rendre sur le site lui-même: l'article est illustré de magnifiques icône orthodoxes (ce qui montre, d'ailleurs, à quel point les icônes coptes s'en distinguent...) et donne plusieurs liens qui permettent d'approfondir la question.

Citation d'Albocicade:
Tout dernièrement, je reçois d'un ami très cher un mail contenant, après diverses nouvelles, cette question :

"… mais je vais terminer sur une colle : sur l'icône de la Pentecôte qu'est ce que c'est que ce bonhomme barbu qui tient un linge dans lequel on voit des rouleaux... je me souviens avoir posé la question et on m'a répondu c'est "le Cosmos" j'ai essayé de comprendre et je ne comprends pas."

A vrai dire, je pense qu'il me taquine un peu, mais il n'a pas tort : la composition de cette icône (voir billet précédent) est quelque peu curieuse, et je me suis lancé dans une brève recherche, dont je vous livre la substance.

Bien sûr, si l'on se réfère au "Manuel de l'iconographe" (en fait le carnet de note d'un maître fresquiste athonite) publié en 1845 avec de nombreuses notes par Didron, traduction française de Durand (et que j'avais placé sur Archive en 2009), l'icône se présente comme suit (page 205-206) :

Une maison. Les douze apôtres assis en cercle. Au-dessous d'eux, une petite voûte au milieu de laquelle un homme âgé tient à deux mains, devant lui, une nappe dans laquelle il y a douze cartels roulés; il porte une couronne sur la tête. Au-dessus de lui, cette inscription: Le Monde. Dans le haut de la maison, le Saint-Esprit sous la forme d'une colombe; tout autour, une grande lumière. Douze langues de feu s'échappent de cette colombe et se reposent sur chacun des apôtres.

Effectivement donc, c'est le Cosmos, l'univers qui doit recevoir la prédication des apôtres.

Mais est-ce tout ? Didron, qui a copieusement annoté cette description note, en outre :

Dans le catholicon de Chilandari, au mont Athos, on a remplacé le Monde par le prophète Joël. Il est couronné comme nos rois, et il tient sur une nappe douze rouleaux. Son nom est peint près de sa tête, et ne laisse aucun doute. Le prophète Joël, en effet, a dit : «Je répandrai mon esprit sur toute chair, et vos fils et vos filles prophétiseront; vos vieillards auront des songes, vos jeunes gens verront des visions. En ce jour, je verserai mon esprit sur mes serviteurs et sur mes servantes (chap. ii, v. 28 et 29). Voila pourquoi, prophète de la descente du Saint-Esprit, il remplit l'office du Monde a la Pentecôte.

Alors, le prophète Joël, ou le Cosmos ? Et s'il s'agissait d'un personnage "secondaire", dont l'identification et le rôle avait évolué au fil du temps… ce ne serait pas un cas unique.

Par exemple, le personnage en bas à gauche qui fait face à Joseph et que l'on interprète comme "le doute interrogeant Joseph" est à l'origine un des bergers que l'on voit se "déplacer" dans l'icône jusqu'à se trouver à cette place particulière.

Mais cette hypothèse d'un "personnage secondaire" suppose que l'icône de la Pentecôte ait existé sans ce personnage… ce qui est le cas, par exemple cette icône du XIIe siècle, de la Grande Laure à l'Athos.

On se trouve alors dans une composition en demi-cercle, avec une place vide au milieu : celle du Christ enseignant, comme par exemple sur l'icône de la mi-pentecôte, le "Christ à douze ans enseignant les docteurs de la Loi" :

Le Christ enseignant étant, à l'Ascension, élevé à la droite du Père, c'est donc le Saint-Esprit qui enseigne l'Eglise.

L'introduction du personnage du prophète annonçant l'événement allait de soi, comme c'est le cas dans de nombreuses dans de nombreuses fresques (Michée et Isaïe pour la Nativité, Joël ici…). Et comme la seule place disponible se trouvait dans la partie creuse, en bas, c'est là qu'il a été placé (la place du Christ devant rester vide, puisque nul ne peut le remplacer). Puis, si du moins c'est bien dans cet ordre que les choses se sont passées, ce personnage isolé en est venu à représenter "celui" qui devait recevoir le témoignage des apôtres : le monde entier.

Je ne prétends nullement être complet : tout au plus puis-je espérer ne pas avoir écrit de grosse bêtise… On trouvera d'autres explications sur divers sites, par exemple ici, ou là.

En fait, j'aime bien quand on me pose des question : ça m'oblige à chercher un peu...

Fin de citation. Merci Albocicade!

3.Posté par Vladimir G: C''''est qui le barbu ? (suite) le 16/06/2019 10:10
Nouvelle étude érudite d'Albocicade (2018):
Il y a quatre ans, j'avais abordé la question du personnage énigmatique, en bas au centre de l'icône de la Pentecôte : le "Cosmos" (cf. http://cigales-eloquentes.over-blog.com/2014/06/c-est-qui-le-barbu.html).

Cette année, c'est tout à fait inopinément que j'ai croisé des représentations différentes. D'une part (celle qui est en haut) une illustration d'un Lectionnaire syriaque du XIII° siècle (Mardin Syr. 41/2).

Comme je le notais à l'époque, la place en bas n'a pas toujours été tenue par le "vieillard Cosmos". A l'origine, la place est laissé libre (mais dans certaines icônes, cette place est expressément une porte , généralement ouverte) mais on peut aussi y voir le prophète Joël tenant en main sa prophétie.

Et là, dans cette représentation syriaque, la porte est grande ouverte sur les peuples du monde entier à qui les Apôtres doivent annoncer la Bonne nouvelle du Salut. On y reconnaît, par exemple, un cynocéphale, de ce peuple dont est issu St Christophe.

Curieusement, une icône moderne que j'avais vu chez le cher "Moinillon" renouvelle le genre... tout en laissant à l'époque les commentateurs interrogatifs.

Mais c'est sur une fresque qui se trouve, je crois, dans un monastère serbe, que l'on voit d'une certaine manière la "représentation" du Cosmos la plus aboutie : la place est laissée ouverte, ou plus exactement, c'est une ouverture, une fenêtre sur l'extérieur, sur le monde extérieur, sur le "Cosmos"... (sachant que les Peuples de l'Univers sont représentés sur les côtés...)

Belle et sainte Pentecôte à tous.
http://cigales-eloquentes.over-blog.com/2018/05/pentecote-2018.html

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