V. Golovanow

C’est le titre d’un article de Fabrice Deprez, jeune journaliste qui a travaillé en Ukraine, en Russie et dans les pays Baltes et qui tente une synthèse des évènements pour le journal catholique de référence en France "La Croix" (article réservé aux abonnés (1). Mais cet article se révèle en fait très approximatif alors même qu’il sera la référence pour l’opinion française.

UNE APPROXIMATION DE TAILLE

Après avoir rappelé l’élection du métropolite Épiphane (Doumenko), que notre chroniqueur baptise curieusement "I’Epifani", il fait un micro-trottoir: "Avec quelques milliers d’autres Ukrainiens, Constantine a bravé le froid hivernal, samedi 15 décembre, pour se rendre devant la cathédrale Sainte Sophie et assister à la création d’une nouvelle Église orthodoxe ukrainienne. « C’est un événement historique », s’enthousiasme cet électricien venu de la région de Tcherkassy, dans le sud du pays. Une bandelette aux couleurs du drapeau ukrainien noué sur la poitrine, il attend patiemment la confirmation du succès du concile, une journée que « nos enfants étudieront à l’école », assure-t-il."

"Concrètement, explique ensuite très justement Fabrice Deprez, le concile a fusionné l’Église du Patriarcat de Kiev (la plus importante du pays d’après plusieurs sondages) et la minoritaire Église autocéphale, deux organisations religieuses qui n’étaient alors pas reconnues comme canoniques."

Notons là une approximation unanimement reprise dans les media occidentaux: si le pseudo-patriarcat de Kiev (KP) était bien majoritaire dans les sondages généraux, il était clairement minoritaire auprès des fidèles orthodoxes, ne contrôlant guère plus de 5000 paroisses, contre 12 000 pour l’Église Orthodoxes Ukrainienne (EOU, patriarcat de Moscou, qui ne participait pas au Concile) et environ 1000 pour "l’Église autocéphale d’Ukraine" (EAU, très présente aux USA et au Canada où ses Église sœurs ont rejoint le patriarcat de Constantinople.)

UN CONCILE TRÈS POLITIQUE

Le journaliste souligne à juste titre l’intervention des autorités civiles dans le pseudo-concile: le président Porochenko assiste au concile et se félicite de l’apparition d’une Église «sans Poutine, sans Cyrille et sans prière pour l’armée russe». "Un discours aux accents très politique venu rappeler qu’avant d’être un événement religieux, la création d’une Église orthodoxe ukrainienne est vue dans le pays comme une manière de s’affranchir de la tutelle russe" souligne Fabrice Deprez.

Et il donne la parole à un prêtre du KP, Andrii Taschenko, venu de Lviv, province ultra-nationaliste de l’ouest ukrainien, qui faisait partie de l’empire autrichien puis de la Pologne avant 1945. « Cela fait trois cents ans que nous nous battons pour ce moment », dit cet activiste en se référant au rattachement de la métropole de Kiev à l’Église russe en 1686.
"Pour lui, comme pour les fidèles du KP, la création de cette nouvelle Église ne devrait pas changer grand-chose à leur quotidien, écrit le chroniqueur. mais la situation sera différente pour les fidèles du Patriarcat de Moscou : cette Église était jusqu’alors la seule Église canonique du pays."

DEUX ÉGLISES ORTHODOXES SUR UN MÊME TERRITOIRE


"Le métropolite Épiphane s’est voulu rassembleur en assurant que « les portes de notre Église sont ouvertes à tous »," continue le chroniqueur en soulignant que le président Poroshenko a garanti aux fidèles la possibilité de rester au Patriarcat de Moscou, "mais il n’a laissé que peu de doutes sur le fait que la nouvelle Église serait celle qui bénéficierait du soutien des autorités…" Et comme seuls deux évêques sur les 85 que compte l’EOU ont participé au pseudo concile (ils ont été immédiatement destitués et remplacés à la tête de leurs diocèses par le synode de leur Église).il est peu probable que la majorité des fidèles rejoignent la nouvelle juridiction.

L’article note que c’est maintenant Patriarcat de Constantinople de reconnaître canoniquement la nouvelle Église par la remise d’un «Tomos», décret définissant le statut canonique de l’Église. Cette étape est prévue pour le 6 janvier 2019. Mais nous devons souligner que les éléments d’ores et déjà connus de ce statut sont loin de répondre aux attentes des tenant de l’indépendance de l’Église ukrainienne: Constantinople ne reconnaîtrait pas un "patriarcat de Kiev", ni même une Église autocéphale à l’égal des quinze autre Églises qui forment la communion orthodoxe. Il s’agirait tout au plus de revenir à la situation d’avant 1686, quand la métropole de Kiev jouissait d’une autonomie limitée au sein du patriarcat de Constantinople…

En tous les cas, nous arrivons maintenant à cette situation contraire aux canons de deux juridictions orthodoxe sur un même territoire. Il est certains que Porochenko va user de tous les leviers administratifs pour obliger les paroisses de l’EOU à rejoindre la nouvelle juridiction. Des "perquisitions" rappelant les heures sombres du stalinisme ont d’ailleurs déjà commencé (2), mais la situation risque de devenir dramatique si le pouvoir passe à des spoliations de lieux de culte qui rencontrerons une forte résistance des fidèles, comme on l’a vu récemment dans l’ouest du pays.

En conclusion, l’information donnée par les media occidentaux, y compris ceux qui sont censés être les plus objectifs, donnent toujours en fait des informations au mieux incomplètes et souvent biaisées sur la situation dramatique en Ukraine.
L’UKRAINE POSSÈDE UNE NOUVELLE ÉGLISE ORTHODOXE

(1) https://www.la-croix.com/Religion/Orthodoxie/LUkraine-possede-nouvelle-Eglise-orthodoxe-2018-12-16-1200989912
(2) https://www.la-croix.com/Religion/Orthodoxie/Perquisitions-Ukraine-eglises-rattachees-Moscou-2018-12-04-1200987412?fbclid=IwAR12DjRuPGbJKSAPPhwC70MTQhihRmiOcZM7SXXuDvNCwLwmDOdFUeU9LUo

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 18 Décembre 2018 à 12:26 | 13 commentaires | Permalien



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